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vendredi 29 novembre 2019

QUESTION d’ACTUALITÉ / mythes croisés d'un Moyen-Age arriéré et de l'Andalus lumineux...

La Renaissance s'est tant voulue légataire d'un héritage antique de prestige qu'elle a considéré le millénaire la séparant de l'antiquité comme un bas-fond d'obscurantisme et d'ignorance. L'appellation "Moyen-Age" dit abusivement que ces mille ans auraient seulement été une parenthèse difficile, sombre, sale, obscurantiste et de régression.

Pain trempé dans du vin au Moyen Age Wikimedia Commons Auteur Unknown 14th
 
Difficile ? "A fame, bello et peste, libera nos Domine" : 
"De la peste, de la famine et de la guerre, délivrez-nous, Seigneur." 
La vision des disettes et famines ne doit pas occulter que si le paysan mangeait moins de viande que le seigneur, il disposait néanmoins, fut-ce moins souvent, de salaisons et de viande fumée pour agrémenter les légumineuses ou accompagner le pain, aliment de base. 

Sombre ? alors qu'entre le style roman ramassé, aux petites ouvertures et le gothique aérien aux grands vitraux parlants, on est passé de la prosternation religieuse, de la crainte des flammes de l'enfer à l'élévation mystique vers le paradis et la lumière ?

Sale ? alors qu'à la suite des Romains l'habitude des bains publics perdure, une fois par semaine et tous les jours pour les mains et le visage ? Finalement, avec les bains-douches encore dans les années cinquante c'était la même chose à notre époque. Et quoi qu'il en soit, la saleté est venue après, sous le roi-soleil par exemple. L'élite s'aspergeait de parfums pour tenter de camoufler les mauvaises odeurs... Les pores de la peau devaient rester fermés aux agressions extérieures et avant tout à la peste noire !.. Il était donc dangereux de se laver !

Detail of Les tres riches heures March Wikimedia Commons Auteurs Paul, Hermann & Jean Limbourg

Obscurantiste ? dans le sens de la rétention de la connaissance, du refus du changement et du progrès ? alors quid des mouvements hérétiques sans le ferment des idées ? alors pourquoi les premières universités, le roman courtois, la place de la femme ? et au chapitre des innovations, l'assolement triennal, la charrue, le collier d'épaules pour le cheval, la brouette, les boutons, les lunettes, l'horlogerie, le moulin à eau, la forge...

C'est bien qu'on ait oublié la signification profonde et péjorative de l'appellation "Moyen-Âge" pour ne retenir qu'un concept neutre d'âge moyen, ni bon ni mauvais en apparence et pourtant bien mieux que cela, car ni sombre, ni sale pas plus qu'obscurantiste et porteur, comme l'est chaque ère à son tour, des acquis du passé à transmettre !  

Et il ne faut pas surenchérir au prétexte que sans les traités arabes, la médecine européenne aurait stagné.   

A cause du romantisme, le XIXème siècle a justement rajouté le cliché idéalisé d'Arabes cultivés, brillants et bien supérieurs à nos Européens sales et obscurantistes. Un escamotage qui prévaut encore aujourd'hui.

Alhambra Granada wikimedia Commons Author Lettkow

Certes il y eut Averroes, Avicenne, les jardins de l'Alhambra, la mosquée de Cordoue, la transmission par leur entremise du bagage, des connaissances antiques, de la Grèce notamment... sauf que c'est cacher son ignorance derrière son petit doigt si on occulte l'esclavage, l'hégémonie islamique, la domination tyrannique que certains minimisent en prétextant que l'exploitation des territoires conquis ainsi que la gestion des terres étaient laissées à des locaux, des "collabos".

Déjà lorsque on s'extasie à propos de la gestion de l'eau sous un climat difficile, l'avis est plutôt péremptoire ! Sûr que les Berbères issus des oasis y sont pour quelque chose mais pas les Arabes, piètres agriculteurs et de toute façon enclins à faire travailler les vaincus.
Concernant l'esclavage, ce n'est pas parce que le capitalisme européen s'en est gavé pour déjà multiplier millions et milliards entre les XVème et XIXème siècles (1) qu'il faut taire, même sans parler ici des traites arabes transaharienne et de la côte swahilie, les filières européennes, ces slaves raflés en Europe Centrale, ces Blancs amenés à Verdun, centre de castration et marché aux humains renommé !

Concernant l'hégémonie religieuse, la rumeur insistante à propos d'une tolérance qui aurait duré des siècles ne résiste pas à la réalité historique.
Au IXème siècle, une islamisation violente a accompagné la mise en place de la domination arabe. De nombreux martyrs chrétiens en furent victimes. Conservatrice et intolérante, la charia est à l'origine de persécutions, d'expropriations de terres, d'extirpation généralisée des noms de lieu et des langues locales, de destruction des églises au profit des mosquées. Dans ces conditions la conversion massive des colonisés se comprend aisément. Avec la perte du statut de dhimmi, dans le meilleur des cas, ils n'avaient plus à payer l'impôt des infidèles (3,3 fois plus élevé que celui des musulmans). Contrairement au mythe entretenu de l'islam éclairé en Espagne médiévale, les trois religions n'ont pas cohabité en harmonie et la confrontation a même dépassé les Pyrénées, ce dont il sera question bientôt... 

Al_Andalus_geopolitico Wikimedia Commons Own work Author Bettyreategui / Pour Narbonne, "Harbuna" en phonétique arabe...
(1) vous remarquerez que je ne dis pas Espagne, Portugal, France, Royaume-Uni, Belgique, Pays-Bas... parce qu'il est foncièrement malhonnête de faire endosser une responsabilité collective de l'esclavage à des peuples derrière lesquels se cachaient ces faiseurs de fric... des dominateurs qui se voudraient élite, qui se cachent d'ailleurs toujours, qui plus est, sous le vocable de "libéralisme" aussi hypocrite que partial s'agissant de la liberté d'accumuler des richesses déraisonnables au nom d'un sacro-saint principe simpliste de propriété individuelle...   

Sources et pour aller plus loin, entre autres :  
 https://histoirebnf.hypotheses.org/1378

https://www.franceculture.fr/histoire/des-paysans-sales-et-affames-a-lobscurantisme-cinq-cliches-sur-le-moyen-age

 https://fr.wikipedia.org/wiki/Al-Andalus

samedi 15 octobre 2016

UNO BESTIO INTELLIGENTO / Lou chabal dal paure Pepi / La Cigalo Narbouneso.

Louis Sabater témoigne d’une réalité du travail avec les chevaux loin d’un idéal bucolique, ce qui n’a rien d’étonnant avec des animaux de huit quintaux en moyenne, généralement tranquilles mais pouvant s’emballer, à fortiori lorsqu’ils restent entiers. Ainsi la relation avec le cheval pouvait aller du rapport de force à la persuasion amicale. Après le gousset de Victor, la chronique de la Cigalo Narbouneso (1), UNO BESTIO INTELLIGENTO, nous raconte une fine harmonie complice entre Pépi et César son cheval. 


Pour l’essentiel, même si l’original vaut toujours mieux que la copie (pour ceux qui se décourageraient la traduction vient juste après) :

«... Alabets lou vielh Tridòli .../... nous countèt aquelo :
.../... Uno brabo bestio e valento e tirairo...
Uno annado.../... lou Pepi - lou temps èro penible - se louguèt per carreja la sablo. Atalabo Cesar al tambourèl e tres ou quatre cops per jour fasion l naveto dal riu al chantiè : lou Pepi abio calculat que tres cents palados fasion lou tambourelat es a dire un mièch mestre cube. Lou paure ome .../... countabo a tres cents. Alabets, plantabo la palo dins la sablo dal tambourèl, plegabo las chambrièiros, descoutabo, tirabo la barradouiro e après un parelh de mots aimables a soun coumpaghou, ajustabo :
- Cesar, nous cal parti... Anem... 
E lou chabal vous enlevabo lou tambourèl sans canho.
Un jour, sabi pas couci anèt, lou papeto, distrait per un vol de canards ou d’estournèls - èro un cassaire de crano bourro - countèt fins a tres cents cinq e metèt tres cent cinq palados dins lou toumbarèl.
- Cinq de mai ou de mens, se pensèt, es pas uno affaire !
Coumo de coustumo, plantèt la palo, pleguèt las chambrièiros, descoutèt, tirèt la barradouiro.
- Anem, Cesar, nous cal parti !
E Cesar, aquest cop, remenèt pas mai qu’uno glèiso.
- De qu’as que te pico bougre ? Sios pas cançat paimens ? Sios pas malaut ? Al diable vai nous pourtaran pas lou dinna aici sabes ! Anem Cesar, hi !!!
Pas mai que lou prumiè cop, Cesar nou bouleguèt.
Dal cop lou Pepi, demoro un moument pensatiu, agacho lou chabal, agacho la carreto, remiro la mecanico, grapo lou davant de la rodos per rambar lous calhaus, agacho lou coula, la ventrièiro, la sofro, palpo lou ventre de Cesar :
- Anem cesar, i dits, fagues pas lou mainatge... Sion toujour estats amics, es pas bèi que nous cal broulha.
Cesar remenèt las aurelhos !
- I a quicon de mai ou de mens, se pensèt lou Pepi, desumpèi d’ans e d’ans es lou prumiè cop, bèi, que sansalejo per parti... Mès sul cop, uno belugo gisclèt de soun cerbèl :
- Ia quicon de mai ! I a cinq palados de mai dins lou tambourèl !!! E lou Pepi mountèt sul véicule, traguèt cinq palados de sable : un... dos... tres... quatre... cinq...
Quand coumandèt Cesar, lou chabal partiguèt laugé coumo un pinsard !
Lou bougre voulio pla carreja tres cents palados, un mièch mestre cube cado cop, mès pas uno mico de mai !!!
Quand se dis paimens de las bestios !
E. Vieu ». 

Traduction proposée et ouverte tant aux suggestions qu’aux corrections :

Alors le vieux Tridoli nous raconta celle-ci :
.../... Une brave bête et vaillante et de trait...
Une année.../... le Pépi - l'époque était pénible - se loua pour charrier du sable. Il attelait César au tombereau et trois ou quatre fois par jour ils faisaient la navette du ruisseau au chantier : le Pépi avait calculé que trois cent pelles correspondaient à la charge, soit un demi mètre cube. Le pauvre (2) homme.../... comptait jusqu'à trois cents. Alors, il plantait la pelle dans le sable du tombereau, repliait les chambrières, enlevait les cales (3), tirait la barre (4) (fermant certainement le panneau arrière), prenait la bride (5) :
- César, nous devons partir... Allons...
Et le cheval vous enlevait le tombereau sans flemme (« cagno » chez Frédéric Mistral).
Un jour, je ne sais pas comment c’est allé, le papé, distrait par un vol de canards ou d’étourneaux - c’était un chasseur au quart de tour - finassa jusqu’à trois-cent-cinq pelletées dans le tombereau.
- Cinq de plus, cinq de moins, se pensa-t-il, quelle affaire !
Il planta sa pelle, comme d’habitude, replia les chambrières, enleva les cales, tira la barre.
- Allons César, il faut y aller !
Et César, cette fois, ne remua pas plus qu’une église.
- Quelque chose te pique, bougre ? Tu ne serais pas à bout ? Tu n’es pas malade ? Que diable, va, ils ne nous porterons pas le dîner ici, tu sais ! Allez César, hi !!!
César ne bougea pas plus qu’au premier ordre.
Aussi le Pépi en reste perplexe, il fixe le cheval, regarde la charrette, vérifie la mécanique (le frein), gratte devant les roues pour enlever les cailloux, regarde le collier, la ventrière, la dossière, palpe le ventre de César :
- Allons César, il lui dit, ne fais pas l’enfant... On a toujours été amis, ce n’est pas aujourd’hui qu’il nous faut nous fâcher.
César remua les oreilles !
- Y’a quelque chose de plus ou de moins, pensa Pépi, depuis tant d’années, c’est la première fois, aujourd’hui, qu’il hésite (dictionnaire Lo Congres) à partir... Disant cela, une étincelle lui jaillit :
-Y’a quelque chose de plus ! le tombereau compte cinq pelles de plus !!! et le Pépi monta sur le véhicule, enleva cinq pelletées : une... deux... trois... quatre... cinq...
Quand il commanda au cheval, César partit, léger comme un pinson !
Le bougre voulait bien charrier trois cent pelletées, un demi mètre cube chaque fois, mais pas un grain de plus !!!
Quand on dit que ce ne sont que des bêtes ! 


Toute ma reconnaissance renouvelée à Frédéric Mistral pour son magistral Trésor dòu Felibrige. Par le biais de cette histoire, retenons aussi quelques termes liés à l'attelage, au harnachement.

(1) https://culture.cr-languedocroussillon.fr/ark:/46855/OAI_FRB340325101_KI3_frb340325101_ki3_1947_0235/v0013.simple.highlight=cigalo%20narbouneso.articleAnnotation=h::b40b522b-69da-47c4-9e7a-1b6ff9dda435.selectedTab=thumbnail
(2) « pauvre » est souvent employé en occitan pour indiquer que la personne n’est plus de ce monde. 
(3) Chez Mistral, « descouta », dans le vocabulaire de la vigne, signifie aussi couper un courson. 
(4) les verbes « barra », « tanca » indiquent qu’on ferme une porte, un portail au moyen d’une barre... fichée au sol, dans les montants ?
(5) faire corps, s’unir à comme dans « Tarn s’ajusto a Garouno e Garouno a la mar » Dom Guérin ( Trésor dòu Felibrige)... la première affirmation serait-elle fausse... noue en reparlerons un jour...


Pourquoi les tombereaux hippomobiles sont-ils si souvent bleus ? 

Photos autorisées commons wikimedia :
1. Tombereau mécanisme auteur Vassil.
2. Tombereau Nages musée charrettes auteur Fagairolles 34.
3. Tombereau Vieilles charrettes auteur Isasza.

samedi 8 octobre 2016

UNO BESTIO INTELLIGENTO / La Cigalo Narbouneso

Chronique sur une bête intelligente, en languedocien de chez nous.
Et chez nous, dans le Fleury d’une époque que les moins de... 40 ans ne peuvent pas connaître, le chien de Lulu (Pilule2) était connu pour aller chercher le journal tous les matins et, à l’occasion, porter le papier « pour frotter cucu à Lulu ». Elle me revient malgré moi en mémoire, cette histoire... C’est qu’ils n’engendraient pas la mélancolie, les trois Pilule, les trois frères (1) qui étaient nos proches voisins, en haut de la rue Neuve, la dernière maison avant la vigne de Perrucho (les tennis et le lotissement initial des années 70), au pied des amandiers et azeroliers de Caboujolette, le coteau.


Au contentement de voir enfin apparaître une « Arlésienne », « La Cigalo Narbouneso », une revue mensuelle parue tant bien que mal entre 1911 et peut-être 1948 (LA CIGALO NARBOUNESO XXIme annado N° 235 Janviè 1947) (2) (3) (4) (5), ajoutons le plaisir de citer l’histoire qui nous rappelle tant l’ami Lulu ! Nous la trouvons, page 11 de la revue, sous le titre « UNO BESTIO INTELLIGENTO ». 

«... Soun mai intelligentos que fosso mounde, diguèt la Filomèno de Closcou, uno vièlho fillo qu’èro toujour estado pleno de devouciu pes gats.
Un jouvent mençounèt l’estariganho de Pelissou : sabets aquelo que venio chuca las mouscos sur la ma dal prisouniè ?
Lou Victor dal Gueine nous parlèt d’un gousset qu’abio a l’epoco e qu’anabo querre lou journal cado jour :
~  I balhabi un sou que prenio al cais, e al cap d’un pauc reçabio ma gazeto. Un jour me troumpèri, i balhèri uno peço falso ; la brabo bestio se metèt a jaupa, a sauteja, mès pas res a faire per la faire parti ! A forço de cerca, de lanterneja, coumprenguèri la causo. Lou brabe gousset s’èro avisat que la mièjo-soldo abio pas cours... »

Traduction proposée :
« Elles sont plus intelligentes que bien du monde (fosso = force ?), dit la Philomène de Closcou (fille de Closcou ?), une vieille fille qui avait toujours été pleine de dévotion pour les chats.
Un jeune homme mentionna l’araignée de Pélisson (6) : vous savez, celle qui venait sucer les mouches sur la main du prisonnier ?
Le Victor du Gueine (guèine = renard en Rouergue) nous parla d’un petit chien qu’il avait à l’époque et qui, chaque jour, allait chercher le journal :
~ Je lui donnais un sou qu’il prenait entre les dents et sous peu je recevais ma gazette. Un jour je me suis trompé (le passé composé est-il plus spontané que le passé simple en français ?), je lui ai donné une pièce fausse ; la brave bête se mit à aboyer, à sautiller mais pas moyen de la faire démarrer ! A force de chercher, de lanterner, je compris la cause. le brave petit chien avait remarqué que la demi-solde n’avait pas cours... »

Et si chaque variante de la langue d’Oc avait cours plutôt que de se voir dévalorisée par une norme aussi déshumanisée que jacobine et qui n’est pas sans rappeler la domination vexatoire du français sur l’occitan justement ? Reconnaissons que la lecture en languedocien, si naturelle pour un originaire de la Clape, s’avère d’autant plus agréable qu’elle ne nécessite pas de devoir ouvrir un dictionnaire à tout moment !

1. Jojo, Lulu, Gégé... les trois petits qui trônaient sur un char lors de la cavalcade de 1948 peut-être. Ai-je entendu aussi que tout le monde connaissait le grand chapeau de Jacques, le père, quand il montait à son peyral (sa carrière) ? Je crois même voir des papillons autour du chapeau mais ce doit être encore mon imagination de gamin qui revient me jouer ses tours...
2. https://culture.cr-languedocroussillon.fr/ark:/46855/OAI_FRB340325101_KI3_frb340325101_ki3_1947_0235/v0013.simple.highlight=cigalo%20narbouneso.articleAnnotation=h::b40b522b-69da-47c4-9e7a-1b6ff9dda435.selectedTab=thumbnail
3. Mon père s’était abonné en 1948 pour se faire envoyer la publication à Prague (n° 445) ! Mais entre les spasmes littéraires (arrêt de la parution ?) et les soubresauts de l’histoire (Coup de Prague février 1948), la trace de La Cigalo Narbouneso était pour nous perdue...
4. Une bonne surprise ne venant jamais seule, entre les nombreuses cigales du Midi, « La Cigalo Lengadouciano » cymbalise aussi à Béziers où parut également « Lou Camèl », vous l’auriez deviné !
5. Mystère néanmoins lorsque, pour la disparition d’André Mècle, décédé en sa maison de Coursan, le 29 janvier 2012 et inhumé à Narbonne, son lieu de naissance, le blog mentionne dans son hommage : « ... C’est ainsi qu’entre 1945 et 1970, il est un membre actif de la société félibréenne La Cigalo Narbouneso... » 
http://academiedesartsetdessciencesdecarcassonne.blogs.midilibre.com/tag/jean+fouri%C3%A9 
6. https://books.google.com/books?id=aRpcAAAAQAAJ&pg=PA325&lpg=PA325&dq=araign%C3%A9e+de+P%C3%A9lissou&source=bl&ots=3GWdEH17cJ&sig=kM3gO-b2o18rUy0Y6Cm3gmoZzcA&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjZwaTuhbnPAhUGMhoKHWpqAjkQ6AEIJzAC#v=onepage&q=araign%C3%A9e%20de%20P%C3%A9lissou&f=false


 Photos autorisées :
1. Celui qui vous parle / auteur François Dedieu / derrière, la cour, la cuisinette des trois frères, au fond, le portail donnant sur la vigne.
2. Mon pauvre cousin Jacky jouant à recevoir du courrier devant le grillage de la vigne.
3. flickr.fr

lundi 27 juin 2016

OCCITÀNIA !

L'arbitraire regroupe certaines régions et pas d'autres... passez votre chemin, l’État c'est lui ! 
Ce serait pour économiser or, l'oligarchie s'est aussitôt empressée de multiplier les vices-postes de présidents, de vice-vice-présidents et les moins malhonnêtes osent dire qu'on s'y retrouvera, dans dix ans peut-être. Pour vite faire oublier un envers du décor aussi peu reluisant que l'endroit, la clique du monarque-républicain joue à la France éclairant le Monde : demandons donc au "bon peuple" de choisir parmi les noms proposés ! Démocratie quand tu nous tiens ! 
Si la malignité et la prédation politique sont leur fort, les nomenklaturistes sont devenus rares à s'encombrer de culture et d'Histoire. Les nôtres viennent de se distinguer en proposant "OCCITANIE" à Montpellier et à Toulouse ! Peut-être n'y ont-ils vu qu'une référence à ce faux folklore servi l'été aux touristes par une population versatile, se sustentant comme ailleurs en France de pain et de cirque sinon d'un euro de football payé par les impôts ! 
Un pragmatisme hypocrite fait l'impasse sur l'Histoire, la langue, l'accent, la culture, le respect de ce qui n'est qu'une populace, au nom d'une unité monolithique imposée par Paris. Mais quand une minorité de cocus naïfs se pique au jeu et vote majoritairement, et à l'insu de son plein gré, pour une appellation qui défie le pouvoir jacobin, cela rajoute à une crise institutionnelle déjà invalidante.      


OCCITANIE ils ont choisi ! OCCITANIE qu’ils ont dit pour la supra-région voulue par les vassaux des Parigots du mégalo... Hollande et sa clique ne s’attendaient certainement pas à ça ! Une bombe pour sa turgescence... pardon, son état d’urgence et sa jacobino-gouvernance ! Sauf que, comme d’habitude, les autorités peuvent s’arroger le droit de faire dire le contraire aux votes... ils nous firent le coup déjà pour le referendum sur l’Europe de 2005, enterré sans vergogne par un traité de Lisbonne entériné deux ans plus tard. Démocratie quand tu nous tiens ! 
En tant que Languedocien girondin pour plus d'autonomie fédérale vis à vis de Paris, le hasard alphabétique « Languedoc-Midi-Pyrénées-Roussillon » me satisfaisant largement, je ne reste pas moins soufflé par le choix d'une appellation identitaire carrément émancipatrice du pouvoir centralisé !
Vous comprenez, vous foutriez-vous complètement de ce que je pense, que par égard pour notre branche catalane de Perpignan, déjà réduite à « Roussillon » et celle du Rouergue devant se ranger sous l’ambivalence de la signification « Midi », et en n’en pensant pas moins pour Toulouse qui laissa tomber jadis son rang de capitale du Languedoc, je ne vais pas plus voter pour les tricheurs d'en haut que pour une OCCITANIE brute de provocation.
Savent-ils ce qu’ils font ? Faut-il pardonner tant à ceux qui cherchent le bâton pour se faire battre qu'aux gogos qui les confortent en jouant avec leurs dés pipés  ? Doit-on au contraire remercier des idiots utiles sinon les féliciter d’avoir mis les pieds dans le plat, avec tant d'innocence ? 

Patience, pas encore : si la socio-hollandie n'en est pas à une cagade près, le Nord ne se privera pas de toujours imposer son menu si le Sud ne se met pas à crier OCCITÀNIA,  OCCITÀNIA à François II, si piteux, avec son écharpe, quand l'Eire nous le met, son penalty !
Au "panem et circenses" a succédé l'effondrement d'un Empire de Barbares au pouvoir, dira peut-être une Histoire connue pour ne pas repasser les plats !  

illustrations 2. Croix occitane. 1. pays en mal d'autonomie ou d'indépendance, auteur EwenRD...

jeudi 16 juin 2016

FRANÇOIS CAVANNA ET L’AMOUR DES LANGUES / mémoire de l'Europe

FRANÇOIS CAVANNA ET L’AMOUR DES LANGUES



François Cavanna, LES RUSSKOFFS, pages 154 à 157, édition Livre de Poche 1981, extraits :

« ... J’en profite pour travailler mon russe. Et aussi mon allemand. J’ai découvert que j’aime ça les langues. Surtout le russe. J’ai toujours sur moi des petits calepins que je me fais avec des prospectus de la Graetz A-G cousus ensemble. Avant la guerre la firme fabriquait des lampes à vapeur d’essence, marque « Petromax », ils en vendaient dans le monde entier (1)... /... le verso est blanc, c’est chouette.
Je note tout avec mon bout de crayon, j’arrête pas de poser des questions... /...
... Je suis pour la première fois de ma vie confronté à des langues à déclinaisons. Dépaysement brutal. Je demande : « pourquoi tu dis des fois "rabotou", des fois "rabotié", des fois «"raboti"», des fois «"rabota"», des fois «"rabotami"», et des fois encore de bien d’autres façons... /...
... la seule Russe qui parle un peu français, la grande Klavdia, m’avait dit : nominatif, accusatif, génitif, datif, instrumental, prépositionnel, vocatif. J’étais bien avancé. Rebuffet qui a été au lycée m’a expliqué... /... C’est là que j’ai compris la différence entre l’instruction primaire, même «supérieure» et l’instruction secondaire. Tu te rends compte ? Pendant qu’on t’apprend «complément d’objet direct», à eux, au lycée, on leur apprend «accusatif». A toi, on t’apprend «sujet», à eux «nominatif» !.. /... Voilà qu’il y a une grammaire pour les riches et une grammaire pour les pauvres, dis donc !
Enfin, bon, le russe, je m’en suis vite aperçu, est aux autres langues ce que les échecs sont à la pétanque. Comment des moujiks arrivent-ils à se dépatouiller là-dedans, et même à faire des choses drôlement subtiles, le russe est la langue des nuances infinies, va savoir ! Mais quelle récompense ! Quel éblouissement ! Dès les premiers pas, c’est la forêt enchantée, les rubis et les émeraudes, les eaux jaillissantes, le pays des merveilles, les fleurs magiques qui lèvent sous tes pas... L’extraordinaire richesse des sons dont est capable le gosier russe, la fabuleuse architecture de sa grammaire, byzantine d’aspect, magnifiquement précise et souple à l’usage... Oui. je tombe facilement dans le lyrisme quand je parle du russe. c’est que ça a été le coup de foudre ! J’aime le français, passionnément, c’est ma seule vraie langue, ma maternelle, elle m’est chaude et douce, depuis ma dixième année, elle n’a plus de coins noirs pour moi, je m’en sers comme de mes propres mains, j’en fais ce que je veux. l’italien, que je comprends un peu, que j’apprendrai un jour, je ne le connais qu’à travers le «dialetto» de papa, je pressens un parler doux et sonore, à la grammaire jumelle de la nôtre, un jeu d’enfant pour un Français. J’ai fait de l’anglais à l’école, j’étais même bon, maintenant je m’attaque à l’allemand, c’est une langue formidable, restée toute proche du parler des grands barbares roux casseurs de villes en marbre blanc, si je n’avais pas connu le russe au même moment, j’en serais tombé amoureux, je le suis, d’ailleurs, mais la souveraine fascination du russe surpasse tout, balaie tout... /...
... Il y a une autre raison, bien sûr. Sans doute la plus puissante : le russe est la langue de Maria !.. /...
... Les babas entre elles parlent plutôt ukrainien. C’est très proche, c’est un dialecte russe, mais enfin il y a des différences. «khleb» le pain devient «khlib» en ukrainien; «Ougol» le charbon devient «vouhil»... /...
... En une semaine j’ai su l’alphabet cyrillique. Je lis et j’écris maintenant couramment. ça aussi ça fait partie du jeu, cette écriture irritante pour un non-initié... /...
... Je traîne partout mes calepins crasseux. je repasse les listes de déclinaisons aux chiottes, et puis je me les récite en bossant, en marchant, avant de m’endormir... »



FACULTATIF VOIRE SUPERFLU CE DÉCRYPTAGE SUBJECTIF :
François Cavanna (1923-2014) appartient à ces auteurs plus témoins de leur temps que prosateurs ex nihilo... On dit qu’il écrit comme on parle, sans réaliser la complication et le travail en regard.
Dans LES RUSSKOFFS, il prend de la distance et n’a que peu d’indulgence pour les peuples, confrontés à l’Europe des dictatures et des démocraties molles, trop manipulables, changeants, lâches, capables du pire à partir du moment où ils sont menés par des bergers trop mielleux pour être honnêtes, trop au fait de l’emballement, plus négatif que bon, des foules.
En lisant Cavanna, on se convainc que les peuples savent forcer des germes aussi mauvais qu’endormis ; ils cultivent la haine, une exécration qui a culminé lorsqu’un d’eux a voulu en effacer un autre de la surface de la Terre.  
Mais cela n’empêche pas l’auteur de faire passer aussi la sociabilité aimante de ces mêmes peuples, le vivre ensemble propre à chacun d’eux, les particularités qui en font des communautés uniques, autant d’intimités différentes, qu’une langue seule sait si bien traduire pour peu qu’on ose frapper à la porte.
Cavanna, sous ses airs bourrus et provocateurs, aime les langues parce qu’il aime des semblables. Il va toujours vers eux : c’est une de ses facettes positives, cachée sous un vernis "grande gueule". Et quand l’amour pour Maria, une déportée du travail ukrainienne,  s’en mêle, dans le crépuscule du Berlin hitlérien, dans le chaos et les brassages tragiques, sa fougue pour les langues de notre chère Europe (2) sonne telle une grande espérance.
Soixante-dix ans après, malgré la paix globalement sauvegardée, qui ne piétine pas d’impatience face à l’inertie, à l’immobilisme trop facilement consenti ? A l’heure où une politique détestable veut imposer une langue venue d’ailleurs, dès le cours préparatoire, à l’heure où une certaine opposition, oublieuse des guerres induites par la testostérone nationaliste, ne prône qu’un repli derrière les frontières, pourquoi ne pas recevoir la déclaration d’amour de François Cavanna pour nos langues en tant qu’aiguillon vers une Europe où l’humanisme prévaudrait sur le cynisme d’une économie ouverte, ouverte surtout à l’exploitation des êtres, à l’addiction consumériste, au pillage généralisé ?
En ce début de millénaire qui voudrait faire porter aux langues une symbolique économique, politique, religieuse, sans parler de l’espéranto que Cavanna promut un temps pour contrer l’hégémonie de l’anglais (son côté électron libre), il est urgent pour les peuples d’imposer ses idéaux au cynisme mondialisé.  


(1) Les petits pêcheurs de Mayotte, malheureusement de moins en moins nombreux chaque année, la ressource se trouvant légalement pillée par des flottes venues d’Europe, partent encore avec les « Pétromax », petites lumières ça et là sur le lagon...
(2) Pour moi... jusqu’à l’Oural et le piémont sud du Caucase sans oublier l’intégration des Balkans !

photos autorisées :
1. Commons wikimedia Cavanna signant "Mignonne, allons voir si la rose" auteur Oscar J. Marianez.
2. Cavanna STO fév 1943 Bundesarchiv_Bild_183-2002-0225-500,_Paris,_Werbung_für_Arbeit_in_Deutschland
3. Cavanna STO juillet 1942Bundesarchiv_Bild_183-H26364,_Paris,_Anwerbung_französischer_Arbeiter

samedi 28 mai 2016

LA DINDE A OUVEILLAN ! QUELLE CHANCE ! / Fleury d'Aude en Languedoc

ou CHERCHER LE PRÉSENT DANS LE PASSÉ : OUVEILLAN (2).
 
Tout ça pour vous dire que j’avais des notes sur Ouveillan, l’historique de la paroisse tel qu’il se reconstitue au fil du demi-millier des pages du dictionnaire topographique de l’abbé Sabarthès. J’avais... jusqu’à ce que l’ordinateur me lâche. J’avais... jusqu’à cette envie aussi improvisée qu’incontrôlée de mêler nos vies à ce village sur sa colline...  
       
 L’autre soir, parce qu’un «Racine et des ailes», avec les châteaux pinardiers du vignoble languedocien, est venu titiller insidieusement sur une résolution vaporeuse en sommeil depuis plus d’un an, je repars en quête des belles pages d’histoire d’Ouveillan, en reprenant le dictionnaire topographique de l’Aude (1912) de l’abbé Sabarthès, à la première page ! 


Ouveillanais, vous aussi, êtes à l’origine issus d’un métissage liguro-ibérique lié aux Grecs de Phocée et peut-être même aux Phéniciens, avant que n'arrivent les Celtes pour faire place nette, ici les Atacins, des Gaulois qui s’établirent dans la vallée de l’Aude. C’est chez eux que passa Hannibal  avant que les Romains ne s’en mêlent. Ensuite, les Wisigoths qui tinrent tête aux Francs mais subirent les Sarrasins... Passons sur nos dynasties de fainéants puis de vaillants rois qui vinrent mettre notre Languedoc en coupe réglée.

L’entrée «OUVEILLAN» figure dans le Trésor du Félibrige de Frédéric Mistral sans qu'il soit précisé si le village doit son nom aux moutons ou à sa situation d'île quand la mer était bordée d'étangs salés :
Óuvelhan, Aubelha : les habitants sont nommés Aubelhanot, v. manjopiot (mangeur de dindons) (1), sobriquet des habitants d’Ouveillan (de Fabrezan aussi). 
Prov. Lang. Qu vol sa filho saumeto,
    A Ouvelhan que la meto, à cause de l’eau que les femmes sont obligées d’aller chercher fort loin.

Mentions pour Ouveillan, fief du domaine royal, page 286, dans le dictionnaire topographique de l’Aude de l’abbé Sabarthès datant de 1912 :

Le «Château-Bas ou Vieux» au bord de l’étang desséché, et le «Château-Haut, dans le fort».
Ovilianum 924, Ovelianum 993, Ovellianum 1143, Ovelanum 1192, Oveglianum 1250, Olivianum = Ovilianum 1294, Ovelhanum 1319, le chastel de Ovillan 1334, Ovelhan XIVe s., Hovelhan 1402, Oveilhan 1479, Ovilhanum 1497, Hovelha, Hovellac 1536, Obelhan 1587, Houvelhan 1592, Oveilhan 1639, Ouveilhe 1666, OUVEILLAN 1781, Aubeilhà (vulg)... Sabarthès distingue aussi les mauvaises graphies.
Note sur l’Étang d’Ouveillan, au midi de la localité. 


Les étangs et ruisseaux :
Aiguefer, anc. étang, lieu-dit L’estanhol d’en Agaffer 1497
Les Canimals anc étang 924
Conseyrac anc étang au terroir de Saint-frichoux l’estang de Conseyrac 1147
la Courtine anc étang L’estang de la Courtine 1286
A l’Estanhol, jots les vinhas de Cussac.
Libarda, ruisseau, anc fief mouvant du roi lo Libardar 1411
La Mayral ruisseau, al Maïral 1536.
La Nazoure, 1781, ruisseau, canalisé dans sa plus grande partie pour déssécher l’étang de Toutous, tributaire de l’étang de Capestang Aqua vocata la Neroza 1322.
Recaudier ou l’Aiguille, ruis. (15 kil) affluent de l’Aude (aujourd’hui Ruisseau Audié).
Etang de Toutous, désseché par le ruisseau de la Nazoure L’estang de Totos, 1497.

Les divers fiefs (domaines de vassaux en échange de services et redevances dus aux suzerains) :
Agaret anc fief du roi (col d’Agaret cad.)
La Courbayrole anc fief La Corbayrola 1497.
Erminis anc fief appartint en dernier aux Frégose.
Le Fesc anc fief royal puis de Frégose Al Fesc 1497.
Les Launes anc fief de l’Ordre de malte, dans l’ancien décimaire de Saint-André, aussi sur la commune de Montels Condamina qui dicitur de launis 1275.
Loupian ou Villespassants, anc fief. 
Murviel, anc château dépendant de la seigneurie de Rieux et d’Alzonne, tenu au XIVe par les d’Harcourt, au XVe et XVIe par les Montredon.
Le Peyral, anc. fief royal. Al Peyral 1404.
La Poulverouse, lieu-dit, anc. fief royal. La Polverosa 1497.
Les Pujals, lieu-dit, anc. fief royal Als Pogols 1404.
Trente-Sols, anc. fief du roi. Als Trente Sols 1497.

Les fermes et écarts :
Bailly f. Bailli 1807
Bedos f Alha boria de Bedos 1536
La Bergerie f La Grangette 1774
Le Bousquet f Ad Buscaletum 1255
Cachefigues f.
Chambard f 1497
Colombet f.
Le Colombier château et f. ad Colombierum 1255
La Commanderie f
L’Étang f.
Filère f
Foncalvi, f anc propriété del’ordre de Malte, puis de l’abbaye de Fontfroide. Grangia de Fonte Calvio 1275.
Frayssinet, f., Le Gers (vulg).
Labastide, f.
Mailhère, écart. Le jardin de Maillère 1807.
Montplaisir, f.
Le Pain de Sucre, f., démembrement du domaine de Preisse
Petit-Rabes f.
Pézétis, f., Pézéty, une vieille masure appelée la Chapelle, confrontant d’aquilon la rivière Cesse ; de midi, le Canal Royal 1692.
Pigasse, f., Méterie appellée Pigasse 1776.
Preisse, chât. et f. ; anc. commanderie de l’ordre de Malte ; la chapelle était dédiée à saint Paul. Prexanus 782.
Le Terral, f., ancien prieuré sous le vocable de saint Martin ; anc. propriété de l’abbaye de Fontfroide. Castrum de Tarrallo 1176.
Terre Noire, f.
Le Viguier, f., métairie à Tailhesang..., métairie ditte le Vié, 1776.

Les lieux-dits :
 Belvèze lieu-dit 1776
Cassenac, lieu-dit
Les Faisses lieu-dit A las Fassias 1536
Le Finistère lieu-dit
La Gardiole, lieu-dit Alha Gardyolla 1536
Gazet lieu-dit, in Gizet 1256.
Lombric, lieu-dit, ad Lumbricum 1255.
Montpaho, lieu-dit Monpaho 1497.
Peyrefite, lieu-dit. Peyra ficha 1497.
La Porte-du-Salin, lieu-dit.
Le Pourcel, lieu-dit. Ad Porcairillum 1255.
La Rouquignole, lieu-dit. Via de Mirapisceto, vocata la Roquinola 1595.
Saint-Cristol, lieu-dit, Sant Crystolh, 1536.
Sainte-Marie, lieu-dit. Chemin de Sainte Marie 1692.
Saint-Brès, lieu-dit. Podium sancti Berrichi, 1192.
Taillesang, lieu-dit. Tailha Sanc, 1497.
Les Vases, lieu-dit. Ad Vasa 1255.
Ville méjeane, lieu-dit ; Villemejane, 1339.

Edifices religieux et liés à la charité :
la Maladrerie anc léproserie Als mesels 1497.
Saint-Charles, chapellenie, 1776.
Saint-Paul, ancien hôpital, Saint Paul, l’hôpital 1776.
Saint-Pierre-d’Artiague, chapellenie, 1756.
Sainte-Sixte, chapelle et ermitage ruinés. Podium Sancti Cirici, 1204.

Divers :
Le Bourguet-Neuf, faubourg, Al Bourguet Nou 1697
La Croisade auberge et distillerie
La Fardille A la Fardylha 1536
Le Fort, quartier, de là la distinction entre Ouveillan-le-Haut et Ouveillan-le-Bas.
les Malviès, Als Malviès 1497.
Le Moulin à vent
Saint-André, anc. décimaire au territoire de Montels (Hérault) et, par extension, commune d’Ouveillan. Condamina de Sancto Andrea, ... decimarium Sancti Andree, 1275
Saint-Frichoux, localité disparue, anc. prieuré uni à l’abbaye de Montolieu.
Toutous, loc. disparue ; anc. prieuré sous le vocable de Notre-dame. Villa Totonis 782.
Villa Sancti fructuosi, 932 ? 

(1) le surnom est relativement récent vu que le dindon n’a pu traverser l’Atlantique avant Christophe Collomb... 

photos autorisées :
1. Commons wikimedia / Le Terral, château, aut Flolma. 
2. Commons Wikimedia / Ouveilhan année 1498 aut Eutexie.

vendredi 27 mai 2016

CHERCHER LE PRÉSENT DANS LE PASSÉ : OUVEILLAN / Fleury d'Aude en Languedoc.

Trausse, Lapalme, Sallèles, Vinassan, Salles, Gruissan, Cuxac, Coursan, autant de villages sans lesquels nous ne serions pas ce que nous sommes. A la suite, sur cette liste, de celles qu’on établit pour de joyeuses retrouvailles, j’avais des notes sur Ouveillan, bien fournies, s’ajoutant aux chers souvenirs des condisciples de lycée et surtout liées à une amitié plus forte que les kilomètres à vélo nous séparant... même si lui avait une mobylette... bleue, à en croire la fragilité des souvenirs. 


Nous braconnions alors sans complexe et surtout par provocation, à jouer les croquants dans les pinèdes de ces châteaux et grandes fermes bourgeoises, en plein jour, à une heure et dans des circonstances n’incitant heureusement pas au zèle des gardes. Pire encore quand, la carabine en avant, nous arpentions l’étang en contrebas du village, de la route, des chemins, à la vue de tous ! Loin des escapades furtives et nocturnes d’un Raboliot, nous étions seulement dans l’extravagance des excès existentiels. Surtout pas liée à Sartre qui nous barbait autant que la prof de philo coco ! Non, une extravagance toute rabelaisienne (1) plutôt, de gros rires, comme quand Georges puis Antoine, trop pris par l’excitation d’un gibier tentant mais lointain, tombèrent tour à tour dans une cave* remplie d’une eau froide comme peut l’être novembre en Languedoc, dans les bourrasques d’un Cers* pénétrant venu des montagnes ! Sauf qu’ils m’auraient bien jeté aussi derrière les sénils*, mes copains rigolos, par égalitarisme !
Tel le piégeur flânant l’air de rien sur le théâtre de ses forfaits passés, j’aime repasser par Ouveillan dans un sens ou dans l’autre. L’été dernier, par la Minervoise, puis le carrefour de la Croisade, un jour que la  ramure élancée des platanes balançait sous les coups du Cers justement... Je veux parler des feuillages à terme condamnés par le chancre doré (2) tueur des pauvres arbres. Les gros nids d’agasse* d’autrefois ont aussi disparu... Te souviens-tu Antoine, de ta peur, cette fois-là, à trop jouer au pendule, si haut, pour quelques œufs à piller ? 


En bas du village, la cave coopérative et son architecture superbe (3), tout à l’honneur du raisin et de 1936, année du Front Populaire (prenez vite une photo car elles sont effacées un jour, comme à Vinassan, à Lespignan...). En redescendant vers Cuxac et la plaine de l’Aude, en surplomb de l’étang, feu la distillerie-coopérative d’un temps où la vigne et le vin quotidien rythmaient la vie. Entre la cave et l’alambic, parce que la vanité n’est pas leur fort, on cherche longtemps le monument aux morts. 


Village du midi, assoupi en cette mi-août, désert à l’heure de la sieste, qui veut nous laisser croire que tout à l’heure les gens partiront arroser les jardins, pour profiter au retour, de l’air moins chaud sur le devant de porte, manière de bader* le mouvement des éclats de voix et des boules sur les bancs de la place... Le Sud qui s’offrait en traversant la localité vers l’impasse Camarade (4), en récupérant des efforts liés à la dernière côte (en venant de Cuxac, celle de la distillerie).   
  
Enfin le monument aux morts, pour la paix, de ceux stigmatisés alors par les "braves gens" (4) remontés par les va-t-en-guerre. On le doit à René Iché (5), un enfant du pays, né à Sallèles-d’Aude, à quelques kilomètres à peine et d’Ouveillan par sa mère (il y est inhumé). Il est mal indiqué, la verdure le cache, c’est difficile de le cadrer... Dommage pour un village par ailleurs connu pour ses vendanges du cœur (au profit des Restos du même nom lancés par Coluche). 





Sur la route de Cuxac, à gauche, l’embranchement vers Fontcalvy, une grange fortifiée. Les vieilles pierres en imposent, au milieu des vignes il est vrai. Dans les ruines réhabilitées, l’été, un festival, des spectacles et un repas, pour ceux qui veulent, en bas, dans l’ancienne bergerie... N’espérez pas faire ripaille comme les moines d’antan... ceux-là donnaient plutôt dans l’ascétisme, la rigueur et le travail, règle de Cîteaux oblige. Sans remonter au XIIIe siècle et parce que nous n’étions que des chenapans aux cheveux longs, vers l’an de grâce 1968, nos jeux ne dérangeaient que les vols de corneilles qui logeaient là et la terre et les détritus comblaient presque le bercail des moutons. Maintenant, ils peuvent monter le son et multiplier les projecteurs : fini les troupeaux et plus de corneilles (comme dans la garrigue d’ailleurs). 


A Joël des PO, Georges de Narbonne et Antoine d’Ouveillan, à nos folles années 68-70 ! 
(à suivre)

(1) Ah ! Monsieur Rabéjac qui nous enseignait le XVIème siècle en littérature !
(2) champignon mortel qui serait arrivé d’Amérique avec les caisse de munitions en 1944. Il existerait comme un vaccin porteur d'espoir et testé à Sallèles...
(3) Architecte Gaston Ladousse qui fit aussi celles de Vinassan (1937) et de Trausse (1937), pour parler de cette période.
(4) Nino Ferrer ne chantait pas encore le Sud (1975) mais Jean Ferrat en remontrait déjà au camarade (1969) et Brassens était bien le seul à défendre l’anticonformisme pacifiste. 
(5) René Iché (1897-1954), Croix de Guerre 1914-1918, Médaille de la Résistance. Devenu sculpteur contre l’avis de ses proches, Iché vit son œuvre Forfaiture enlevée pour "indécence" (1923).
«Laissez-moi vous dire...» écrivait-il au préfet de police «... que votre décision, si inattendue pour moi, m’a beaucoup ému. certes, je ne prétends pas avoir fait un chef-d’œuvre et si mon intention fut mal interprétée, c’est peut-être que mon talent ne fut pas à la hauteur de mon ambition. Quoiqu’il en soit, j’ose affirmer que j’ai poursuivi, en sculptant Forfaiture, un but hautement moral. J’ai voulu traduire dans la matière plastique, la douleur et l’angoisse d’une trahison, la trahison de l’instinct génésique, le reniement de la vie elle-même vis à vis de la continuité de la vie : le drame affreux que la loi poursuit car il constitue un véritable crime de lèse-humanité.
«L’illustre maître Bourdelle, qui a bien voulu m’éclairer de ses conseils, m’a répondu que ce sujet, s’il avait été inspiré par le sixième commandement à un imagier de cathédrale, aurait très bien pu trouver sa place dans la pénombre d’une haute ogive. je m’en tiens là et j’accepte de retirer ma statue. Il me suffit de pouvoir affirmer en toute conscience que je l’ai méditée et exécutée sincèrement et que, pas un instant, je n’ai pensé ni visé au scandale mais à un vérisme significatif conforme à l’éthique la plus naturelle.»
Son projet de monument aux morts pour le village de Canet-d’Aude, fut aussi refusé pour «pacifisme» sinon pour excès d’humanité ! 

glossaire :
* l’agassa (o) = la pie.
* bader = fixer, reluquer, afficher sa curiosité sans retenue.
*cave = fossé.
*Cers = plus vieux nom de vent en France, honoré par les Romains parce qu’il chassait les miasmes, malheureusement assimilé par parisianisme à une tramontane par trop générique ! Pour être plus généralistes, nous disons aussi (et certainement à tort) "vent du nord" !
*sénils = roseaux dont on fait le chaume. 

photos autorisées : 
1. Commons wikimedia / Ouveillan aut Map data (C) OpenStreetMap contributors CC-BY-SA
2. Commons wikimedia / Canal_du_Midi near Colombiers 2011 aut Michiel1972 
3. La cave coopérative, personnelle août 2015. 
4, 5, 6. Le Monument aux morts, personnelles août 2015.  
7. Commons wikimedia / grange cistercienne Fontcalvy aut ArnoLagrange. 
8. Commons wikimedia / Ouveillan, Grange cistercienne Fontcalvy aut Rauenstein.

mercredi 18 mai 2016

SIX MOIS D’HIVER ! / Fleury d'Aude en Languedoc

     A quoi pensez-vous quand on vous dit Languedoc ? A la Méditerranée, au soleil, au sable, aux vignes, à la garrigue, aux vacances, à une douceur de vivre ? Ce n’est que dans un deuxième temps que les montagnes, derrière, viennent à l’esprit avec des paysages et la vie qui diffèrent du tout au tout. Avec les Pyrénées, les pays de Sault viennent à l’esprit. Avec le Massif Central, la Montagne Noire, le Caroux, l’Espinouse et un peu de ces hauteurs suspendues que sont les causses, c’est un horizon, une ligne bleue vers le nord. 



    Les Causses, des pays rudes, isolés et peu connus si on excepte l’éminent Larzac (912m au Puech de Cougouille / Ste-Eulalie-de-Cernon) dont les croupes pelées s’offrent aux itinérants de l’A75. Ils viennent ajouter à la géographie affective de ceux qui n’ont pas lâché la main du gamin qui contribua à les forger.
    Ce gamin devenu jeune homme a continué de s’émerveiller du lien entre les paysages et les hommes, un envoûtement que les voyages ne pouvaient qu’entretenir. Certes, après nos grands-pères qui faisaient le voyage de leur vie grâce au service militaire, on ne bougeait pas tant qu’aujourd’hui. A une exception près, notable bien qu’aléatoire et que nous devons au sport-roi du Sud, le rugby. En effet, lorsque la providence poussait nos bleus et noirs en phase finale du championnat de France, c’était l’occasion, en voiture ou en bus, de voir du pays, vers les rives du Rhône, l’Ariège, l’Armagnac ou l’Aveyron. 



    Ainsi, au fil de la grimpette au Pas de l’Escalette, lorsque la Nationale 9 en direction de Millau débouchait sur le plateau, un esprit curieux avait tôt fait de voir que le printemps commençait à peine, avec la première fleur, la prime verdure aux buissons, malgré un mois de mai bien entamé. On se dit alors que le climat est rude, qu’on doit vite passer des beaux jours aux mauvais, que les bergeries trapues jusqu’aux lauzes des toits n’ont que l’épaisseur des murs pour se garder des congères et du vent déchaîné. Ici, l’hiver installe ses rigueurs d’un coup, pendant six mois, sept mois même pour le Méjean, plus loin, plus haut, plus enclavé (à suivre)... 




 
photos autorisées commons wikimedia :
1 Larzac depuis le puech de Cougouille  2007 auteur Musaraigne.
2 A75 aire du Caylar (735 m alt / Hérault)
photo personnelle :
3 La Dourbie a séparé les causses Noir (au nord) et du Larzac (au sud) (vue prise vers l'amont, vers l'est).

dimanche 15 mai 2016

A PENTECÔTE, GÔUTE LA GUINE ! / Fleury d'Aude en Languedoc

Per Pantecousto la guino gousto ! (comme le relève Frédéric Mistral (1)).
C’est bien gentil d’associer les guiniès, en languedocien, avec les dimanche et lundi de Pentecôte (2) mais dame Nature suit un calendrier moins lunatique et la saison des guines peut s’accorder seulement avec la fête religieuse lorsque Pâques arrive tard, presque au 25 avril. Alors seulement, cinquante jours après, les petites cerises sauvages, un peu acides, un peu amères, peuvent piqueter le feuillage de leurs livrées rosées ou garance, pour les plus mûres.


Commons Wikimedia / Prunus_cerasus_-author Franz Eugen Köhler–s_Medizinal-Pflanzen-113

Chez nous, les rives et les abords de la rivière en sont parés, en pleine lumière et même à l’ombre des grands peupliers blancs (3) ; ceux-là portent encore des fruits fin août, début septembre. Le long de l’Aude, de la limite de Salles au débouché de la Montagne de la Clape, les tènements, les fermes et lieux-dits où prospèrent les petits cerisiers, se cueillent aussi avec gourmandise : Maribole, l’Horte d’Andréa, la Barque, l’Horte de l’Ami, la Barque-Vieille, Joie, Négo-Saumo, la Pointe.
La guine, la première confiture de l’année, avant l’abricot, les figues, et l’azerole des vendanges (4), déjà le souci des provisions pour l'hiver pour des campagnards plus fourmis que cigales.
Avec les reflets mordorés, pourprés ou dorés des autres bocaux, mon souvenir revoit toujours l’éclat cuivré des guines, libéré de sa prison de verre dès que la porte du placard s’entrouvrait... Et ce rayon réconfortant ne serait pas sans le dévouement opiniâtre et aimant de nos mamés, à la cuisine ou au bord des vignes (5) : mamé Joséphine, l’aïeule, mamé Ernestine et tante Céline, parce que ce souci des leurs, de ce qu'elles allaient mettre pour manger comptait autant malgré les ans. Maman aussi en sait quelque chose, elle qui, malgré ses 91 printemps, n'hésiterait pas longtemps pour sortir le chaudron même si l'époque n'est plus à assurer la soudure d'une année sur l'autre.
 
(1) Trésor du Félibrige (1878).
(2) du grec signifiant cinquantième : se fête cinquante jours après Pâques.
(3) populus alba, aubo ou aubero chez Mistral, terme désignant aussi le tremble pourtant différent. A Fleury on parle des « arbres blancs ». 
(4) les mûres de l’été, les gratte-culs de l’automne n’étaient pas prisés à l’époque.
(5) Qui avait peur des pesticides alors ?


    Mamé Joséphine

    Mamé Ernestine et papé Jean, tante Céline et l'oncle Noé.

mardi 3 mai 2016

CAVALCADES ET CORSOS FLEURIS / Fleury d'Aude en Languedoc



Si certaines villes maintiennent la tradition de leur carnaval, Limoux et ses fécos par exemple ou ces villages où se danse et se chante encore le buffoli, sous le ciel de Fleury, les masques et les cavalcades ne reviennent que par périodes. Il fut un temps pourtant où une cavalcade réputée attirait même un public régional. C’est ce que nous explique François Dedieu, dans son chapitre « Premiers sourires du printemps » (1) : 
  
«... mais ses grandes dates se situent, pour l’après 1945, en 47, 48, 49 où nous avons tenu la dragée haute à Narbonne et à Béziers. Paulette Jean, plus tard épouse Grasseau, Josette Bousquet, fille d’Emilienne et Jules dit Camille, et d’autres qui m’échappent (je n’étais pas là, et la mémoire de tatie Marcelle nous serait précieuse), en furent les reines ou dauphines. Le Comité des Fêtes, récemment créé, voyait ses membres circuler en calèche : Léonce Andrieu, Louis Robert, Georges Chavardés en particulier. Les chevaux (les tracteurs ne vinrent que plus tard) étaient alors en tenue de parade, leurs sabots noircis au cirage. Les nombreux chars composaient une vraie cavalcade. Je te signale toutefois que le départ a toujours été donné « à la gare », c’est-à-dire à la Cave Coopérative, et que la « rue de la gare » devenue « Avenue de Salles » constituait une portion importante du défilé... /...

... Au sujet du carnaval de Fleury, je retrouve plusieurs lettres :

6 février 1948. .../... nous préparons une cavalcade pour le 7 mars... /... Louis Robert est toujours président, il y a déjà 7 à 8 chars inscrits... /... nous en ferons un, nous voulions faire les Saintes-Maries-de-la-mer mais les Cabanes le font. Peyrel en ont commencé un mais on ne sait pas ce que c’est. dimanche c’est la cavalcade de Narbonne et le 23 celle de Coursan...

Deuxième lettre :

«... Dimanche la cavalcade s’est très bien passée ; il y avait de nombreux chars : d’abord une barque qui a eu le premier prix (6000 F) avec des corsaires portant des foulards rouges, puis le chapeau mexicain, c’était un grand chapeau beige et doré avec des danseurs et danseuses sur son rebord : Paul Sagné, Norbert Hérail, Paulette Jean, S. Rascol, J. Pradines, etc... Félix Peyrel jouait des rumbas sur son accordéon et le char était garni de palmiers ; puis il y avait les sultanes : J. Berthuel, J. Sala, J. Bousquet, G. LOpez, Suzanne Sirven, et Claude Pech était assis dans un coin et jouait de la clarinette ; de l’autre côté, il y avait deux petits nègres habillés avec du raphia et qui jouaient du tambourin. Les sultanes étaient assises sur des poufs en cuir. J. Berthuel était allongée sur un divan recouvert d’une peau de panthère (c’est Mr Fabre de la distillerie qui avait tout prêté). Ce char était très bien, surtout les costumes qui étaient très riches, en satin blanc, bleu et bordeaux, avec le turban et les mules assortis. Elles ont eu le 2e prix, avec le chapeau... » (à suivre)  

(1) Caboujolette / 2008. 

diapositives avril 1969 François Dedieu.

vendredi 15 avril 2016

CAVANNA ET LES PEUPLES / mémoire de l'Europe


Le nom de François Cavanna (1923 - 2014) reste lié à Charlie Hebdo et aussi à Hara-Kiri, le journal « bête et méchant » des années 60 - 70. L’auteur gagne néanmoins à être connu pour le témoignage, à travers sa vie, sur le siècle passé.
Ainsi, ce qui pourrait n’être, de sa part, qu’une posture politique contestataire, prend une tournure autrement humaniste et philosophique. Ses écrits autobiographiques, en effet, apportent un éclairage instructif sur un sens commun, une intelligence humaine idéalisés et pourtant loin de transcender les instincts d’êtres régis surtout par l’extraction animale qui est la leur.
C’est pour le moins ce qui marque, lorsque, à l’occasion du grand brassage causé par la Seconde Guerre Mondiale, Cavanna, alors déporté du travail en Allemagne, nous livre, dans les RUSSKOFFS (Belfond 1979), sur fond de jeunesse, d’amour et de soif de vie, un instantané des visions et constats primaires de nationaux vis à vis d’autres peuples.
Verra-t-on, avec le temps, l’acquis influer toujours plus sur l’inné ? Doit-on en rester à un réalisme essentiellement pessimiste exprimant que la nature de l’homme ne peut être que ce qu’elle est ? Peut-on estimer raisonnablement que les mentalités peuvent évoluer du tout au tout ?
En plus de l’intérêt personnel que je porte à cette période particulièrement destructrice mais qui fit que mes parents se rencontrèrent à Dresde et que la suite fut plus heureuse pour eux que pour Cavanna et Maria, comme tous ceux qui veulent y croire, ces questions de fond, bien sûr, je me les pose...

pages 120 à 123 édition Livre de Poche 1981, extraits :
« Pour la plupart des Français, ici (à Berlin dans l’Allemagne de Hitler note JFD), les Russes, c’est de la merde. En toute innocence. Ça va de soi, quoi. Comme un colon considérant un bougnoule. Même pas par anticommunisme. Au contraire, cet aspect de la chose les leur rendrait plutôt sympathiques.../... Alors que les Belges, leur défiance du Russe tient essentiellement au diable bolchévique qu’il cache sous la peau.
Les Français on ne peut pas dire qu’ils n’aiment pas les Russes, ils ne les aiment ni ne les désaiment, ils n’aiment personne. Quel peuple économe de ses emballements ! .../... Au premier contact, traitent les Russes de haut, condescendants, amusés-méprisants, comme ils traitent le Sidi qui vend des tapis à la terrasse des cafés. Ces yeux braqués d’enfants curieux de tout, ces sourires grand offerts qui quêtent ton sourire et volent au devant de lui, cette amitié toujours prête à croire à l’amitié, cette terrible misère qui cherche quelle babiole t’offrir pour matérialiser l’amitié, cette violence dans le rire et les larmes, cette gentillesse, cette patience, cette ferveur, tout ça, les Français passent à côté... ».
D’après Cavanna, les Français feraient un peu comme les Allemands « ... sauf que les Allemands, eux, ils le font exprès, ils savent pourquoi. » Ils dénigrent les traits physiques, la façon de s’habiller, les traitent de « race à la traîne, pas des gens comme nous, quoi ! », les pensent encore au Moyen-Âge. S’ils en veulent aux Allemands « Les Boches, bon, c’est des sales cons...» ce n’est pas sans accointances « entre gens civilisés ».
«... Vis à vis des Russkoffs, les Français se voient dans le même camp que les Chleuhs : le camp des seigneurs.
J’ai l’habitude. Le Français méprise d’un bloc tout ce qui est rital. Le Rital du nord méprise le Rital du Sud et se sent, du coup, quelqu’un d’un peu, si j’ose dire, français...
Le Polonais aussi est méprisé mais déjà nettement moins que le Russe. Le Polonais hait le Russe d’une haine dévorante. Il en est, en retour haï d’une haine condescendante. Il hait aussi l’Allemand, le Polonais, d’une haine ardente mais pleine de déférence. L’Allemand hait le Polonais d’une haine somptueusement teutonique. Eux.../... détestent tout le monde et par-dessus tout les juifs... /... Ah si tiens, ils aiment la France... Les malheureux ! Dis "Napoléon" à un Polonais, il se met au garde-à-vous... /...
Les Tchèques aussi aiment la France. Mais d’une façon plus distinguée, plus culturelle. Nous on a mauvaise conscience. Munich, n’est-ce pas... On finit toujours par évoquer Munich. Alors le Tchèque te regarde et ses yeux te disent : « Tu m’as fait ça, ami. Tu m’as trahi. Mais ça ne fait rien, ami, je t’aime ». La France quoi qu’elle fasse, elle reste la France. C’est ça l’avantage d’être la France...  »

C’est direct, brut de décoffrage. C’est du Cavanna. Faut lui passer les gros mots. Sous des dehors excessifs, lui et ceux de son genre cachent une grande sensibilité. Dans « LES RUSSKOFFS », en dépit de la guerre, il y a aussi, sur ses « calepins crasseux », un amour indéfectible pour les langues avec une faveur pour le russe que parle la femme qu’il aime.
Bien plus tard, celui qui n’aura de cesse de fustiger les réformateurs de l’orthographe s’arrogeant le droit de saper une langue millénaire pour «... des gens qui ne lisent pas, qui liront de moins en moins, qui n’écriront pas davantage. On la fait pour ceux qui ne s’en serviront pas...», écrira «MIGNONNE, ALLONS VOIR SI LA ROSE », un éloge de notre langue sur plus de deux-cents pages... 


Je relis LES RUSSKOFFS, tous les soirs à 17h 30, au téléphone, pour mes vieux parents aux yeux fatigués, à 9000 kilomètres de moi et ils prolongent souvent avec ces souvenirs qui les ont secoués et une émotion qui nous remue toujours.
Merci Cavanna ! Merci François !   

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