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lundi 6 novembre 2023

MARTIGUES et le CANAL (fin) .

Guédiguian-Darroussin 2008 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic Auteur Thierry Caro

Martigues a beaucoup plu aux faiseurs d’images dont, dans plus de trente réalisations listées par Wikipedia, Jean Renoir (“ Toni ” 1935), Karl Anton (“ Arènes Joyeuses ” et la chanson “ Venise Provençale ” 1935), “ La Cuisine au Beurre ”, 1963, Gilles Grangier, avec Bourvil, Fernandel, un film qu’on croirait tourné au fond d’une calanque marseillaise. Quoique... à parler des calanques, même la commune de Martigues en compte, sur la Côte Bleue. Sans quoi, il y a au moins un autre parallèle à faire avec Marseille, à savoir l’expression d’une fibre populaire, la mise en scène d’employés, d’ouvriers, de pêcheurs, les problèmes de société aux marges interlopes jusqu’au glauque, avant tout la vie simple pointant du doigt les inégalités devant un ramequin d’olives vertes et le pastis, une atmosphère si bien saisie par Robert Guédiguian (1953-), à Marseille et Martigues (“ Dieu vomit les Tièdes ” 1991, “ À la Vie, à la Mort 1995 ”).      

LE CANAL (ou chenal) de CARONTE. 

Pedro_Américo (1843-1905) Caronte_Atravessando_o_Aqueronte Collection privée bien que du Domaine public


Caronte ? « Bon dieu mais c’est bien sûr ! » dirions-nous, nous qui avons connu le commissaire Bourrel des Cinq dernières Minutes, années 58-73, en noir et blanc ... je n’avais pas fait le rapport or, grâce à Pedro Americo (1843-1905), le peintre brésilio-italien et plus précisément sa toile “ Caronte Atravessando o Aqueronte ”, il est question de Charon, passeur des morts, traversant l’Achéron ou le Styx, marais et fleuve des Enfers. Quoique, à ce stade, je ne suis plus bien sûr : ce sont des morts que Charon charrie, non ? Et là ce sont de charmantes créatures dans leur plus simple appareil, de celles, négligemment offertes par nos manuels d’histoire et de littérature sur l’antiquité, que je (les autres aussi j’espère) mangeais des yeux avec l’envie du puceau en mal d’initiation aux mystères d'Éros... Pas possible qu'elles aient l’obole sous la langue : trop belles et vivantes, les créatures de Pedro Americo ! 

Martigues Canal_de_Caronte 2008 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International, 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic Author Jarke

 
Pont ferroviaire Caronte 2007 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic Author Peiom

Entre la mer et l’étang de Berre refermé, ce sont les Romains qui ont percé le canal initial à travers un étang et des marécages. Historiquement, il traverse Martigues et ses îles ; long de près de cinq kilomètres depuis le port de Lavéra, large de quarante mètres, profond d’une dizaine, au prix de la suppression des salines et des bourdigues pièges à poissons, grâce au pont levant en ville (de 1929 mais qui n’était pas le premier à libérer le passage), aussi à celui, tournant, pour le chemin de fer (1915), du fait de ses aménagements, le canal de Bouc à Martigues permet la transition, pour les pétroliers, entre la mer et l’étang, jusqu’aux raffineries de la Mède et Berre.

Avec la section d’Arles à Bouc, il fait partie de la liaison Marseille-Rhône, malheureusement empêchée depuis 1963, par un effondrement dans le canal souterrain du Rove. 

Martigues viaduc autoroutier 2018 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Georges Seguin (Okki)

Martigues_viaduc_A55 2008 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International, 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic Author Wierzbowski

Et puisque le transport par la route a toujours prévalu sur le rail, la réussite et l’opulence du privé valant plus que le bien commun (entre 1995 et 2018, la France a investi deux fois plus d’argent PUBLIC pour la route et les intérêts particuliers que pour le rail), le pont autoroutier a remédié à l’étranglement du trafic par la nationale et le pont mobile ; un pont très esthétique, à béquilles, inspiré de celui de la Grande Duchesse Charlotte au Luxembourg, antérieur de seulement quelques années, d’une longueur proche de 900 mètres comprenant de part et d'autre, les viaducs d’accès à la partie centrale, aux 45 mètres de hauteur permettant le passage des gros navires. 

Martigues Pont basculant (levant) 2018 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Georges Seguin (Okki)

Martigues Pont levant 2018 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Georges Seguin (Okki)

Martigues_—_Pont_levant_sur_le_canal_Galliffet 2008 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Author Airair
Alors ? Martigues ? 

mardi 27 septembre 2022

VENDRES tour d'horizon...

Un dernier point sur le site officiel de la ville de Vendres, commune du littoral languedocien : suite aux onglets "Découvrir" "Le village", en illustration, une carte ancienne des plus intéressantes rappelle que le Canal du Midi aurait pu passer par l'Etang de Vendres avant de longer la côte vers Agde... sauf que cette carte indique un tracé autre que celui prévu initialement par les étangs au nord (Capestang, la Matte, de Vendres) puisque ce "Nouveau Canal" serait parti de la Robine, en amont de Narbonne pour passer, semble-t-il, par Coursan, Salles et Fleury (Pérignan sur la carte !). Ah ! si la proximité coléreuse de l'Aude n'avait pas menacé le trajet ! Ah ! si en prime Riquet, malgré le Malpas à passer et l'escalier d'écluses de Fonséranes à prévoir, n'avait pas tenu à conduire son canal par sa ville, Béziers !  Ah ! si le nez de Cléopâtre... 

(sans autorisation pour la publier, je vous renvoie au site ci-dessous) 
https://vendres.com/Decouvrir.php#HISTOIRE 

Fontaine Place de Vendres 2009 wikimedia commons Auteur Mairie de Vendres

Vendres, c'est une charmante promenade sous les platanes. Au bout, une fontaine, des gens qui viennent pour cette eau de source, et pour les nouvelles et ragots du village, presque comme dans "Jean de Florette", à l'époque des cruchons en terre, de ceux qui gardent bien la fraîcheur en été. Signe des temps procéduriers dus à de mauvais coucheurs, il y a longtemps que l'eau est dite "non potable"... 

Vendres, ce sont des exploits au rugby (champion 1968 Languedoc 5e série, 1969, France 3e série, 1973, 1975 France Honneur, 1978 France 3e Division)... 

Vendres, c'est "l'Alexandra", une boîte de nuit des années 60-70 qui drainait la jeunesse  de toute la région... 

Vendres, c'est un clocher-tour sur une hauteur, familier dans le paysage, et son vieux cimetière à portée si on monte vers le Crès et Sérignan. 


Vendres c'est l'étang du même nom, un site magnifique, au pied des collines dont le Crès de galets roulés (alluvions de l'Orb ?). Un temple de Vénus au bord de l'eau sinon des bains alimentés par un aqueduc ou une villa romaine Un étang pour une faune devenue aussi fragile que rare... et dire que dans les années 60 on y tirait la nuit, à faire des centaines de victimes, dans les dortoirs des étourneaux ! 

Dans le dictionnaire topographique de l'Hérault (1865) par Eugène Thomas, en plus de la mention d'un moulin sur l'Aude mais dans les limites de Lespignan, sont mentionnés les fermes et gros domaines du territoire. A l'entrée "Vendres", on ne trouve que : 

"... Terminium de Veneris 1140 Livre noir [du Chapitre de Saint-Nazaire] : [816-1209] / par J. Rouquette,... Vendrés 1760 mais la première version "Vendres" semble apparaître en 1625..." 

Oh ! un livre noir qui mérite assurément d'investiguer plus loin ! N'en prenant pas l'initiative et non sans ressortir que ce  blog a déjà évoqué et le Canal du Midi et le tour de l'Etang de Vendres (il suffit de cliquer dans "rechercher dans ce blog", relevons seulement qu'à parler des moulins, il est dit quelque part dans l'historique de nos contrées qu'au moins les moulins de Vendres appartenaient ou devaient payer Fleury (banalités pour les moulins ?). De ce rapport dominant-dominé, est-il resté un vieux litige sur les limites du département et des communes limitrophes, l'Aude, dans ses caprices, ayant poussé ses méandres plus au nord ? (à suivre)


samedi 23 avril 2022

LESPIGNAN tous azimuts (3)

carte IGN Vue d'ensemble

Vue des abords sud du village avec les détails évoqués ici et dans les deux articles précédents. 

En liminaire ma reconnaissance à l'égard de l'IGN dont les cartes aident à situer et traiter le sujet. Merci également au fonds de documents libres de wikimedia commons, en l'occurrence aux maquettes très explicatives d'André Lopez, contribuant à donner corps à ce volet, pour l'histoire et les paysages bordant l'ancien golfe marin des Romains. Merci aussi à ma petite sœur sur sa poussette. 


Sept petits kilomètres nous séparent de Lespignan et sans encore aborder la localité, la plaine de l'Aude, les zones humides, les grenouilles, la Dame Blanche, les bergers et la pastresse nous ont bien fait commenter sinon jaser (c'est ça, montrez-moi du doigt !). 

Lespignan carrière La Cambrasse-Les Escaliers Author LOPEZ André

Lespignan ex source Valère-carrières Gouldeau Wikimedia commons Auteur LOPEZ André

Et il y aurait encore à dire à propos des alentours : au bord de la garrigue, les vestiges d'une villa romaine au lieu-dit Vivios, fouillée par l'abbé Giry ; toujours sur ce rebord, tracés au cordeau, les fronts de taille des carrières vieilles de deux millénaires, formant les marches géantes d'un coin "Les Escaliers". En suivant vers le levant ce seuil de garrigue où arbres et plantent profitent d'une eau latente, Gouldeau, une autre carrière, a barre sur l'entrée de l'étang de Vendres, là où les grues s'offrirent à mon enchantement. Reste à imaginer un quai et des bateaux de charge emmenant les blocs, qui sait, jusqu'à Narbo Martius, fille aînée de Rome hors l'Italie. 

Les pruniers morts ou quasiment (non renouvelés ? Il y a bien 30 ans qu'ils y sont... )

Au bord de la rivière, les vergers à pruneaux, des arbres pour changer des vignes mais un peu comme les poires de La Bâtisse, plus loin en aval, cinquante ans en arrière, pour un temps seulement, pourtant sur les riches alluvions apportées par le fleuve, qui ont comblé les avancées de la mer... La Clape, non loin, en face, était une île ! 



Ce chemin au bord de la rivière, à vélo : un plaisir.  Un cabanon, une borio carrément, une petite ferme permettant certainement un séjour de plusieurs jours pour la vigne et les foins, une borio aux acacias (des robiniers en réalité) et aux volets troués où nichaient des chouettes. 



A deux pas, avec la même possibilité d'habiter que précédemment, un îlot d'arbres vénérables, des peupliers blancs, sauf erreur, si imposants que dessous, le toit de la métairie abandonnée n'en voit pas le soleil. Des gens du genre peu recommandable ont dégueulassé au moins l'intérieur. Dommage ! Comment s'appelle cet endroit, là où aboutit le chemin des Lintostes ? La carte ne le dit pas, un Lespignanot nous le dira. 



samedi 10 août 2019

LE VENT SUR LA DUNE A LE CŒUR ÉMU... / St-Pierre-la-Mer


"Là-bas, le vent sur la dune a le cœur ému..."  

Oui je sais, ce n'est pas la première fois que Serge Lama a voix au chapitre ici (Souvenirs, attention, danger). Mais après l'info sur des eaux brunes venues polluer cinq-cents mètres de plage à Saint-Pierre (1) et le tout récent partage sur la prise de conscience aussi locale que concrète sur la terrible pollution au plastique qui empoisonne la planète, alors que des déchets dus à des individus "tubes digestifs sans neurones dans la tripe"(2) ourlent la route des marais, de l'étang et des sansouires, un constat plus souriant sur le paysage à l'âge de l'Anthropocène...

Oui, hier après-midi, malgré ce drôle de temps que souvent les natifs et locaux ne reconnaissent plus (3), le gentil Marin n'engorgeant pas le ciel de ses nuées qui plus est, le vent sur la dune avait le cœur ému. Et pas que lui.

Étonnante en effet cette dune pleine de vie et comme vierge, à portée des zones densément fréquentées par les estivants, à peine au-delà des coins où les maîtres comme il faut amènent toutou au petit coin. Comme à l'envers notre dune avec le flanc plus raide côté mer. Sur le côté en pente douce, exposé au vent dominant, de terre, nommé Cers depuis les Romains (4), là où l'air salin se montre plus indulgent, les plantes du sable se rappellent au souvenir de l'estivant. Mais tout le monde n'est pas Linné, Mendel ou, plus proche à nous faire aimer la botanique, Jean-Marie Pelt, si chaleureux à la radio. Un regret que de ne savoir les nommer quand ces plantes sont familières depuis toujours...

Oui, des cagaraulettes en grappes qui se faisaient rares, à l'instar des hirondelles qui semblent désormais trouver de quoi manger (jusqu'à 3000 insectes/jour !). Jolies, ces fleurs jaunes mais ne se sont-elles pas échappées des jardins ?     


On dirait un chardon, presque bleu, mais ce n'en serait pas un... j'ai écrit ça quelque part, faudra en retrouver la trace... 


Oh ! on se connait avec celle-là ! Et je suis aussi gêné que si je rencontrais un copain dont j'ai oublié le nom !

Pourtant un parfum inoubliable, à retrouver les yeux fermés, après l'orage !

(1) "Qu'on  se rassure" insiste le Midi Libre du 4 août, sans que soit précisée la nature de cette pollution qui ne proviendrait pas d'hydrocarbures venus du large... Ben voyons, bronzez, pataugez braves gens, gentils estivants qui apportent leurs euros à certains et leurs déchets et déjections à la communauté, en la circonstance au brave peuple élu de l'embouchure... Ne me faites pas dire maintenant que si Macron est dans la merde, ce n'est pas à cause du fumier déversé par des fnseaculteurs, pas en odeur de sainteté entre nous soit dit.   

(2) 37 % des véhiculés jettent par la fenêtre de l'auto, soit presque 4 personnes sur 10 !

(3) à tort ou à raison, dans les confins audois du Golfe du Lion, si on parle de l'orage du 14 juillet comme du coup de mer humide du 15 août, trois jours de Marin sans que le Cers ne vire accompagné au moins d'une averse sinon d'un orage ne faisait pas partie des normes...

(4) la page météo de toutes les chaînes de télé persistent à dire "Tramontane" alors que le Cers se forme en s'engouffrant dans le couloir audois, plus modeste en tous points que le Mistral lié au Rhône. Ces vents sont générés par les basses pressions de la Méditerranée.  

jeudi 18 avril 2019

DES PISTES POUR LA PARTIE ENTERRÉE DU DERNIER AFFLUENT (3ème partie) / Fleury-d'Aude en Languedoc.


Il y a un ruisseau, des ruisseaux... La proximité des forêts, le climat faisaient qu’il y avait un étang, un lac même avec des maisons lacustres. Puis les hommes ont détraqué la belle harmonie : plus de poissons dans l’onde claire, seulement les miasmes des eaux croupies. Mais comme, depuis toujours, ils ont l’air de vouloir remédier à leurs bêtises, ils ont décidé de drainer les marécages, d’assécher et de cultiver puisque les poissons n’étaient plus qu’un lointain souvenir.



Le problème est que la cuvette est encaissée avec, pour passer entre les pechs d’Azam, celui où allaient les radins qui ne voulaient pas payer au stade et celui de Montredon avec le moulin et sa terrible histoire, le seuil le plus bas à une quarantaine de mètres soit une bonne dizaine de plus qu’au guichet du terrain de rugby, au départ de l‘évacuation.



La solution ? un souterrain pour conduire l’eau ! Un aqueduc ! oh pas le Pont-du Gard même si les aménagements des villas des riches, des thermes (abstraction faite des conditions de vie du populus !) nous amènent à penser qu’à part ça, ils étaient  civilisés et évolués les Romains... Alors qui, sinon eux, pour des travaux aussi exigeants ? Hop hop, minute... à force de ne voir qu’eux, l’Empire, les légions, mare nostrum, on en devient injustes et on rabaisse les peuples qui les ont précédés ou ont été contemporains, souvent vaincus, ignorés et romanisés sous leurs fourches caudines. Et l’aqueduc souterrain de Fleury est à ce titre exemplaire serait-ce encore à cause de ce raisonnement biaisé ramenant toujours à comparer avec les réalisations romaines, dans cette tendance malsaine que nous avons à glorifier les impérialismes...



Au début du XXe siècle, Joseph Campardou, membre de la Commission Archéologique de Narbonne a publié une étude :  „Recherches archéologiques sur quelques étangs desséchés du département de l’Aude“. Il attribue l‘aqueduc souterrain de Fleury, entièrement bâti en gros appareil, aux Romains, aux premiers colons du début de l’ère chrétienne. (Bulletin de la Commission Archéologique de Narbonne, t. 13, 2, 1914). 



Dans „De Pérignan à Fleury“, le livre des Chroniques Pérignanaises, un travail remarquable (qui a inspiré et guidé cette série d’articles) a été fait pour raconter et expliquer l’aqueduc de Fleury. L’auteur de ce passage reprend un bulletin plus récent de cette même Commission Archéologique de Narbonne avec un avis de Laurent Ribero (1) différent de celui de monsieur Campardou, penchant pour une antériorité préromaine, entre la fin de la période ligure et le début de l’ère chrétienne“. L’argument serait le manque de précision, d’exactitude dans le tracé, la tendance à la facilité, le creusement dans les couches tendres plutôt que dures, une géométrie approximative, un tout peu compatible avec la rigueur et la volonté sans faille des Romains dans leurs réalisations. (Les Chroniques Pérignanaises (De Pérignan à Fleury / 2009) ont consacré quatre pages bien documentées sur l’Étang de Fleury ou de Tarailhan).   



„Période ligure“ ? On ne saurait être plus vague,  ne serait-ce que parce que les Grecs venus installer des comptoirs (2) désignaient par „Ligures“ les habitants bien sûr moins civilisés des rivages méditerranéens : Celto-Ligures entre les Alpes et le Rhône, Ibéro-ligures du Rhône aux Pyrénées... Avec les Celtibères ou encore avec l'évocation de la langue ibère (3) complètement différente des langues antiques, se confirment les complications dues aux brassages permanents des populations surtout dans la partie languedocienne, passage obligé entre l’Europe du nord et l’Espagne, la Méditerranée et l’Atlantique.



La prudence et la culture du doute prévalant en Histoire (ce monsieur Campardou est bien imprudent !), il n’est donc pas plus faux d’estimer que ce tunnel de drainage aurait été creusé entre moins 700 et la conquête romaine de la Narbonnaise (120 avant JC). Au Proche-Orient où la gestion de l’eau a toujours été cruciale, les Hébreux ont édifié des tunnels pour alimenter des villes fortifiées, au moins dès 700 avant JC, et la ville de Cnossos en Crète était alimentée depuis l’extérieur dès le deuxième millénaire avant notre ère... 

Pech Maho / Sigean /  Wikipedia Auteur ArnoLagrange

Depuis la hauteur de l'oppidum d'Ensérune / Nissan-lez-Ensérune / Commons Wikimedia Author logopop. 
  Devons-nous toujours rester conditionnés par un cheminement culturel contraint et limité aux racines romaines et grecques ? Il n’y avait donc personne avant les Hellènes et les Latins ? Pour quelles mauvaises raisons l’évocation des Elisyques, ce peuple des oppida dit "petit" (doxa partiale oblige) dont l‘existence a pourtant perduré du Premier Âge du Fer à la conquête romaine (4), ne reste-t-elle que confidentielle ? Ils étaient pourtant à Sigean (Pech Maho), à Peyriac-de-Mer (Le Moulin), à l’oppidum de Montlaurès (Narbonne, ville importante, riche et brillante bien avant la conquête des légions !), à celui d'Ensérune (Nissan) et au site de la Moulinasse, pas plus loin que Salles-d’Aude !


(1) Celui qui m‘avait impressionné, enfant, pour avoir exploré tant de grottes et avens dans la Clape dans les années 50 ?

(2) Fondation de Marseille – 600, installation des phocéens à Agde – 575.

(3) Qui aurait un rapport avec le basque.

(4) Sur cinq siècles au moins, dans la fourchette de temps qui nous intéresse, entre moins 700 et moins 120.

jeudi 10 novembre 2016

QUI TROUVE LE CERS PERD LA TRAMONTANE... (I)


« Ci-gît au fond de mon cœur une histoire ancienne,
Un fantôme, un souvenir d'une que j'aimais...
Le temps, à grand coups de faux, peut faire des siennes,
Mon bel amour dure encore, et c'est à jamais...
J'ai perdu la tramontane
En trouvant Margot,
Princesse vêtue de laine,
Déesse en sabots... »
Brassens. Je suis un voyou.

Avec son côté troubadour, l’ami Georges confirme qu’en amour on peut « perdre la tramontane » quand la passion aveugle au point de ne plus savoir où on en est et que "l’entiché(e)" ne maîtrise plus son destin. Plus vulgairement, on peut la perdre aussi, quand, à force de faire tourner le monde autour de son nombril, on regarde les autres de haut. Le pouvoir central, dans ce qu’il a de jacobin (1), exsude hélas ce mépris ordinaire.

Cette fois, rien de raciste, comme pour l’accent du Sud, rien de calomnieux, comme pour la paresse prétendument méditerranéenne, seulement le dénigrement habituel, le dédain insidieux. Dans ce registre, épinglons Météo France. L’organisme d’État, en effet, décida un jour que, de la Camargue au cap Béar, seule la tramontane avait le droit de souffler. Et la télé d’en rajouter, après les quelques degrés de plus à la température de baignade, même si, avec la "tramontane", il ne faudrait pas rebuter le vacancier, doigts de pied en éventail, qui doit absolument oublier la corruption tant morale que matérielle des élites, la démocratie confisquée, la baisse du pouvoir d’achat, les hausses d’impôts. Quant au Sudiste (2) qui a le malheur de demander si le Cers, c’est du vent, il fait sourire tant il exagère même s’il n’y va pas de son patois !

Qu’on ne se méprenne pas : la tramontane n’y est pour rien. Le terme nous vient d’abord de l’italien "transmontana" indiquant le Nord, l’étoile polaire, tout ce qui est au-delà des Alpes, au-delà des monts ("trans montes") avant de désigner le vent. Depuis le début du XIVème siècle (3), cette "émigrée" au nom pour le moins générique, peut et a le droit de souffler... le Languedoc reste une terre d'accueil ! En Arles, sur la table d’orientation de la place de la Major, le mistral et les tramontanes couvrent 68° (du NW au NNE). A partir d’une ligne Montpellier, Sète, admettons une tramontane "vraie" venue des Cévennes, voisine du mistral et qui occuperait un angle dont le sommet serait Agde avec le second côté ouvrant jusqu’à Saint-Pons... même s’il m’en coûte parce qu’à Colombières, non loin du confluent de l’Orb et du Jaur, Jean-Claude Carrière ne cite pas la tramontane : "Le pays est... froid l’hiver à cause du vent du Nord qui descend en sifflant du massif... " (4).
A Fleury aussi, nous nous sommes laissés aller à dire "vent du Nord" pour tout souffle venant de l’intérieur des terres. Et cette paresse de l’esprit a relégué le pauvre Cers avec ces masses d’air attirées par une dépression en mer, déniant ainsi l'identité et la nature profonde du maître vent.
Pour aller plus loin, je dirai même que Narbonne est à blâmer en premier ! A-t-elle défendu, en effet, le statut à part, sinon supérieur, de "son vent", le Cers ? Qu’on me dise si Narbo Martius en a appelé aux Romains qui, héritiers des Grecs, ont nommé "cercius" (5) (6) deux souffles majeurs du Golfe du Lion ? Qu’on me dise si l’Histoire situe bien un mont Saint-Cyr (7), entre Ouveillan et Sallèles, où fut édifié, en 14, au nom de l'empereur Auguste, le temple dédié au dieu Cercius ?
(à suivre).

(1) Il serait intéressant d’analyser la manière, la mutation psychologique qui transforme les provinciaux promus aux affaires nationales en jacobins purs et durs... peut-être une conséquence du scrutin majoritaire...
(2) Paris parle de « Sudiste » pour les États-Unis et la guerre de Sécession. Concernant le pré-carré hexagonal, si le Sud-Est pour « La Côte », « Le Midi », et le Sud-Ouest sont cités, le Sud n’existe pas. Ne parlons pas du Cers !
(3) Le Robert 1, à l’entrée "tramontane" (début XIVème) : vent du nord sur la côte méditerranéenne ou vent qui vient d’au-delà des montagnes (Alpes, Pyrénées).
(4) Le vin bourru (2000). Très beau livre !
(5) D’après l’excellent site etymologie occitane.fr, l’occitan ancien "cers" remonterait au grec « kirkios » tandis que l’espagnol "cierzo" vient directement du latin "cersius" « avec un "e" bref attesté chez Caton ».
(6) D’après Pline le Jeune « C'est le vent le plus célèbre de la Narbonnaise ; il ne cède à aucun autre en violence ».
(7) Geoportail y situe un ancien phare d'aviation (Aéropostale, années 20).

Photo : Pins de Barral en automne. 1963. François Dedieu.

vendredi 30 septembre 2016

TOUR DE L’ÉTANG DE VENDRES (V) / Aqua... interdictus... à la fontaine ! / Fleury en Languedoc


Si la formule en usage, pour les hommes en toge sur le forum, était "aqua et igne interdictus" pour signifier au banni qu’il était interdit d’eau et de foyer, notre propos peut s’en rapprocher puisque, aujourd’hui, après l’aqueduc et le dit temple de Vénus, nous entrons à Vendres, un si joli village. Au pied du clocher à chevet carré, les ruelles tortueuses descendent jusqu’à l’eau fraîche et limpide de la fontaine... un trésor qui profitait jadis à tous ses habitants. 

Un village du Midi, à l’heure de la sieste : une image attachante du Languedoc. Les rues désertes, l’ombre presque verticale tombant devant les portails des remises et des anciennes caves closes sur une pénombre agréable. On est bien aussi, sur le banc, à manger un morceau, à l’ombre apaisante des platanes ! On n’en attend pas moins d’une place de village au sud d’une certaine ligne et le centre de Vendres nous conforte dans un art de vivre tout méditerranéen.
Ces bancs, il fut un temps, s’animaient des discussions vives et des rires des hommes de la vigne, après le repos de l’après-midi. Une pause nécessaire en été quand la chaleur et la longueur des jours fait lever les travailleurs dès l’aube, pour ces journées dites « de longue ». On les voyait même, dès le matin, avant le repas de midi, proprets, changés, rasés, parfumés d’eau de Cologne. D’où l’interprétation dans l’erreur des "estrangers" persuadés de voir des fainéants à peine tombés du lit ! Ah, ces touristes ! 
Des hommes du vignoble ne retentit plus le parler fort et franc (abstraction faite des ragots et autres qu’en-dira-ton... tout n'était pas louable et ce défaut était bien partagé avec les femmes !), tandis que les plus vaillants, ragaillardis, assuraient une seconde journée au jardin, pour les tomates et les haricots verts, à arroser avec l’eau du puits ! Alors les touristes, vous ne saviez pas ? Imaginez si vous pouvez, si vous avez un peu gardé de vos racines paysannes, quand ceux du coin, papi-boomers comme moi, se souviennent !
Autre signe des temps, une femme, tablier et pantalons blancs court dans un sens puis repasse dans l’autre... Si la maison de retraite médicalisée, quelque part derrière, tient d’une norme de vie, et de fin de vie surtout, imposée par la modernité, la mairie, elle, est ouverte, assurant la permanence de la République, en serions-nous à sa cinquième déclinaison décatie ... Et puis, il y a le monument (1) qui va avec, Marianne sur son piédestal et la fontaine, en face, telle une marraine protectrice ! 

Qu’est-ce que c’est beau l’eau qui coule et gargouille !  Dire seulement "C’est beau !" pour ce don du ciel tenant de la magie, c’est un peu court, non ? Ce n’est pas non plus très original d’en appeler à Marcel Pagnol, lui qui sut si bien traduire le monde mystérieux des sources dans son diptyque « L’eau des collines » (2). En bons Méditerranéens, les Occitans comprennent, sans l’ombre d’un doute ! Et pour celui qui passe, quoi de mieux que de s’abreuver et faire halte ? 


Mince alors : le panneau dissuasif « EAU NON POTABLE » nous l’interdit ! Pas possible, j’y ai bu jadis, d’ailleurs les gens venaient en prendre ! Qu’est-il arrivé ? Ce n’est pas l’eau de la ville : ils l’économiseraient... La source ne serait-elle plus fiable ? Ces pesticides partout qui nous empoisonnent la vie ? Une dame rejoint sa voiture, je lui demande « Vous êtes d’ici ? » Mais elle n’est là que depuis peu... pardi, elle parle pointu ! Et ce monsieur qui repasse ?
« A vous de voir qu’il nous dit... les cyclistes s’arrêtent toujours et en boivent, alors... ».
Alors nous aussi ! On verra bien ! Florian qui a le bras plus court choisit le jet le plus proche. Claire, fraîche, délicieuse, l’attrait puis le plaisir en bouche du fruit défendu ! Nous remplissons nos bouteilles.

(1) Trouvé sur le Net : sur la place du 14 juillet, pas un monument aux morts à proprement parler, même si la défense de la République se chiffre forcément en vies brisées. Cette statue de Marianne, érigée en 1889 pour marquer le centenaire de la Révolution, témoigne des sacrifices de plusieurs dizaines de citoyens vendrois au destin héroïque.
Merci vraiment au site qui nous le rappelle non sans décence et retenue ! http://www.vendres.com/Files/Fichiers_PDF/BM/BM_PRINTEMPS_2015/BM_PRINTEMPS_2015/files/assets/basic-html/page9.html
Non trouvé sur le Net : les circonstances dans lesquelles cette œuvre fut exécutée (moulage ? modèle original ?). est-elle en bronze, cette colonne ?
Cette place fait le lien entre les deux allées sous les platanes. Les gens d’ici disent "la promenade". 
(2) « Jean de Florette », « Manon des sources », tant pour les livres que les films.  

photos autorisées commons wikimedia
1. Vendres / église_St-Etienne auteur Fagairolles 34
2. Vendres / statue de Marianne auteur Fagairolles 34 
3. Vendres / fontaine auteur Mairie de Vendres.

vendredi 23 septembre 2016

TOUR DE L’ÉTANG DE VENDRES (IV) / Mont de l’AQUAEDUCTUS, mamelon de VÉNUS...


Le soleil cogne. L’heure d’été le devance de deux tours : il est quatorze heures avec la chaleur de midi ! Et ce piémont du plateau en amplifie la portée ! La sécheresse a sévi cette année et les grains de raisins sont secs comme chevrotines. Heureusement que le bord de l’étang est arboré, contrairement à l’aval, vers le grau où la salinité domine. Une maison à gauche, sous les peupliers et les frênes ; un panneau indique « La Foulquière », un nom évocateur pour un rendez-vous de chasseurs. Depuis un moment, nous allons à rebours du chemin vicinal menant à Sainte-Germaine ; il est mal foutu, mal entretenu : tant mieux pour la tranquillité qu’on y gagne. Sur le versant, encore un panneau qui, cette fois, montre où voir ce qui fut un aquaeductus, un aqueduc des Romains. A des lieues du pont du Gard, ces vieilles pierres comptent, néanmoins : elles confortent dans l’idée que le coin, et à plus grande échelle le Languedoc, a toujours été favorable à l’installation humaine. Du temps des Romains, le site devait beaucoup ressembler à ce qu’il est aujourd’hui avec peut-être le grau ouvert sur la mer et un étang de Vendres en lagune saline... Nous suivons le sentier, aussi motivés que ceux qui cueillaient des mûres tout à l’heure. Un figuier dans la montée. Là-haut une pinède et la première maison sur sa parcelle lotie. Entre les deux, les pierres de Rome, un tronçon de canalisation, une forme de réservoir aussi peut-être (1). 


Un terrain de pierre terreuse ou de terre pierreuse, jaunâtre, qui rappelle l’oppidum d’Ensérune. Dans mes partis pris simplistes, j’associe la présence grecque au calcaire blanc : Leucate ( de leukós, λευκός  en grec ancien) (2), et plus loin le site archéologique d’Empuriès. Ne me demandez pas pour Agde au basalte noir (Αγαθή Τύχη (Agathé Tyché) (2)... je vous l’ai dit : la subjectivité dans tout ce qu’elle a de contradictoire...
Cette eau venait-elle du plateau du Crès ? L’aqueduc l’amenait-il au temple ? On le voit ce mamelon qui s’avance dans les roseaux, juste sous le soleil de l’après-midi. L’étang s’ouvre à droite comme un éventail piqueté de paillettes d’argent. Quelques oiseaux fouillent les vases. Quelques cris montent jusqu’à nous. Les cigognes doivent vaquer plus loin. 



Le voici, ce fameux temple mais les indications évoquent plutôt des thermes, le repos du marin, le vin du Crès et plutôt des vénus de carrefour que des offrandes pour une traversée réussie (3).
Personne sinon nous et un troupeau de chèvres en ce jour plutôt frais pour la plage. Dans un canalet qui en automne évacue les déluges venus des collines, nous dérangeons un héron pourpré (4), « oiseau entièrement protégé » disait une indication des ornithologues, plus loin, vers le Chichoulet et « qui ne doit pas être dérangé intentionnellement », précise la loi.   

(1)  trouvé sur http://jc34.eklablog.com/vendres-son-temple-de-venus-et-son-aqueduc-antique-a123506760
«... L'aqueduc a été vraisemblablement édifié à l'époque gallo-romaine. Il conduisait les eaux de la source du Théron située sur le flanc Est du Crès à la ville antique. Au titre de la corvée qui existait en 1725 les habitants de Vendres, sous la conduite de l'ingénieur Monsieur de Clapiès, réaménagèrent le conduit souterrain et jusqu'en 1864, les eaux alimentèrent les fontaines du village...»
(2) wikipedia  
(3) «... Deux fours chauffaient l'air qui arrivait dans trois grandes pièces par les interstices du plancher. Ainsi les valeureux romains pouvaient apprécier les différentes températures des pièces selon qu'ils s'éloignaient de la chambre de chauffe. L'étuve (caldarium) assurait une température élevée, puis la pièce tiède (tépidarium) une douceur plus acceptable puis enfin la pièce froide (frigidarium) permettait d'apprécier le bienfait des bains froids... » 
Pour plus de précisions http://jc34.eklablog.com/vendres-son-temple-de-venus-et-son-aqueduc-antique-a123506760
Merci encore jc34 !
(4) je crois qu’en languedocien de chez nous, nous disons « crac » pour ces grands hérons qui volent le cou rentré (confirmé par le dico cantalausa)
http://www.ieo12.org/d7/recerca-diccionari-cantalausa


photos autorisées wikimedia commons : 
1. Vendres étang auteur Fagairolles 34 (au fond, au sud, le massif de la Clape). 
2. Vendres aqueduc auteur Emeraude. 
3. Vendres étang avec vue sur le temple de Vénus auteur Mairie Vendres (au fond au-delà de l'Aude, le village de Fleury). 
4. Vendres temple de Vénus auteur Mairie Vendres. 
5. Héron pourpré photo Pierre Dalous.