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lundi 28 septembre 2015

Yves, pêcheur du Golfe (XII) « AVEC LA LÈBRE , TU AS DE LA BIDOCHE ! »

« Yves, tu parlais des loups et des dorades... La dorade, justement, on n’en voit plus beaucoup alors qu’elle rentrait dans les étangs par bancs entiers...
- Si, si, à Sète, ils sont toujours à "quicho-pourrit" (1), au bord du canal, quand elles sortent de Thau, à l’automne... Et en mer, ça revient, figure-toi. L’autre jour, il en a pêché une de 3 kilos et ils foutent des coups de filets avec 50-80-100 kilos. Maintenant, ils prennent aussi du merlan... A l’époque y en avait pas... Et une autre fois, que je te raconte avant d’oublier, ce fut une pêche "monumentale" : on était aux dernières villas de Narbonne-Plage et on voyait les sardines, à 100 mètres, qui poussaient dans la "mélette" (2)... 


- ... Les thons dans le maquereau, les maquereaux dans la sardine, les sardines dans la mélette...
- Et oui, l’éternel recommencement... Enfin, faut le dire vite ! En attendant, on va faire bol ! J’ai calé une maille, j’ai encerclé, on la voyait sauter, dis... On a eu 7,5 tonnes de sardines, et attends, il devait y en avoir le double sinon 20 tonnes mais j’ai levé les plombs pour ne pas crever le filet. Écoute, c’est pas compliqué, à 9 heures le soir, avec le mareyeur, on était encore à charger le camion. Aqui tabe, can sei annat per l’argent, là encore, quand je suis allé encaisser, il m’en a donné 2F 50 du kilo !


- Aujourd’hui, j’ai vu le maquereau à 6,90 euros.
- C’est qu’on mange plus du poisson comme avant, c’est devenu du luxe alors qu’avant les pauvres pouvaient se le payer et je te dis pas par chez nous, tout frais pêché...
- Et oui, quand l’appariteur annonçait Saborit sur la place avec lou bairat (le maquereau) de Las Cabanos !
- Tè, on avait beau dire que la viande était idéale pour les travailleurs de force, seuls les riches en mangeaient souvent... Tiens, tu parles de Fleury... Tu sais que j’étais bien avec Soldeville justement, le boucher... Ero un cassaire, c’était un chasseur et moi aussi j’ai eu chassé quand j’étais jeune aux Cabanes et quand je tuais le lièvre, Isidore, s’appelabo : «Isidore, on fait échange standard...

         - Qu’est-ce que tu me proposes ?
        - Et bé, voilà, je te propose (j’étais maquignon aussi...)... le lièvre il fait 4 kilos contre autant de bidoche !
        - Ça marche qu’il répond le boucher ! Garde-moi les ! Tout ce que tu peux tuer, je prends !
Ma mère était contente « tu as fait une bonne affaire » qu’elle m’a dit... Eh, faut se débrouiller ! Lui, je pouvais y compter. Une fois j’en ai eu trois de lièvres (3) ! Il venait, Isidore, aux Cabanes, il tournait même dans les campagnes...
Il avait une fille, qu’il la couvait comme la prunelle de ses yeux...

(1) littéralement : pressé, serré au point de pourrir comme le fruit du panier qui gâte les autres.
(2) « Meleto, s. f., nom de divers petits poissons de mer qui ont une bande argentée sur les côtés ; argentine, joel athérine.../... PROV. « Per prene un toun, asardo uno meleto. »  Mistral / Trésor du Félibrige.
« melet » peis = sardinelle / « meleta » peis = sprat Dictionnaire occitan-français Arve Cassignac. 
(3) en occitan, "lèbre, lèbro" est du genre féminin. 

Photos autorisées 1. Banc de sardines (wikipédia). 
2. Publicité dessin de Benjamin Rabier. 
3. Le lièvre de la Fontaine toujours de B. Rabier. (si quelqu'un le demande, pour le prix d'un, j'ajoute celui qui est avec la perdrix, plus conforme aux lièvres d'Yves !)

jeudi 24 septembre 2015

Yves pêcheur du golfe / LES TORTUES (X) / Languedoc, Golfe du Lion.

HÔTES RARES ET ÉTONNANTS : LES TORTUES... 
(Le pêcheur du Golfe Xème tableau) 
Le 14 juillet 1949, Yves le pêcheur a directement participé à la prise d’une tortue “avec des dents énormes”, en face de Port-La-Nouvelle. Il ne faut pas s’étonner si des animaux pouvant atteindre 900 kilos ont été décrits périodiquement comme monstrueux (1). Et Yves n’exagère pas plus que Wikipédia :  “... Sur le bec supérieur, on peut observer une pointe médiane très marquée entourée de deux grandes encoches. L'intérieur de la bouche est occupé par une multitude de cônes, utilisés aussi bien pour l'oxygénation que l'alimentation... /... 
... Les tortues n'ayant pas de dents et les méduses étant difficiles à déchiqueter, les scientifiques se sont demandé comment les tortues luth pouvaient s'alimenter avec ces animaux. On a découvert que l'œsophage de la tortue luth, tapissé d'épines, avait pour fonction le dépeçage des proies...”

En un peu plus de quatre siècles, sur les côtes françaises de la Méditerranée, Corse comprise, seules 30 captures ou observations de tortues luth ont laissé une trace. La moitié provient du Golfe du Lion formé surtout de plages sableuses. Le tiers de ces comptes-rendus concerne la portion de côte entre Sète et Palavas-les-Flots. On ne peut rien en déduire, le premier témoignage sur sa présence daterait-il de 1588 ! Est-ce que ce sont des tortues luth traversant l’Atlantique et passant le seuil de Gibraltar ? Sont-elles issues de pontes en Méditerranée, seraient-elles rarissimes ?  
http://www.seaturtle.org/pdf/ocr/OliverG_1986_VieMilieu.pdf
D’après Wikipédia “... De nombreux lieux de ponte autrefois fréquentés par les tortues luth ne le sont presque plus ou plus du tout, comme la Sicile, la Turquie, la Libye ou Israël...”
Il n’empêche que la fréquentation de nos côtes est confirmée :
“... En France, plusieurs espèces de tortues marines peuvent être observées. D'observation très rare en mer, elles sont pourtant observées mortes dans les filets de pêche (Tortue luth plus particulièrement) ou occasionnellement échouées sur nos côtes...”
http://batrachos.free.fr/tortuesaq.htm


Pour la période dont a témoigné Yves (voir les épisodes sur “le pêcheur du Golfe”), les cinq pages de la communication de Guy Oliver font état,  de trois captures :
* Le 17 août 1949, un mâle de 2 mètres et 350 kilos a été pris par la barque “Idéal", appartenant à M. L. Molle, à 6 milles au large de Maguelonne (Hérault) (Harant, 1949). 
* le 9 septembre 1950, une femelle de 2.01 m. et de 350 à 400 kilos a été prise dans les filets à thons de M. Étienne Rossie, au large de La Nouvelle (Aude) (Petit, 1951). 
* Le 21 août 1955, un mâle de 2.14 m. pour environ 300 kilos a été pris encore au large de La Nouvelle (Harant 1956).
 http://www.seaturtle.org/pdf/ocr/OliverG_1986_VieMilieu.pdf

En 1951, le professeur Petit précisait, à propos de la prise d’une tortue luth à La Nouvelle :  : “ en raison de la rareté (...) toute capture avec au minimum l’indication de date, des dimensions de l’animal et du sexe, mérite d’être signalée."  (PETIT G. 1951. Capture d’une tortue luth à La Nouvelle (Aude) Vie Milieu 2 / 154- 155).
La tortue luth est protégée par des conventions internationales, et en France, depuis 1991... En France, justement, la portée de cette protection est malheureusement affaiblie au prétexte que les données sont insuffisantes... Comme s’il ne suffisait pas de convenir que cette alliée contre les méduses contribue au maintien des poissons, en tant que ressource planétaire ! Ah la logique française confinant à la bêtise ! Agaçant, non ?     

(1) le fond des histoires de régalec, ce roi des harengs parfois assimilé au serpent de mer, ou de calmar géant, liées aux soirées arrosées des marins en escale (aussi pour dissuader les concurrents de cingler vers les mêmes destinations), correspond bien à une réalité (voir aussi Jules Verne). 




photos autorisées sous wikipédia & wikimédia commons dont :
2. régalec par Wm Leo Smith. 
3. calmar colossal copyright Citron

samedi 12 septembre 2015

UNE LUTTE ÉPIQUE DES PÊCHEURS DU GOLFE (IX) / Fleury d'Aude en Languedoc

« ... Figure-toi que le 14 juillet 1949, c’est facile à retenir, nous avions quelque chose de lourd, de costaud dans le filet, une masse sombre... Ce ne pouvait être qu’une épave, une périssoire entre deux eaux... Oh ! mais quand on a vu qu’elle se laissait pas faire, la forme mastoc, on s’est demandé ce que ça pouvait être...
Tu peux me croire, d’ailleurs, si je me souviens, Bouscarle a pris la photo... demande à Francis, il doit l’avoir...C’était une tortue noire, mais noire ! Nous étions trois bateaux dont le Troukebek (me souveni pas coumo s’escris), celui de Francis, et neuf hommes en tout ; j’ai plongé pour passer les cordes. Ça a bien bataillé trois heures, par le plus petit bout, pour s’approcher de la jetée de La Nouvelle. Oh ! mais quand elle a vu le bord, elle s’est agitée ; alors on y est monté dessus, à deux... Adieu ! elle nous a envoyés en l’air comme si de rien n’était : on faisait pourtant 80 kilos chacun ! C’est qu’elle avait des dents énormes ! et quatre en plus ! Je ne te dis pas ! 
   Un a dit “Il faut la vendre !” Justement, un forain proposait de la prendre pour l’exposer. Y avait une foule, peut-être des milliers de personnes ! On voulait la tirer vers une rampe de mise à l’eau... Oh ! cinq ou six coups de nageoire et les 60 qui tenaient la corde se sont retrouvés dans le canal !  Enfin, mètre après mètre, on est arrivé à la monter sur le plan incliné. C’était déjà 6 heures du soir et depuis 3 heures, une camionnette était arrivée de l’aquarium de Banyuls... Quelqu’un avait dû téléphoner... Tu aurais vu comme elle a explosé le plateau de la 402 !
Ils l’ont mise dans un bassin, paraît-il... Combien de temps elle a tenu ? C’est qu’il lui fallait 30 à 40 kilos de sardines par jour ! puis la carapace s’est retrouvée à l’entrée de l’aquarium, elle y est peut-être encore... Et nous, on se l’est donnée depuis le matin pour un croustet en guise de repas, c’est tout ce qu’on avait gané !
- Quel dommage, réagis-je en imaginant leurs mines déconfites devant les sandwiches, si j’avais su... nous y étions justement, dans l’embouteillage de Banyuls, il y a quelques jours à peine, de retour d’Espagne par la Côte Vermeille... » 


Nada, à ce jour, de la part de l’aquarium sur la tortue géante : pas un mot, pas une photo de l’entrée, pas le moindre indice !
Il s’agit vraisemblablement d’une variété marine très grosse (les mâles peuvent atteindre 900 kilos !), comme tend à le confirmer, en dépit des silences de Banyuls, ma recherche opiniâtre... en rien comparable, néanmoins, avec la lutte épique des pêcheurs du Golfe avec un chélonien à la bouche dotée, qui plus est, de crochets monstrueux  !  (1) (à suivre)

(1) « T'es sûr, Yves, que tu replonges passer les cordes, maintenant que tu as  vu ce qu'elle avait derrière le gargaillou ? » (pour vous rendre compte l'adresse d'un cliché non libre de droits : https://www.google.fr/search?site=imghp&tbm=isch&source=hp&biw=1366&bih=631&q=tortue+luth&oq=tortue+luth&gs_l=img.3..0l10.4947.7901.0.9075.11.11.0.0.0.0.293.1738.2-7.7.0....0...1.1.64.img..4.7.1736.OHoXaxihl4w#tbm=isch&q=tortue+luth+dents 
et pour voir les autres  :
https://www.google.fr/search?site=imghp&tbm=isch&source=hp&biw=1366&bih=631&q=tortue+luth&oq=tortue+luth&gs_l=img.3..0l10.4947.7901.0.9075.11.11.0.0.0.0.293.1738.2-7.7.0....0...1.1.64.img..4.7.1736.OHoXaxihl4w#q=tortue+luth+dents&tbm=isch&tbas=0
 
photos autorisées : 1. cheloniaphilie / http://www.image-gratuite.com/ 2. flickr.com