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jeudi 16 novembre 2023

L'ÉTANG JADIS " Le lièvre, les alouettes et les moissines "

.../...Et oui, que veux-tu... je te regarde, toujours j’ai l’œil sur vous, fourmis minuscules à s’escrimer, collées au sol. Du noir de l’Espace, je le vois ton étang, vous avez couru avec des camarades du village, le long de fossés toujours utiles à drainer, passant sur ce vieux pont, enfin, fin XVIIIe... et toi, derrière... Entre nous, je t’aurais dit pour ton cœur, si tu avais demandé... J’ai aimé le lièvre qui a démarré devant, les alouettes qui fêtaient si bien le printemps de leurs trilles, non loin du terrain historique, du rugby Bleu-et-Noir.

Une vue de la cuvette de l'Étang de Fleury ; diapositive de François Dedieu 1967. 

Et là, je te vois, âgé déjà, à remonter dans le temps, pour que ton empreinte, à l’échelle, ne paraisse pas si vieille, pour conjurer le temps... Non, ne te fâche pas, c’est bien que tu aies parlé des chênes avant, massacrés pour forger, faire du verre, chauffer les fours. Manquant d’eau, l’étang nourricier (on a trouvé des traces de pilotis, des hameçons d’os) est devenu marécage insalubre... Il a fallu l’assécher par le souterrain antérieur aux Romains, tu dis...   

La cuvette de l'Étang de Fleury ; la vue est prise depuis la colline du moulin de Montredon ; le terrain de rugby se trouve derrière l'alignement de cyprès, en bas. Diapositive de François Dedieu 1967. 

Les pins jadis si regrettés, ont tout envahi depuis qu’il n’y a plus de moutons, les Canadair sont souvent appelés, le frelon asiatique est pire que tes abeilles rouges, le chemin de ton grand-père est propriété privée et les enfants ne rêvent plus de Noëls blancs... il ne neige plus depuis belle lurette... et aujourd’hui on va au ski. Le vin des châteaux se vend moins mais cher ; le copain si sportif, pas un pet de graisse, lutte à présent contre Alzheimer, celui de la carabine ne tient pas aux souvenirs, l’autre (c’est une pudeur de ne pas dire Antoine) est mort à Amélie-les Bains où, vu le nombre, ils ont dû aménager un mouroir. Où sont les alouettes qui montaient dans le soleil ? Le rugby-village est mort aussi. Seul l’étang asséché pourrait retrouver son eau et les belles femmes ne te feront plus réagir qu’en esprit... Un signe : tu te remets des paroles terribles de l’auteur, cinéaste, écrivain, qui t’apporte ce bonheur d’écrire :

 « … Telle est la vie des hommes : quelques joies très vite effacées par d’inoubliables chagrins… Il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants… » Marcel Pagnol. 

Parce qu’il faut regarder de plus haut, de plus loin. Moi, tu le vois, tu vois que je ne suis pas morte...

Entre parenthèses et sans la couper, pour ne pas froisser celle qui me suit mieux que mon ombre : 

Dattier-de-Beyrouth 2014 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur À Chaud

—  à propos du raisin volé, le copain Max pense qu'il s'agit du Servant (ou Servan), un cépage blanc aussi, aux grappes tardives pouvant se garder jusqu'à Noël voire jusqu'à Pâques si on trempe dans l'eau le bout de sarment coupé avec... Malgré ses baies oblongues, ce raisin a quelque chose de la variété Italia, aux grandes grappes et gros grains, tardive aussi et se prêtant à ce mode de conservation. J’en étais là quand Luc, le copain d’enfance m’a remis sur la piste du raisin pendu tenant au moins jusqu’à Noël, d’après lui de variétés indifférentes (pour nous faire voyager il a cité le Dattier de Beyrouth !). Une image lui reste, vue dans une série d’après Jean d’Ormesson, celle de sarments trempant dans des bocaux, peut-être de ceux qui tiennent jusqu’à Pâques. Donc nous dirons “ pende ” et non “ pande ”. Je rappelle, à y être, que mamé Ernestine suspendait des grappes couplées de raisin blanc de part et d’autre d’une carabène, dans une pièce obscure et fraîche... tout un art de suspendre les moissines...   

L'entrée embroussaillée de l'aqueduc souterrain 2019. 

— à propos de l’Étang de Fleury dans sa cuvette, c’est vrai qu’il pourrait se retrouver sous l’eau comme cela s’est produit en 1836 lorsque, suite à de fortes pluies, une portion de l’aqueduc souterrain s’est effondrée. Pour le remettre en état, il fallut creuser un entonnoir pour accéder à la partie obstruée, sinon plusieurs avant de réussir, puisque, non loin des « Quatre Chemins », l’endroit s’appelle « Les Traucats » (prononcez "traou-" puis insistez sur "-cats" comme en anglais)(deux ou trois surfaces sont toujours en friche, le long du chemin, en surplomb du souterrain, dessous, à une dizaine de mètres)

Source : « De Pérignan à Fleury », Les Chroniques Pérignanaises, 2009. 

Pour l’étang et le ruisseau du Bouquet, voir la série d’articles sur “ Le dernier affluent ”.  

dimanche 12 décembre 2021

CHEMIN D'ÉCOLE (1)

 
Depuis la Clape qui se hausse du col, prétentieuse de retenir un peu le soleil, un jour nouveau caresse les toits du village. Les volets s'ouvrent sur une irrépressible envie d'aller vers lui comme un appel vers sa naissance, son monde, la mer là-bas, comme pour tendre vers l'horizon toujours recommencé, l'Est de l'origine de nos cultures, de nos lendemains... Qui sait ? Au moins, savoir, avec ce chemin d'école, où cet appel du large vers son étroit passé va mener. Cap sur son destin, exploration sans limites de son voyage intérieur, en mode doux, à bicyclette, à pied et dans la tête, sans ce bruit de moteur qui dit trop que nous ne l'utilisons pas raisonnablement.
 
La petite vigne de Pouillet, replantée depuis. Derrière, les champs de l'ancien étang. 

Au premier carrefour, on sait mieux. Vicinal, le chemin domine les champs de l'ex-étang asséché, mais pas pour évoquer une préhistoire sur pilotis. Pouillet : un tènement, quelques pieds de vigne, qu'il hérita, par son mariage, d'une belle-mère veuve jeune, toute de courage, de vaillance... Pour la pause de "midi"sur la braise de sarments, il commençait toujours par quelques escargots poivre et sel, sacrifiés sur le gril des vendanges mais si bons, dit-on, pour la santé. 
 
Un contournement du domaine de Tarailhan autorisé j'espère... 
 
Plus loin, Tarailhan, le château, la campagne, pour dire "domaine", plutôt tourné vers Fleury mais déjà sur le territoire voisin de Vinassan... Passait-il par là, plus loin dans le temps, pour aller à l'école ? 
 

 
 
Le Courtal Crémat.

Après quelques coups de pédale sur la route de Saint-Pierre, le Courtal Crémat, une bergerie ruinée, qui brûla un jour, d'où son nom, sûrement. Des genêts envahissent les devants ; des lierres mangent les murs écroulés ; des figuiers cachent les ouvertures et prennent l'espace des toits crevés. On dit qu'ils sont immortels... Entretiennent-ils le souvenir de ceux qui vivaient là ? En 1866, le berger et sa famille, six personnes au nom torturé par quelque scribouillard inconséquent à l’État -Civil (SIgala ou SEgala ? (2) Peut-être une question de sérieux et de respect de la part de l'autorité administrative à l'encontre des couches les plus modestes de la population ?  
 
A l'arrière-plan, la garrigue pelée alors que depuis, les pins ont poussé partout

Sur la bordure amont de la cuvette asséchée peut-être antérieurement à la présence romaine (700 av. JC ?) (3), sa vigne du Courtal Crémat. Une terre de pico-talènt disait-il, littéralement "qui excite l'appétit" donc qui ne nourrit pas assez... "Es de sablou", c'est du sable, d'ailleurs ils plantèrent des griffes d'asperges, un temps. Sur une photo, il s'occupe du chariot de comportes, dangereusement stationné sur la route, dirions-nous aujourd'hui...
 
Son chemin d'école rejoignait-il ici la départementale ? Ou passaient-ils, avec le cousin Étienne, en suivant le lit du ruisseau appelé à devenir "du Bouquet", ultime affluent de l'Aude, par le château de Tarailhan ? Jamais il n'en parla. Moi, au contraire, parce qu'il est lié à bien des lieux et recoins de la commune, sa maison, sa cave, ses vignes pour le travail, la garrigue pour la chasse et sa naissance, la mer pour la parenthèse estivale de quelques dimanches, je ne parle ici que de lui... "IL", lui qui se grillait deux ou trois escargots en guise d'apéritif, lui qui disait de ses ceps qu'ils poussaient dans une terre de pico-talènt, lui qui, enfant, par tous les temps suivait son chemin d'école, "IL" mon grand-père Jean Dedieu, mon grand-père d'ici...
 
(1) locution copiée suite au titre d'une jolie série télé.
(2) Source : Les Chroniques Pérignanaises

lundi 20 mai 2019

L'AQUEDUC EN MAI / Fleury-d'Aude en Languedoc...

Lundi 20 mai. Le Cers communément appelé "vent du nord" alors qu'il vient du Nord-Ouest sinon de l'Ouest est moins frais... Ou est-ce une impression, le soleil aidant ? Au moins la garrigue, la campagne restent vertes, ce qui est loin d'être négligeable quand on sait combien l'été est sec sous le climat méditerranéen. 

L'entrée de l'aqueduc : faudrait descendre pour bien en voir la voûte mais la cave (le fossé), profonde de plus de deux mètres a besoin d'un bon débroussaillage. 



Une marteilhèiro, une vanne pourrait réguler le débit depuis l'étang si nécessaire...  
En montant vers les Quatre Chemins, un bedèl, en occitan, désigne le veau, le petit de la vache et signifie également un éboulement... Devons nous voir un rapport entre les deux ? L'affaissement de la terre peut-il se comparer à un vêlage ? 


 Au carrefour de la petite route de Marmorières (vers Vinassan), les robiniers faux acacias résistent ou se meurent suivant qui les regarde. Encore essoufflé, je leur demande de résister même s'il en manque à l'appel au premier plan : ils m'ont si souvent vu revenir, entre chien et loup, rassuré d'arriver, lancé sur les pédales, après un rendez-vous trop important... même après la journée de vendanges... 


Vers les Quatre Chemins, l'aqueduc doit passer à gauche du chemin vicinal. " Lous veses lous traoucats ?" demandait Noé à Céline, sa complice d'une vie. Mon cher oncle, je n'en ai trouvé qu'un, de ces trous, encore visible mais en voie de comblement... Pas plus de bombe que de volcan,juste un accès au souterrain éboulé mais là où tu dis encore vrai est que le trou sert toujours à débarrasser les indélicats de leurs détritus. 

 Ce mois de mai est un des plus frais depuis longtemps sauf qu'il nous offre en compensation, le coquelicot et tant d'autres fleurs sur les talus !  



    




Et les pins ! ici au Pech Azam, des envahisseurs vraiment ! 



La vigne, parfois, ne court plus que dans le fossé... 
Pourtant, avec le chant des catarinettes, des chardonnerets on en oublierait que la croissance sans limites voulue par l'économie servant le veau d'or, a fait déjà disparaître le tiers de nos oiseaux... 

Pourtant... que la campagne est belle... 


samedi 20 avril 2019

L’AQUEDUC SOUTERRAIN DE FLEURY (4ème partie) / Fleury d'Aude en Languedoc.

Long de 1000 mètres a quicon proche, à quelque chose près, le tunnel évacue l’eau de l’étang. De l’entrée à la sortie, le dénivelé est de quatre mètres (entre 30 et 26 mètres d‘altitude). Contrairement à la direction générale, son parcours est plus sinueux. Le creusement s’est fait par tronçons raccordés depuis des puits verticaux au nombre de 20, inégalement répartis et paradoxalement moins nombreux au passage difficile : les plus profonds (11,5 m.) se trouvant dans le contournement du moulin, au lieu-dit “ Les Traoucats ”. 

Le Chemin des Arbres Blancs / Vue prise en direction du village / un regard en béton d'un des puits de l'aqueduc est reconnaissable au bord du chemin, à droite.
 
Ce même regard, vue prise vers le sud.


Au pied sud du moulin. A l'arrière-plan, le chemin dit "de Vinassan" avec l'entonnoir nécessaire au déblaiement de l'éboulement des années 1830. 

C’est la partie la plus délicate. Les Chroniques Pérignanaises relèvent que pour libérer le passage, suite à un éboulement causé par un trop fort débit, on dut creuser un entonnoir afin d’accéder à la partie bouchée (Conseil municipal de 1836).

En 2012, un article du Midi-Libre informe que la municipalité a confié la gestion du souterrain au Syndicat Mixte du Delta de l’Aude, l’entretien des fossés en amont et de l’aqueduc ne pouvant plus être assuré par l’association des propriétaires riverains. Une inspection de l’ouvrage a permis de dresser un état des lieux. Suite à la visite menée par trois courageux dont un hydrogéologue et un ingénieur, le constat est rassurant. Si le secteur des Traoucats (Troucats sur la carte IGN) doit être consolidé, la sédimentation qui a jointé et cimenté le conduit a joué ce rôle.
Concernant la construction à l’origine ou les réfections ultérieures, l’article précise que la „partie qui date du XIIIè siècle est en bon état“ et la plus récente „en très bon état“. Néanmoins des racines sont à éliminer et des puits et accès doivent être sécurisés.     

 https://www.midilibre.fr/2012/04/03/l-aqueduc-souterrain-de-fleury-est-il-en-bon-etat,480816.php

Sur le site de la mairie de Fleury on peut lire : Il faudra en effet attendre l’occupation romaine, dont témoignent l’immense aqueduc souterrain qui fournissait le village en eau potable (c’est la fontaine du Bouquet qui est évoquée, des escaliers permettaient d’y accéder encore à la fin des années 50, après le passage sous l’Avenue de Salles, le ruisseau se retrouvait à l’air libre, à partir de là. Mais à partir de quand a-t-il reçu les effluents de la Cave Coopérative, certes sains, puisque nous y cherchions les gros lombrics comme appâts, mais incompatibles avec une source d’eau potable ?). Au milieu d’indications historiques par ailleurs très intéressantes, de la part du rédacteur, le conditionnel “ témoignerait ”, eût été préférable.

http://www.communefleury.fr/decouvrir/un-peu-d%E2%80%99histoire/de-la-prehistoire-la-rome-antique

Visiblement tout n’est pas encore dit sur l’aqueduc souterrain de Fleury !

* Les Traoucats (les terrains troués) liés au volcanisme dans les on-dit du village, à rapprocher des apports plus scientifiques  :

« Lous veses lous Traoucats ? », « Tu les vois les Traoucats ? » disait l’oncle Noé à tante Céline alors que depuis la maison de mon père on ne peut que deviner l’endroit à droite du moulin. Le promeneur peut y remarquer un trou d’importance, en entonnoir, laissé en friche. Certains ont parlé de bombe, d’autres d’une bouche de volcan. L’oncle, lui, y faisait des trouvailles étonnantes (j'ai entendu parler d'une horloge qu'il sut remettre en état), le trou servant de destination à des escoubilles variées, moins volumineuses que nos encombrants et déchets d’aujourd’hui. 


L'aqueduc souterrain passe sous cette vigne aux abords du village, derrière l'Horte.

Après le puits n°20 qui s’ouvre dans une maison de l’avenue de Salles, l’aqueduc souterrain débouchait, nous l'avons dit, au niveau de la source du Bouquet, accessible par un escalier et offrant une eau appréciée. De nos jours, il faut rejoindre l’autre entrée discrète du jardin public, côté Salle des Fêtes, et chut, au fond d‘un regard fermé par une grille... “ L’entendez-vous, l’entendez-vous... ”, le gentil ruisseau dans son tunnel, cette eau qui nous vient des garrigues de la Clape et de ces terres gagnées sur ce qui fut un lac poissonneux ?

Et même s’il est utile de nuancer un historique trop monolithique car toujours écrit sans nuances aucunes par les dominants, libéré des contingences historiques (qui doivent donner à réfléchir et surtout pas à asséner des certitudes par essence doctrinaires), plutôt que d’ignorer, il est bon, en regardant le moulin, de savoir que dessous passe l’aqueduc souterrain de Fleury : une jolie histoire à raconter aux enfants après avoir tendu l’oreille, au fond du jardin public, sur  le babil mystérieux de l’eau qui court sous terre... Pour les pesticides et glyphosates, nous leur dirons une autre fois... plutôt que de gâcher une jolie histoire par des préoccupations inquiétantes      

PS : des photos manquent dans la rédaction de ces articles. Si quelqu'un veut bien mener une expédition au bout du monde pour des clichés sur le ruisseau du Bouquet, des garrigues de la Clape à la plaine de l'Aude... Avis aux explorateurs qui ne rêvent pas systématiquement de Grand Nord ou d'Amazonie...
        

jeudi 18 avril 2019

DES PISTES POUR LA PARTIE ENTERRÉE DU DERNIER AFFLUENT (3ème partie) / Fleury-d'Aude en Languedoc.


Il y a un ruisseau, des ruisseaux... La proximité des forêts, le climat faisaient qu’il y avait un étang, un lac même avec des maisons lacustres. Puis les hommes ont détraqué la belle harmonie : plus de poissons dans l’onde claire, seulement les miasmes des eaux croupies. Mais comme, depuis toujours, ils ont l’air de vouloir remédier à leurs bêtises, ils ont décidé de drainer les marécages, d’assécher et de cultiver puisque les poissons n’étaient plus qu’un lointain souvenir.



Le problème est que la cuvette est encaissée avec, pour passer entre les pechs d’Azam, celui où allaient les radins qui ne voulaient pas payer au stade et celui de Montredon avec le moulin et sa terrible histoire, le seuil le plus bas à une quarantaine de mètres soit une bonne dizaine de plus qu’au guichet du terrain de rugby, au départ de l‘évacuation.



La solution ? un souterrain pour conduire l’eau ! Un aqueduc ! oh pas le Pont-du Gard même si les aménagements des villas des riches, des thermes (abstraction faite des conditions de vie du populus !) nous amènent à penser qu’à part ça, ils étaient  civilisés et évolués les Romains... Alors qui, sinon eux, pour des travaux aussi exigeants ? Hop hop, minute... à force de ne voir qu’eux, l’Empire, les légions, mare nostrum, on en devient injustes et on rabaisse les peuples qui les ont précédés ou ont été contemporains, souvent vaincus, ignorés et romanisés sous leurs fourches caudines. Et l’aqueduc souterrain de Fleury est à ce titre exemplaire serait-ce encore à cause de ce raisonnement biaisé ramenant toujours à comparer avec les réalisations romaines, dans cette tendance malsaine que nous avons à glorifier les impérialismes...



Au début du XXe siècle, Joseph Campardou, membre de la Commission Archéologique de Narbonne a publié une étude :  „Recherches archéologiques sur quelques étangs desséchés du département de l’Aude“. Il attribue l‘aqueduc souterrain de Fleury, entièrement bâti en gros appareil, aux Romains, aux premiers colons du début de l’ère chrétienne. (Bulletin de la Commission Archéologique de Narbonne, t. 13, 2, 1914). 



Dans „De Pérignan à Fleury“, le livre des Chroniques Pérignanaises, un travail remarquable (qui a inspiré et guidé cette série d’articles) a été fait pour raconter et expliquer l’aqueduc de Fleury. L’auteur de ce passage reprend un bulletin plus récent de cette même Commission Archéologique de Narbonne avec un avis de Laurent Ribero (1) différent de celui de monsieur Campardou, penchant pour une antériorité préromaine, entre la fin de la période ligure et le début de l’ère chrétienne“. L’argument serait le manque de précision, d’exactitude dans le tracé, la tendance à la facilité, le creusement dans les couches tendres plutôt que dures, une géométrie approximative, un tout peu compatible avec la rigueur et la volonté sans faille des Romains dans leurs réalisations. (Les Chroniques Pérignanaises (De Pérignan à Fleury / 2009) ont consacré quatre pages bien documentées sur l’Étang de Fleury ou de Tarailhan).   



„Période ligure“ ? On ne saurait être plus vague,  ne serait-ce que parce que les Grecs venus installer des comptoirs (2) désignaient par „Ligures“ les habitants bien sûr moins civilisés des rivages méditerranéens : Celto-Ligures entre les Alpes et le Rhône, Ibéro-ligures du Rhône aux Pyrénées... Avec les Celtibères ou encore avec l'évocation de la langue ibère (3) complètement différente des langues antiques, se confirment les complications dues aux brassages permanents des populations surtout dans la partie languedocienne, passage obligé entre l’Europe du nord et l’Espagne, la Méditerranée et l’Atlantique.



La prudence et la culture du doute prévalant en Histoire (ce monsieur Campardou est bien imprudent !), il n’est donc pas plus faux d’estimer que ce tunnel de drainage aurait été creusé entre moins 700 et la conquête romaine de la Narbonnaise (120 avant JC). Au Proche-Orient où la gestion de l’eau a toujours été cruciale, les Hébreux ont édifié des tunnels pour alimenter des villes fortifiées, au moins dès 700 avant JC, et la ville de Cnossos en Crète était alimentée depuis l’extérieur dès le deuxième millénaire avant notre ère... 

Pech Maho / Sigean /  Wikipedia Auteur ArnoLagrange

Depuis la hauteur de l'oppidum d'Ensérune / Nissan-lez-Ensérune / Commons Wikimedia Author logopop. 
  Devons-nous toujours rester conditionnés par un cheminement culturel contraint et limité aux racines romaines et grecques ? Il n’y avait donc personne avant les Hellènes et les Latins ? Pour quelles mauvaises raisons l’évocation des Elisyques, ce peuple des oppida dit "petit" (doxa partiale oblige) dont l‘existence a pourtant perduré du Premier Âge du Fer à la conquête romaine (4), ne reste-t-elle que confidentielle ? Ils étaient pourtant à Sigean (Pech Maho), à Peyriac-de-Mer (Le Moulin), à l’oppidum de Montlaurès (Narbonne, ville importante, riche et brillante bien avant la conquête des légions !), à celui d'Ensérune (Nissan) et au site de la Moulinasse, pas plus loin que Salles-d’Aude !


(1) Celui qui m‘avait impressionné, enfant, pour avoir exploré tant de grottes et avens dans la Clape dans les années 50 ?

(2) Fondation de Marseille – 600, installation des phocéens à Agde – 575.

(3) Qui aurait un rapport avec le basque.

(4) Sur cinq siècles au moins, dans la fourchette de temps qui nous intéresse, entre moins 700 et moins 120.