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lundi 28 mars 2022

La BALALAIKA de Porphyre (6) Un "Russe" à Pérignan

En ouverture de chacun des chapitres, nous étions convenus d'inviter quelques rimes de chansons, chansons témoins de l'époque, de la saison, de l'épisode exposés...  

«  … Vent de ma plaine,
Va-t'en dire aux autres plaines,
Que le soleil et les étés reviennent
Pour tous ceux qui savent espérer… »

Plaine, ma plaine. Chant traditionnel russe.


Peinture de Guryev Ivan Petrovitch (1875-1943)

"... Non, c’est autrement qu’on a remarqué le simple soldat PANTAZI Porfiri. Un jour, le capitaine le fait appeler. « Tu feras le peloton, Pantazi. Si tout va bien, comme je le crois, tu seras caporal, sergent peut-être. Tu peux disposer. » Est-ce bien le même homme qui, sous ses yeux, vient de frapper si sauvagement d’un coup de pied au ventre un autre soldat que cette douloureuse image mettra longtemps, longtemps à s’estomper ? « Quelle chance, se dit Porphyre, je suis donc du bon côté ».Il y sera encore quand il pourra, lui qui sait à peine écrire, qui n’a jamais appris la moindre note de musique, faire partie de l’orchestre de balalaïkas. Cette espèce de guitare triangulaire lui avait plu d’emblée, et il chantait lui aussi, avec les autres, les soirs de permission, dans les estaminets à bon marché où des serveuses accortes leur apportaient kvas, casse-croûte et tord-boyau.

C’était à plusieurs voix, les filles se mêlaient au chœur, et ceux qui touchaient de la balalaïka comme celui qui jouait de l’accordéon, tous redoublaient de courage.

Un jour, un copain lui apprend à pincer les trois cordes. « Tu as de l’oreille, Porphyre, tu réussiras ». Et le voilà embauché dans le petit orchestre officiel du régiment, d’abord comme remplaçant, puis peu à peu à part entière. Être « dans la musique », c’est une bonne planque dans tous les régiments de toutes les armées du monde.

Ainsi passent les mois, les années : le service est bien long dans l’armée tsariste. Qu’à cela ne tienne. Maintenant il peut voir venir, il pourra arriver au bout. Encore quelques mois, et ce sera la « quille », le retour sans regret, sans doute, à la vie civile. Encore quelques mois… et c’est la guerre, celle que les manuels d’histoire appelleront « La Grande Guerre ».

Après l’attentat de Sarajevo, l’Allemagne entre en conflit avec la Russie le 1er août, avec la France le surlendemain. C’est le tour de l’Autriche le six août. Il faut vite traverser, à pied, l’immense pays jusqu’au front du nord-ouest. Marches forcées bien pénibles. Adieu la musique, plus d’accordéon, plus de balalaïkas. Les Russes passent à l’offensive en Prusse orientale. Hélas ! ils seront arrêtés à Tannenberg dès le 26 août 1914. Porphyre va arriver avec son régiment… pour le repli, qui se continuera en 1915 sur Riga, avant que cette ville elle-même soit prise le 3 septembre 1917. Trois mois plus tard, le 15 décembre, ce sera l’armistice russo-allemand de Brest-Litovsk. La grande révolution d’octobre a eu lieu, elle a réussi. Alors que la guerre continue en France, en Italie, dans les Balkans, les troupes tsaristes, après avoir vu leurs officiers disparaître pour être remplacés par de nouveaux venus acquis au régime communiste, sont peu à peu démobilisées. Porphyre retourne à Odessa. Il y est libéré et retrouve enfin Touzora. Son vieux père, ses sœurs, ses cousins et cousines accueillent à bras ouverts celui qui était soldat depuis près de sept ans..." 

François Dedieu. Caboujolette 2008. 

"... Un jour Lara, quand tournera le vent, 
Un jour Lara, ce sera comme avant..." 
La Chanson de Lara / Les Compagnons de la chanson. 

Robert Guenine (1884 - 1941) Mann_mit_Balalaika wikimedia commons domaine public source photo artnet


dimanche 27 mars 2022

Porphyre Pantazi, le "RUSSE" de Pérignan (5).

 Cet épisode doit se situer entre 1909 et 1911, peut-être 1912. Depuis longtemps, Porphyre Pantazi veut laisser derrière lui une vie de paysan qui ne lui ouvre pas un avenir enthousiaste. A l'amour de la terre, il préfère les lumières de la ville. 

"... Comment papa réagira-t-il ? Ne serait-ce pas sa mort, à lui aussi ? Et les petites toutes seules, si jeunes dans la pauvre maison !..

Partir.

 Longtemps il avait hésité, remis sa décision irrévocable à plus tard. Et, un jour, une lumière se fait, qui unit l’irréconciliable. PARTIR, oui, mais partir … pour se réfugier dans un couvent ! Quand papa l’apprendra, il fulminera contre son rien-qui-vaille de fils, il pensera aller à la police ; il le fera rechercher, fouetter peut-être. Et voilà : il est chez des religieux. Alors, sa colère tombera. La réconciliation viendra ensuite. Le nœud gordien est tranché. Reste à faire le pas décisif.

 Quand il va sur ses dix-huit ans, Porphyre le franchit. A Kalarach, il s’est renseigné sur les bons frères qui ont un couvent à Kichinev. D’ailleurs, il en existe en quantité. Si les premiers refusent, on verra chez d’autres. Pensez : une ville de plus de cent vingt mille habitants, cent cinquante mille peut-être. Maman en parlait souvent, de Kichinev. Elle disait d’ailleurs ChiSinau – elle était Roumaine, tiens ! 

Chisinau marchand d'ail vers 1900. Wikimedia commons Auteur inconnu. 

C’est dit : il part un beau matin – tous les matins sont beaux quand on veut partir –, passe par StraSeny et arrive le lendemain dans la capitale de la Bessarabie. Les renseignements sont bons. Porphyre s’adresse au meilleur couvent (il se dit que c’est le meilleur). Victoire ! On le gardera. Il travaillera les vignes de la communauté et sera nourri en échange. Vite une carte à papa Pantazi pour le rassurer sur le sort de son énergumène de fils. 

Chisinau marchand de bière artisanale vers 1900. Wikimedia commons. Auteur inconnu. 

Quelque temps plus tard, l’adolescent aura une place en ville, chez un libraire. Il sera toujours hébergé au couvent, moyennant un écot raisonnable. Et le rêve commence à se réaliser : il a déjà acheté une belle chemise, des chaussures, un mois plus tard un veston, puis un pantalon. Quelle joie de toucher ce tissu qui embaume ! Enfin bien habillé ! Ce n’est pas du luxe, tout de même ; et il gagne son argent, non ? Alors ? Si maman le voyait, comme elle serait fière de son fils ! Elle le comprendrait mieux que son père. Et pourtant, papa a bien fini par pardonner. 

1915 élément d'une affiche de propagande russe. Wikimedia commons. Author unknown. 

Mais un bon citoyen doit faire son service militaire. La carte lui arrive un jour, après un détour par Touzora. Et le voici embrigadé dans l’armée russe, celle du tsar de toutes les Russies. L’apprentissage lui est pénible, mais il a appris au couvent à se plier à la discipline. Il apprend maintenant à se taire, même s’il a raison. Vertu du silence, vertu surtout de la bonne conduite : on remarque ce soldat de Bessarabie toujours propre dans son pauvre uniforme, à la tenue impeccable, à la conduite exemplaire. Jamais un rapport quelconque sur lui. A peine touche-t-il à la vodka, même si les copains en boivent beaucoup. Certains ont de l’argent, ils achètent la célèbre eau-de-vie de grain. Tous les prétextes leur sont bons pour rentrer ivres. Un jour il a bien failli l’être. Il s’est arrêté à temps, a pris avec sa fourchette un morceau supplémentaire de viande en conserve pour calmer le feu de l’alcool. Jamais il n’avait vu boire ainsi. On se met à trois ou quatre devant une ou deux boîtes de conserve de viande, un verre ordinaire pour la vodka (la dose « normale » est de cent grammes !) et une chope, si possible, pour l’eau ordinaire. « Kouchat’ ! » (manger !) puis le soldat ingurgite sa vodka… et éteint le feu avec de l’eau, et en mangeant à nouveau. Alors, bien sûr, à ce régime, il faut souvent ramener un copain qui demande encore désespérément à boire, avec cette insistance qu’y mettent les ivrognes..." 

Apples_for_Sale,_Chișinău wikimedia commons Author Tony Bowden de Tallinn Estonie

Prolongements : 

Ce fut presque instinctif de repenser à la vie de Porphyre Pantazi à cause de la guerre en Ukraine. A nous de réfléchir aux parallèles possibles, le premier étant que cette guerre nous replonge plus de quatre-vingt-ans en arrière et qu'en cela Poutine nous rappelle Hitler... Un coup dur pour l'Europe ! 

En mer Noire : 

* une mine de 30 kilos a été retrouvée dans le Bosphore, elle a mis 20 jours pour traverser... A quand celles de 120 kilos ? (info Habertürk du 26 mars 2022 passée sur fb [teşekkür, merci BMG). 

* le Royaume-Uni s'inquiète de la présence de sous-marins russes avec charges nucléaires dans l'Atlantique Nord... Nous a-t-on fait savoir que le 21 juin 2021, le destroyer HMS Defender était à Odessa pour finaliser le projet de base navale et la vente de navires lance-missiles ? Non bien qu'il n'y ait rien à redire sinon moralement... Par contre, la Royal Navy n'a-elle-pas ordonné au HMS Defender, cap sur la Géorgie, de pénétrer les eaux territoriales russes, ce que fit le destroyer ? 

Mer_Noire_partage (2015) wikimedia commons Auteur Claude Zygiel (travail personnel).

* Sans le trompeter sur les toits, la municipalité de Fleury a pris sa part de solidarité dans le drame ukrainien : 

"... C'est à la fois bouleversés et heureux, que nous revenons en France demain, avec la possibilité d'offrir une parenthèse de paix a une cinquantaine de femmes et d’enfants qui ont choisi de rentrer avec nous.../... Les dons alimentaires ont été déposés en grande quantité à Lublin et sont déjà partis pour l’Ukraine..." André-Luc Montagnier, maire.

samedi 18 avril 2020

SLIP KANGOUROU AU ROCHER DE ROQUEROLS

Le slip est présenté comme vêtement de sport par le catalogue Manufrance en 1906. Pour athlètes, il est vendu 2 francs, et est proposé en tricot laine douce ou en jersey coton fin.
Il devient sous-vêtement en 1913 dans la revue l'Illustration. La définition est plus courte à l'époque que celle du Robert : «Culotte ou caleçon très court.» 
Avant lui, nos attributs squattaient les longs pans de chemise ou séjournaient dans un caleçon long. 
En 1918, la marque Petit Bateau propose cette "culottes sans jambes". 
En 1944 apparait le slip kangourou permettant d'accéder à la quiquette (osons un vocabulaire connoté !) sans passer sous l'élastique latéral ou baisser le ventral. Quoique, si le slip est apprécié pour le maintien de l'ensemble ce doit être sans une compression superflue qui compromettrait les capacités de procréation, les testicules n'étant pas situés à l'extérieur pour rien.  
Il n'empêche, les Italiens et les Espagnols sont des inconditionnels du slip ! Virilité et machisme obligent ! 
(source wikipedia)

Hasard ? Synchronicité ? Ne ressent-on que les coïncidences que nous voulons bien ressentir ? Assez psychologisé, n'i a prou coumo disèn aïci... comme on dit ici. La fête de Pâques, le lundi de Pâques, le radeau en slip kangourou... puis la mort de Christophe chantant Aline pour tous mais encore Saint-Pierre et sa plage pour moi, la mer encore recommencée avec Joe Dassin qui m'en parle aussi et que je ne veux pas oublier (décès en 1980). Et hier soir, sur France3, un documentaire "Brassens par Brassens" (décès en octobre 1981), très bien fait. Sa vie, ses relations tant amicales qu'amoureuses, sa trajectoire d'artiste pas toujours en bute à sa vache enragée, ses copains de toujours, du STO en Allemagne, des amis du monde des cabarets et du spectacle, de sa jeunesse à Sète avec les virées sur la grand mare des canards, ce bel Étang de Thau, l'après-midi doublement arrosé au rocher de Roquerols et Georges magnifique à exhiber un superbe slip kangourou, juste une concordance synchrone. 

 
En 1958, l'armée française conseille l'emploi du slip plutôt que du caleçon, trop flottant. Qu'en penser pour une institution flottant elle-même entre l'image martiale du défilé et son bilan mitigé, qu'on laissât ou non les affaires sérieuses aux militaires, si on ne remonte qu'à 1870, en passant par la guerre pas drôle du tout de 1939-40, la cuvette de Dien-Bien-Phû 1954, la lamentable opération Turquoise 1994 (Rwanda) et la retraite du vaisseau amiral pour cause de covid 19 (avril 2020)... 
"... Voir et complimenter l'armée française..." mais avec Bourvil qui rigole et saucissonne !

vendredi 12 août 2016

IL L'A DÉBUSQUÉ, LOUIS, LE VER DE LA GRAPPE (II) ! / Fleury d'Aude en Languedoc


« Louis, hier justement, à la télé, ils ont montré un cheval, une jument plus exactement, comtoise, comme celle parrainée à Limoux, qui travaillait une vigne et ils ont bien dit que ça tassait moins la terre.
- Et oui, sans parler de tous ces produits dangereux... Tu as su, par chez toi peut-être que le sol reste empoisonné pour les bananes...
- Ah oui, c’était à la Guadeloupe ou en Martinique...
- Et ces produits interdits ici, tu vas au Perthus, tu les as !.. Avant c’était pas mieux avec le DDT... Un produit efficace, pourtant ! Je suis bien placé pour le savoir quand on lui a passé la bite au cirage...
- Pardon, c’est quoi cette histoire ?
Louis rit intérieurement de l’effet de ses révélations ! 


Au service militaire, il y avait un grand costaud qui disait que personne ne le bizuterait ! On te l’a coincé à plusieurs et on lui a passé la bite au cirage. Mais c’est qu’il était le chouchou du commandant et je me suis pris huit jours pour ça ! Et au trou j’ai chopé des poux et des morpions ! Tu sais comment ils m’ont traité ? Ils m’ont attaché les manches et les jambes du pantalon avant de pulvériser dedans, du DDT... Je te prie de croire que ça a été vite réglé.
N’empêche que ces produits... Quand on avait à traiter le ver de la grappe, les matins où il ne faisait pas de vent, on se sentait asphyxié ! » 

Photos : 1. Mercure / Vatican / auteur Sputnikcccp
2. Légion vers 1958 / en.wikipedia
3. Cochylis de la vigne