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dimanche 6 août 2023

O SOLE MIO (fin)

Avec Sète, « L'Île Singulière » de Valéry encore surnommée « L’Île Bleue » la « Venise languedocienne » , le Pérignanais que je reste ne pouvait que vibrer en entendant parler des lamparos, des tartanes et catalanes du thon rouge et des poissons bleus, des baraquettes du Mont-Saint-Clair, du temps des dimanches à la bonne franquette.

Sète où les vieux loups de mer ravaudent encore les filets en chantant le bel canto parce qu'ils n'ont pas oublié Cetara, la cité-mère, au sud de l'Italie. Dans les entrailles du Théâtre de la Mer, d'ailleurs, un peu comme là-bas, des grottes marines se visitent en barque.

Et puis, au levant, cette Méditerranée qui est la nôtre, aux couleurs reconnaissables entre toutes, sous son soleil à part, son ciel réservé... 

Sydney_rock_oyster_on_half_shell_with_two_empty_shells 2020 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Pelagic

Aussi, quand j'ai vu ce New-Yorkais, pas de ces " Américains " l'arme au poing, la Bible dans l'autre, non, de ceux, justement, de ce Nouveau Monde dans ce qu'il a de valable, de positif ; ce privilégié donc, natif de " la ville debout ", tourné vers les friselis du marin, gobant des huîtres dans un restaurant du lido en disant « Magnifique ! » tandis que je pensais, " New-York, la Grosse Pomme ne nous a pas attendus pour en gober des tonnes, d’huîtres " ; et cet homme, comme il sait apprécier, comme il le dit du fond du cœur ! lui, venu de si loin ! évidemment de « l’Amérique qu’on aime », à l’opposé de celle toujours coincée par un obscurantisme puritain exaspérant, aux tendances hégémoniques, aux œillères racistes, extrémistes ; et moi, que pouvais-je bien faire, si loin de cette lumière, de ces bleus du ciel, de la mer, des vagues qui baragouinent toujours pareil au petit marin du large, si bon et fidèle sous la véranda de roseaux à la Barjasque, le campement des copains, de quand nous étions jeunes et sans soucis... autant de bonheurs qui accompagnent la mâche appliquée, voluptueuse, d'une huître en bouche... 

Plage_de_la_Baleine,_Sète licence Raimond Spekking  CC BY-SA 4.0 (via Wikimedia Commons) Authors Raimond Spekking & Elke Wetzig

Mais qu’est-ce que je pouvais, qu'est-ce que je peux bien foutre, moi, si loin de ce bonheur trop bien reconnu ! La tête de l'Américain m’est restée en mémoire... Je l'embrasse en frère, pour voir et apprécier avec lui, la beauté pure de notre Méditerranée du Lion, l'aurait-on, par chance, tous les jours sous les yeux, l'aurait-on, par chance, tous les jours, au cœur !

O sole, o sole mio...   

http://www.france3.fr/emissions/thalassa/diffusions/03-10-2014_260591 (15 avril 2023 « cette page est momentanément indisponible »... je crois plutôt qu’elle ne sera plus jamais disponible à moins de faire l’objet d’une rediffusion).

De Sète à Agde, le lido, cette langue de sable où se côtoient la N 112, la voie ferrée Tarascon-Narbonne, les vignes de sable du Listel. L’été, sur une vingtaine de kilomètres, s’alignaient les voitures stationnées, les caravanes, sans un point d’eau potable, sans wc, et une myriade de moustiques. Tout cela est dépassé, du passé, tant les estivants du camping sauvage que les sauvages moustiques.

C’est à une autre menace qu’il faut faire face : entre la nature et l’action des Hommes, une côte si fragile bien que de six milliers d’années se retrouve confrontée à la submersion marine et à l’érosion du trait de côte. Cinquante hectares ont été perdus en cinquante ans, plus de cinquante millions d’euros ont été investis solidairement (État & UE pour moitié, Sète, le département, la région pour l’autre). L’ancienne route aux caravaniers a été détruite, remplacée par une voie verte végétale et végétalisée. La nouvelle route est proche de la voie de chemin de fer. Les dunes ont été fixées par des palissades de pieux de châtaignier, les ganivelles ainsi que par la plantation de centaines de milliers de plants d’oyat. Suite à cinq années d’aménagements, l’effort a été porté en mer.

Dans le but de reconstituer la largeur de la plage, des drains empêchent le reflux des vagues d’emporter le sable ; un atténuateur de houle (un tube qui oblige les vagues à déferler loin, plus efficace que les drains), long de plus de deux kilomètres, est fixé, parallèle au bord, à 350 mètres ; une partie de la plage a été rechargée avec du sable venant des fonds de l’Espiguette. Au bout de six ans (2013-2019), douze mètres ont été gagnés.  

Sans quoi, la mer aurait peut-être déjà envahi le bassin de Thau, causant la ruine de l’activité conchylicole, celle des campings du lido et des vignes des sables !

Bon, on regarde si on n’a rien oublié parce qu’il faut continuer de l’autre côté de Sète, après Frontignan. Seul compterait le voyage alors, qu'il aboutisse ou non ? Mais cela relève d'une philosophie transcendantale dont j'ose à peine aligner les deux mots...    

jeudi 20 juillet 2023

RESÈTE

Tiens, le stade s’appelle Louis Michel ? Louise, le prénom féminin est plus connu, même à Sète.

A proximité de la gare (« Terminus en gare de Sète »), le pont levant nous stoppe, l’occasion de dire un mot (on ne fait que ça !) sur ceux de la ville pouvant justifier une vision moderniste, très moderniste de « Venise méditerranéenne » loin de rappeler la Sérénissime. Cinq ponts tournent et se lèvent, afin et seulement pour quelques minutes, laisser passer les bateaux, pas les gros,  plutôt entre l’étang et la ville, là où les péniches du canal du Midi n’arrivent plus.

Autres personnalités liées à la ville :  

* Jean Rodor (1881-1967), parolier et chanteur. Son nom va avec celui de Vincent Scotto (Sous les ponts de Paris (1913), La Vipère (1921), Ramuntcho (1944), etc., ainsi que l'adaptation française de Reginella. Il meurt à Paris. 

* Louis Izoird (1886-1974), compositeur de La Caissière du Grand Café (1914) ; et avec Jean Rodor Le Légionnaire (1911).

Pas étonnant si Sète suivait assidûment les sorties de chansons à la TSF. Dans la famille Brassens, toute la famille chantait... Georges connaissait toutes les chansons de Charles Trenet (1913-2001)... Ils ont eu chanté ensemble mais ce n’est pas allé plus loin, l’entente, l’amitié n’ont pas pris... Ne seraient-ils pas spéciaux, ces quelques uns au-dessus du lot, suivis, imités, idéalisés ?  Ces célébrités ont quelque chose de plus que le commun des mortels, déjà le caractère pas toujours facile à suivre, sûrement. 

Charles_Trenet-1977 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic FileAlain Meilland Charles Trenet printemps de bourges 1977.jpg Paul kiujcom


Avec Ramuntcho, j’aimais écouter Les lavandières du Portugal, C’est l’histoire d’un amour (Gloria Lasso), les Gitans (Les Compagnons de la chanson). Et au milieu, mais sur des disques prêtés par les filles Comparetti (non, pas Italiennes d’origine, Corses par le papa, Sébastien, une belle personne qui m’a marqué, mécanicien de son état jusqu’au tour où il s’attelait à usiner les pièces introuvables), surtout Le parapluie de Brassens vers 1957-58, ce qui tendrait à prouver qu’il a percé et eu du succès malgré les radios, grâce aux récitals, aux tournées (on ne l’entendait pas sur les ondes d’État ; par contre les critiques agressives ne manquaient pas « toutes les chansons se ressemblent », « et dzin et dzin, comme Guy Béart », « il dit des gros mots », « Ièu te lou foutrio en tolo » lançait mon grand-père menaçant de la prison, mais pour rire, comme pour les chanteurs à cheveux longs)... Le p’tit ch’val dans le mauvais temps me touchait et continue de me toucher beaucoup (les chevaux, les ânes, mulets parmi nos animaux familiers, et les chats contre ceux qui, forts de leur domination, envoient leurs chiens attaquer).... Et « La Mer » de Trénet bien qu’avec les années, comme envers un versatile qui vous oublie puis tient à vous, j’ai eu et j’ai toujours un reproche à faire, oh juste pour un petit « des » mettant le « Golfe » au pluriel, aveu de sa part d’une fidélité relative au Narbonnais.  

Sardane et Gegants 2009 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur photographe anonyme pour Canet-en-Roussillon

« La mer, qu’on voit danser, le long DES golfes clairs... », le Golfe du Lion, exclusif méritait qu’il chantât « DU »... mais prenez-le de la part de qui ça vient, d’un ver de terre mal sapious, qui s’en sait mal, trop susceptible bien que sous la semelle d’un géant (Trenet s’est quand même installé sur la Côte d’Azur et Brassens en Bretagne). Je l’adore pourtant, Charles Trenet, aimer étant accepter l’autre tel qu’il est... D’ailleurs, je ne sais plus où est passé le CD et ça me tarabuste, croyez-le bien... La sardane, Mes vertes années, Que reste-t-il..., Boum, Tombé du ciel... Une agante, j’en ai eu une aussi avec Brassens, avant de vite me raviser pour Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part : la différence entre ceux qui disent « Je suis de là et j’aime » et ceux qui impliquent agressivement leur lieu de naissance « Je suis de là et vous, pour cette raison, ne me valez pas ». 

dimanche 9 juillet 2023

SÈTE 15. BRASSENS Georges 1.

Attachant pour ses chansons à la fois « vieille France », parfois reprises de poètes (Fort, Nadaud, Hugo, Aragon, Musset, Villon, Verlaine, Jammes, Richepin, Lamartine, Banvile...), sinon si marquantes pour leur temps, Brassens (1921-1981) était bien de Cette ; Sète le lui rend bien et nous qui aimons et Brassens et Sète en restons comblés. 

Mural_Georges_Brassens proche de sa maison de naissance the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Harvey Kneeslapper

Né en 1921 en haut de la ville, d’un père maçon d’une famille de Castelnaudary et d’une mère sétoise italienne. Le père est libre-penseur, la mère pieuse mais tout le monde aime les chansons. Georges, peu motivé et studieux cherche pourtant à mettre des rimes sur des airs. Sur ce, en 1936, monsieur Alphonse Bonnafé (1908-1994, dit « le boxeur » pour son nez cassé), le professeur de français, l’encourage à continuer en travaillant la technique (1).

à voir éventuellement : Rencontre entre Georges Brassens et son ancien professeur de français Alphonse Bonnafé | INA

A seize ans, pour avoir de l’argent, lui et sa bande de copains volent auprès de leurs proches ? Scandale à Sète. Un an plus tard s’ensuit une condamnation avec sursis. Renvoyé du collège, il passe l’été enfermé à la maison et plutôt que de faire le maçon avec son père, convainc ses parents de le laisser partir à Paris. Une histoire qui ressemble en partie à celle de Jean Gau à Sérignan.

La tante Antoinette, les premiers recueils de poésie, l’exode, Paris à nouveau, le STO près de Berlin, les livres, l’écriture, la permission pour maladie grave, la clandestinité pour ne pas revenir en Allemagne. 

Brassens_dédicace 1952  Creative Commons CC0 1.0 Universal Public Domain Dedication Auteur Pierre Fernand Étienne Fabre

Jeanne, l’anarchie, Püpchen, Patachou, le Grand Prix de l’Académie Charles Cros, la médaille d’or des chanteurs censurés (Le Gorille, Hécatombe, Putain de toi... et juste pour le mot « con ») (mais Europe 1 passera les chansons interdites dès 1955).

Les amis souvent impliqués dans sa carrière :

* les Sétois Victor Laville (1921-2020, qui l’a présenté pour une rencontre primordiale à Patachou), Émile Miramont (1922-2004, copain d’enfance dit « Corne d’Aurochs » ; a écrit « Brassens avant Brassens ») Roger Thérond (1924-2001, à la tête de Paris-Match, qui raconte comment Bonnafé leur a présenté le premier cours sur la poésie), Henri Colpi (1921-2006, adolescent avec Brassens à Sète, réalisateur de « Une aussi longue absence », prix Louis Delluc puis palme d’Or à Cannes (1961) il est l’auteur de la chanson chantée par Brassens, éponyme du film qu’il réalise « Heureux qui comme Ulysse » 1969, avec Fernandel (1903-1971). « Trois petites notes de musique » par Cora Vaucaire (1918-2011), c’est de lui aussi).

* les copains du STO à Basdorf, René Iskin (1921-2005, a confié ce que fut le STO « Dans un camp, Basdorf 1943, Georges Brassens et moi), André Larue,

*  les amis liés à la chanson de Brassens : René Fallet, Pierre Nicolas, Pierre Onteniente  

* les fidèles jusqu’à la fin bien que très connus, pas pour la frime : Marcel Amont, Guy Béart, Georges Moustaki, Jacques Brel, Pierre Louki, Jean Bertola, Boby Lapointe, Pierre Louki, Lino Ventura, Jean-Pierre Chabrol, Raymond Devos, Fred Mella...  

... Et dans le genre « mon maître, mon ami » Alphonse Bonnafé, le détonateur d’après Thérond qui n’aura pas publié moins de six ouvrages sur Brassens... de quoi mettre du beurre sur son salaire de prof, de quoi tempérer notre émotion tant première que gratuite sur « les copains d’abord » quand même pas tombés, pour certains, de la dernière pluie... La célébrité de Georges semble avoir bien ruisselé... 

(1) L’été à la baraque de Paule à Saint-Pierre-la-mer. À 6 ou 7 ans, je monte sur la table pour entonner « Vive le vent, vive la neige... » ; mon père se moque « Hue ! pas de ça en plein été ! ». Ce n’était pas méchant, juste taquin sauf que je m’en souviens pour l’avoir vécu comme un affront. C’est fou comme le moindre petit fait d’apparence anodine peut peser dans la vie s’il est mal vécu.. enfant je ne me suis plus jamais proposé pour un poème, une chanson...

samedi 24 juin 2023

SÈTE 9, Un quinze juillet

 Pour être venue sans qu’on eût à faire référence aux Celtes, aux Ligures, aux Ibères, aux Grecs, aux Romains, ce qui fut une île et qui devint Sète, attire et attache tant elle est singulière... « L’île singulière », on devrait l’appellation à Paul Valéry pour une ville à la génétique particulière et qui, de ce fait, a engendré sa palette de célébrités à part, aux destins atypiques.

SÈTE, un 15 JUILLET 

Qui, mieux que Paul Valéry, et avec quelle modestie, sut insister sur la grande influence des origines géographiques dans la convergence des forces qui comme par l’effet d’une chimie magique et inexplicable, arrive à précipiter le génie, l’art et l’esprit dans une enveloppe humaine ? C’est plus primaire et prosaïque avec les imbéciles heureux de Brassens... heureux, malheureux, les imbéciles sont forcément nés d’un quelque part n’y étant pour rien... Revenons à plus de rêve...  

Comment ne pas imaginer le poète, depuis le Mont-Saint-Clair, adressant sa soumission et sa révolte d’Homme à la Mer tant aimée, un jour de Grec et de marinade (vent de NE avec embruns)... 

Ce ne sont pas les éclats de Stentor mais la voix est sûre, charpentée, bien que soumise aux forces d’une nature faisant si peu de cas de notre espèce, mais mue aussi par une énergie propre à arrêter la vague au moment où sa transcendance ne peut que déferler... Je veux croire que la tessiture n’est pas plus emphatique que datée... Ce n’est pas le ton affecté de la culture, travaillé pour se fondre dans un milieu de précieux, riches et oisifs, de conserve avec un monde définissant non sans prétention un who's who des arts et des lettres à son image. Ce n’est pas le débit haché, souvent coupé par la toux (il roulait ses cigarettes), de l’écrivain devant travailler pour vivre, mal à l’aise parmi les rentiers.
Sa voix est celle de la nature, de la naissance dans une famille modeste, méridionale avant tout. L’accent n’a pas encore trahi le Sud, ne dépareillant pas au berceau méditerranéen : le père est corse, la mère génoise, ils vivent à Sète... Et puis, quelle sincérité peut-on exprimer si on parle parisien à la Mer originelle, matrice de civilisations ? Aussi, c’est sûrement par rancœur que Paris continue de dévorer la province afin de l’assimiler. A moins que ce ne soit l’amertume refoulée d’un esprit trop rebelle et indépendant qui me fait digresser à ce point... On se veut comme les autres mais différent, sociable mais solitaire... et on ne fait qu’imiter Valéry qui eut l’occasion de se définir ainsi... 

Sète Môle_Saint_Louis 2017  the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Christian Ferrer

Il n‘empêche, l’autre jour à Sète (mercredi 2 août 2017), face au môle Saint-Louis, au pied du cimetière marin où il repose, c’est un pays, un Sétois, un Paul Valéry proche, loin de la pompe de la capitale qui nous accueille. Au milieu du rond-point, les mots, le ton intime, à l’opposé d’autres, somptueux mais d’une froideur de pierre tombale, témoignent de l’amour insondable d’un enfant bien de « l’île singulière » pour notre mer glorieuse : 

« ...je remonte le long de la chaîne de ma vie, je la trouve attachée par son premier chaînon à quelqu'un de ces anneaux de fer qui sont scellés dans la pierre de nos quais. L'autre bout est dans mon cœur... » A lire, relire, méditer en laissant tout notre être s’en imprégner. 
Rond_point_Paul_Valéry 2018 the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Houss 2020


mardi 20 juin 2023

SÉTE 8. Jouteurs et massacre au micro.


Gilbert_Bécaud_in_Rome 1972 Domaine public Auteur inconnu

À boire et à manger... Avant de donner à voir et à entendre, du moins, « Les marchés de Provence » de Bécaud complètement massacrés quand la ferveur amassée jusque dans les coquilles de noix serrées au bord et tolérées, contamine l’animateur qui n’arrive plus qu’à interpréter l’indécence criarde d’une ivresse, du moins d’une liesse non contrôlée, discordant avec un protocole harmonieux loin d’empeser l’ambiance, honorant tant les présents que le passé. J’ai vite arrêté la vidéo, une inconvenance que la mairie devrait remplacer. Que dirait-on si le rameur soucieux jusque du ruban autour du canotier, ne se satisfaisait pas que de la perfection de l’image donnée ? Que dirait-on si le règlement des joutes se relâchait par démagogie ? Non, ne tombons pas dans ce travers sociétal confondant un état comateux avec une ambiance festive ! Et, entre nous, à pousser le bouchon, ne serait-ce pas, avec le grippage démocratique, un des signes de la chute de l’empire ? de la mort d’une civilisation ? Non, j’exagère, je le pousse trop loin, ce bouchon... Il n’empêche, c’est vraiment moche ce moment braillard...

Joutes_sétoises 2006 permission CC-BY-SA-2.5 Author Clio64

Allons, ne contrarions pas tout ce que la joute languedocienne a d’honorable et de champions à Sète, dans la catégorie reine, celle des lourds : Audibert « L’Esperança », huit victoires entre 1846 et 1857, Martin « Lou Gauche » (gaucher ? Est-ce possible ?), neuf victoires entre 1858 et 1877, Louis Vaillé « Lou moutou », dix titres entre 1904 et 1923. Chapeau pour la longévité, dix-neuf ans pour Martin et Vaillé ! Les caïds actuels, Aprile (2009, 2013, 2015, 2016), Arnau (2014 et 2022) seront-ils à la hauteur. ? Et comment oublier Aurélien Évangélisti, sept succès entre 2001 et 2012, encore en lice en 2016 mais qui, exaspéré suite aux coups bas de tous ceux qui, faute de le battre, ont voulu le faire perdre, a jeté sa lance sur l’adversaire déjà à l’eau (Marseillan) ? Bien qu’il ait regretté sa conduite inacceptable, une lourde sanction de huit tournois de suspension est tombée. Dégoûté mais peut-être davantage par ce qu’il y a de plus lâche et sournois chez les humains, le champion a même déclaré que même en spectateur, préférant se consacrer à sa famille et à son bateau, il n’irait plus jamais aux joutes de la Saint-Louis... 

Sète Saint_Louis 2006 Creative Commons Attribution-Share Alike 2.5 Generic uploader Clio64 at French wikipedia

Enfin parce qu’il n’y a pas que les Sétois qui gagnent et en la circonstance, parce qu’ils portent le même nom qu’André, dit « Tarzan », le courageux qui essaya en plein mois de novembre, de sauver les marins du Roger-Juliette, citons Alain Massias, grand vainqueur en 1986, Claude Massias, en 1991, 1993, 1997, également de Frontignan.

Me concernant, plutôt que de rapporter ce que les autres ont vécu, avec le risque d’en répercuter des erreurs, les joutes de la Saint-Louis, je les inscris dans un agenda à venir. 

lundi 19 juin 2023

SÈTE 7. Les FÊTES de la SAINT-LOUIS.

En temps de paix, le championnat du monde des joutes languedociennes culmine fin août lors des festivités de la Saint-Louis. L’eau, le Canal Royal, les quais pleins, la foule, les couleurs, la musique, ce sont plusieurs jours de fêtes autour des jouteurs, une fête qui a eu l’occasion de s’étoffer avec le temps, les siècles devrait-on dire puisqu’elles honorent le roi de France qui fit de Cette un port. Le Louis qui suivit, le quinzième, est venu voir ce qui, dans la continuité, en quelque sorte, perpétuait la tradition des tournois. 

Sète_water_jousting_joute_nautique on the Royal Canal 2022 Creative Commons Attribution 2.0 Generic Author Jorge Franganillo

Sur le site de la ville, une chronique intéressante précise qu’en 1853, voyant que grâce au progrès, au train notamment, les gens même de loin viennent toujours plus nombreux voir Cette et ses joutes du dimanche, Émile Doumet, le maire, tient à en étoffer le contenu. Un demi-siècle plus tard, la semaine festive organise un corso nautique, une course cycliste, des concerts, des animations dans la ville où les commerçants font tout, à boire et à manger... ce ne sont pas les bons plats qui manquent à la carte de « l’île bleue ». À l’heure actuelle, sur six jours, c’est un programme fastueux qui est proposé : celui qui n’est que de passage est sûr de bien remplir sa journée. 

Ainsi en 2022, entre le jeudi 18 et le mardi 23 août, à l’occasion de la 278e édition, de l’affiche au feu d’artifice final, le déroulé a dû satisfaire le plus grand nombre.

* les défilés accompagnés de peñas et fanfares ; des arts des rues avec les danseuses brésiliennes « Oba Brasil », des acrobates ; des orchestres tant de variétés que pour accompagner les interprètes d’opérettes, d’opéra...

* autres facettes culturelles avec les écrivains invités, des expositions de peinture, un retour sur plus d’une centaine de chansons sétoises...   

* dans les manifestations plus ou moins physiques, une randonnée à vélo, des concours de pétanque, de boule lyonnaise, de boules carrées ! (les 2,5 et 5 kilomètres de Sète à la nage ont été annulés).

* une course de voiles latines, un roulage de barriques pour honorer le passé portuaire de la ville.

* la traditionnelle messe officielle ; la commémoration de la libération de la ville (20 août 1944) ; à la gare, l’hommage aux cheminots Morts pour la France.

* côté petites soifs, en-cas, les bars à quaiet cafés, ouverts jusqu’à trois heures du matin. Les restaurants aussi, dans une moindre mesure, ont certainement adapté la durée du service.  

Sète Stlouis2005  the Creative Commons Attribution-Share Alike 2.5 Generic Author ByB uploader French Wikipedia


Centrales, depuis, à terre,, les petits en chariots jusque sur l’eau pour les grands, les joutes de la Saint-Louis demeurent les gardiennes d’une tradition qui a su durer. Le cadre d’abord, toujours le Canal Royal ; les couleurs, la tenue blanche des participants qui défilent et font tournoyer les lances avant de s’affronter, le bleu du « quartier naout », le quartier haut, le rouge de « la pouncho », la Pointe Courte ou Longue, là où Sète communique avec Thau ; des barques progressant à gauche (comme pour nos trains, le contraire de la circulation sur la route), les tintaines (le plan incliné en bas duquel se tiennent les jouteurs tandis qu’en haut, sur la plate-forme, armé du pavois et de la lance, celui qui est en jeu se met en position, fente avant). Les hautbois, les tambours dans les annonces, le rythme donné aux rameurs, les airs, dont celui de « La Charge » ; lors de la passe, les chansons rituelles au micro, de toutes les époques... (à suivre) 

Sète Stlouis2005 the Creative Commons Attribution-Share Alike 2.5 Generic Author ByB uploader at fr.wikipedia


dimanche 18 juin 2023

SÈTE 6. Les paquebots de l'exil.

Voyez les mouettes qui font cortège aux bateaux rentrant au port : toujours un plaisir pour qui a l’occasion de flâner et rêver dans un cadre pareil. En 1967, la criée de Sète, devenue depuis la première de Méditerranée, est la première d'Europe à être informatisée. Du poisson ! des poufres (1) ! le nom local et au moins languedocien du poulpe... Est-il baladé lui aussi, lors des festivités, en tant qu’animal totémique tant les événements susceptibles de servir la ville ne manquent pas ?

Bateaux qui rentrent au port, navires qui partent, ne laissant qu’un éphémère sillage sur l’eau, opaque sur les drames et la catastrophe annoncée induits par l’anthropocène, l'âge des Hommes se voulant à tort, maîtres de la nature...

« ... pasar haciendo caminos, [passer en faisant des chemins,]
caminos sobre el mar… » [des chemins sur la mer.]

Antonio Machado (1875-1939). 

Gracias_México_-_Monumento_a_los_exiliados_españoles_en_México_en_Veracruz 2009 En 1939 arribó a este puerto de Veracruz, procedente de Séte,  Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic Author David Cabrera

Sète est avant et plus que tout un port ! Le 23 mai 1939, suite à la Retirada, l’exode des Républicains espagnols et à l’invitation aussi unique que généreuse du Président Lazaro Cardenas (1895-1970), attestant par là-même le penchant dangereux vers la droite sinon la droite extrême de l’Occident, le paquebot Sinaïa (1924), aménagé pour 1600 places au lieu des 600 à l’origine, appareilla de Sète pour Veracruz au Mexique. (Un ou deux autres navires aussi... merci de m’en tenir informé si vous en savez davantage).  

Le 11 juillet 1947, avec 4815 personnes à bord, dont nombre de rescapés des camps de la mort nazis, qui n’ont plus ni famille ni biens en Europe et qui ne veulent plus que rejoindre Israël, au petit matin, le paquebot Pt-Warfield quitte subrepticement Sète de peur d’y rester bloqué. Hors des limites territoriales, alors qu’il était censé partir pour la Colombie (un mensonge), il arbore le drapeau d’Israël, change de nom « Exodus  1947 » (en français, dans sa forme abrégée), ne répond pas aux Anglais qui le suivent et finalement, de peur des réactions des Palestiniens, l’arraisonnent afin d’empêcher le débarquement à Haïfa. De là, 4493 réfugiés sont emmenés en bateaux-prisons à Chypre puis via Port-de-Bouc (où aucun réfugié n’acceptera de descendre), Gibraltar, et malgré une vague de réprobation générale concernant des Juifs encore maudits (les crimes ne rebutent pas si la raison d’État est en balance...) , à Hambourg pour être acheminés dans des camps de la zone d’occupation britannique. Mai 1948 : le mandat anglais sur la Palestine prend fin et tous les réfugiés peuvent rallier Israël. 

Exodus 1947 ship in Haïfa Source British Admiralty Public Domain Author JGHowes

La vue paisible et que nous estimons normale des porte-conteneurs (de 6500 à 200.000 EVP entre 2010 et 2019 !)  ou des ferrys pour le Maroc ne doit pas faire oublier les violences passées, les bombardements puis les conséquences des conflits lorsque des gens qui pourraient être tout le monde voient leur destin bouleversé du tout au tout, forcés ou résolus, invités ou s'imposant dans le dessein de se trouver un coin de Terre. 

(1) « Antoueno, lou moueno, lou poufre salat, quand l’ase cagabo parabo lou plat ! » Mon pays, Émilien de la Pagèze (bien que marié à une Narbonnaise) a une explication concernant cette ritournelle a priori surréaliste : « lou poufre salat », le poulpe salé, surnom du moine Antoine, radin, qui n’attend pas que le crottin soit à terre pour vite le récupérer (excellent pour les plantations !)

vendredi 16 juin 2023

SÈTE 5. Thon et pognon !

Un reportage peut-être à la télé régionale : deux frères, armateurs-thoniers, se confient visiblement sûrs d'une logique économique se suffisant à elle-même ; ils sont dans la quarantaine ; un investissement sur vingt ans reste raisonnable, à deux qui plus est ; ils font construire un bateau moderne, plus cher mais fabriqué en Roussillon, plus léger mais plus solide, économique en carburant et ça compte quand la puissance développée atteint les mille chevaux. Ce serait presque hors sujet de poser une question sur la ressource, sur l'activité durable... Que s’est-il passé ? 

Le thonier-senneur Saint_Antoine_Marie  GNU Free Documentation License. Auteur Jean-Pierre Bazard On peut voir les bras articulés qui permettent de lever et de manœuvrer la senne (le filet de pêche) pour la retirer et à droite l'annexe qui se met à l'eau pour encercler et prendre les thons. 

Vingt ans en arrière, pourtant, la race des thons qui viennent se reproduire en Méditerranée, se perdait ; pour une fois, les scientifiques ont été plus qu’écoutés puisqu’il s’en est suivi une interdiction ; c’est dire si la situation était désespérée... À un moment donné, seules les mesures radicales, coercitives sont susceptibles d’être suivies d’effets... Je me souviens d’un reportage à Marseille, un mec (j’assume une condescendance allant au delà, vous allez comprendre !) au micro, vulgaire, volubile mais dans l’indécence sordide, contre l’interdiction, parce que lui, un de la famille sinon un allié avait misé des millions vu que ça devait rapporter, qu’il n’en avait rien à foutre de la réglementation. Un témoignage outrancier à garder en mémoire, donnant une piètre et fausse image des Pieds-Noirs auprès de ceux qui ont une vision simpliste, lapidaire, arrêtée sur les gens et l’Histoire. On reste stupéfait de la véhémence affichée au seul motif d’un gros investissement avec pour seul souci un retour bénéficiaire et la légitimité d’être un riche qui risque et à qui la piétaille, avec pour seul droit celui de la fermer, devrait tout ! Que sont devenues ses mises de fond en quinze ans ? Ce qui est sûr est que nous ne pouvons pas compter sur un changement de mentalité de la part d’un tel individu. N’attendons pas sagesse, humanité, solidarité de la part de tels prédateurs économiques, forts, de par leur pouvoir financier, de tenir les politiques en main. Aujourd’hui, en effet, comme quoi la nature est bonne fille, en dépit des quotas (89 % pour la Méditerranée, 10 % pour l’Atlantique, 1 % à la pêche de loisir... pas contente de n’avoir que si peu de bagues), le thon rouge de Méditerranée est de retour, ses effectifs se renforcent... Quasiment un miracle tant le pessimisme, malheureusement lié à la façon de traiter la Planète par ce foutu système libéral délétère à force d’excès, régnait et règne encore. Était-ce parce que ce monde d’armateurs pesait moins que d’autres corporatismes ? Considérez dans l’affaire actuelle des « méga bassines » (qui plus est financées à 70 % par l’argent public !) voulant légaliser le vol par une minorité de la ressource phréatique, comme l’État, actuellement, préfère se mettre à dos toute la population plutôt que ces agro-industriels ne méritant plus d’être appelés agriculteurs dans notre monde de paysans éradiqués ! Avec Macron, histoire d’avancer (un mot répété plusieurs fois hier, 19 avril 2023, malgré les casseroles des opposants, lors de sa sortie en Alsace), la nature aurait-elle eu l’opportunité de nous rendre une manne de magnifiques poissons ? Comme disait l’autre, on a les gouvernants qu’on mérite et apparemment les thons qu’on ne mérite pas... (à suivre) 

Bluefin-tuna-catches-fr source  ICCAT web site domaine public. Intéressante évaluation des prises illégales (environ 66 % des quotas légaux et rien ne dit que cela ne perdure pas...


jeudi 15 juin 2023

SÈTE 4. Pêche, migrations et capitalisme...

Robert_Mols_-_port_de_Sète 1891 domaine public musée Paul Valéry. 

Sète, un Languedoc maritime, mâtiné de Catalogne, de Campanie jusqu’en Calabre, Sète, port de pêche. Si, localement, l’activité concernait l’Étang, avec les Catalans d’abord, puis les Italiens, elle s’est tournée vers la mer. Encore au début du siècle passé, les Sétois originaires d’Italie faisaient construire à Agde des dizaines de bateaux-bœufs ainsi nommés parce qu’ils tiraient le filet comme les bœufs tiraient la charrue. Sauf que cette technique prévoit que le second fait la vache, pour dire qu’il ne bénéficie pas du partage de la pêche, à charge, la fois d’après, d’inverser les rôles, exception faite de la semaine sainte où tout le monde a besoin d’argent frais pour fêter Pâques. Même au port, coques alignées, rangées, quel bel ensemble ces voiles carguées sur les antennes ! Au point que Paul Valéry, le penseur qui ne se voulait pas philosophe, d’habitude plus compliqué, avait revendiqué la beauté des voiles de Sète ! (si quelqu’un me retrouve cette citation, je suis preneur !) Et cette antenne ! vingt-deux, vingt-quatre mètres de longueur... imaginons le mousse chargé d’y grimper ! D’ailleurs on le voit sur le détail d’une marine « Le Port de Sète », du peintre Mols. Autre détail : les filets hissés en haut du mât ! Superstition ou simple prévention contre les vols ?

Ces immigrés particuliers (beaucoup, dans l’agriculture, les forêts, sont longtemps venus du Nord de l’Italie) nous les retrouvons, par exemple, à la tête de chantiers de construction maritime ou comme patrons de bateaux, des « dynasties » toujours à la barre. Pêcheurs, ils sont originaires de Cetara dans le Golfe de Salerne. A partir de 1850, comme à Sérignan, ceux de Cetraro (Calabre), à Frontignan, ceux de Gaete (golfe au nord de Naples). Par les lettres au pays puis le bouche à oreille, ils seraient partis parce qu’il n’y avait plus chez eux, ni sel ni anchois, le long de cette côte au Sud de Rome. Ce sont eux qui ont impulsé la pêche en mer, les locaux démontrant moins de courage ou se révélant plus terrestres que marins, moins aguerris, disposés seulement à exploiter la lagune du Thau et plus haut le long du golfe, la gourmette d’étangs jusqu’à Aigues-Mortes. 

Depuis, prenant le pas sur Agde, Sète reste notre plus important port de pêche sur la Méditerranée. Dans les années 60, ce sont les rapatriés d’Algérie, souvent arrivés sur leurs propres bâtiments, qui ont apporté du sang nouveau. 

Sète chalutiers et thoniers Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Christian Ferrer


A voir les belles unités flambant neuves, alignées le long du quai, le polyester immaculé à la place de l’acier qui lui-même avait repoussé les coques en bois, une génération de plus en arrière, nous n’allons pas regretter les voiles pittoresques appréciées de Valéry, le ravaudeur de filets sur le quai qui chante si bien l’Italie (si, si ce n’est pas une carte postale, j’en ai été témoin), une belle voix qui doit faire le bonheur des tablées de fêtes. Non, nous n’allons pas fondre en commisération à la vue du quartier haut, le pauvre (à Mèze nous avions l’inverse, comme quoi...), celui des petites maisons des pêcheurs avec le linge pendu aux balcons. Rien ne saurait rester figé. Entre aimer le passé et rester passéiste, faut pas confondre. Comme partout, le confort, l’argent sont passés par là ; c’est un calcul, un investissement à long terme, envisageable si une pêche rapporte et que peut-il y avoir de plus exaltant même pour ces pêcheurs-hommes d’affaires, qu’une fièvre pour le thon égale à celle du chercheur d’or d’une autre époque ? 

Tuna_ensnared, pris au piège.  Domaine Public  from the U.S. National Oceanic and Atmospheric Administration Auteur Danilo Cedrone (United Nations Food and Agriculture Organization)


Dans quelle limite ce calcul reste-t-il acceptable ? C'est bien parce que le système complètement amoral ne s'impose pas de limites qu'une fin du Monde, du moins de l'anthropocène, est devenue plausible... Inutile d'en référer à Nostradamus et à Malachie...  

mardi 13 juin 2023

SÈTE 3. Escale à table aussi...

Voilà qui nous transporte en haut du Mont-Saint-Clair pour ces fiers voiliers en approche... Pour les marins, c’est la manœuvre, de force ou non, synchronisée, aussières, cabestan, commandée au sifflet, chantée ensuite, halée en cadence, par la bordée de marinières jusqu’à l’amarrage. Bien sûr, les grands vaisseaux se font plus remarquer avec, cette fois, les mâts et pavillons qui dépassent des toits, pourtant des maisons les plus riches, sur l’avant-scène, celles des négociants et maîtres-voiliers... et tout aussi bien, en intaille, un Bar de la Marine, un patron truculent, César, de son prénom. Alors, sur le quai, en habit, d’une faconde ne devant rien à Marseille, jamais à court de boniment, un Marius tout sourire invite à la visite. Pour un temps, la flotte de pêche a cédé ses anneaux, prêté ses bittes d’amarrage (c’est bien la première fois que je vois que la bite en a deux, en parlant des « T », allons, allons !). 

Escale_à_Sète_2022 Creative Commons Attribution 4.0 International Auteur Christian Ferrer

Combien de visiteurs ? 300.000 en 2022 ! Et combien, avec l’air marin porteur d’Italie, qui vont se disperser à la recherche d’un de ces restaurants très méditerranéen où les noms déjà sont un plaisir des sens. 

Bourride_sétoise 2020 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Arnaud 25

Pourquoi pas une macaronade aux brageoles avec des spaghettis d’un diamètre ajoutant au dépaysement ?

Ou alors une tielle ? Des moules, une bourride, une rouille de seiche, des encornets farcis ? Du poufre puisque le poulpe est emblème de la ville. Et tout à la sétoise pardi ! Sans courir à tous les diables pour trouver un resto, vous tomberez peut-être sur la fontaine du poufre géant à côté des dauphins sur la place de la mairie (Léon Blum ?). 

Zézettes_de_Sète Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur 34 super héros

Pour finir somptueusement, comme sur la nappe blanche des riches négociants et commerçants à l’occasion de la Saint-Louis (comment ne pas revoir Fernand Charpin dans le rôle de Maître Panisse ?), un monumental frescati de plusieurs étages de douceurs bombées au glaçage caramel rehaussé de bigarreaux confits... qui, plus que de la chaleur d’août (même s’il fait bon dans nos vieilles maisons [26-27°]) va pâtir de la gloutonnerie ambiante (mamma mia ! quel coup de fourchette alors !) ! Et pour faire passer, les zézettes avec le ristretto, le café, toujours à l’italienne ! Qu’est-ce qu’ils disent, dans ce cas de figure, les djeuns ? une « tuerie » ! ce ne peut être plus vrai, du coup, je consens, exceptionnellement,  à reprendre le mot ! Moralité : de nos jours, on peut mourir aussi de se faire plaisir ! 

PS : si les clichés ne sont pas disponibles, il est quand même possible de voir sur le Net à quoi ressemble un frescati. 

samedi 10 juin 2023

SÈTE 1. D'ici et là-bas...

D'ICI. La Montagne de Sète.

Depuis sa plage de Pissevaches, il les devine seulement, patchwork en ville, piquées dans la verdure et les raides accès du Saint-Clair, les tuiles rondes, ces autres " toits tranquilles " où reposent au moins deux noms célèbres, Valéry et Brassens. Finalement, Brassens a poussé la modestie à ne pas demander un " cimetière plus marin que le sien ", et la supplique pour la plage de la Corniche n’a valu que pour une chanson... d’autant plus belle, entre nous, pour ne pas en dire plus sur sept minutes magnifiques à donner des frissons... un format hors normes que seuls peuvent se permettre les destins exceptionnels... Et quand l’harmonie des lieux s’en mêle, avec, à jamais, entre Valéry et Brassens, la route de la Corniche, plus en lien magnifié qu’en opposition, contour de la Montagne de Sète...

En demandant pardon à " l’humble troubadour " et au " bon maître " pour cette libre interprétation, nous terminerons, avec le lido qui rejoint Agde : côté mer, la nationale rétrogradée et le trait de côte, la plage rongée par les vagues ; côté étang, les vignes du sable, la voie ferrée et plus au sud, sûrement les campings des vacanciers.

LÀ-BAS. En bas de sa montagne.

Puisque nous avons fait le tour de l’Étang de Thau dans le sens des aiguilles de la pendule, abordons Sète, « Venise du Languedoc », depuis Frontignan, par le port, le réseau de canaux, les gros bateaux dont les mâts et cheminées dépassent le toit des maisons pourtant à étages de la ville nouvelle. 

Escale_à_Sète 2016 wagon-foudre Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Christian Ferrer

D’abord considérons la patchaque, l’embrouillamini accolé à son nom. Si les grecs la nommaient déjà  « τό Σίτιον όρος », la Montagne de la ville, les Romains « Setius mons » sinon l’occitan « Seto » bien que paronyme,  il a bien fallu toute une cordée d’hurluberlus sur presque deux millénaires pour qu’ après Ceta, Cetia, Cette, et un rapprochement avec le latin cetus, la baleine, et des marins croyant pouvoir assimiler le Mont saint-Clair à la tête renflée du cétacé sinon un cachalot (plutôt que la queue, je suppute), et encore Sette, Sète ne reprenne, en 1928, le nom officiel mais éphémère de 1793.  

Créé à l’origine en liaison avec le Canal du Midi pour exporter les produits de la région, le port était tout indiqué pour faciliter les importations, une fonction qui, à terme, va pleinement associer Frontignan. Formant certainement le seul site favorable à un établissement d’importance après Marseille, sa création sur le Golfe du Lion compta beaucoup pour Louis XIV désireux avant toute chose de se défendre encore contre l’Anglais (voir plus loin).

Dès 1839, une des premières voies ferrées arrive de Montpellier, en 1853 de Toulouse, et en 1857 le lien est fait avec Bordeaux et l’Atlantique, doublement si on considère la mise en service du Canal latéral à la Garonne (1856). Aujourd’hui plus que jamais la desserte du port (rail, route, autoroute, canaux) est un atout premier pour sa santé économique ; les investissements se poursuivent ; l’aménagement continue en gagnant sur la mer, en direction de Frontignan. D’abord le débouché du Canal du Rhône à Sète vers la mer (1988), ensuite une longue digue parallèle à la côte protégeant un vaste plan d’eau (2002) ; la Région gestionnaire compte atteindre 5,8 millions de tonnes à l’horizon 2025.

Le port a été le plus important au monde aux XIXe et XXe siècles pour le commerce du vin, ce qui n’est pas allé sans tiraillements, avec les tonneliers d’abord, dès que le transport en futailles a été remplacé par le transport en cuves, avec les viticulteurs ensuite, à cause de la concurrence déséquilibrée due aux importations de vins d’Algérie, d’Italie et d’allez donc savoir où encore (voir le naufrage à Frontignan du pinardier « Roger-Juliette » qui venait de Gênes)...

Toujours les coups en douce de gros négociants, copains comme cochons, qui plus est, avec les politiques au pouvoir de quelque bord que ce soit. Jean Huillet (né en 1944) de Valros, un des meneurs d’un Comité d’Action Viticole dans les années 80, n’a jamais nié avoir participé à l’abordage, dans le port de Sète, du pinardier Ampelos qui proposait un faux rosato, un mélange interdit de blanc et de rosé... allez donc le retrouver celui-là, qui a dû changer de nom et d’armateur pas net plus d’une fois... En 2013, les douanes allemandes ont alerté  leurs homologues françaises pour, dans le port de Sète, des citernes de vin bulgare artificiellement reconstitué à l’aide de glycérine de synthèse... 

Escale à Sète 2016 Marité_(ship,_1923)_and_other_ships the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Christian Ferrer



Escale_à_Sète 2022 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Broenberr

Sète pour les voyageurs, premier port à destination du Maroc depuis son terminal des ferrys. Sète, escale pour les croisiéristes. Sète pour « Escale à Sète », l’événement qui tous les deux ans voit un formidable rassemblement international de voiliers. Afin de les voir arriver de loin, parader toutes voiles dehors, les gens gagnent les hauteurs du Mont Saint-Clair pour des photos belles comme des tableaux. 

jeudi 30 décembre 2021

DÉJÀ UNE PETITE CAMARGUE... et une agante* avec Brassens...

Je veux bien être l'imbécile heureux tant décrié par Brassens, bête et méchant, sûrement parce qu'il faisait partie lui-même de tous ces imbéciles prétentieux montés à Paris pour faire croire que leur possible réussite ne devait rien à leur lieu de naissance... 
 
"... habités par des gens qui regardent
Le reste avec mépris du haut de leurs remparts, 
La race des chauvins, des porteurs de cocardes, 
Des imbéciles heureux qui sont nés quelque part..."

 
"... Maudits soient ces enfants de leur mère-patrie
Empalés une fois pour tout's sur leur clocher..."

Non, non, Brassens, j'adore sauf qu'aimer quelqu'un c'est l'accepter dans son entier, sans dire amen à tout. Pas question en effet, au prétexte qu'on a un village, une église, une plage, de mépriser, comme il l'affirme, par chauvinisme, le reste du monde... Georges ajoute "cocardier", ce qui s'avère pour le moins, contradictoire. Et puis quand, outrancier, il se lâche en se référant à Moncuq, la localité, juste pour l'équivoque sur l'homonymie, c'est qu'il n'a pas d'argument à faire valoir... Ce n'est pas le tout de faire rimer mazette sur un hémistiche, cela ne vaut tripette... Enfin, c'est Brassens...   
 
"... Qui vous montrent leurs tours..."

Hola, en quel honneur cette entrée cavalière ? Si, si, je sais, il suffit de remonter dans mes chroniques : les petits oiseaux, le chemin d'école du grand-père, la garrigue, la fête de la Saint-Martin, les vendanges, Saint-Pierre-la-Mer, la plage, l'étang, la rivière... je ne suis que l'imbécile heureux né quelque part, et à y être, le demeuré, le ravi du Midi !

Brassens_TNP_1966 BNF wikimedia commons Author Roger Pic (1920-2001)

Mon pauvre Georges, en dépit de tout ce que tu as attaqué avec cette chanson, défendre ceux qui sont nés quelque part ce n'est pas plus pour les vanter que pour les montrer, juste pour ce qu'ils sont, ce qu'ils ont en commun... Malheureux ! sinon ils nous ont bien assez envahis comme ça, les gens nés nulle part, ils sont même plus nombreux que nous, nous, les indigènes en minorité... c'est comme ça, on n'a rien contre... ce sont des gens bien, en majorité... Maintenant cela doit-il nous interdire de dire qui nous sommes, d'un terroir, du cru comme tu le dis, avec un passé, une vie à partager, des fondements à rejoindre puisque eux viennent de partout... Ensuite, pour le futur, on verra bien ce que deviendra l'âme du pays, le présent n'a pas la main dessus et de toute façon, cela ne saurait en changer le passé... Au nom de tout ce qui précède, crois-tu que de ton endroit cosmopolite, il était aimable de tous nous traiter de jobards ? Aurait-ce à voir avec ceux qui te collaient aux basques, t'interdisant, célébrité oblige, de flâner à Sète, t'obligeant à chercher refuge dans les cabanes à Lolo, loin, à Balaruc ? 

Mais, imbécile que je suis, bien sûr que tu m'as fait marcher... Tu nous as signifié tant de choses, tu joues au provocateur alors que tu as souvent chanté le contraire... Ne nous dis pas : le petit cheval, les papillons, le chêne, l'amandier, la plage de Sète, Martin, Margot, Hélène, Bécassine, Gastibelza, de toi sinon des grands que tu honores, tout sent la province, l'humus, la campagne, le crottin qui te répugne... Si tu avais vu, d'une des maisons aujourd'hui rasée pour laisser, au nom d'un paraître comptant plus que la beauté intérieure, notre vieille église désormais orpheline des appentis entre contreforts, dont ceux pour abriter les chemineaux ou stocker les feux d'artifice du 14 juillet ! Notre église Saint-Martin, cathédrale à mes yeux d'enfant attendant l'entrée en scène d'Esmeralda, orpheline des maisons accolées laissant une touche moyen-âge... Pardon, j'ai laissé le crottin en chemin, celui des vieilles filles sorties aussitôt au cul du cheval, avec la balayette et la pelle ad hoc... si tu avais vu leurs géraniums ! 
Mais, suis-je bête, avec le bel accent que tu as gardé, bien sûr que tu es né quelque part et que c'est ce qui t'agace... Bien sûr que tu es resté celui de la Pointe Courte, du Rocher de Roquerols au milieu de Thau, des copains d'abord ; et si tu aimes chanter c'est que tu as de qui tenir, de cette colonie italienne venue de Campanie... Sur les quais de Sète, une fois, j'ai entendu un pêcheur qui ravaudait son filet... une voix magnifique, je suis resté un bon moment, j'en ai encore une larme à l’œil !  

Je savais que je devais t'aganter* un de ces quatre, sans savoir que je tomberais sur toi ce jour. Et dire que je voulais refaire la piste, depuis Saint-Pierre au pied de la garrigue, vers Les-Cabanes, par les sables vaseux de Pissevaches, les sansouires des Terres Salées, là où une pointe d'imagination suffit pour découvrir une vraie petite Camargue avec, vers midi, les découpures dansantes, les prismes colorés déjà cubistes de Cézanne, la silhouette de Mireille ou de Magali qu'un mirage disloque et floute à dessein : l'Arlésienne, toujours présente et jamais là, quatre petites pages d'Alphonse Daudet, pour celles qu'on a aimées, qu'on a cru ou aurait pu aimer, quatre petites pages à vous briser le cœur parce que le souvenir bouleverse, trop vivant, à cause de la pensée qui se refuse à l'amputation d'une parcelle de ce que nous fûmes, évaporée, devenue regret, remords, chagrin ou mélancolie... Tant pis, mon titre, je le garde. Demain, promis, le Cerç aura lavé et le ciel et mon âme. Nous irons, à la rage du soleil. 

* agante s.f. dérivé de l'occitan, querelle, chicane, bisbille, dispute, empoignade... 

En légende des photos, les paroles de la "Ballade des gens qui sont nés quelque part" G. Brassens.