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mardi 16 janvier 2024

PARIS, LA PIEUVRE...


Certes un très beau reportage mais qui me laisse un goût amer. L'air de rien, tout en hypocrisies, Paris qui se veut à elle seule la voix de la France, lamine insidieusement la personnalité des provinces, un travail de fond aussi récurrent que séculaire. Très beau reportage bonifié par des images de drone (on ne nous dit pas s'il est iranien, turc ou nord-coréen puisque la France, pays pionnier de l'aviation, des Mirage, du Rafale... est particulièrement absente sur ce marché à moins que ce ne soit par des productions délocalisées, comme ils disent pudiquement pour entériner que le fric qui passe avant toute autre considération n'a pas de frontière et qu'il faut être particulièrement ringard pour prononcer "Nation" en pensant que ce n'est pas une vacuité, d'ailleurs, dans cette logique, ne sont-ils pas ceux qui veulent toujours plus de main-d'œuvre immigrée ? )...  

Gally,_Causse_Méjan,_Frankreich 2018 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author GerritR


Qu'est-ce qu'il a dit, le promeneur-commentateur-concepteur ? "Caussards" ? Comment ? Il les traite de fainéants ? Rembobinage : c'est bien "Causs'nards" qu'il dit ! Traitez-moi de grincheux, de jamais-content, de mal sapious, pourtant je n'ai rien contre les personnes, seulement contre cette vague de fond qué fa parla pounchut dans ce reportage (qui fait parler pointu... parenthèse dans la parenthèse, sur 15 ministres récemment nommés dix sont franciliens... comme quoi le pays est équitablement représenté...). Paris n'a pas assez de ses huit tentacules pour phagocyter le pays qu'elle assujettit, ou engloutir les talents régionaux pour les régurgiter sous ses propres couleurs. Cette coercition de longue haleine consiste aussi à gommer l'identitaire, les différences, faire de nous un troupeau (1) docile, obéissant, sans aspérité, sans plus d'amour-propre, pire, des collabos en puissance, lobotomisés, bientôt zombies. Petit à petit cette pression en est arrivée à s'immiscer dans le caractère intime régional ; ainsi, depuis Toulouse ou Montpellier, on parle francilien pointu aux infos régionales où, pour prévenir une possible bronca, ils font l'effort d'en garder un, à l'accent du Sud, pour le rugby notamment, en contre-exemple, manière de faire semblant de protéger un indigène, un représentant du peuple premier (et dire que Chirac collectionnait leurs productions du bout du monde sans réaliser qu'il pouvait se satisfaire chez lui !). Un fait qui même semble anodin au maire de Fleury faisant commenter en "parler parisien" la bande annonce de Côte Indigo... Dans ce même ordre d'idée pas plus tard qu'hier, sur Arte, la charmante présentatrice m'a mis un voyage... quand elle a dit "d'vinett", une seconde j'ai en effet entendu "dînette" (ma pauvre Cécile, j'ai 73 ans...) avant de me dire que c'est moi qui étais bien l'attardé et que la dame présentait seulement sa devinette quotidienne... Encore une conséquence de ma mollesse d'esprit, de mon QI déficient lorsqu'un commentateur politique a émis que nos gouvernants étaient pour le "PADVAG", oui, je l'écris comme je l'ai compris, à savoir un nouvel acronyme tout comme on dit "SMIG", "SMIC", "PAF"... Faut être retardé, ringard pour ne pas connaître le PADVAG ! Toute honte bue, j'ai essayé de réfléchir au PADVAG... Ah ! "Pas de vague" ! manière de se sentir un peu moins con... Pardon encore une fois d'être long à la détente ! 
Les meilleurs zélateurs sont ces transfuges, souvent à l'insu de leur plein gré, consensuels d'une réalpolitique large au point de tout accepter en échange de retombées économiques (le fait de "monter à Paris" représentant un mal nécessaire pour gagner sa vie, compensé parfois par le regroupement suivant l'origine comme ce fut le cas pour les Bougnats, les "Bécassine" bretonnes, ou alors le signe d'une ambition personnelle, par les hautes Écoles, la réussite artistique, culturelle, sinon, dans une moindre mesure car dans une société encore du XIXe, aux classes bien hermétiques, de l'arrivisme si bien traité par Balzac avec les personnages de Rastignac, Rubempré, ou Stendahl avec Julien Sorel)... Si l'estime de soi des sudistes en est là, assujettie comme elle doit l'être encore, au point d'accepter de dire qu'elle parle "patois" à propos de sa langue maïrale, c'est que les descendants des barons du Nord peuvent continuer à coloniser tranquilles... Même le grincheux jamais content mal sapious que je suis est bien obligé de reconnaître que le reportage est magnifique ! sauf que j'émets des réserves, quitte à mettre les pieds dans le plat ! à savoir qu'il n'est pas acceptable que tout ce que la province a de bon et de beau soit systématiquement mis en avant par l'Île-de-France et Paris qui s'en arrogent toujours le mérite : « Avez-vous vu comme ils sont beaux ces Causses qui nous appartiennent ? »  

France_Lozère_Causse_Méjan_Chevaux_de_Przewalski  2007 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic Author Ancalagon


Moi je ne vais pas montrer et commenter un reportage en Normandie, dans les Ardennes, en Alsace ou chez les Bretons, comme si j'y étais pour quelque chose, comme si les Sudistes imposant leur parler, avaient colonisé ! Un travers que nous n'acceptons que de la part du marquis de Carabas ! et encore, si on aime les chats et les contes pour enfants...    

(1) et si vous avez à commenter un post sur fb, ne dites surtout pas que les Français sont des "toumons", c'est classé "insulte" : ils vous interdisent de commentaire pendant un certain temps, bon, même pas 24 h... mais c'est qu'il faut dire ovins, bêtes à laine... on doit être puni aussi pour le mot "gipon" je suppose... vous avez saisi j'espère sinon c'est que je ne suis pas le plus bête du cheptel (j'ai si peur de dire "prouteau" !) ! 

PS : la branche catalane de notre famille sudiste devrait enfin s'engager pour changer le nom du département... Aux six départements qui n'ont plus voulu les indications "Basses", "Inférieure", "Nord", pour une raison autrement identitaire, Les PO, Pyrénées Orientales, deviendraient possiblement, qui sait, "Pays catalan-Fenouillèdes"...  

PS2 : merci Bob pour le partage de ce reportage

samedi 13 mars 2021

LE VIN BOURRU de J.-C. Carrière / lecture à quatre z'yeux


Quarante kilomètres à vol d'étourneau entre Colombières, le village de Jean-Claude Carrière et Fleury-d'Aude, entre le pied du Massif Central et le rivage méditerranéen. Peu de distance mais une géographie très contrastée et pourtant une vie commune où chacun peut se reconnaître, retrouver le souffle vital légué par les aïeux, supputer la pression latente d'un jacobinisme nordiste sur un Sud qui veut vivre... 

Au fil des pages, quelques thèmes partagés, estampillés "Languedoc".

LE VENT. 12 mars 2021. 4 heures du matin : 10° avec le marin, de la douceur mais il ne fera pas plus de 13 degrés cet après-midi puisque le vent va tourner au nord-ouest.  Ah, en parles-tu du vent ? Oui : "le pays est [...] froid l'hiver à cause du vent du Nord qui descend en sifflant du massif..."
 C'est vrai que nous aussi avions l'habitude de dire "vent du Nord" pour un air pourtant venu d'ailleurs. Mais tout comme nous, tu ne mentionnes pas la tramontane. 
Suivi : finalement le vent hésite entre sud-ouest et nord-ouest, dans le premier cas ce serait  "labech" et est-ce que le proverbe trouvera à justifier demain "labech tardièr, cers matinièr" ? (labèch du soir, cers du matin).

LA MER. A t'entendre il te tardait de dépasser ton monde fermé, encaissé entre "... Le Caroux, haut bastion escarpé qu'on qualifie d'imposant et de pittoresque..." et au sud la chaîne basse et arrondie de Sauvagnère. Pourtant, par le versant raide du Caroux, une fois en haut sur le plateau, on voit la mer. 
A Fleury, vers 1930, à l'époque de ta naissance, il s'en trouvait toujours une paire, à l'école, qui n'avaient jamais vu la mer. Alors le maître les emmenait un jeudi sur les hauteurs de la Clape et deux mille mètres plus loin, près le Pech de la Bado, vers 160 mètres d'altitude, on la voit la mer, plein Est, à six kilomètres à peine. 
Note : depuis les coteaux au sud-ouest (Fontlaurier, le Phare) ou ouest (le château d'eau), on la voit la mer. Au-delà de l'étang de Vendres, on reconnait l'immeuble de Valras.   
 
ane-sang-et-or nanou.over-blog.org

LES GAVACHES. Déjà, pour situer Colombières tu ajoutes :
 
"Juste un mot sur les gavaches (prononcer gabatchs). Ils vivent au nord, dans les régions froides et peu civilisées des montagnes centrales. Ils parlent patois et ne sont bons qu'à faire brouter les vaches. A certaines saisons ils descendent dans les terrains méridionaux comme travailleurs périodiques. C'est l'occasion pour nous de voir comme ils sont frustes et ignorants. Le gavache est la référence barbare..."

Et nous Audois qui sommes les Gabaches en chef des Catalans (1) eux-mêmes Gabaches de qui déjà ? Des Catalans d'Espagne ? Des Espagnols non catalans ? Le mot aurait un rapport avec le goitre dû à une carence en iode chez les montagnards de France partis faire les moissons de l'autre côté des Pyrénées dans une Espagne bien plus verte qu'aujourd'hui (les migrations ne se font pas en sens unique !), et ce depuis 1530 ! L'espèce humaine étant d'une nature douce et non agressive, goitre et crétin devinrent synonymes.   
Si les Mexicains ont eu dit (ou disent encore ?) "gabacho" en parlant d'Européens ou de Yankees, un affairisme historique met au second plan le côté péjoratif du terme lorsque, à la frontière du Roussillon, terre aragonaise durant quatre siècles, une interprétation plus apaisée vient traduire le traditionnel "Catala bourou, Gabach  porc !"(2), à savoir que sur la frontière où avaient lieu les échanges, les uns proposaient des ânes réputés, les autres des cochons ! 
Et nous, du Bas-Pays, nous disions plutôt "mountagnols" que gabaches...  

Cochon_recueilli_par_le_Refuge_GroinGroin wikimedia commons Photo_de_L214_-_Éthique_&_animaux

Encore les interconnexions entre l'Occitanie, l'Espagne, le Mexique ! 

(1) nomment-ils ainsi les Occitans du nord du département des Pyrénées Orientales (Fenouillèdes notamment) ?
(2) Catalan tu es un âne, Gabach tu es un porc. 


mercredi 27 février 2019

ESPAGNE février 1939 / Les camps de "concentration" français...

En février 1939, près d'un demi-million d'Espagnols (dont une majorité de l'armée républicaine en retraite) doivent passer les Pyrénées. 



Suite à la prise de Barcelone (26 janvier) et malgré la répression qui s'ensuivit (35.000 exécutions), ce n'est que le 27 que nos autorités nationales ont ouvert la frontière, et aux civils seulement, les hommes valides étant systématiquement refoulés (1). 
La valse hésitation qui s'ensuit est symptomatique des tiraillements français, entre élans idéalistes altruistes et replis égoïstes et droitiers. Comme si une armée en débâcle qu'on désarme dès son entrée sur le territoire représentait un danger, comme si d'accueillir des Républicains réputés "rojos" pourrait froisser et fâcher la droite et ceux qui tiennent à dire "monsieur Hitler" (2) mus par une sainte horreur du bolchévisme. 

La France, incapable d'assumer, ferme et rouvre la frontière à deux ou trois reprises avant de finalement regrouper les combattants défaits dans des camps improvisés, comme celui d'Argelès-sur-Mer, sur la plage. 
Du sable seulement, des barbelés et la tramontane glacée de février. 
S'il ne faut pas passer sous silence la compassion, l'accueil solidaire des populations, notamment dans le Sud où la population d'origine espagnole est nombreuse, force est de dire que le regroupement, dans des conditions indignes, des combattants républicains dénote d'un climat xénophobe en France.  La politique de L’État est une politique de défiance, de mise à l'écart avec le désir d'en renvoyer un maximum en Espagne à court terme, et qu'importe que ce soit pour les livrer à Franco ... Parmi les internés, ceux qui ne rejoindront pas la Légion Étrangère seront réquisitionnés pour le travail obligatoire.

Les camps, Argelès, Saint-Cyprien, Le Barcarès, Rivesaltes et plus loin Bram ou Agde pour ne parler que du Languedoc-Roussillon, appelés, entre 1938 et 1946, "centre de séjour surveillé", "centre spécial de rassemblement", "centre de rétention administrative", "camp de concentration"etc. , doivent accueillir des "étrangers indésirables". 
Combien étaient-ils ? Vraisemblablement plus de 200.000 comme le chiffre le journal local "L'Indépendant".

 (Geneviève Dreyfus-Armand parle de 275.000 internés 
https://www.persee.fr/doc/homig_1142-852x_1994_num_1175_1_2187 ). 

Dans des cahutes de roseaux pour les plus chanceux en attendant les tentes, sinon dans des trous creusés dans le sable, chargés de construire eux-mêmes les baraques des camps, ils sont exposés au froid, à la faim, au manque d'eau, d'hygiène. Victimes d'affaiblissement et d'épidémies ils sont plusieurs dizaines de milliers à succomber durant les premiers mois d'internement.

(1) "... Lors de l’entrée sur le territoire français, les réfugiés sont dépouillés de tout : armes, mais aussi bijoux, argent liquide, etc..." selon la source Wikipedia...    
(2) ces mêmes qui assument avoir déjà lâchement livré la Tchécoslovaquie à l'Allemagne nazie, ceux qui se sont si bien accommodés de la paix de Münich, assurant un bon accueil à Daladier qui aurait alors marmonné "Ah les cons !". Churchill s'adressant à Chamberlain ne s'y était pas trompé "Vous avez eu à choisir entre la guerre et le déshonneur ; vous avez choisi le déshonneur, vous aurez la guerre." (1938). 

Photographies de Paul Senn (1901 - 1953) qui a voyagé en Espagne (Valence, Madrid, Barcelone) dans les années 30. Début 1939, il est présent sur la frontière franco-espagnole. Parmi ses photographies conservées au Musée des Beaux Arts de Berne, plus de mille ont été mises à la disposition du Mémorial du Camp de Rivesaltes. A l'occasion de la commémoration des 80 ans de la Retirada, l'exposition y regroupe 150 clichés (de janvier à septembre 2019).

 

lundi 14 août 2017

IL DESCEND DU CAPCIR, L'AUDE... / Occitanie, Pays Catalan

Il descend de la montagne, l'Aude... 
Long de 224 kilomètres, l'Aude qui a tant fait parler de son delta prend sa source à 2150 m d'altitude, sur le versant oriental du Carlit, commune des Angles, dans ce pays suspendu et rude qu'est le Capcir (1) autrefois nommé Pais de la muntanya d'Auda.

Vers le sud-ouest, à gauche le lac d'Aude sous celui, plus important, des Bouillouses où passe la Têt.

Les surnoms de Petit Canada ou Petite Sibérie (un des derniers refuges en Europe occidentale d'une plante boréo-arctique, la ligulaire de Sibérie) disent tout des rigueurs de l'hiver sur ce plateau couru par le Cers localement appelé Carcanet, un vent fort et froid venu du nord.

Après le Roc d'Aude (2325 m), juste un nom, il faut gagner le Mont Llaret (2376 m) pour se dire que l'Aude, notre fleuve, notre rivière, naît là. A nos pieds, le petit lac ne portant pas pour rien son nom "d'Aude". Entre les arbres nains et la pierraille, les fleurs, tournant le dos au vent frais, témoignent de la vie qui s'accroche...


Si son pied de marcheur attendri évite, bien sûr, d'écraser ces bouquets divers qui chantent la vie, à l'heure où l'offre touristique, d'été et d'hiver, se croit obligée, concurrence oblige, de proposer toujours plus d'activités farfelues, le visiteur se doute qu'il y eut un passé avant les sports d'hiver. A voir les vaches dans les prairies d'altitude et en bas, les parcelles bien marquées, ces meules de foin roulé, sans parler du vieux village qui n'a plus que son clocher et la porte d'un vieux casteil pour témoigner des temps anciens, il doit savoir que jusque dans les années 60, le pays était pauvre, les gens encore ici vivaient d'un peu d'élevage, de pommes de terre et de braconne. Depuis 1900, les conditions difficiles, l'exode rural ont divisé la population par deux et pour retenir les jeunes, s'inspirant de l'expérience des Pyrénées centrales, le maire d'alors, Paul Samson, lança la station des Angles. On aménagea les granges pour loger les premiers skieurs ; Arthur Conte raconte qu'un paysan rieur lui fit sonner un trousseau de clés sous le nez, ravi de louer deux chambres et de gagner ainsi autant que s'il vendait cinq vaches !  

Vue vers le sud-est : au deuxième plan, le lac de Matemale ; derrière, la neige du jour sur le Cambre d'Ase et le Pic Redoun peut-être. 

Le progrès, même s'il faut s'en prévaloir non sans réserves, ce sont aussi les lacs créés de Matemale et de Puyvalador, prenant sur les surfaces cultivables. Sinon, la vieille dame de la pêche à la truite (2,60 € / pièce) a bien dit qu'elle n'avait jamais connu un mois sans neige, aux confins du Capcir et du Conflent.

(1) passé du comte de Cerdagne aux rois de Majorque, d'Aragon puis d'Espagne avant d'être rattaché, avec le Roussillon, à la France par le Traité des Pyrénées (1659).  

Sources : Capcir, Les Angles, wikipedia. 
http://www.lesangles.com/fr/culture-et-traditions/si-les-angles-metait-conte/50-ans-d-histoire

samedi 8 juillet 2017

François TOLZA / ADORACION (4) / Presser les grappes et les corps...

A lire :  http://www.cealex.org/pfe/diffusion/PFEWeb/pfe_002/PFE_002_030_w.pdf

Approche des vendanges. Le Corse éclaircit la végétation : 

« ... De ses mains et de ses pieds, il écartait les longues ramures des ceps bien nourris de terre grasse et d’eau claire. Leurs bras montaient haut, quelquefois à hauteur d’homme, se terminaient par les petites mains pâles des feuilles nouvelles... »  

« ... L’hiver, elles suffisaient, ces lignes (roseaux), à lacérer le vent en mille bandes hurlantes. Et son poing lourd à assommer un bœuf, à arracher un arbre, passait au travers. Et il en ressortait mille petites mains d’enfants, pleines de remous qui ne faisaient qu’agiter les feuilles... »

« ... Seule, la charrette, au beau milieu, attestait du vieillissement du matériel avec les rayons de ses roues où la boue collait et ses brancards abattus comme des pattes paralysées où les harnais avaient fait des évidements luisants... » 


 
Dans ce nouvel épisode, si on peut voir des pieds, des bras, un poing, des mains, des pattes, nous voyons le Corse travailler dans la plaine où les haies de roseaux forment des coupe-vent efficaces. L’auteur le dit plus à l’aise dans les Aspres. Cette petite région naturelle qui forme le contrefort oriental du Canigou, entre le Conflent et le Vallespir, éloigne d’autant plus des Corbières qu’après le sillon de la Têt, se dresse encore le Fenouillèdes. Il est question d’un canal certainement d’irrigation dans cette plaine fertile où deux villages en bordure se nomment Corbère et Corbère-les-Cabanes.

Le Corse a donné rendez-vous à une femme ; le lecteur comprend vite qu’il s’agit d’Adoracion ; il apprend aussi qu’elle est belle, avec un corps superbe.

Préparation des vendanges : « ... Les comportes s’épaulaient, alignées, le long des façades, ou s’empilaient autour de l’humidité des pompes. On défaisait les seaux rentrés les uns dans les autres et collés ensemble depuis la dernière vendange. Avec les "masses", faites d’une branche de chêne prise avec un nœud terminal, et la collerette de fer blanc dont on pare les comportes pour les remplir, c’était, à peu près, tous les instruments du sacrifice... » 

On vendange en chapeau, et pour ma grand-mère, avec la caline.
 
Hormis la masse, plus "manufacturée", pour quicher le raisin et cette collerette de fer blanc, la préparation des vendanges au début des années 60 ressemblait beaucoup à celle décrite par François Tolza. 


Petite vendangeuse qui quiche !

jeudi 6 juillet 2017

François TOLZA / ADORACION (3) / 1907. Hauts et bas dans la viticulture.

Lucien a fait ses études à la ville (l’auteur craint de la nommer... Perpignan ?). Il prête ses livres à Claire, d’une instruction comparable, qui est bien la seule à fréquenter dans le village. Tolza dresse un tableau de la société, des quelques riches qui ont peur de tous ces pauvres, des pauvres qui, une fois les élections passées, sont trop pris par la vie qu’ils endurent pour avoir l’idée de se révolter, ces mêmes pauvres qui ne supportent pas qu’un des leurs réussisse.  

«... La vigne les pliait à nouveau vers la terre ingrate, nouait leurs genoux, durcissait leurs cœurs. Leurs vies puisaient à la même source de misère et leur consolation se contentait de peu... /... Il y avait eu, dans le temps, des années de désastres. Le phyloxera d'abord qui avait jauni les vignes comme un mauvais vent. On en gardait le souvenir d'un combat à armes inégales ou d'une malédiction. Peu à peu, les ceps avaient dépéri, toutes feuilles ratatinées comme celles des choux montés. Il avait fallu tout arracher, tout replanter, attendre les premiers rendements... Puis vinrent les années de vin aigre. Ç'avait été, durant des semaines, des vendanges sous la pluie, dans un demi-jour morne. La récolte abondante commençait à sortir des tonneaux que, comme un feu follet, le cri naissait au fond des caves :
- Le vin se pique ! Le vin se pique !
Les rigoles, pendant des mois, déversèrent vers le Daly un flot rouge où les moisissures faisaient des îles de corail. Jusqu'à la dernière cuve, la vendange coula, narquoise au seuil des portes, vomie comme un vin mal digéré. Aux approches du village, la même senteur veillait... »  


  L’auteur situe son intrigue au début du XXme siècle, peut-être évoque-t-il 1907 :
 

«... Puis il y eut de longs cortèges dans tous les pays de vignobles ; de grands drapeaux rouges battirent aux vents leur protestation contre le vin à deux sous... /... Elle avait le souvenir des trains pris d'assaut par des troupes que la misère enrôlait sous les mêmes oriflammes... /... Il y eut des années maigres et des années d’abondance, des hauts et des bas, des hauts surtout qui donnèrent le coup de grâce... »  

  

En ces temps troublés, quelques uns achètent des vignes à bas prix, quitte à emprunter, rendant jaloux les plus frileux qui en arrivent à leur souhaiter une mauvaise récolte.

  

Tolza présente ensuite Adoracion, de son vrai nom Angélique, née de vendangeurs espagnols qui n’avaient pas voulu repartir chez eux. Le père, ivrogne, finira mal :
«... Une nuit de mars, une auto le faucha à la sortie du café dont la porte s’était refermée rapidement sur le froid de la route... ».

Chez le percepteur, madame Bastide incite celui-ci à se débarrasser de son employé, après ce qui est arrivé.
Quelques traits sur le percepteur :le village raconte qu’il décolle les timbres non oblitérés pour les réutiliser
«... En lui subsistait la parcimonie du « montagnol » ariégeois... »  

mercredi 5 juillet 2017

François TOLZA / ADORACION (2) / Espagnols, mountagnols, commérages...

Dans sa chambre, Lucien songe tandis que :
« les platanes de la placette respirent la nuit avec un bruit fluide de feuilles... »
«... En bas, dans la vallée, miroite le filet d'eau du Daly que l'été finit de boire...» 
Le Daly serait-il une interprétation de l’Agly, fleuve côtier venu des Corbières ? 


Il s’en veut de s’être mis à l’écart des misères des hommes.
« Il les aime parce que, dans ce pays, l’acharnement du ciel et de la terre à détruire leur bonheur a quelque chose de tragique ; que s’abat, au milieu de l’été brûlant, l’orage de grêle qui dévaste, aussi imprévu, aussi subit que le destin : que s’installe et dure et persiste encore, jusqu’à la cruauté, la canicule impitoyable dans un ciel innocent ; que la tramontane défait, d’un geste délibéré et en plein ciel, les plus belles promesses de récoltes, cueillant les fleurs et les épandant sur le village désolé comme une dérision... »

« ... La promenade, elle, amarrée au bord du Daly, avait l’air d’une de ces bâches vertes dont les rouliers « ariégeois » recouvrent les charretées de foin quand ils descendent de la montagne... » 


C’est vrai qu’avant les Espagnols étaient les mountagnols, ceux qui descendaient dans la plaine pour les grands travaux, moissons vers le Lauragais, vendanges chez nous vers Narbonne, commodément appelés ainsi parce qu’ils venaient des montagnes, du Massif Central ou des Pyrénées, qui bordent notre amphithéâtre méditerranéen.

  

On apprend que Lucien travaille chez monsieur Bastide le percepteur et qu’il a Claire... 
«... fiancée découronnée qu’un destin aveugle vient d’anéantir parmi ses rêves... »
Un jour de fin d’été, au cours d’une balade, il vient de cueillir des raisins :
«... On y voyait de vieilles souches, musclées comme des bras, barbues, nourries de terre saine. Les raisins, portés haut, préservés des dangers du sol, étincelaient au soleil. Il y avait des grenaches serrés comme des poings noirs, des picpouls aux teintes de pigeon, des muscats dont les grains avaient la transparence des prunelles claires... » 
C’est alors qu’il croise Adoracion, la petite simplette qui travaille chez le Corse, le mari de Philippine, revenant elle aussi avec un panier.
On dit qu’il aurait abusé d’elle. 

Sa mère doit résister aux commérages perfides :
« ... les bonnes (nouvelles), on y intéresse le plus de personnes possible, au grand jour. Les mauvaises on n’a pas l’air de le dire, on les enrobe comme des pilules ; on tâche à les ouvrir sans les déflorer... »
«... Non on ne lui dirait pas :
- Ton fils est un foutu vaurien.
C’eût été trop beau cette bataille.
Mais plutôt, chez l’épicier, au milieu de la place, là, cernée de regards, ou peut-être dans le fournil du boulanger :
- Ce n’est pas vrai, Nane, ce qu’on raconte. Que les gens sont donc méchants... » 

     

Suivent six pages qui expliquent le mariage de Nane avec Jaume, la façon dont ils articulent leur ménage, la petite qu’ils ont perdue, tout ce qu’elle a fait pour que Lucien échappe à la terre. 

 

Photos autorisées : 
1. Agly Author The original uploader was Leguy at french Wikipedia. 
2. Fabien grenache noir.  
3. picpoul noir Author Vbecart 
4. Muscat_blanc_et_Muscat_noir Auteur Jean-Marc Rosier

mardi 4 juillet 2017

LA REVUE DU CAIRE / ADORACION - François TOLZA / Un village du Roussillon. .

   


En novembre dernier, je vagabonde dans un exotisme encore concret en mai 1945. Vagabondage vu qu’en cherchant « moussègne » (1) je ne retrouve nos vignes du Sud que grâce à une revue égyptienne. L’exotisme, lui, bien qu’empreint encore de la vogue des orientalistes, nous laisse, avec le recul, l’impression d’un monde fossile à l’agonie. Au paternalisme colonial, a succédé une prédation des Occidentaux pour le pétrole et le gaz. La naphte âcre a remplacé les senteurs musquées de l’Orient, la hantise du cancer la fumée parfumée des tabacs du roi Farouk. Une faune d’Anglais affairistes, de Français guindés, de Grecs obséquieux, mêlée d’espions et d’aventuriers, tolérant l’élite locale et regardant de haut le fellah, demeure. Hitler s‘est suicidé, l’Allemagne est désormais aux abois, la menace de l’Afrikakorps n’est plus qu’un mauvais souvenir pour les résidents. 
   

Tous les mois, la Revue du Caire, imprimée à l’Institut Français d’Archéologie, apporte, pour douze piastres, sa centaine de pages de culture. La participation de François Tolza (2) date du numéro 76, en mars 1945, sous un simple titre « ADORACION ». 

Parce que la vie dans nos vignes nous marque à jamais, les pages de cette nouvelle, de ce roman peut-être dont rien n’est dit, s’apprêtent à défiler sur l’écran. Et déjà à la deuxième ligne, une de ces images à cueillir avec envie : 
« ... Et avant que les cloches n’aient fini de s’égoutter sur les toits de Sainte-Marie-des-Corbières... ».
Sainte-Marie-des-Corbières ? Un nom inventé... Il y a bien Sainte-Marie-de-la-Mer dans les Pyrénées Orientales (dépt. 66), il y a bien les Corbières derrière, qui ferment la plaine mais Sainte-Marie-des-Corbières ? L’auteur semble vouloir ménager les susceptibilités...
Les gens soulèvent les rideaux pour voir qui passe dans la rue :
« - Voilà la Philippine qui court "aux provisions".
  


A Fleury on disait plutôt « aux commissions ». Et les femmes, de tous âges, bien méditerranéennes, vétues de noir, ajoutent à la fermentation des ragots sans jamais se sentir coupables du mal qu’elles insinuent, tant elles ont toutes rajouté leur venin.    

Pour Philippine, aller aux provisions, c’est une joie « ... la seule qu’elle eût avec l’excitation que donne le café... ». Sans haine comme sans amour, cette femme est d’une curiosité maladive, aussitôt désireuse de dénouer la moindre nouvelle encore peu claire. Sous des semblants aimables, familière, rien ne l’arrête quand elle a un commérage en tête, le lancerait-elle à une personne concernée :
« - Ce que j’en dis, c’est par ouï-dire. Et puis, je ne voudrais pas te faire de peine, Louise... »
A cinq heures Lucien est entré dans un casot (un cabanon) avec Adoracion : « C’est Titou qui les a vus, des Oliviers. » C’est que ce Lucien a fréquenté sa fille, pas longtemps mais la petite en a été malheureuse et comme les belles-mères elles, s’étaient si bien entendues, les moqueries n’ont pas manqué.
Et Louise qui doit aller à la pompe, avec sa cruche, tandis que le chevrier suit ses bêtes dans les garrigues rousses.
 


A Fleury aussi, le troupeau du village partait ainsi brouter jusqu’au soir où, au fur et à mesure, chaque chèvre retrouvait son logis. Céline, ma grand tante, en avait... Ils avaient du lait dit maman... Ils ont invité la famille pour le chevreau de Pâques... Ma mère n’a pas trop mangé... L’oncle Noé en a déduit qu’elle attendait un petit et c’est vrai que huit mois plus tard, au jour près, j’arrivai...     

Si quelqu’un peut nous parler de François Tolza, qu’il n’hésite pas !
A suivre mais allez lire l’original plutôt que ma resucée :
http://www.cealex.org/pfe/diffusion/PFEWeb/pfe_002/PFE_002_029_w.pdf         

(1) https://dedieujeanfrancois.blogspot.fr/search?q=Fran%C3%A7ois+Tolza
(2) Régis du même nom, le copain de fac à Perpignan, je te salue ! 


Photos autorisées : 
2. qurush égyptien 1944 à l'effigie du roi Farouk, pièce hexagonale. Auteur Abubiju 
3. vieille devanture d'alimentation, Fabrezan Corbières. 
4. King Rove_garrigue1.JPG Auteur Roland Darré.

mercredi 22 février 2017

LE MONT CANIGOU CHANTE SON NOM / Pyrénées, Roussillon...

La montagne sacrée chante son nom au vent d’Espagne mais voudrait garder le secret de son origine.
André Sordes, professeur d’anglais honoraire et piqué de linguistique pense raisonnablement qu’on peut faire remonter l’origine du nom « Canigou » aux Phéniciens, marins téméraires qui, vers 1200 av. J.C. parcouraient la Méditerranée. 

Comme « kan », le terme signifiant « montagne », ne rendait pas la majesté d’un sommet visible depuis la haute mer et les limites du Golfe (195 km), ces aventuriers venus de l'autre bord dirent « Kan kan », « Mont des Monts », dans l’esprit de « Roi des rois » ou « Siècles des siècles » (1).
« Kan kan » évoluera vers « kanikan » et les Grecs entendront « kanigon » avec l’idée de « cône » pour « –gon » (pas étonnant vu leur penchant pour la géométrie). 

 Si certains ont avancé la ressemblance avec un croc de chien pour « kunos » en grec et « canis » en latin, cela ne correspond pas du tout à la forme du Canigou. D’autres ont opté pour « canum jugum » (2), la « cime blanche », enneigée des Romains mais les règles de la phonétique infirment cette hypothèse. 

Ensuite il faut attendre un demi millénaire pour lire « Montis Canigonis » en 949, « Monte Kanigoni » au XIème et « Canigó » en 1300 qui donne, francisé « Canigou » après le Traité des Pyrénées (3) donnant le Roussillon à la France. 

Finalement, cette quête sur plus de 3200 ans entretient le charme mystérieux qui entoure le Mont des Monts et si je pardonne volontiers au plaisantin qui associe notre Canigou à une marque de croquettes, j’en veux davantage aux auteurs et responsables des cartes, dicos et atlas qui avec leur « Pic du Canigou » (4) n’ont rien à faire du respect dû à la montagne sacrée. 

(1) plus communément « l’as des as », la « der des ders », le «fin du fin » voire « bonbon ».
(2) Par ailleurs, « kan » signfierait « blanc » chez les Celtes...
(3) signé le 7 novembre 1659 sur l’île des Faisans, au milieu de la Bidassoa.
(4) Qui en décida ? Quand ? Pourquoi ? Au nom de quelle conception spécieuse de la démocratie ?
Sources : 1. histoire-genealogie.com 2.andresordes.e-monsite.com 3. cactus 2000 pour la distance de l’horizon. 4. wikipedia pour infos générales et vérifications. 

Photos depuis l'embouchure de l'Aude aux Cabanes de Fleury : 
1. Aurait dû y être ! 
2. Peut-être là... à 100 kilomètres à vol d'oiseau ! 



vendredi 17 février 2017

LE BERGER DES ABEILLES (1974) / Armand Lanoux (guerre d'Espagne).

Extrait :
«... Ah! cet hiver 1938-1939! Hébété. Hagard. Hirsute. Partout, la neige. Dans le golfe, la mer se payait des creux de trois mètres et les vagues crachaient sur Doune, l’île Petite et l’île Grosse. Il pelait de froid avec un radiateur électrique à l’hôtel de Catalogne.
La neige, la neige, et la guerre. La D.C.A. tirait parfois, balayait le ciel toujours. les soldats kaki avaient l’air de soldats arctiques. Le port de Cerbère fut encore bombardé par des avions de nationalité inconnue.
Aqui Andorra. La voix de soleil de la célèbre speakerine, peu adaptée aux circonstances, roucoulait des informations tragiques :
- Depuis quarante-huit heures, les rescapés de l’armée gouvernementale franchissent la frontière. Par le Perthus, Cerbère et le col de Banyuls, le flot monte sans cesse... /... les écoles, les préaux, les mairies avaient été réquisitionnés pour accueillir ce flot couleur de tabac, de cuir et de couverture sale. Entre deux catastrophes, Radio-Andorre reprenait Au pays des fandangos et des mantilles, Tino Rossi, et ce qui fut la réelle chanson de cette misérable époque, son hymne, sa Carmagnole et sa Marseillaise stupide :
Amusez-vous
Foutez-vous d’tout
Prenez la vie par le bon bout...
»

Ce passage, pour les instantanés portant sur la météo et la vague de réfugiés passant la frontière, apporte à qui veut comprendre et connaître cette période. Par contre, le sentiment général de dégoût exprimé par l’écrivain, s’il est bien admis historiquement, n’en repose pas moins sur des détails discutables. Il faut dire aussi que, plus de quarante ans après, si des imprécisions sont directement imputables à l’auteur, l’Internet vient aussi apporter beaucoup d’eau au moulin. 

Ainsi si le 26 mai 1938, Cerbère a été attaquée, on ne trouve rien sur un deuxième bombardement. Par contre, le 6 juin 1938, quelques jours après celui de Cerbère, c’est Orgeix, en Ariège qui a été bombardé. Les autorités françaises, toujours dans la volonté de ménager "monsieur Hitler" (ce qui mènera aux honteux accords de Münich) n’ont alors pas voulu dire qu’il s’agissait d’une provocation de l’Allemagne (une bande rouge au bout des ailes voulant laisser croire à une attaque des Républicains).

Plus léger le "AQUI ANDORRA" que tous les sudistes corrigent aussitôt « AQUI RADIO ANDORRA ». Avec la suite pour ceux qui se souviennent mieux, du moins phonétiquement «... EMISORA DEL PRINCIPADO DE ANDORRA ! »
https://www.youtube.com/watch?v=IyIo06x7quI

Laissons l’auteur railler l’époque et nos mentalités d’alors mais rien ne semble correspondre au "pays des fandangos et des mantilles", certainement une approximation pour « Sombreros et mantilles », le titre évoquant les fandangos... Et Tino Rossi là dedans ? Quant à la "Carmagnole et sa Marseillaise stupide", encore pour fustiger un optimisme inconscient à l’opposé de ce qui, de nos jours, est devenu un pessimisme français, la chanson incriminée date de 1934 et non de l'hiver 1938 - 1939...

Ces imprécisions, seraient-elles orientées, ne gâchent en rien le sujet, l’ambiance du « Berger des Abeilles », très beau roman d’Armand Lanoux. Et c’est peu dire quand on garde au cœur la Côte Vermeille, Maillol, Machado, les vignes banyulencques (oubliés les embouteillages de l'été !), le Vallespir, sa vallée des fruits, Prades, le souvenir de Pau, Pablo Casals avec la magie d’un Mont Canigou aux neiges couronnées de soleil levant... 





photos : 1. Cerbère auteur Bernard Grondin. 
2. Pyrénées la Méditerranée La tombe d'Aristide Maillol (la Métairie, Banyuls-sur-mer) auteur Jean-Pierre Dalbéra. 
3. Pyrénées Canigou depuis Força Real author Krzysztof Golik.

lundi 13 février 2017

LES PYRÉNÉES SE SOUVIENNENT... / Guerre d'Espagne, Corbières


Belles, les montagnes immaculées. A gauche, le Canigou sous sa capuche blanche ; vers l’ouest, des cimes, des pics se tenant par la main, festonnés de neiges. Les nuages poussés par le marin n’apposent pas encore leur couvercle gris, le soleil encourage la fleur d’amandier, les branches dénudées s’éveillent. Et cette porte des Corbières où il faudra s’arrêter mais une autre fois puisque ce vendredi 10 février, nous partons accompagner une grand-mère à sa dernière demeure. 



Petit village, petite église, petits platanes. Petit parvis fermé par une grille d’avant sur la murette, ouvert sur les chants déjà printaniers des petits oiseaux. En contrebas, des jardins, un filet d’eau claire trop modeste pour le fossé bétonné où l’eau boueuse et grondante des aigats (1) s’engouffre régulièrement. 


La carrure bienveillante, le prêtre descend les marches. Il tient à saluer les proches puis, d’un signe de croix, le corps. Pour une messe anodine, il aurait quelque chose du curé de Cucugnan. Mais quand il s’adresse à la morte, sous les voutes romanes du choeur, les références aimables s’effacent... Joséphine, arrivée d’Espagne pendant ou après la guerre a célébré sa communion dans cette petite église de Saint-André. Si son vouvoiement, serait-il de politesse, marque une certaine distance, d’un coup, toute la chaîne enneigée des Pyrénées s'immisce par le petit portail tourné vers les petits platanes, le petit parvis, les jardins aux petits oiseaux ! 


C’est que le grand Sud, derrière, est si longtemps resté bloqué sur la ligne de crête, la frontière espagnole ! Pour un Audois né onze ans plus tard, cela se dévoile encore peu à peu et ça marque à jamais : telle un tsunami, la guerre civile a débordé sur notre versant. Les belles lignes d’Armand Lanoux sur cet hiver 1939 à Banyuls, froid et neigeux (Le Berger des Abeilles), reviennent aussitôt travailler la mémoire. Une mémoire imaginant aussi Antonio, réfugié républicain, dans une rue de Collioure, faisant passer un papier déjà froissé à un passant qui a pris les mots pour des fadaises et qui n’a pas compris et réalisé qu’il allait jeter le dernier poème de Machado.

Choquant, l’exode, de Cerbère aux cols les plus hauts vers l’ouest, cachés presque sous un épais manteau de neige. Émouvant, ce flot d’exilés mêlant les humbles et des moins à plaindre, des anonymes et des sommités. Déstabilisant de réaliser que la religion démontrait ici, dans ce piémont refuge, au sein de la petite église protectrice, un pouvoir rassurant tandis que là-bas, par l’entremise d’un même officiant, complice du franquisme, elle étreignait le pays d’une main de fer.

Le cercueil défile par les rues, devant la cave du grand-père, ensuite, non loin de la maison aux volets bleus. Contre un mur, au fond d’un jardin, les pompons jaunes et moirés d’un mimosa d’Australie... « Seulement les grand-mères, madame Rostaing, c'est comme le mimosa, c'est doux et c'est frais, mais c'est fragile... » ... Marcel Pagnol... Et la famille qui marche devant prend le pas sur l’Histoire. L’Histoire peut aller dans tous les sens... La Géographie est plus sage même si tous ces ruisseaux d’eau claire dénotent dans les Corbières. C’est que la tempête Marcel (encore lui) est passée il y a peu. D’ailleurs le panneau électronique de la mairie informe qu’on peut se signaler si les intempéries ont causé des dégâts aux cultures.

La route repart vers le nord, les grands domaines aujourd’hui cotés. Au sortir du village, la famille, parents et petits-enfants, se tient encore devant les cyprès chenus du cimetière. A l’horizon, éblouissantes de neige, les Pyrénées se souviennent pour ne pas qu’on oublie, même si tant de témoins, Antonio ou Joséphine, dorment désormais de leur dernier sommeil.  

(1) un aigat est un épisode pluvieux violent lié à une dépression s’enroulant vers l’ouest et bloquée par les bordures montagneuses du Languedoc-Roussillon : Cévennes et piémont pyrénéen (dont les Corbières). Mais quand la doxa météo ressasse ses « épisodes cévenols » comme elle radote sa « tramontane », c’est toujours la niveleuse assimilatrice francilienne en action.


Crédit photos : 1. Canigou depuis Ille-sur-Têt. author Babsy 
3. Saint-André-de-Roquelongue Église auteur Methos31 
4. Canigou depuis le Barcarès  author Leguy French Wikipedia