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vendredi 5 avril 2024

Marcel Scipion (1922-2013) / 2. La Montagne se meurt.


« Si vous mangez le pain blanc avant le pain noir c'est difficile d'y revenir ».

Serre_de_Montdenier, le pays de Scipion, vu_de_Majastres 2013 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Sébastien Thébault

Les hameaux déchus de la montagne enrichissent la plaine comme la Durance enrichit la Crau. Les petits-fils auront-ils seulement à cœur de s’intéresser à la vie des leurs, avant ? Les descendants ne reviennent plus. Ce serait difficile de revenir en arrière ; si la ferme a l'électricité, l'eau provient d'une source... il n'y a pas de toilettes pas de salle de bains. 

Son hameau de Vénascle, à 950 mètres d’altitude, a été colonisé par les Belges. Son voisin qui ne vient jamais a acheté 800 hectares... 

Comme c'est le cas concernant nos vignerons du Midi, il tient à redresser un a priori tenace sur ces « fainéants » de méridionaux, qui, à partir de dix heures, discutent en groupes, ou jouent aux boules en buvant le pastis. Conçoivent-ils qu'en plein été, si la journée de travail commence à 4 heures, vers 11 heures, la journée dite “ de longue ” ou coupée en attendant que passe le gros de la chaleur, est loin de faire d'eux des oisifs ? 

Les Parisiens pourtant, tout comme chez nous les touristes en général, à l'exception de quelques énergumènes, Scipion ne leur fait pas mauvaise figure, plein de pitié qu'il est pour ceux qui vivent dans la capitale. Mais lui ne se trouve pas bien à Paris. 
« Il faut savoir ce que l'on aime... » La Montagne, J. Ferrat, 1967. 

On monte chez les rares paysans qui restent. 
Une fois, des randonneurs s'exclament : 

« Regarde, il la prend par derrière ! 
— Et comment voulez-vous qu'il fasse, réagit Scipion, à propos du bélier dans ce que les gênes ont commandé à la bête de faire. » 
Les échanges profitent à tous ; il leur vend du miel, ils sont contents, cela lui a donné des contacts avec toutes sortes de gens, même hauts placés. 

Haute vallée_de_l'Ubaye,_Maurin, hameau de Maljasset, 2013 the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Anabase4

Plus gravement, Marcel Scipion s’inquiète de la montagne qui se meurt, des gouvernants qui laissent faire. « La vallée de l'Ubaye je n'y étais plus allé depuis vingt ans, les hameaux abandonnés, les maisons, quelques estivants de Marseille et d'ailleurs. Faut l'aider, la montagne, permettre de vivre de la terre, la montagne réservoir de produits naturels qui permettraient aux hommes des villes, anémiés, détraqués, de se remettre. Faut un certain courage à vivre là. Il faut des paysans mais instruits c'est mieux. Le député est un avocat, les élus ne sont pas des ruraux... il faut que les agriculteurs s'impliquent parce qu'ils savent... restructurer, aménager la montagne... (pardon pour les répétitions mais c'est de l'oral retranscrit). 

Un demi-siècle en arrière, rien que pour la montagne, Scipion n'aurait pu se figurer la perte des prairies, des fleurs sauvages, les dégâts induits par la suppression des haies et bocages... Ah ! le remembrement, une sacrée bonne idée ! Et pour ses abeilles, pouvait-il anticiper le varroa, le frelon asiatique, tout ce que le mondialisme apporte de “ si bon ” et ce, de plus en plus...  

Cette prise de conscience ne date pas d'hier. Il y a bien cinquante ans qu'elle s'est formée. Avec le témoignage de Scipion, l’inquiétude dépasse ce qui n’était qu’extravagance de nantis au début, et qui, petit à petit est devenu une obligation sans quoi nous allons à une catastrophe de plus en plus annoncée. Opposants systémiques, ne racontez pas d'histoires, la nature n'opère pas d'elle-même des changements aussi rapides et brutaux ! 

Pelotes de chanvre filées en 1826, musée de St-Paul-sur-Ubaye 2006 the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International license Auteur JYB Devot

De timide, le changement de cap devrait se préciser avec moins de bagnole, moins de produits venus de l'autre bout du monde. Fichtre, des fraises du Chili en décembre ! surréaliste ! Plus de proximité, finie l'obsolescence programmée (un moyen de museler un capitalisme aussi fou que meurtrier). 

Cinquante ans ont passé... S'il faut en arriver à un siècle de tergiversations, ce n'est plus la peine, c'est foutu...  

mercredi 3 avril 2024

Marcel Scipion (1922-2013) / 1. Abeilles et Abeille sauvage.

Un paysage sans légende reste presque muet. Une des combines pour le faire parler, chanter jusqu'à prendre vie, est d’en laisser le soin aux peintres, aux musiciens, aux artistes et plus spécialement, parce qu’ils sont plus abordables, aux écrivains du cru. Avec Daudet, Mistral, Artaud, d’Arbaud, Bosco, Giono, Char, Pagnol, Arène... pardon de ne pouvoir aller plus loin, Scipion a pris sa part en faveur de sa Haute-Provence, à cheval entre les climats méditerranéens et alpins.

À parler de Marcel Scipion, ici, une interprétation prenant quelques libertés avec Radioscopie de Jacques Chancel (1928-2014), émission du 2 février 1978. Et si, par hasard, nous fredonnions, il y a peu « Il est né parmi les abeilles, un bel enfant de miel et d'orgeat... », ce même hasard vient nous rappeler la montagne en deuil avec les os retrouvés de ce pauvre pitchoun de deux ans ½... au pays de l'avion sacrifié par un copilote suicidaire...    

Lavandula_fields the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Neptuul

En hiver, Marcel Scipion et son troupeau sont au bord de la mer (il va vers Fréjus), puis dans le printemps de Provence ; dans les lavandes avant l’invasion des touristes (pas encore chinois ou japonais, venus de si loin...), puis la Haute-Provence, la montagne, les près des Pré et Alpes tout court, en transhumance avant le 14 juillet justement, avant le grand tralala des vacanciers : il était berger de moutons, il est (présent de narration) berger d’abeilles pour une apiculture pastorale jusqu'à Gap, Briançon.

ABEILLES et ABEILLE SAUVAGE..
Il dit  « l’abeille a deux bouts dont un pique », il suffit de la prendre par le bon bout. Lui, ses semblables, il les prend par le bon bout, celui qui ne pique pas. D’ailleurs, lui ne pique par aucun des deux bouts, tel l’abeille sauvage ; comme elle, il résiste seul, ce fut le cas pour son année de soins, en 1975, suite à un accident avec le camion rempli de ruches, là encore il ne lui est pas venue l’idée de piquer, pas même le destin ; au contraire, il loue les rencontres qui le tirent de l’isolement, de l’épreuve à assumer seul ; il est apprécié, on ne va pas le laisser tomber, on va l'aider à résister ; une amie auteure l’incite alors à écrire tout ce qu’il aime raconter, une seconde professeure de français aussi, contribue à faire éclore un livre de vie et de bonheur « Le Clos du Roi ». 
 
Bombus_terrestris_queen_-_Tilia_cordata_-_Keila Estonia 2016 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Ivar Leidus

Comme l’abeille sauvage qui visite tant de fleurs, mais contrairement à elle qui ne fait pas de miel, Marcel pollinise en chacun de nous, l’envie d’une vie simple, propre, libre. Les moutons aussi, il a gardé, avec sa chienne Finette et deux musettes dont celle pour les livres... oh ! prêtés du presbytère sinon loués, parce qu’achetés, c’était cher. Il n'empêche, Chancel relève que le Certificat d'Études mène à la littérature... 

À travers les croyances, le radiesthésiste qui lui retrouve le troupeau, le sourcier qui trouve l’eau, les remèdes de grand-mère, le docteur qu’il fallait quérir à pied (il venait à cheval mais descendait au-dessus du précipice et ne passait qu’en s’accrochant à la queue de l’animal que les autres tiraient) avec les histoires de bergers, la vie en 35-36, les efforts à fournir, si positifs tant que la santé y est, le plaisir du pain cuit au four, du sucre dans le café, du chocolat pas souvent, d'un bout de viande au gril, moins souvent encore, plutôt réservée aux malades), c’est toute une vie pastorale, champêtre, libre avant toute chose. Une liberté pouvant s'évaluer : « J'ai vu l'Afrique, la liberté je la trouve avec mes abeilles dans les contrées où je mène mes abeilles, dans le calme de la Haute-Provence ».

À suivre l’entretien (radioscopie du 2 février 1978) avec Jacques Chancel, Scipion relève déjà les penchants négatifs de notre espèce : l’Homme (1) jamais content, les routes toujours plus couvrantes pour les touristes, alors qu'elles devraient l'être avant tout pour le sel des moutons, le ravitaillement des bergers... Il dit que les gens qui descendent dans les villes pour gagner, perdent plutôt bien des valeurs. Les hameaux déchus de la montagne enrichissent la plaine comme la Durance enrichit la Crau. Les petits-fils auront-ils seulement à cœur de s’intéresser à la vie des leurs, avant ? Les descendants ne reviennent plus. Ce serait difficile de revenir en arrière ; si la ferme a l'électricité, l'eau provient d'une source... il n'y a pas de toilettes, pas de salle de bains. 

« Si vous mangez le pain blanc avant le pain noir c'est difficile d'y revenir (2) ». 

Son hameau de Vénascle, à 950 mètres d’altitude, a été colonisé par les Belges. Son voisin qui ne vient jamais a acheté 800 hectares... (à suivre)

(1) Avec la majuscule, la Femme se retrouve impliquée... 
(2) c'est dit en 1978, de nos jours le propos serait pour le moins, plus nuancé.

 

jeudi 24 novembre 2022

Une VIRÉE au PAS-de-la-CASE

Pays de Salt Roquefeuil_Espezel_Belvis Auteur Jcb-caz-11 licenceCreative CommonsAttribution-Share Alike 4.0 International.

Dans l'environnement voisin du département, en direction du Sud, on se retrouve vite en Espagne, juste derrière la chaîne des Pyrénées. Parfois c'est seulement l'occasion d'une escapade touristique par la Côte Vermeille, souvent le but est d'aller acheter à la frontière où les prix sont moindres. Au Perthus, les acheteurs font des affaires ; l'autre destination est la principauté d'Andorre. Si seulement l'agrément des paysages comptait autant, le trajet pour le Pas-de-la-Case est des plus dépaysants. Depuis Fleury, en voiture particulière et à condition de partir tôt le matin, la route des Corbières, Quillan, le Plateau de Sault permettent de rejoindre la vallée de l'Ariège et, par Ax, de monter en Andorre ; elle fait passer de la Méditerranée à la montagne, des vignes aux sapins, aux champs de patates, au plaisir exotique des vaches au pré et enfin aux rocailles de la haute montagne. Plus direct et rapide, l'itinéraire par Carcassonne-Pamiers-Foix-Ax est plus adapté s'il s'agit de faire des achats, en voiture particulière ou en bus pour un voyage organisé. L'accès au Pas-de-la-Case a été bloqué vingt jours, entre avril et mai 2019 à cause d'un éboulement... il est logique de penser qu'en hiver, à 2000 mètres d'altitude, la neige puisse fermer le passage...   

Dans ces années que les moins de cinquante ans ne peuvent pas connaître, avec le tabac et l'alcool, le principal motif reste la nourriture : beurre, sucre, charcuteries... Et les stations de ski s'offrent aux amateurs qui peuvent se le permettre. 

De nos jours, l'intérêt pour remplir le frigo ayant bien diminué (et L'Espagne étant plus accessible et plus intéressante), on va en Andorre principalement pour les cigarettes et l'alcool, pour des vêtements, chaussures, lunettes, équipements de ski et de sports divers... les habitués me corrigeront vu qu'il y a bien dix ans que je n'y suis allé, que le 22 juillet 2022 cela a fait vingt ans que j'ai arrêté la cigarette, que le pastis, c'est surtout s'il y a quelqu'un et que je n'ai à déclarer qu'une averse de neige un 5 ou 6 août de je ne sais plus quelle année...     

Pas-de_la_case licenceCreative CommonsAttribution-Share Alike 2.0 France. Auteur Cevenol2

Si vous envisagez d'y aller, ci-dessous, les quantités autorisées en douane, par personne (à diviser par 2 pour les mineurs exceptés l'alcool et le tabac qui ne leur sont pas autorisés) : 

Par personne 1 kg café ou 400g de soluble, 200g thé, 1,5 litre de pastis, 300 cigarettes ou 150 petits cigarillos ou 75 cigares, 75 g de parfum, 900 euros d'achats autres, 300€ d'achats pour les autres productions agricoles sans dépasser 2,5 kg de lait en poudre, 3 kilos de lait concentré, 6 l de lait frais, 1 kilo de beurre, 4 kilos de fromage, 5 kilos de sucre ou sucreries ou 5 kilos de viande. 

Les visiteurs qui dépassent les quantités autorisées s'exposent au paiement de la TVA s'ils déclarent et certainement d'une amende s'ils sont pris à passer en fraude. 

En amont de cet article, un reportage est passé à la télé sur le retour d'Andorre : des milliers d'euros d'amende pour trop de parfums, les douaniers qui courent en vain derrière des passeurs qui grimpent (ils ont fait mine de les poursuivre pour donner une image positive vu qu'ils étaient filmés... l'un des passeurs s'est quand même débarrassé de son ballot de cartouches sanglé avec du plastique collant en forme de sac à dos).  

Alors que la TVA est en moyenne de 20 % en Europe, l'Andorre attire avec son taux à 4,5 % (la part de ce commerce représente le 1/4 des entrées pour la principauté / une taxation de 10 % des bénéfices ayant ou devant changer cette situation). 

Au-dessus du_Pas_de_la_Case_-_panoramio Auteur Gilles Guillamot Creative CommonsAttribution-Share Alike 3.0 Unported.

Quand la cartouche du " chameau " ou du " cow-boy " vaut 36 euros en Andorre, il en coûte 56 en Espagne et 110 € en France, ce qui ne peut que stimuler une contrebande en plus du trafic international à l'arrivée des avions et, plus dangereux lui, celui des conteneurs dans les ports de commerce. 

Une loi prévoyait un prix qui ne pourrait pas être de plus de 35 % moins cher qu'en France et en Espagne, ce qui donnerait 71,5 euros par rapport au prix français, or les 36 euros correspondent, me semble-t-il à une différence de 35 % avec l'Espagne... le trafic peut se poursuivre avec, en corollaire, l'exploitation d'humains, tels ces mules quand on évoque la drogue. En septembre 2018, suite aux indications d'un randonneur, les autorités ont récupéré 150 cartouches cachées dans un orri, un des nombreux abris de bergers, côté français du Port de Rat (à l'autre bout de la frontière franco-andorrane). Toujours en 2018, en novembre, un passeur, "a priori originaire d'Afrique du nord" a été retrouvé inanimé à cause du froid. A l'hôpital il n'a pas été possible de le ramener à la vie. Sur place, le ratissage a permis de mettre la main sur une centaine de cartouches tandis que d'autres "contrebandiers" ont fui pour se réfugier en Andorre.  

Concernant la nécessité de devenir raisonnables, notons que la réalisation d'un aéroport de l'autre côté du Port d'Envalira a été abandonnée, de même qu'une jonction entre les domaines skiables de Granvalira et Porté-Puymorens. Vu la nouvelle crise de l'énergie et le changement climatique qui se confirme, on ne va pas s'en offusquer. 

Pour conclure, alors qu'avec l'hiver et la nécessité d'équiper son véhicule en montagne, du 1er novembre au 31 mars, ce qui constitue un surplus pour quelqu'un de la plaine, plutôt parler de l'Andorre pour ces étapes cyclistes spectaculaires du Tour de France ou de la Vuelta... en dépit de tous les signes de dopage...  


dimanche 13 février 2022

LE POUMAÏROL (13) Passage dangereux pour les mineurs !

Pour couper aux restrictions liées au covid, deux copains se sont mis d'accord pour une petite virée pas loin et pourtant dans une contrée à la vie rude, dans la Montagne Noire sauvage, à l'écart de l'axe Mazamet-Carcassonne. 
Depuis Narbonne, en passant par Minerve, ils ont suivi le cours étonnant de la Cesse avant de monter vers le Plateau du Poumaïrol.  
"ATTENTION : ces individus ne souhaitent pas révéler leurs visages, nous les avons appelés Serge et Roger ; sur quelques lignes, ils se laissent aller à un certain vocabulaire réservé aux adultes et pas encore à une jeunesse chaste, innocente et fragile... du moins, c'est ce qu'on croit.  
Roger : avec plus d'eau, des conditions idéales pour une forêt dense, même si elle est cultivée depuis longtemps. Beaucoup de petites industries du verre dans le coin ; il en fallait du bois ! 
 
Les Verreries-de-Moussans Eglise St-Thomas wikimedia commons Author Fagairolles 34
 

Serge : et oui, les Verreries-de-Moussan... Dire que j'y suis monté en bonne compagnie à l'arrière de la 203 du copain lui aussi en couple ! 
 
Roger : hééééé tu n'en avais jamais parlé ! 
 
Serge : et oui, à propos d'amour, on ne dit jamais tout... 
 
Roger : ou l'inverse : on en dit trop quitte à en rajouter... sauf pour nous qui avons dépassé ce plafond de verre depuis longtemps ! 
 
Serge : le printemps débutait à peine... chacun dans une chambre de la maison inoccupée, de sa grand-mère, sauf l'été. Du concret, pas le virtuel des filles du Poumaïrol ! Pas même le souvenir d'avoir eu froid !

Roger : tu vas bien, c'est loin derrière nous... Être ou avoir été...
 
Serge : et oui, bien cinquante ans en arrière ! 
 
Roger : c'est sûr que tu n'as pas regardé les châtaigniers, les hêtres, les épicéas, les pins et les séquoias ! tu ne t'es pas demandé pourquoi la forêt était si dense, seule comptait la gonzesse qui avait tout pour plaire ! Qu'est-ce que ça a donné ? 
 
Serge : ah ! m'en parle pas... du plaisir, on s'aimait... c'était avec mon ex... Hélas, ces deux lettres suffisent pour connaître la suite... Que la vie passe vite quand même... 
 
Roger : ne nous plaignons pas, nous n'avons pas connu la guerre ! quel reproche injuste, définitif, trop commode de la part des parents qui n'ont pas d'autre argument ! Dans ce coin, pourtant, des familles gardent en mémoire des faits plus tragiques. On laisse à droite la route du col de Serières qui redescend, justement, vers les Verreries-de-Moussan... Dis, avec ou sans protection l'amour des années 60 ? 
 
Serge : tu es bien indiscret, animal ! Sans si tu veux savoir... Je te renvoie à la chanson de Stromae qui a fait beaucoup de bien dans la psychologie machiste, question pureté ou impureté de la femme... "Rendez-vous aux prochaines règles..." : au moins nous savions qu'elles nous protégeaient, enfin, je n'en sais pas plus, on ne savait rien, les tabous et non-dits empêchaient tout... Je n'ai retenu que ça, comme pour les paroles de Stromae, le leitmotiv, sans rien chercher le sens profond du morceau... Il fait déjà partie des chanteurs qui comptent, une classe au moins au dessus... Hé ! ne raconte pas tout dans tes articles, attends d'écrire un jour des pages olé olé pour les plus de dix-huit ans... 
 
Roger : Holà ! il faut être connu pour se le permettre ! La Fontaine, Apollinaire, Miller, le seul que j'ai lu... tu vois, je ne suis pas initié...
 
Serge : c'est que dans ce domaine, la théorie peut venir après la pratique... Gare-toi un moment qu'on ne capte pas partout par ici...   
 
Roger : tu as de la chance ! Là on peut stationner, il y a un point de vue... et puis allume mon bidule, mon module, enfin mon capteur que je ne sais plus comment ça s'appelle !
 
Serge : bon, c'est encore sur Wikipedia que les références sont les plus complètes. la littérature érotique et même porno a existé de tous temps et je te dis pas les illustrations, de même que la libido des religieux des deux sexes !  Ah ! Kessel, "Belle de Jour", Léautaud, je ne savais pas, et Aragon dis, "Le con d'Irène" ! Virginie Despentes "Baise-moi" ! fallait oser !
 
Roger : et cette femme, devenue chroniqueuse, attention, pas commode, agressive, qui donne pas envie... son nom m'échappe... 
 
Serge : je la cherchais aussi : elle est marquée dans les autobiographies, ça y est, je l'ai : "La vie sexuelle de Catherine M.", Catherine Millet ! 
 

 
Roger : oui, c'est ça ! je suis d'une inculture crasse... On va le voir ce point de vue, manière de se laver l'esprit de ces pulsions lubriques ? J'y suis monté en été, dans les bruyères fleuries, un temps frais avec une brume étonnante, si près de la Méditerranée. Dans le vallon en dessous, le ruisseau, la Cesse, je l'ignorais à l'époque. Tu as regardé la carte ? le Roc Suzadou ça s'appelle, dans les sept-cents mètres à quicon proché (à quelque chose près)... 
 
 
Serge : oui, j'ai vu, ensuite ça grimpe encore mais dans deux ou trois kilomètres, ce sera le plateau du Poumaïrol d'où les filles fraîches descendaient pour les vendanges, les pommes, les châtaignes en remontant, les olives, les sarments à nouveau dans la plaine... 
 
Roger : quelle belle histoire ! Heureusement que ce numéro de Folklore de l'hiver 1974, ils publiaient à chaque saison, nous est tombé sous les yeux ! Chez elles, une vie rustique entre huit et neuf-cents mètres d'altitude, avec le froid, la neige, les brouillards, le printemps et l'automne plus courts et seulement une paire de vaches, le foin pour l'hiver, des pommes-de-terre...
 
Serge : oui, je l'ai là, l'article, il dit aussi qu'ils cultivaient des navets noirs, des oignons qu'elles tressaient par douzaines les jours de pluie, les moungils, une variété de haricots qu'elles triaient à la veillée... ah, pour un cassoulet ! Le nôtre on l'a bien digéré, tu as vu ! Enfin, une économie de subsistance, du lait, des fromages sûrement, peut-être aussi des stères de bois de chauffage, des charbonnières... c'est sûr que les quatre sous gagnés en bas étaient les bienvenus... Ah ! je lis aussi qu'ils entretenaient des glacières remplies de neige l'hiver et qu'ils descendaient la glace l'été, pour les cafés de Carcassonne.
 
Roger : c'est sûr que les Mountagnols appréciaient de remonter avec l'argent des vendanges, ça me fait penser aux Ariégeois... la montagne était pauvre et faisait beaucoup d'enfants. 
 
Serge : c'est après la guerre de 14 que le plateau a commencé à se dépeupler... 
 
Roger : avant, peut-être, regarde, mon grand-père Jean, né en 1897, sa famille avait déjà quitté les montagnes de Montagagne, au-dessus de la haute vallée de l'Arize et de La-Bastide-de Sérou (1). 
 
(1) En 1926, 45 familles soit 285 habitants vivaient encore sur le plateau. En 1960 les familles n'étaient plus que 4 avec 18 personnes ; l'école a fermé en 1962, l'activité agricole a été abandonnée. Dans les années 70, alors qu'il ne restait que les vieux, de nouvelles familles sont venues, même si leurs visées étaient plus personnelles, apporter du sang neuf pour que le Poumaïrol ne meure pas. 

 

dimanche 7 juin 2020

MARCEL SCIPION, Le Clos du Roi.


Un Clos dit “ du Roi ”, un vallon où emmener les moutons l'été à transhumer. Faire son pain mais pas pour rigoler (50 kilos de farine, 15 jours de miches pour la dizaine de personnes d'une famille élargie), faire ses patates, ses choux, son miel, sa médecine même avec les limites qu'on sait, son vin, distiller son marc en fraude, braconner les sangliers, le lièvre les nuits glacées de pleine lune malgré les gendarmes... Et tout ça conté presque au coin du feu... Oh c'est rustique, presque un cliché pour citadin mal à l'aise, rêvant d'un retour impossible à la nature... 

Pourtant cette prise de conscience ne date pas d'hier. Il y a bien 50 ans qu'elle s'est formée. Une extravagance de nantis au début mais qui petit à petit devient une obligation sans quoi nous allons à la catastrophe de plus en plus annoncée. De timide, le changement de cap devrait se préciser avec moins de bagnole, moins de produits, finie l'obsolescence programmée, il faut des circuits courts, il faut retrouver le bonheur de manger ce que donne un jardin sain... On ne parle de sa vie que parce qu'il y a eu rupture ; Marcel Scipion et bien des auteurs bêtement traités de régionalistes ont pris conscience de la mise en danger du planétaire, de l'universel, déjà avant 1980.  

Mais l'homme ne vit pas que de nourriture terrestre. Aussi au risque de passer pour un ethnocentré (je m'en fous c'est moins grave que le nombrilisme jacobin), je me laisse aller à apprécier notre penchant méditerranéen. Le littoral oui mais l'arrière-pays surtout, qui aborde vite l'altitude, chez nous, Corbières, Pyrénées, Montagne Noire, Espinouse, Cévennes, Monts de Vaucluse, Préalpes de Digne ou de Castellane avec une végétation qui rompt avec les garrigues et maquis. 

Gabachs ou gavots, partout des montagnards de quand la montagne était belle. Et ces mots, cette langue qui se doit de résister tant qu'une domination d'un autre âge n'a de cesse que de l'effacer pour ne pas qu'il soit dit qu'elle a été soumise... 
"Dijous ma finestro i a un ametlièr que fa de flours blancos coumo de papièr"... 
Et ce n'est pas parce qu'entre la science, le réchauffement climatique et l'épuisement des nappes phréatiques, l'amandier pousse plus au nord qu'il en a perdu pour autant sa portée symbolique.  


lundi 14 août 2017

IL DESCEND DU CAPCIR, L'AUDE... / Occitanie, Pays Catalan

Il descend de la montagne, l'Aude... 
Long de 224 kilomètres, l'Aude qui a tant fait parler de son delta prend sa source à 2150 m d'altitude, sur le versant oriental du Carlit, commune des Angles, dans ce pays suspendu et rude qu'est le Capcir (1) autrefois nommé Pais de la muntanya d'Auda.

Vers le sud-ouest, à gauche le lac d'Aude sous celui, plus important, des Bouillouses où passe la Têt.

Les surnoms de Petit Canada ou Petite Sibérie (un des derniers refuges en Europe occidentale d'une plante boréo-arctique, la ligulaire de Sibérie) disent tout des rigueurs de l'hiver sur ce plateau couru par le Cers localement appelé Carcanet, un vent fort et froid venu du nord.

Après le Roc d'Aude (2325 m), juste un nom, il faut gagner le Mont Llaret (2376 m) pour se dire que l'Aude, notre fleuve, notre rivière, naît là. A nos pieds, le petit lac ne portant pas pour rien son nom "d'Aude". Entre les arbres nains et la pierraille, les fleurs, tournant le dos au vent frais, témoignent de la vie qui s'accroche...


Si son pied de marcheur attendri évite, bien sûr, d'écraser ces bouquets divers qui chantent la vie, à l'heure où l'offre touristique, d'été et d'hiver, se croit obligée, concurrence oblige, de proposer toujours plus d'activités farfelues, le visiteur se doute qu'il y eut un passé avant les sports d'hiver. A voir les vaches dans les prairies d'altitude et en bas, les parcelles bien marquées, ces meules de foin roulé, sans parler du vieux village qui n'a plus que son clocher et la porte d'un vieux casteil pour témoigner des temps anciens, il doit savoir que jusque dans les années 60, le pays était pauvre, les gens encore ici vivaient d'un peu d'élevage, de pommes de terre et de braconne. Depuis 1900, les conditions difficiles, l'exode rural ont divisé la population par deux et pour retenir les jeunes, s'inspirant de l'expérience des Pyrénées centrales, le maire d'alors, Paul Samson, lança la station des Angles. On aménagea les granges pour loger les premiers skieurs ; Arthur Conte raconte qu'un paysan rieur lui fit sonner un trousseau de clés sous le nez, ravi de louer deux chambres et de gagner ainsi autant que s'il vendait cinq vaches !  

Vue vers le sud-est : au deuxième plan, le lac de Matemale ; derrière, la neige du jour sur le Cambre d'Ase et le Pic Redoun peut-être. 

Le progrès, même s'il faut s'en prévaloir non sans réserves, ce sont aussi les lacs créés de Matemale et de Puyvalador, prenant sur les surfaces cultivables. Sinon, la vieille dame de la pêche à la truite (2,60 € / pièce) a bien dit qu'elle n'avait jamais connu un mois sans neige, aux confins du Capcir et du Conflent.

(1) passé du comte de Cerdagne aux rois de Majorque, d'Aragon puis d'Espagne avant d'être rattaché, avec le Roussillon, à la France par le Traité des Pyrénées (1659).  

Sources : Capcir, Les Angles, wikipedia. 
http://www.lesangles.com/fr/culture-et-traditions/si-les-angles-metait-conte/50-ans-d-histoire