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dimanche 29 octobre 2023

Encore DAUDET Alphonse... sur la Camargue, pour toujours.

Qui essaie de cultiver un art se nourrit de tout ce qui s'est fait avant lui comme un arbre se nourrit des couches de feuilles mortes des saisons passées sans lesquelles il lui serait impossible de pousser...

Arles 2016 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Chensiyuan

Arles est à l’entrée du delta, sur le bras principal du fleuve alors que le Petit Rhône, lui, en amont de la ville, est déjà parti divaguer vers l’ouest, vers Saint-Gilles. Dans sa  lettre ” « En Camargue », Alphonse Daudet nous livre quelques impressions liées au delta d’un temps où le vapeur assurait le service dès le matin :

«... Avec la triple vitesse du Rhône, de l’hélice, du mistral, les deux rivages se déroulent. d’un côté c’est la Crau, une plaine aride, pierreuse. de l’autre, la Camargue, plus verte, qui prolonge jusqu’à la mer son herbe courte et ses marais pleins de roseaux... /... 

Camargue 2017 Creative Commons Attribution 2.0 Generic Author Jac. Janssen from Baarlo lb. NL


Saladelles de l'Étang de Vendres 2016

Les terres cultivées dépassées, nous voici en pleine Camargue sauvage. À perte de vue, parmi les pâturages, des marais, des roubines, luisent dans les salicornes. Des bouquets de tamaris et de roseaux font des îlots comme sur un mer calme. pas d'arbres hauts. L'aspect uni, immense, de la plaine, n'est pas troublé... /... Comme de la mer unie malgré ses vagues, il se dégage de cette plaine un sentiment de solitude, d'immensité, accru encore par le mistral qui souffle sans relâche, sans obstacle, et qui, de son haleine puissante, semble aplanir, agrandir le paysage. Tout se courbe devant lui. Les moindres arbustes gardent l'empreinte de son passage, en restent tordus, couchés vers le sud dans l'attitude d'une fuite perpétuelle... »

Et sur le Vaccarès, l’étang le plus grand et le plus emblématique de la Camargue :

«... le Vaccarès, sur son rivage un peu haut, tout vert d’herbe fine, veloutée, étale une flore originale et charmante : des centaurées, des trèfles d’eau, des gentianes, et ces jolies saladelles bleues en hiver, rouges en été, qui transforment leur couleur au changement d’atmosphère, et dans une floraison ininterrompue marquent les saisons de leurs tons divers... »  

Étang_de_Vaccarès martelhières 1964 Creative Commons Attribution 2.0 Generic Author Dr Mary Gillham Archive Project

Va pour les centaurées, les gentianes maritimes mais pour les saladelles, monsieur Daudet, vos détails ne peuvent que laisser interdit un natif du delta (serait-ce celui de l’Aude) : même pour la variante audoise de la saladelle (limonium narbonense) la couleur varie du bleu au mauve pour une floraison en fin d’été ! Alors seuls des Parisiens peuvent se pâmer en imaginant des saladelles rouges, en été qui plus est ! 

S’il s’agit peut-être d’une confusion avec les salicornes qui rougissent mais en hiver, ce qui est sûr est qu’Alphonse Daudet, aspiré par la capitale (nous parlions de Pergaud, dernièrement, monté lui aussi à Paris), ne peut éviter l’écueil du détail inexact !
S’il a su parler néanmoins de Nîmes, de la Provence rhodanienne, parce qu’il y a passé les neuf premières années de sa vie (et peut-être trois ans comme répétiteur au collège d’Alès après la ruine de son père alors que la famille était installée à Lyon), il n’est plus du Midi... les dernières lignes des Lettres de mon Moulin en attestent :

«... Et moi, couché dans l’herbe, malade de nostalgie, je crois voir, au bruit du tambour qui s’éloigne, tout mon Paris défiler entre les pins...
Ah ! Paris... Paris !... Toujours Paris ! »

Si l’erreur est humaine, perseverare diabolicum se doit-on d’ajouter même si, pour tout ce qu’il a su offrir de beau, notamment dans ces Lettres de mon Moulin, on ne peut que pardonner. Vivre c'est aimer. Merci, monsieur Daudet ! 

mercredi 26 août 2020

L’ÉTÉ SUR LA DUNE EST BIEN INQUIET (suite) / Fleury-d'Aude en Languedoc

"... Mais la dernière des fées cherche sa baguette magique
Mon ami, le ruisseau dort dans une bouteille en plastique
Les saisons se sont arrêtées aux pieds des arbres synthétiques
Il n'y a plus que moi..." Francis Cabrel.


  Pas de mateur, pas d'amateurs. Je n'ai rien vu sinon les oyats, les yuccas fleuris, les centaurées et quelques lis de mer dont la beauté surprenante réjouit l'âme. Et derrière, parallèle à la côte, précédant la sansouire de salicornes piquée de ci de là des bouquets mauves des saladelles, le canal antichars des Allemands pour prévenir un débarquement, toujours pas enseveli sous le sable, toujours en eau. Derrière encore, la mer verte des pampres sur ce plan incliné d'alluvions si favorable à la vigne que les "châteaux" et campagnes, piquetés sur le piémont crétacé de la Clape se sont bien gardé d'empiéter.   
 
"Je vis dans une maison sans balcon, sans toiture
Où y a même pas d'abeilles sur les pots de confiture
Y a même pas d'oiseaux, même pas la nature
C'est même pas une maison..." Francis Cabrel. 

Encore cette chanson de Cabrel "Répondez-moi". Est-ce un hasard ? Déjà en 1981, il relevait le non-sens qu'il y a à s'entasser dans les "cages à lapins" des villes. Et si sa vision en est poétiquement éthérée, lui dont le cœur
"... rêvait de champs d'étoiles et de pluie de jonquilles
Pour s'abriter aux épaules des filles..."

elle implique la nature, l'humain mourant parce qu'il se coupe de cette vie naturelle. Aujourd'hui, ce qui a rajouté au malaise est que la nature, la planète se meurent aussi par la faute de l'homme !

Mais pourquoi, plutôt que de se cantonner à une réserve cauteleuse, ne défend-on pas ceux qui ont une vision d'avance, ces chamans, ces druides et sorciers, ces lanceurs d'alerte ? Non, on les laisse écraser par les intérêts en jeu, le fric à court terme et notre complicité à laisser faire alors que les nécromants porteurs de mort sont ceux qui, mensongèrement, ne veulent rien voir et qui, par leur position, influent viralement sur la passivité des veaux (De Gaulle), ces adeptes sectaires de la messe chloroformée du vingt heures à la télé d’État ! Je pense à Claude Allègre (et à Trump dans sa lignée)... comme quoi il ne suffit pas d'être ministre et socialiste pour être intelligent !
Ouf ! c'est fou ce qui passe par la tête s'il n'y a pas un joli cul à voir dans les dunes ! Oh pardon, ça m'a échappé ! La dune justement, moins large, moins haute, elle inquiète. Sans tamaris, à peine un olivier de Bohême... Est-ce à tort ? Ne suis-je pas allé assez loin ? Plus loin encore me reviennent les vers de Maurice Puel, le poète de Vias, mon professeur de français-latin en 1963... (à suivre) 

mercredi 22 mars 2017

LE MONDE NE DEVRAIT ÊTRE QUE CHANSON ET MUSIQUE... (5) / ratés existentiels

Un avion l’emporte vers « la fille qui l’accompagne » et leur fils, loin d’un passé qui le rattrapait et qui, parce que les circonstances sont très particulières, continue de lui coller aux basques. 

Les saladelles, symptômes ô combien lancinants de cette langueur méridionale, de cette nostalgie plus saudada portugaise, plutôt añoranza ibère, mâle, rauque, cambrée, arquée sur l’être qui manque, plus couteau dans la plaie que proche du mal à vivre des spleens nordiques. Ce mal insidieux, instillé par des rafales folles, qui déboussole, fait perdre la raison, ronge jusqu’à détruire à force de colères, de révoltes, ferments d’autant de folies, passagères des vents fougueux que le ventre chaud de la mer attire. Le caractère des Languedociens s’en ressent, c’est sûr.   
Sous les trains de nuages qui courent vers le Golfe, les saladelles, en faisceaux, en réseaux de tiges s’accommodent du Cers furieux passant à travers. L’été passé, il s’est interdit de penser, tant il se trouvait ridicule, en s’arrêtant, pour des photos, à ces mêmes tamaris qui le virent arriver jadis. Pourquoi revenir sur ces pages de vie si ancienne ? Il venait alors conter fleurette à la fille du régisseur d’un domaine qu’il avait connue en embouteillant  du gris de gris. Lydie, elle s’appelait. Elle avait le chic pour coller les étiquettes bien droit. Elle ne pouvait guère rester plus d’une demi-heure. Si quelques bribes de mémoire lui sont revenues en chargeant les photos, le déclic des vendangeuses revient en analepse sur le lycéen qu’il fut. Les tamaris sont témoins de baisers seulement : c’est vrai qu’elle ne lui laissa pas caresser ses seins, le jour où il essaya de les toucher, effleurant seulement, pour être moins bête, comme disaient les copains, et surtout pour contredire sa stratégie de chevalier servant ne valant pas tripette si rien ne transcendait la rencontre. Il aurait dû lui chanter :

«... Ma mignonne mignonnette, emmène-moi dans ton lit ! couche-moi dans ta couchette : il doit faire bon dans ton nid. J’ai tellement voyagé, j’ai tellement connu de dames. Je suis très très fatigué... Tu apaiseras mon âme  Chante chante rossignol trois couplets en espagnol, tout le reste en anglais... » 

https://www.youtube.com/watch?v=k0ii2LoVXQ4 « Le rossignol anglais » Hugues Aufray. 1965. 


Elle lui tapa la main d'une claque catégorique. Le platonique ne mène à rien. Les remords valent mieux que les regrets. Au fait, au cinquième soir, quand elle lui dit qu’elle ne viendrait plus, il en conclut que finalement, une sainte nitouche aux petits seins ne valait pas, après la journée de vendanges, dix-huit kilomètres à vélo, même en fredonnant pour elle, pédalage aidant « Les filles sont jolies quand le printemps revient... »

https://www.youtube.com/watch?v=-mR4h0-4H88 « Dès que le printemps revient » H. Aufray (Scopitone ! 1964)

Elle devait rejoindre sa pension. Ils échangèrent quelques lettres, amicales, sans plus, jusqu’à celle qui parlait du garçon rencontré à la fête du village. Vexé, défait de devoir encore endosser le rôle de confident transi, il ne répondit pas. Le fil était coupé. Cette quatrième ou cinquième et ultime lettre doit être rangée dans la boîte à biscuits.
Poursuivra-t-il pour autant cette introspection intime ? Rien n’est moins sûr.  
 

Une ligne droite dans le sable, la frontière du Soudan. Les premières lueurs vont bientôt fondre sur Harar, loin au levant, sur l’aventurier trafiquant qui ne veut plus savoir quel grand poète il fut. Sur l’Erta Alé aussi, naissance d’un nouveau monde. 

Une autre campagne, (est-ce un camping aujourd’hui ?) porte ce nom de « Domaine du Nouveau Monde », avec ses vignes des sables, au pays des roselières et des saladelles bleues. Pour dire que ce lido, le rattachement de l’île de la Clape sont dus au travail obstiné de l’Aude dans son delta originel. Fleuve bien né, de la race des grands, en toute modestie petit frère du Rhône au Nord, de l'Èbre plus au Sud. 


Les saladelles, appelées aussi et ce, sans aucun lien entre espèces de fleurs,  "lavandes de mer", "immortelles bleues", porteraient-elles aussi, dans les terres gagnées par l’Aude, le nom de « vendangeuses » ? Les siennes de « vendangeuses », il les associe aux filles du Sud. Miréio l’Arlésienne, partie aux Saintes-Maries-de -la-Mer prier qu’on lui laisse Vincens son amoureux. C’est dans la sansouire aux saladelles que l’insolation va la mener à la mort. Bien sûr, le delta de l’Aude n’est pas celui du Rhône ni celui du Pô, mais entre les villages et les grands domaines, tant d’histoires d’amour ont dû fleurir aussi ! Et avec un brin d’imagination, il s’approprie la Camargue de Magali.

https://www.youtube.com/watch?v=ScccxoEgF2U / Magali / Robert Nyel 1962.

«... Qu’est-ce qui t’a pris de t’en aller pour le pays de nulle part, parce qu’un gitan t’a regardée en faisant chanter sa guitare ? ».. Et le soleil, allié des souffles puissants, si dangereux «...E lou souleu de la Camargo mi fa tan mau au foun d'au cor... Sous le soleil de la Provence ma tête est prête à éclater... ».