Affichage des articles dont le libellé est chasse. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est chasse. Afficher tous les articles

jeudi 13 janvier 2022

LE DELTA DE L'AUDE, UNE PETITE CAMARGUE

En préalable à une balade romantique entre Saint-Pierre et Les-Cabanes, j'en étais resté à démontrer qu'il n'existait aucun lien entre le fait d'être né quelque part et de s'en trouver pour autant "imbécile heureux" (1). Quitte à me demander encore, peut-être sans raison, si nous n'aurions pas plutôt tendance à plaindre un apatride que le contraire, je tourne le dos à la polémique. Dans les facettes nourricières du milieu propre à influer sur les gens, natifs et autres, le delta de l'Aude, aux terres gagnées sur la mer et qui ont rattaché La Clape, hier encore une île, au continent. 


 Saint-Pierre-la- Mer, au pied de la garrigue. A partir des pins de Périmont, la balade vers Les-Cabanes-de-Fleury vient compiler le présent sur les strates de souvenirs plus anciens. Ne suivons pas, le long de la Clape, le sentier vers l'Oustalet, là où nous allions couper les carabènes (2) de la véranda devant la tente. Non, il faut se décider à traverser la zone lagunaire, ces confins que l'étang occupe plus ou moins l'hiver, en période de grandes eaux. 


 L'été en principe, on peut passer même si la surface craquelée reste traître, cachant sous une mince couche sèche, un sable noir, vaseux et collant où l'on s'embourbe en moins de deux. Bien que du coin, j'y bloquai une fois les roues du vélo dans une gangue très adhérente. Étaient -ce les vapeurs du gris-de-gris mis en bouteille au domaine de Gaysart qui m'avaient rendu distrait ? Ce qui est sûr est qu'elles avaient rendu la mésaventure très joyeuse, du moins avant que de devoir nettoyer... Mais je me répète, j'ai déjà raconté ça, fin août me semble-t-il... tout comme de s'embourber avec la voiture... "Non papa, on va s'embourrer ! " redoutait mon aîné... 

 https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2021/08/pissevaches-saint-pierre-la-mer.html


 Suite à ces espaces plutôt familiers, il fallait et il faut toujours passer la chaussée de la Grande-Cosse, inondable peut-être, en cas extrême, redescendre un peu plus loin, s'engager de l'autre côté où la piste se dirige résolument vers les dunes du littoral. La carte indique bien qu'elle rejoint un ancien lit de l'Aude. Le Payroulet, les Terres Salées, des territoires où l'eau douce le dispute au sel, où le privé veut prendre le pas sur le public : qu'en est-il de cette clôture barrant initialement le passage ? Ou, est-ce ouvert parce que les taureaux camarguais n'y sont plus ? 


 Plus loin, une petite rivière empêche de passer... Étrange : il n'a pas plu depuis belle lurette... N'est-ce pas pour dissuader ? inciter à faire demi-tour ? L'eau pour l'agriculture ?  l'eau pour la chasse ? Et la multiplication des pompages à la rivière, autorisés ou non, qu'en est-il ? Par moments, des salves de coups de fusil derrière la chaussée qui clôt le vaste domaine de Saint-Louis, jadis aux Salins du Midi. Choquant, en pleine journée... Il me semble qu'à l'affût, le gibier se tire le soir, la nuit, le matin mais qu'il se repose durant le jour. Non, excusez mes craintes mais ce n'est peut-être que du ball-trap. Le pouvoir de l'argent donne aussi celui de détruire à grande échelle, est-ce la raison de cet a priori négatif et accusateur ? Pour en finir avec cette eau, si c'était pour entretenir les zones humides afin d'en préserver la biodiversité ?  


 Aujourd'hui, le réalisme voudrait me fermer les portes du rêve alors qu'en post-adolescence romantique, à l'âge des premiers émois, des amours incertaines, c'est ici, sur la piste de limon, de sable et de sel, que je revoyais celle à laquelle je m'accrochais toujours, touché par les destins croisés de l'Arlésienne, Mireille, Magali, la condition première étant le moment de la journée. Il faut que le soleil donne fort, à la verticale presque, quand la nature et les hommes l'évitent. Alors on se retrouve seul, écrasé sous la chape implacable. Alors, la survie commande de rejoindre la forme incertaine, dansante, d'un tamaris ou d'un pin... Sauf qu'entre maléfice et enchantement, sur la platitude désolée de la sansouire, là où des croûtes de sel rappellent un chott du Sahara, les mirages savent faire danser aussi comme une silhouette disloquée et floue d'une femme en perdition : c'est Mirèio, l'héroïne de Mistral, empêchée d'épouser Vincèn, son amoureux aux origines trop modestes. En dernier recours, elle va aux Saintes-Maries-de-la Mer, implorer les saintes mais elle n'y arrive que pour y mourir, frappée d'insolation lors de la dure traversée de la Camargue. Autre histoire contrariée, celle de Jan qui se défenestre pour avoir, par respect des conventions sociales, renoncé à la femme qu'il aime, une "coquette" déjà promise mais à un parti moins intéressant, l'Arlésienne. Et comme pour conforter toute cette mythologie, dans les années 60, on entend à la radio  :  

"... Magali, Magali,
Qu’est-ce qui t’a pris de t’en aller pour le pays de nulle part
Parce qu’un gitan t’a regardée en faisant chanter sa guitare?
Magali (3)..." 

Tout y est : le refrain en occitan "... L’amour que pourra pas se taïre, e ne jamaï se repaua, Magali...", les gitans, le soleil qui rend fou ; en prime, l'évocation de la grande steppe de la Crau, créée par la Durance, encore une fille folle de Provence. 

Mais il faut absolument rejoindre les pins là-bas. Ce n'est que dans leur ombre bienfaisante que la fièvre s'apaisera même si on aime prolonger en imaginant le chaume sur les murs blancs de chaux de la maison du gardian, une cabane de sénils comme dans la Salanque ou celles, à l'origine, des pêcheurs de l'embouchure de l'Aude.  

Plus prosaïque, alors que Mistral est récompensé du Nobel de littérature pour son poème en occitan (autre chose qu'une collection de la Pléiade, à la réputation surfaite, truffée d'auteurs d'extrême droite sinon fascistes), encore pour une histoire de femme, la Vénus d'Arles (1er siècle avant JC), force est toujours de constater qu'elle reste détenue à Paris (4)... Entendez-les donc, ces racistes historiques rejetant la "race du Sud" mais s'accaparant la culture méditerranéenne ! 


 Pourtant, rien ne saurait gâcher la fin de cette balade. Au bout de la piste, le camping, puis toute la poésie du fleuve vers les Cabanes-de-Fleury, d'autant plus qu'en septembre, le pays respire à nouveau après la saison touristique (une pensée pour Gilbert Bécaud)... Le Cers a, une fois de plus, lavé et le ciel et nos âmes... 

(1) "... Je suis né quelque part
Laissez-moi ce repère..." Maxime Leforestier.
 
(2) arundo donax, roseau poussant en rideaux en bordure de cours d'eau ou dont la présence indique aussi celle de l'eau, ici les résurgences des infiltrations dans la garrigue.  Où les copains de la Barjasque allaient-ils donc couper les leurs pour leur campement sur la plage ? 
 
(3) Robert Nyel 1962. 
 
(4) demandez aux Agathois comme ils ont dû se battre pour rapatrier l’Éphèbe d'Agde, plus de vingt ans après sa découverte ! 

 

Maison_de_Frédéric_Mistral,_Maillane,_1914 wikipedia Domaine Public Source BNF, Auteur Agence Rol. La porte à mouches, les moustiquaires à guillotine à la fenêtre, les chaises en paille pour prendre le frais après la chaleur de la journée... 


 

 

mardi 14 décembre 2021

CHEMIN D'ÉCOLE (2) Nantis, manants, chasse et culture...

"... La vieille classe de mon père,
Pleine de guêpes écrasées,
Sentait l'encre, le bois, la craie
Et ces merveilleuses poussières
Amassées par tout un été..." "Automne", René-Guy Cadou (1920 - 1951). 

A gauche de la mairie de Fleury, l'école des garçons.


La vieille école, fille du progrès, du temps où les filles n'avaient pas encore droit à l'enseignement laïque et où la "salle d'asile" n'était pas encore une maternelle. La vieille école si nouvelle, que la commune l'inaugura vers 1880, sur le site du vieux cimetière où longtemps remontèrent les petites perles de verre des couronnes mortuaires. La vieille école fréquentée par le grand-père Jean et son cousin Étienne au milieu des années 1900 (Jean est né en 1897). Puis vint le tour de mon père, vers 1930... l'avait-on agrandie alors ? Par la montée d'un étage ? C'est celle que je connus, de 1956 à 1960... Puis mes fils au début des années 80. Certains de mes condisciples arrivaient des campagnes, le cartable à la main et dans l'autre, une manne d'osier rectangulaire d'un volume gênant pour des bras encore courts. Des vendanges au 14 juillet, ils portaient la saquette, le repas emporté. 

Ils ne doivent pas être aussi encombrés mais ils sont chargés, Étienne et Jean, à pied. Suivent-ils le bord de la garrigue ou le cours, le fossé pratiquement toujours à sec du ruisseau lié à l'ancien étang fermé de Fleury ? Nous les accompagnons sur le retour, au moment de traverser la Clape, pour continuer le trajet, poursuivre le voyage intime dans ce qu'il y a à passer de son lignage vers sa postérité.   


 

Deux choses : d'abord la surprise de ce joli chêne, ensuite, celle, cachée aux grands flux, d'un calvaire suite à un un décès, sur le chemin même : un homme jeune (24 ans), le 16 avril 1868... à trois heures du matin...  http://chroniquesdeperignan.free.fr/Calvaires/croix_de_molveau.html 

Le vélo cadenassé et caché dans les fourrés, il faut continuer à pied le long d'une propriété grillagée, celle avec cette bâtisse aux airs de manoir empâté, qu'on voit de trop loin, une insulte de parvenu aux humbles bergeries qui se fondaient jadis dans le paysage. Ce n'est pas bien aimable de ma part, c'est à cause du grillage et, en prime, à ce panneau, derrière, voulant impressionner, et qui voudrait dissuader de passer... 


Voyez-vous un chemin derrière le grillage ? Ou alors est-ce pour celui d'où la photo a été prise et dont l'accès n'est pas interdit ? Cela n'est pas sans rappeler des on-dit, vieux d'une vingtaine d'années, à propos de chemins échangés ou cédés entre la mairie et les privés... Médisances de la part des pedzouilles du coin sûrement... Personnellement, j'ai un service à demander à la municipalité, l'opacité ne faisant pas bon ménage avec le vivre ensemble, à savoir qu'elle fasse connaître, même sans trop inciter, les chemins libres d'accès...En attendant, pour la forme, serait-ce protéger de planter un ou deux bons clous dans un pauvre arbre, d'autant plus quand on a les moyens d'une vidéosurveillance ? C'est à prendre bien sûr de la part du pedzouille, du natif buté et borné que je suis... 

Quelle idée aussi de vivre assez vieux pour avoir connu le coin un demi-siècle en arrière ! Il est vrai, une époque classique, avec ses riches se démarquant toujours des autres, pour le dire sans aborder de front les libertés, égalités et autres fraternités trop bien claironnées, du temps où les grands propriétaires prenaient un soin jaloux de leurs landes et garrigues. Pour le gibier, pour s'adonner au plaisir de la chasse, ils invitaient, souvent des édiles, non sans arrière-pensées. Afin d'assurer un bon tableau final, ils payaient un garde à temps plein, compétent pour aider la nature, limiter les nuisibles qu'ils soient animaux ou braconniers... Au Courtal-Naout, la bergerie d'en haut et non une insignifiante "cour" comme le prétend le site du manoir empâté, le garde d'alors, autodidacte et toujours en quête de partage humaniste, m'avait invité pour une visite... jusqu'à m'indiquer un champ certainement destiné à nourrir la sauvagine mais où, dans les chardons, poussaient les couderles (du nom occitan désignant, sauf erreur, le pleurote du panicaut). En montant vers la Barre de Saint-Pierre, il m'avait signalé, non sans évoquer Socrate et les condamnés à mort, des pieds de grande cigüe aux alcaloïdes mortels. Certains auront reconnu Pierre Bilbe, dont le souvenir vient souvent à ma rencontre, ici, sur les chemins de mon grand-père Jean.   

samedi 31 août 2019

LE GIBIER D'EAU... PLUTÔT EN PARLER QUE SE BRAQUER ! / Fleury-d'Aude en Languedoc

C'est en continuant de cueillir quelques lignes sur les vendanges d'antan que, dans l'enveloppe de septembre 2001, je redécouvre,délicatement pliée par mon père à mon intention, une page de journal sur Clovis Papinaud, tonnelier de Cuxac devenu maire, conseiller général, sous-préfet, député puis gouverneur de Mayotte en 1888 ! On peut, bien sûr, voir des hasards partout, à juste titre qui plus est, puisque rien n'est vrai sans lui !

Et par aventure, bien sûr, dans la colonne de gauche, l'ouverture au gibier d'eau dans l'Aude, fixée au 19 août 2001 parce que, ce même mois de 2019, la circonstance ayant bien voulu me remettre sur la piste de Maurice Genevoix, chasseur et pas seulement de mots, dans sa feuille sur le canard colvert, si apte à mettre toutes les chances de son côté contre le chasseur, nous apprenons incidemment qu'à la fin des années 60, l'ouverture de la chasse à l'eau se faisait le 14 juillet. 
(pardon si c'est peu lisible, c'est que le scanneur est tombé en panne)





Concomitamment, en tournant les pages de vieilles publications municipales, après les lapins de Francis Patrac, c'est l'émerveillement toujours renouvelé des chasseurs du marais dont René Lautren, ce qui n'a rien de contradictoire avec les problèmes de gestion ou l'approche technique puis sociétale mais toujours aussi sensée qu'équilibrée de Christophe Hérail. De quoi méditer et réfléchir. 

Manquent les premières lignes, sur la page précédente... ce sera corrigé dès que possible...
   

En dehors du fait que "la vie est sœur du hasard" (Stephen King) et que "toutes les rencontres se font par hasard (Jean-Louis Bory), ce n'est pas d'hier que les questions sur la chasse se posent. 

Nos deux intervenants sont à l'opposé des viandards d'alors... 

Dois-je dire que dans les années 70, alors que Joseph dont la passion pour les oiseaux sauvages demeure, m'invitait à photographier des ibis falcinelles alors rares, ces pauvres oiseaux ont vite succombé aux plombs pour être empaillés ?

Dois-je ajouter que, quand je vois sur une chaîne de chasse et de pêche, des extérieurs, dont le maire de Gruissan, venir à Pissevaches parce que ces chasses privées garantissent qu'il y aura des cartouches à tirer, l'amoureux du terroir qui a toujours chassé chez lui se retrouve à des années lumière de cette prédation corrompue par le fric et qui, alors que la mauvaise conscience des viandards existe, ne réalise pas l'indécence qu'il y a à s'exposer ainsi ? 


samedi 27 juillet 2019

LE TEMPS NOUS A-T-IL POSÉ UN LAPIN ? (suite) / passé, chasse et nature.

Dans la rubrique "Vous avez la parole" du bulletin municipal "Le Cagnard" n° 9 de juillet 1998, un article de Francis Patrac, non en tant qu'ancien adjoint au maire de la municipalité "de gauche" mais en tant que Président du Syndicat de Chasse :

"LE LAPIN DE GARENNE

 Notre Garrigue à Fleury, il y a quelques années à peine, était une véritable lapinière, tellement elle était dense en lapins de garenne, ce rusé petit gibier qui faisait la joie de nombreux chasseurs pérignanais. Les combes de la Pagèze, de Canibel, du Léger, de Tuffarel, le Fourayou, Bouïsset, la Broute, la Cresse, Courtillou, les Pins de la Mairie : autant de lieux, autant de tènements qui, dès le lever du jour, résonnaient de la voix des chiens, de la musique des petites meutes de courants. Découragement ! Désespoir ! il n'y a plus aucune empreinte,aucune crotte, aucun "îcagadouî" comme disaient nos anciens, signalant la présence de ces véloces boules grises.

Quelles sont les véritables raisons de la disparition de ce gibier de base qui permettait de chasser toute la saison, sans jamais compromettre son capital reproducteur ?

Bien sûr, il y a eu cette épidémie dévastatrice qu'a été la myxomatose. Mais alors que le lapin paraît de mieux en mieux résister à cette maladie, il doit maintenant faire face à un autre terrible virus, celui du V.H.D., maladie hémorragique virale. cette maladie a été répertoriée par la France en 1988, sans doute importée d'autres continents. Elle est foudroyante et l'incubation dure d'un à trois jours seulement. Les lapins n'ont pas le temps de maigrir et meurent en poussant quelques cris. On ne retrouve que très peu de carcasses car les prédateurs, aussitôt, les font disparaître. Mais tel territoire où l'on avait cru voir quelques traces d'une colonie de lapins, est retrouvé, du jour au lendemain, vide de leur présence.

 Une autre cause, plus naturelle, est l'abandon de la Garrigue à la friche et aux broussailles : "la Garrigue se ferme", nous disent les techniciens. Plus d'espaces cultivés, plus de champs, plus de ces petits lopins de vignes entretenus à la main par de modestes viticulteurs : ils étaient journaliers et le soir ils défrichaient, bichonnaient des parcelles de quelques dizaines de ceps de vigne, disposées en terrasses. Il fallait couper les racines des chênes kermès, entretenir les murailles de pierres sèches, aplanir les trous des sentiers, aménager les abris et les caches pour les outils et les produits de la vigne, curer la citerne, excellente réserve d'eau toute l'année.

Ces petits espaces où l'on voyait aussi quelques arbres fruitiers, quelques plants d'artichauts étaient fréquentés par le lapin de garenne que les murailles protégeaient des prédateurs. On voit encore dans la Clape ces vestiges d'une époque qui n'est pas très lointaine. Il serait intéressant, pour les randonneurs, pour les chasseurs, pour tous les amoureux de notre garrigue, d'en dégager quelques coins, d'en restaurer quelques vestiges, de retrouver ces anciens sentiers que l'on empruntait à pied, fusil et gibecière au dos par les matins frisquets d'automne. On prévoyait petit-déjeuner et déjeuner, et on ne rentrait qu'à la tombée du jour. Le sac pesait le matin et s'alourdissait quand la chasse avait été bonne.

Bien sûr cultiver la garrigue comme au début du siècle est définitivement révolu, nous le comprenons, et nous ne pratiquerons plus la chasse comme autrefois. Mais qui sait ? Rêvons, agissons, racontons-nous ces souvenirs, essayons par une action raisonnable et intelligente, de favoriser le retour de ce petit gibier irremplaçable qu'est le lapin de garenne.

Le sanglier et sa présence dans la Clape est-il responsable de la raréfaction du lapin ?

Un prochain article pourrait en parler." 








vendredi 26 juillet 2019

LE TEMPS NOUS A-T-IL POSÉ UN LAPIN ? / passé, chasse et nature.

Il y a encore 60 ans, plus qu'un mode de vie la chasse représentait une ressource non négligeable pour les familles, surtout concernant le petit gibier. En un demi-siècle, le rapport à la nature a  été chamboulé, les conditions de vie ont complètement été bouleversées, les mentalités ont suivi. 
Voilà une paire de mois, sur le bulletin municipal "Le Cagnard" de juillet 1998, un article sur la chasse au lapin signé par le président du syndicat de chasse, resté aussi dans les mémoires en tant qu'instituteur, aujourd'hui disparu (novembre 2018), Francis Patrac. 
Et pas plus tard qu'hier, la page la plus émouvante sur la détresse des lapins, il est vrai signée par une plume des plus prestigieuses, Maurice Genevoix. 

1939 Tableau de chasse aux lapins de garenne et autres gibiers. Wikimedia Commons. Auteur Unknown 1939.
Vers 1950 et même avant  : 

"... C’est encore l’oncle Noé qui avait ce chien étonnant nommé Picard. Lorsque sa sœur Marie-Louise et son beau-frère Jean Grillères (ça s’est produit au moins une fois, et lui, faisait comme si cela avait été habituel) décidaient de venir à Fleury manger chez eux, et que rien n’avait été prévu au menu, l’oncle et son chien – la chasse étant déjà fermée – allaient faire un petit tour dans les vignes voisines, à commencer par la grande vigne qui laissa la place à la maison Fabregas, au centre médical, et dans un mois … à la pharmacie, et ils revenaient dès que Picard avait pris un lapin. C’était l’époque où les  « garennes » (plur attesté in Petit Robert) étaient nombreux, sans pulluler comme ils le firent en 1942 : à cette époque, en une semaine, papé Jean en avait pris (les trappes étaient forgées à Villesèque-des-Corbières) quarante-trois !!! De quoi garnir le « riz au gras », les « pâtes en sauce », ou de les rôtir à la broche, alors qu’il n’y avait pas grand-chose à se mettre sous la dent … et que la myxomatose, heureusement, ne sévissait pas encore..." 
Histoires de chiens, chapitre La Rentrée, Caboujolette (2008) François Dedieu.

Ce passage venait prolonger un constat représentatif des années 60 : 
"... La garrigue, en septembre, c'est l'ouverture de la chasse. Le premier dimanche, passées les dernières maisons, ça pète sur tous les coteaux. 
Les hommes crient, font le siège des buissons (1)[...] le plus vaillant (des chiens) investit la garrouille, les hommes le suivent au bruit du grelot. Affolé le lapin déboule. Les fusils tonnent, le lapin roule, stoppé dans son élan et finit dans la gibecière [...]
 La chasse au lapin est une chasse populaire. Chacun est sûr d'amortir le prix des cartouches : les lapins prolifèrent [...]. Dans la garrigue pas moyen de faire venir un mailheul (2)... "

(1) garrouilles de kermès.      
(2) jeune plantation de vigne. 

vendredi 31 août 2018

VOYAGE EN TCHÉCOSLOVAQUIE (8) / De la Porte de Bourgogne à la Forêt-Noire.

Roppe. Quitter l’autoroute devenant payante pour vingt-six petits et mesquins kilomètres (ça ne va pas arrêter d'augmenter !). Les vieilles maisons massives avec, à côté, sous un même toit, les gens, les bêtes, la grange, la remise, évoquent l’habitat traditionnel de ces pays car même entre Bourgogne et Alsace, les larges auvents contre la neige parlent aussi du Sundgau, des Vosges, de la Forêt-Noire, du Jura d’un temps où le climat n’était pas tourneboulé comme aujourd’hui. Sauf que le village ne sent plus bon la bouse… M’en veuillez pas pour ces vieilles impressions qui ne veulent pas mourir, avec papa conduisant la Dauphine ou la 403, la tente « Cabanon » sur la galerie ou la caravane « Digue » derrière… La descente en sortant de Besançon, les toitures-capuches des fermes : deux marches vers l'Europe centrale et devant, le grand Est des pays slaves...

Ah, la portion droite de la vieille nationale bordée par les gros et vieux peupliers ! Le pré spongieux au bas de cette côte où nous avions pris une cigogne en photo ! Souvenirs, impressions bucoliques liées à l'agriculture généreuse de l'Alsace, l'opulence des maïs, les branches chargées de prunes et de pommes, la gadoue de pissat et de bren sur le chemin des vaches, la réclame pour la potasse... 
Burnhaupt-le-Haut, Burnhaupt-le-Bas. Des dénominations qui nous rappellent l’oncle Pierre qui, à quarante ans passés s’est retrouvé en première ligne du front de 14-18 dans le Sundgau. 

Mais la fatigue, la monotonie de l’autoroute à nouveau libre accablent. Pas question de rallier le prochain parking à 20 kilomètres : arrêt et nuit au centre de Lutterbach, 12 kilomètres plus loin, devant un mini-city-market d’une enseigne connue et bien française à l’origine, du moins de nom.     

2h du matin. 359 kilomètres parcourus.

Lundi 30 juillet 2018. 8h 30. Mulhouse. La forêt de la Harth avec, au-dessus de l’autoroute, les ponts végétalisés pour le passage du grand gibier. Ils ont le mérite d’avoir fait partie du projet dès l’origine et l’impression reste forte pour un languedocien ne connaissant à l’époque, que le petit gibier (le sanglier était rare alors !) et une ouverture de la chasse sans gestion. Je dis toujours « Chalampé » alors que le poste-frontière d’alors est un peu au-dessus de la jonction autoroutière qui s’achève, côté français avec une limitation à 10 à l’heure ! l’appareil photo n’était pas à portée… Dommage !

Deutschland ! 4ème puissance mondiale et un écart, économiquement parlant, qui se creuse avec une France (7ème) qui se voudrait plus un pays de profits et de dividendes que celui qu’elle fut, d’un peuple solidaire. « Un pognon dingue !» déplore un Macron voulant aplanir et rabaisser les retraites comme  chez Angela natürlich… où de plus en plus d’Allemands sont obligés de travailler pour compenser (montant souvent inférieur aux 1100€ théoriques de retraite moyenne)[1] ! Diantre, on se croirait aux States !  

  https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-retraites-les-laisses-pour-196371  
Freiburger_Münster Wikimedia Commons Author Oberth Permission GFDL-self

Freibourg-in-Brisgau, dont la cathédrale fait harmonieusement pendant à celle de Strasbourg en Alsace, ville verte aux énergies naturelles, se traverse facilement en direction du Titisee puis d’Ulm. 
Du tourisme a minima pour compenser l’impérative migration.   
Hirschsprung Wikimedia commons Author photograph Frank C. Müller Baden-Baden

Hirschsprung Wikimedia commons Author Rauenstein
9h 30 – 10h 20. Petit-déjeuner en bas du Hirschsprung, un classique « saut du cerf » fuyant le chasseur. Comme chez nous, la voie ferrée de service local aurait été abandonnée. A-t-elle eu le même destin que d’autres sur la ligne, rachetées par les municipalités, transformées en charmants restaurants ? 

L’impeccable et doux ruban de la route aboutit entre des croupes boisées coupées par la courbe de niveau des vertes prairies. Çà et là, de grosses fermes abondamment fleuries de géraniums, aujourd’hui cossues mais témoins d’une vie jadis rude où bêtes et gens cohabitaient, où seul le cadet héritait[2]. Sur les cartes postales typiques d’antan, rouges comme les géraniums, les gros pompons des Bollenhut, littéralement « chapeaux à boules » des jeunes filles à marier. Le Schwarzwald ce sont aussi les sources thermales, les coucous qui sonnent les heures, le gâteau gourmand relevé de cerises confites, le jambon sec et, moins connu, le cheval de la Forêt-Noire, un trait de travail en montagne, alezan aux crins lavés comme le Comtois, mais plus petit, moins lourd. 

De trop parler nous fait rater la route du lac Titi « -see » à ne pas confondre avec le « -caca » du Titi des Andes…



[1] Un reportage récent atteste qu’il vaut mieux être retraité en Autriche ou aux Pays-Bas et pour ceux qui croient encore que nous sommes des Français privilégiés, à en croire une étude américaine, nous ne faisons pas partie des 5 meilleurs en Europe (dont la Grèce en première position !) !  
Il n’y a pas que de l’ivraie à la télé mais quand un invité-intervenant a comme justifié le prix élevé des péages chez nous en prétendant qu’en Allemagne, ce sont encore les plaques bétonnées qui usent tant les pneus, pour avoir parcouru près de 800 kilomètres, je ne peux que m’inscrire en faux. Ajoutons que de même les trois dizaines de kilomètres en travaux avec 2,20 m pour la voie la plus étroite sont particulièrement étudiés pour fluidifier au maximum la circulation…     
[2] Les frères et sœurs recevaient l’argent et avaient le droit de rester à la ferme comme domestiques.

jeudi 22 juin 2017

LOU MURAILLET C’EST LE MOINEAU... / L'été en Languedoc

« Mais c’est qu’il chante dans la pièce ! Je crois qu’il est entré ! »
Maman avait raison, un petit oiseau au bec encore jaune se retrouve sur le carrelage, un muraillet, un petit moineau. Bien lancé, le torchon des mains a suffi et quelques secondes plus tard voici l’oisillon à nouveau à réclamer sur sa branche... Chut, ça y est, ses parents l’ont retrouvé ! Je les entends, je les vois ! Joli tableau ! 


Des images et des sons reviennent des beaux étés passés, de la belle saison espérée sans que les canicules ne semblent point avoir été un souci alors... 
Un monde plein d’oiseaux qui finissaient souvent sous la dent, mentalité de sudistes aidant. Les paysans disaient « pillard » en parlant du moineau s’invitant à la mangeoire des poules et des pigeons.  


En 2008, j’écrivais (1) :
«... Et à Paris, alors que 500 000 oiseaux étaient comptabilisés en 1966, le recensement actuel laisse penser que la baisse des effectifs doit nous alarmer. Selon une source autorisée, l’essence sans plomb (2) serait tellement propre qu’elle tuerait les petites bestioles au menu des moineaux. pauvres muraillers (3), je viens vous demander pardon...
... Le tireur les a descendus, un, deux, puis trois, quatre. Facile. Ils ne l’ont pas vu, caché qu’il était sous les tôles. Et la mort silencieuse a fauché sans qu’ils comprennent. Incrédules, ils l’ont bien vu tomber celui d’à côté mais mourir est si naturel quand on ne naît pas homme qu’ils ont continué à sautiller, à piailler sur les pierres roses pour fêter le coucher du soleil, le bel été, le nid au fond du trou, la femelle à sa couvée. les innocents... Noces de sang !
Il est sorti, le garçon à la carabine, de sa cachette. il a ramassé les petits cadavres encore chauds, plutôt content. Mais pas cette satisfaction instinctive du paléolithique. Pour preuve : il a jeté sa chasse à quelque chat en maraude. Une pointe d’arrogance. la vanité rentrée de celui qui est en avance d’une arme quand les copains traquent encore avec la fronde à élastiques (4). juste un contentement teinté de mauvaise conscience. Ça ne valait pas la corvée de plumer, de vider. Et puis, les plumes fripées, collées d’hémoglobine...
... Quoi de plus commun qu’un moineau ! A la campagne, on ne se pose pas de questions. Rien à faire de l’esthétique, des couleurs. Rouge-queue (5), mésange bleue, verdier, jaune bergeronnette, tout fait ventre et commande les autres sens. rien n’est meilleur qu’une brochette fondante de petits oiseaux, voire de merles, faute de grives. Et si on épargne une nichée de chardonnerets, c’est pour les mettre en cage et les faire chanter. qu’y a-t-il de mal ? C’est la tradition (6) ! surtout depuis qu’on l’a arrachée, en 1789, aux nobles qui voulaient continuer à se l’accaparer, la tradition ! alors, ce passereau, ce commensal qu’ils disent, les scientifiques, ce pillard qui vole le bon grain à la volaille, qui s’en soucierait ?.. » 

    

Et dans l’article La Baptistino (3 décembre 2014).
« ... C’est indécent d’analyser et trop de mots corrompent le cœur, c’est sûr. Laissez-moi le serrer fort pour ces liens qu’on croirait lâches mais qui restent tendus à notre insu, entre camarades de jeunesse, parce que nous étions heureux comme la volée de moineaux racoleurs sur le haut mur derrière chez lui, dans une quiétude qui est déjà celle de la campagne, du temps des fleurs en grappes des faux acacias, parce que nous ne savions pas voir non plus la fatalité inéluctable telle celle du canon de la carabine pointé vers les innocents muraillers (3) en habits de fête... /... ils n’ont même pas remarqué que les petits moineaux se font rares, comme eux, sans voir la mort qui les emporte un à un, ils entonnent néanmoins « La Baptistino al peiroun... d'un monde beau et insouciant de la seconde fatale qui finira bien par arriver. »
A René...
https://dedieujeanfrancois.blogspot.fr/search?q=Baptistino

(1) « Le Carignan », Pages de vie à Fleury d’Aude (I), 2008.
(2) quant au plomb dans l’essence pour empêcher les moteurs de cliqueter, l’huile végétale eût fait l’affaire mais le lobby des industriels, quitte à polluer, à empoisonner la Terre entière l’a emporté ! Quand il n’y aura plus de rivière, plus d’arbre, d’oiseau, est-ce que le pognon ça se mange ?
(3) "murailler", "meuraillet", "muraillet" : nom donné dans le Sud au moineau qui niche surtout dans les trous des murs (passerat muralhièr en languedocien).
(4) Diana 27, la carabine à air. 
(5) au chant si gracieux dès potron-minet.
(6) Chasse, Pêche et Corrida ne sont que l’expression d’un anachronisme heureusement bien absent des dernières élections ! 

Crédit photos wikipedia et commons wikimedia.