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mercredi 25 octobre 2023

ODE AU-DELÀ DU DELTA... / Rhône, Aude, Llobregat, Èbre

 « ... Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, ~ heureux comme avec une femme. »

Sensation, Arthur Rimbaud (1854-1891).

Le Rhône embrasse ses îles et pousse les terres de Camargue vers le sud, et pas seulement dans sa propre limite. La situation climatique, entre hautes pressions au nord et la situation dépressionnaire due à la Méditerranée, mer chaude, une situation à l’origine de violents transports d’air entre les deux états ; le Mistral, les Cers, liés aux couloirs rhodanien, audois, de l’Èbre en Catalogne, en forment les porte-bannières tandis que, plus généralistes, les tramontanes, comme le nom l’indique, descendent des montagnes. Transports d’alluvions aussi, tirées des montagnes, venues combler les avancées de la mer. La géographie, en effet, duplique le schéma camarguais d’engraissement avec ses lagunes et lidos, d’érosion, aussi, de la côte. 

Du Rhône à l'Èbre.  Atlas Classique, Schrader & Gallouédec Hachette 1953


A quatre cents kilomètres, chez nos frères de Catalogne, c’est l’Èbre qui avance ses bras dans cette même Méditerranée Occidentale. Entre les deux, le Llobregat comme épongé par Barcelona (1) mais réservant encore des espaces naturels intéressants. Et, pardon de le mettre en avant « parce que c’était lui, parce que c’était moi », si présent dans ce qu’il a de sanguin, de sudiste, d’occitan, le fleuve qui continue d’échapper aux hommes venus le dompter, l’Aude qui rendit l’île de la Clape au continent, la “ rivière ”, redoutée mais familière des Pérignanais de toujours, l’Atax d’un delta aussi caché que mystérieux... 

(1) si quelqu’un peut préciser pour le Riu Fluvia (Golfe de Roses) ainsi que le Riu Tèr d’une trilogie catalane lexicale : Têt, Tech, Tèr... Sinon on parle du Mistral, du Cers du Rhône à l'Aude, de Mestral, Magistrau, des Cerç ou encore Çerç, de Tarragona à l'Ébre. 

mercredi 31 août 2022

Du ROUSSILLON catalan au FENOUILLEDES occitan...

 Demi-tour. Avant, un filet faisait suite à la poche grillagée du large tenillier. A présent le pêcheur amateur doit relever son petit appareil bien plus souvent, trier les prises et garder celles qui font la maille, avec une marge, l’équivalent de la dernière phalange de l’index, soit plus de deux centimètres. Où les mettre ? Le short de bain a des poches plus que suffisantes pour une assiette de tenilles.  

En piétinant, courbé sur le manche, je plains le vieux paysan de Millet sur la glèbe, dans la survie, lui. Ma position est incommode mais ce n'est qu’un loisir sauf qu'il s'agrémente d'un point de vue, pourtant au ras de l'eau, de part et d’autre : la courbe du Golfe du Lion rendue splendide parce que la Terre est ronde, une sensualité d’autant plus émouvante qu’une carte de qualité n’arrivera jamais à rendre, avec une prédisposition impérieuse à se faire la belle dans tous les sens de l’expression... Pardon mais quand on se grise de sensations... « heureux comme avec une femme » disait Rimbaud (Sensation) il n'y a aucun hasard dans la beauté des rondeurs... Y est-on déjà sensible, à quinze ans passés seulement, sans expérience ? Il n'y a pas d'âge pour une volupté de gourmet ? 
En partant des Pyrénées, les montagnes bleues descendent embrasser la mer et mettent sur un cou de déesse, un collier de plages d’or jusqu’au pêcheur-penseur hédoniste. L’esprit revient mais sur un orbe moins lointain, un deuxième cercle.

Perpignan, le dépaysement des palmiers, la gare stimulant «l’éjaculation mentale» «l’extase cosmogonique» de Salvador Dali, plus que des mots puisque l’huile sur toile mesure trois mètres par quatre ! La gare aussi des femmes assassinées si un fait divers doit venir délaver, ternir et choquer quelque peu le fantasmagorique du propos. 

Camp_of_Rivesaltes_5_October_1942 départ du 8e des 9 convois de déportés juifs. wikimedia commons Auteur tracy Strong

Rivesaltes, les fèves de février, les cinq variétés de figues du marché de septembre sur la promenade... Mais sont-ils encore là les platanes malmenés lorsque la modernité, le changement à tout prix vient balayer le respect du passé ? Avec ce coup au moral, le camp Joffre aussi, de rétention, d'internement sinon de concentration, un camp aujourd'hui militaire, de triste mémoire, pour les Républicains espagnols, les Juifs, les Tziganes, les prisonniers de guerre, les indépendantistes algériens, les Harkis ainsi que pour "l'accueil" des supplétifs de l’armée française des colonies en Afrique, en Indochine.   

Estany_de_Salses_(agost_2013) wikimedia commons Auteur Elizir

  
La morne platitude de la Salanque, les vendanges dans le Roussillon, dans un petit roman : «Adoracion», une perle écrite depuis Le Caire vers 1945, par François Tolza, un auteur dont la trace semble perdue : je ne connais de lui que le nom, rien sur le réseau. Salses, sa forteresse de ville frontière. L’Etang de même nom sans les hydravions testés pour la ligne de l’Aéropostale jusqu’au Brésil, mais avec les maisons de roseaux, les élevages de truites dans l’eau de résurgences généreuses, les huîtres dans cet Etang dit aussi « de Leucate », au pied de ces Corbières Maritimes qui pointent à 700 mètres d’altitude à seize kilomètres à peine des falaises de  Leucate-La Franqui.

Invitations aux voyages avec Henri de Monfreid loin vers Bab-el-Mandeb, Jacques Lacarrière qui ne pouvait mieux terminer sa marche à travers la France que face à cette mer, au-dessus des flots d’un bleu unique, sous une lumière aussi éclatante qu’en Grèce, le pays qui le fascina, interdit, à l’époque de sa marche, par la dictature des colonels.

Sur les hauteurs pelées qui malheureusement viennent d’être parcourues par un énième incendie d’été, la tour de guet en bas de laquelle se niche, invisible, le village d’un des plus vieux humains d’Europe, celui de Tautavel. Plus haut, peut-être emmêlées avec celles du château d’Opoul, une masse ruiniforme impressionnante évoquant d’inévitables conflits sanglants. 

Caudiès-de-Fenouillèdes_Notre-Dame-de-Laval wikimedia commons Auteur ArnoLagrange

Au couchant, les pensées, rêveries et l’imagination se libèrent à nouveau vers la boutonnière du Fenouillèdes, en bas des Corbières, ce quadrilatère peu accessible et si prenant à explorer. La barre rocheuse continue, à peine entrouverte par les gorges de Galamus formait frontière avec l’Espagne ; tel un dé sur son doigt, le château de Quéribus confirme. A l’autre bout, plus convivial, le col de St-Louis où, avec les marchandises, s’échangeait aussi, paraît-il, le dialogue devenu dicton : « Catala bourrou, gavach porc ! » (Catalan âne, occitan porc... pas simple de définir le «gavach»... on est souvent le gavach de quelqu’un dans notre Sud ; traduit par « étrangers », « montagnards »... aussi rustres et mal dégrossis les uns que les autres, le sens ne se limite pourtant pas à cette nuance péjorative). 

jeudi 19 décembre 2019

NADAL, NADALET, NADAU... NOËL OCCITAN (suite & fin) / Pyrénées, Piémont, Espagne, France, Val d'Aran...


Val Varaita, une des vallées occitanes du Piémont, Wikimedia Commons Author Luca Bergamasco /  La comunità montana a toujours eu un intérêt particulier pour la sauvegarde de la langue et des traditions occitanes.

La chanson, "La Piémontaise", est de 1705, Louis XIV mène une énième guerre, celle de la succession d'Espagne... Nadau aurait pu chanter "les Piémontaises", d'autant plus que les vallées cisalpines sont italiennes avec une particularité cependant puisqu’on y parle toujours l'occitan ! Oublions les approximations, tout le monde n'a pas l’esprit fouineur, l'impression globale est trop belle, trop forte, le souffle du Sud trop rare ! 

Signature Fébus 2 janvier 1360 Wikimedia Commons Auteur Gaston III de Foix-Béarn.


De 1705, on remonte aux années 1300 avec "Se Canto". Comment ne pas rapprocher, en effet, Joan de Nadau, troubadour de maintenant, d'un autre émissaire du Sud, Gaston Febus (et pas Phoebus puisque le "ph" n'existe pas en occitan... je me fourvoie toujours sur un dico français...) qui aurait écrit "Se Canto", un chant désormais devenu hymne par la faute de ces foutus Jacobins contreproductifs à l'esprit borné. Les paroles ont en commun l'amour perdu car trop fragile sinon souvent déprécié car assimilé au quotidien, au train-train, à la monotonie des choses quand on ne veut pas réaliser que chacune d'elles est déjà un petit bonheur.     


"... Aquelos mountanhos          Ces montagnes 
Que tan nautos soun                 Qui si hautes sont
M'empachoun de veïre             M'empêchent de voir
Mas amours ant soun..."           Où mes amours sont

Je m'égare, Gaston avait répudié Agnès son épouse et ne pouvait donc que s'en mordre les doigts. Elle est de l'autre côté des Pyrénées, en Espagne. L'Espagne, Joan de Nadau en parle, obligatoirement, comme d'une réalité fuyante, évanescente comme le vent "... Le printemps qui vient d'Espagne fait pleurer la montagne... " (Saussat / Nadau).

https://www.youtube.com/watch?v=J1k04LGD--g (Saussat)
Commune de Balaguères, village de Balagué ou a été tourné le film "Le Retour de Martin Guerre". Wikimedia Commons Author Olybrius.
Avec l'amour, la guerre, le soldat. Celui encore lié aux temps anciens et aux Pyrénées, volontaire ou forcé. Est-il revenu du Piémont comme revint Martin Guerre, paysan d'Artigat (Ariège), douze ans après, alors que son épouse vit avec Arnaud qui, usurpant l'identité du mari, lui a même fait des enfants ? (années 1550). Ni hasard ni coïncidence, seulement synchronicité, le scénariste du film "Le retour de Martin Guerre" est Jean-Claude Carrière, un homme de culture que j'ai aimé, que j'aime encore même si la parisianisme qui lui a gâté le cœur, me fait peine. Carrière enfant de Colombières-sur-Orb, était bilingue et parlait occitan.

Comme Nadau avec "Lo dia, Maria, qui s'a minjat la nueit", Le jour, Marie, s'est mangé la nuit, Carrière a su témoigner d'un ménage de la montagne en face, presque au même moment, dans la nuit :
 
« … Fasen un traouc a la nèit, la fenno, per veïre si dema i fa journ. »
« Faisons un trou à la nuit, la femme, pour voir si demain il fait jour »

Gravure de Flammarion ou "du pélerin" Author Heikenwaelder Hugo, Austria. 
Enfin, à travers le répertoire de Los de Nadau, est-ce un hasard si plus de sept-cents ans ont été survolés ? une coïncidence si l'Occitanie a été parcourue, du Piémont en Italie aux Pyrénées qui comptent tant ? Dans nos montagnes,  il y a le Val d'Aran en Espagne mais géographiquement tourné vers le Nord, la direction que prend la Garonne, obligée qu'elle est par des sommets à plus de 3000, des cols à plus de 2000 mètres jusqu'à ce qu'un tunnel soit creusé vers le Sud en 1948. Le Val-d'Aran, unique entité politique où l'Occitan est langue officielle ! Nadau a des attaches dans le Val. Il a donné un concert à Vielha !   

Val d'Aran Commons Wikimedia Author Wela49

Bossost Val d'Aran, au pied du col du Portillon. Wikipedia, Auteur Nickj.

Hier je ne sais toujours pas pourquoi j'ai tapé Nadau. Un instinct, le sixième sens sans doute ou alors je savais trop bien qu'avec un clic magique, en écoutant "Mon dieu que j'en suis à mon aise" (il faudrait un petit article rien que pour cette chanson !), comme avec une femme, référence à Rimbaud (Sensation), je pouvais atteindre ces hauteurs pures de rocs, de glaciers et de lacs d'altitude en regardant le Saussat, comme Joan de Nadau... Pour me ressourcer, reprendre les forces, pour résister à ces puissances politiques mâtinées de haute finance qui ne pensent qu'à dominer pour exploiter. On ne peut vivre béatement d'amour et d'eau fraîche. Comme pour une femme l'amour donne le courage de se battre. Même Nadau évoque, serait-ce à petites touches, les Croquants ou les Demoiselles du Couserans, les paysans accablés de taxes ! L'esprit de résistance ne peut qu'amener un mieux  les mouvements sociaux doivent aller au bout... Jean-Claude des châtaignes et du vin bourru, c'est pas bien d'être pour les Versaillais au prétexte que les révoltes peuvent amener pire... 

"... Ah qu'il vienne enfin le temps des cerises [...] avant que j'aie dû boucler mes valises et qu'on m'ait poussé dans le dernier train..." Les Cerisiers, Jean Ferrat. 

Croix occitane.

dimanche 19 mars 2017

LE MONDE NE DEVRAIT ÊTRE QUE CHANSON ET MUSIQUE... (4) / ratés existentiels




«...Et là, une image lui revient en boomerang, qu’il croyait effacée. Celle d’une petite vendangeuse espagnole, juste un échange du regard, un éclair...»

D’un coup tout est chamboulé, tout sens dessus-dessous ! Et l’informatique avec ses ratés aussi n’y changera rien ! Ses inspirations, ses effusions, ses notes, effacées deux fois qui plus est ! Qu’importe ! Parce que hier, il a recommencé, laissant patiemment remonter les secrets de cette chambre de magma frémissant, brûlantes sensations d’un coup rafraîchies. Son père l’a dit souvent, qu’il ne se sentait pas vieux, bien qu’à la veille de ses 90 printemps ! Retourner, contrebalancer le trop commun "âge de ses artères" ! Formidable d’optimisme, si positif ! À l’opposé de l’excuse toujours en trop pour ne rien faire, se laisser aller... le ventre flasque plutôt que résonnant serait-ce d’un tam-tam planétaire, étranger seulement en apparence aux farandoles et sardanes du Sud ! 
Dans cet avion qui l’emporte et qui aborde le grand désert sous la lune, il est pris par ces cuivres, à fond dans les basses, à fond dans sa tête, qui parient sur une Afrique digne, enfin émancipée. Dreamliner le bien nommé, dans sa trajectoire filée, jet-stream aidant ! Et lui, parce qu’il imagine Callisté « la très belle » avant l’éruption cataclysmique du Santorin, laissée à l’horizon bâbord, ne s’emporte-t-il pas tel un vieux volcan effusif oublieux de sa jeunesse explosive de volcan gris, persuasif encore, capable de submerger, de tendre le piège des cheveux et larmes de Pélé alors qu’une neige faussement innocente l’emporte désormais sur le gris de ses tempes et que, dans un accès lucide, il voudrait se persuader que sa lave se fige lentement sous sa croûte, qu’il est raisonnable de tenir et fou de courir ?.. 

Le cœur volcan, Julien Clerc, 1971. 
https://www.youtube.com/watch?v=6wVMI_aB3TQ

Il devait avoir vingt ans, encore à ses préfixes, le platonico exaspérant d’ Evelyne, l’érotico passif de Josiane trop offerte, trop facile et à présent, quelques secondes à peine pour tout foutre en l’air, corrigenda plus qu’addenda, un amour infini, galactique, voguant vers l’infini, noyant néanmoins corps et âme dans le concret d’une illusion d’avenir... une petite vendangeuse...

https://www.youtube.com/watch?v=bTUeD0KQc_c Et un jour une femme / Florent Pagny.

Il y a cette camarade de classe qui le retrouve et lui fait remonter l’autre fois. Il y a ces lettres, l’étrangeté de cette boîte à biscuits sans couvercle et pourtant sans poussière. Mais il y a plus troublant encore ! Ces lettres, il les reprend dans la chambre même où il les décachetait, où il répondait, quarante-sept ans sinon plus tôt !.. il y a une éternité... (Joe Dassin / L'été Indien). Mais c’est un même soleil qui écaille et décape le bleu séraphin des volets, qui pénètre de sa lumière même si au loin les pins ont submergé le vieux moulin. « Accepte ta petite vie, vis intensément la vibration qui t’est permise, lui susurre une petite voix ! La nature n’arrêtera pas sa marche cosmique et continuera toujours sans toi et sans tes semblables, "humanisants" dégénérés ! » 

Et puis, est-ce la magie des amandiers en fleur qu’il n’a pas vus depuis vingt ans et qui piquent en ce moment, de leur espérance rose et blanche, les branches dénudées de la mauvaise saison ? Ce renouveau l’inscrit à nouveau dans la respiration de son Languedoc, de son Sud natal, dans un cycle qui boucle l’été avec sa Méditerranée léchant le sable de petits coups de langue mousseux, pour reprendre fortississimo avec l’hyperbole zinzoline des raisins d’une corne d’abondance... 
Sans plus digresser même si ce baroque étrangement accolé à l’épure romane méridionale le définissent aussi, il sent son inspiration vers une expansion sans fin d’un coup stoppée. Un de ses articles a été "liké"... et ce « j’aime », ce visage, le modelé de ce nez, ce regard, ce sourire, l’ont soudainement paralysé, bloqué, vivant seulement de l’accélération crescendo de son  pouls...  Mais que n’a-t-elle caché, comme il le fit, ses indécences derrière un chat totémique ! 
Il n’est plus que le déversoir d’un trop-plein de sensations... Il ne parle pas, ne pense rien, seulement ouvert à l’amour infini montant dans son âme, parti si loin, nomade bohémien, dans un ciel éclairé d’étoiles, heureux comme avec une femme... Pardon, cette inspiration n’est pas de lui. C’est Rimbaud qui irradie aux marges du Soudan et de l’Éthiopie de même que le Erta Ale, le volcan qui doit ouvrir à un nouvel océan, la dépression de l’Afar...

Les vendanges, offrande divine, période magique qui voit nos propriétaires espérer en une météo favorable dont dépendra l’année à venir, et tous ces gens modestes qui se louent pour un plus permettant ensuite de dépenser comme jamais dans l’année, et ces Espagnols des pueblos déshérités venus pour une manne plus que bienvenue !
Retour des vignes, les garçons se lavent au seau, à l’eau du puits, dans les rires, les perles irisées de soleil couchant qu’ils se lancent et les moqueries en tangence des filles, déjà prêtes, après une toilette cachée. Taquines, les filles, toujours en orbite mais qui font exprès et crient de joie quand les étoiles d’eau les atteignent. Lui vient rejoindre José qui au milieu des comportes vides et du silence relatif du bord des vignes lui parle si bien des lumières trop vives de l’Andalousie, de l’ombre douce de sa maison creusée dans la montagne aussi, où l’attend l’abuela, sa grand-mère. 

C’est dans ces circonstances qu’elle lui apparut, comète fuyante. Leurs yeux se croisèrent si vite mais si fort qu’il en resta tout chamboulé tandis qu’elle s’effaçait aussitôt derrière le portail entrouvert de la remise. L’attirance était-elle réciproque ? Toilette du soir, avant que la jeunesse ne parte, en groupes, se lancer des regards, des piques comme autant de banderilles jusqu’au noir de la rue devenue route, au sortir du village...  Mars et Vénus dans un tourbillon terrien plus favorable au périgée que les hasards célestes.
Mais leurs planètes ne se croisèrent plus. Il revint, pourtant, tous les jours et s’il la revit, ce fut encore plus fugace. C’était flagrant, elle le fuyait, lui et son regard. Il s’en trouva plus ravagé que flatté. Il ne lui resta que la vision d’une longue enjambée dévoilant sous la jupe, une jambe, un mollet musclé et, tressautant dans l’ondoiement de longs cheveux noirs, la pointe d’un sein, arrogant presque, pic couronné d’une sierra enneigée loin à l’horizon d’une froide et morne meseta.
Puis les rangs s’éclaircirent. Il ne restait plus que quelques vignes à vendanger. Le ballet des tracteurs et des derniers chevaux se fit plus espacé. Les épiciers ne commandèrent plus de caisses d’arencades, ces grosses sardines au sel... Nos Espagnols qui avaient si bien participé au réveil des vendanges emportèrent leur accent rauque, l’exotisme de leur langue, leurs filles vivifiantes et farouches. Dans la nuit encore chaude d’octobre, l’odeur des moûts avait remplacé la brillantine, le patchouli... le bruit lointain des clavettes des pressoirs, les éclats joyeux des batifolages des vendangeurs. 

Josiane revint de ses récoltes à elle, dans un village voisin, escortée par un Parisien qui ne devait pas que la promener dans sa DS. Lui, redevint le confident hypocrite d’Evelyne, déjà plus sa dulcinée du Toboso sans qu’il le réalisât encore. Et la petite espagnole dont il ne savait le prénom, et qui l’avait tant troublé, s’évanouit à jamais de son esprit. Quand mûrit en lui l’idée de prendre un métier, son image lumineuse s'effaça mieux que celle de ces visiteurs d’Ibérie qui devaient venir encore jusqu’au milieu des années 80. Ces autres vendangeuses, par contre, peut-être les saladelles qui fleurissent les sagnes de leurs tons bleus jusqu’à la fin de l’été, se rappellent, chaque année, à son souvenir.