Affichage des articles dont le libellé est Pézenas. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Pézenas. Afficher tous les articles

jeudi 4 janvier 2024

IL Y A DES JOURS COMME ÇA...

Petite chronique superfétatoire : 

Pézenas, porte Faugères, 2015. 

J'étais sur la route de Madison, quand une Cadillac de police est passée sur le pont, j'ai cru voir un chien au regard fou à la place du mort, Eddy Mitchell derrière... Alors, sur l'atlas, comment, par où aller à Memphis (oh ! 1000 km... c'est vrai que c'est un pays continent). Et de Memphis à Pézenas, il n'y a qu'un pas puisque Eddy, Johnny, Sylvie, pour ne citer qu'eux, je les avais en haut du Cours Jean Jaurès, face à la Porte Faugères et les mystères du quartier juif derrière... 

Eddy_Mitchell_avp Salaud on t'aime 2014 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Georges Biard

1962, je n'avais pas douze ans et le juke-box d'un des deux cafés donnait dehors aux beaux jours. Je ne voulais pas trop fouiller mon passé mais c'est lui qui m'a interpellé « Oh Daniela, la vie n'est qu'un jeu pour toi... » J'en suis resté sonné : comment avais-je pu l'oublier cette chanson ? Ne l'avais-je plus entendue par la suite ? Et elle me revenait, limpide, pas abîmée par les ans... je bois un verre, enfin un demi puisque coupé d'eau. Il y a des jours comme ça où l'esprit regarde de haut l'enveloppe corporelle, en bas, afin qu'on se demande quelle place on prenait, quelle place on prend encore tant que la vie y est. 

Distribution de bouteilles, 11 décembre 2023, Sada Mayotte. 

Alors, malgré l'eau rationnée, je surmonte l'œuf pourri (et cher) du marchand malhonnête, le citron qui manque pour éviter que les pommes du strudel ne noircissent, le jour se doit d'être comme ça, un jour qui cuisine, qui veut donner et recevoir l'amour, un jour qui a réveillé le corps encore allant, laissant l'esprit libre de divaguer même s'il se fait tard pour manger. L'heure espagnole, je bois un verre, enfin un demi puisque coupé d'eau. L'oignon posé cru sur la pizza est agréable, le strudel, lui, peut cuire tranquille. Farine sur le plan de travail, vaisselle qui s'entasse dans l'évier : tant pis, un verre encore, enfin un demi puisque coupé d'eau. Pas d'eau au robinet : ils nous la coupent deux jours sur trois ; une fois par semaine, ils en distribuent, rationnée, en bouteilles (ne peuvent servir tout le monde pour cause de rupture de stock) ; en question, la sécheresse, trop d'immigrés statistiquement invisibles, le sadisme étatique contre une île qui a voulu rester française. Autant rester sur son nuage. En société comme en famille, faut garder au moins les apparences : vaisselle, plan de travail, même le dessus du congélo enfariné... Puis faut manger aussi, que l'alcool ne prenne pas le dessus : le bout du strudel pincé, resserré sinon le sirop de pommes fuiterait. Vapeurs agréables malgré la chaleur moite, mirage d'un bien-être trop bon pour être vrai. Le bout, souvent sec, pourtant moelleux à souhait, parfumé, sans rien de l'œuf pourri aussitôt jeté dans le jardin, sans trancher encore dans les pommes au sucre, aux raisins, à l'amande (dommage pour le citron). L'ordi fermé avec l'empathie de tous, un semblant de chaleur alors que le compteur 2024 va tourner dans quelques heures. Ou alors, tous ces demi-verres qui s'ajoutent... Ouvrir la télé, calmer le jeu, ne plus téter... heureusement que ce rouge d'Espagne est de qualité. Mais pourquoi le vin français ne s'est-il jamais aligné, pas plus il y a trente ans qu'aujourd'hui ? 

En 1994, les 300 bouteilles du conteneur (du Vires dans la Clape... la coopé du village n'ayant pas daigné un moindre geste commercial), m'avaient fait honneur quatre ans durant. Le bourgogne trop fort alors, il y avait bien du Bordeaux mais velléitaire, valétudinaire, manière de ne pas dire cacochyme, tenant six mois à peine alors qu'à table pour l'ordinaire, nous avions du Rioja pas encore au prix de sa grande qualité. Le compteur tourne mais cela n'empêche pas de remonter le temps. Digressions, je brode, il y a des jours comme ça, tous ces verres aussi, même à moitié ! 

Jacob_DESVARIEUX concert de Béziers 2012 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Geehair

Ouf... la télé, faut souffler, se calmer, zapper afin que rien n'accroche... Jean-Louis Trintignant, sa fille Marie, un Cantat chanteur, meurtrier avant tout (1), Drucker, 81 ans mais qui ne voudrait plus prendre sa retraite. Moi je voudrais une récréation, tout aussi bien un siesto-roupillon bercé par la télé or le présentateur intemporel (il s'est fait tirer la peau non ?) accueille Kassav, enfin, deux membres historiques du groupe antillais des années 80. Ils évoquent Jacob, le guitariste à la voix roque si envoûtante, de santé fragile, mort du covid à 65 ans malgré le vaccin... Et Jocelyne Béroard qui raconte que leur succès les a fait accepter en êtres humains et non plus seulement en tant que Noirs... Comme si un racisme foncier, une différenciation raciale, prévalait sur l'analogie entre tous. Ça interpelle, ça choque, ça donne à réfléchir, à méditer. Il est vrai qu'en partant du principe que tout ce qui se rassemble s'assemble, par déduction, tout ce qui sort de l'homogénéité, la différence, lorsqu'elle est minoritaire, s'en retrouve discriminé... Juifs, Gitans, Noirs, Blancs, Jaunes, Rouges, Métis, Rouquins, Albinos... par contre s'agissant de l'accouplement, le plaisir de la chair se partageant mieux, il n'y aurait pas de problème. Non, loin de moi ces déficients de la perception : à Victor Hugo, au collège de Narbonne, je me souviens d'un élève africain noir. Bien sûr son exotisme a attiré notre curiosité ; mais il ne se livrait pas, éludant nos demandes, nous l'avons laissé à sa réserve... Soixante ans plus tard, je me dis que sa prudence découlait de la méchanceté, du racisme qu'il avait dû subir. Kamara il s'appelait. (à suivre)  

(1) ça m'a dégoûté d'aller lire sur ce mec et tous ceux qui ont quand même écrit encore ou joué pour lui, avec lui... dans cet ordre d'idée, j'ai toujours boycotté L.F. Destouches, je prenais toujours des pincettes avec Giono qui préférait être allemand et vivant que français et mort... sauf que c'est pour avoir connu l'horreur de 14-18 ! et je me prive de relire " L'Île de la Déesse ", un de mes bouquins préférés parce que Georges Blond était collabo... Alors, ceux qui allaient aux concerts de Cantat, ceux qui gardent Destouches, ce salop antisémite, raciste, au pinacle, ne sont pas fréquentables serait-ce par procuration... Quant à Depardieu, attendons ce que la justice peut sanctionner, attendons la suite...  

lundi 11 avril 2022

CHEMIN D’ÉCOLE (11) L'arbre qui s'accroche...


 Deux vélos s'annoncent au loin puis passent, à fond, ils viennent de Saint-Pierre-la-Garrigue, la campagne voisine, par la piste qui, dans la combe courbe, suit la barre rocheuse, si particulière de ce coin de Clape, que l'on voit de loin depuis le nord-est. Un couple, pas contemplatif du tout, le sport avant tout. 

Oh ! dans la vigne au-dessus, une compagnie de perdreaux

Oh ! dans la vigne au-dessus, une compagnie de perdreaux qui file dans une rangée. Je repense à mes chers disparus de la Pierre... Le père d'Etienne, parrain de papa faisait office de garde-chasse. Travaillait-il les vignes par ailleurs ? Toujours est-il qu'il mangeait beaucoup trop souvent du gibier. 

Pézenas_Grange_des_Prés wikimedia commons Auteur Fagairolles 34

Le docteur l'ayant averti qu'à ce rythme il n'irait pas loin, l'oncle François est parti comme maître de chai à Pézenas, à la Grange des Prés. Ce devait être sérieux. C'est là, dans cette plaine rappelant la venue de Molière, que, rentrant chez lui, encore sur la voie d'accès au domaine, non loin de ces muriers par centaines qui descendaient jusqu'au fleuve, bien avant le passage à niveau qui peut-être n'existait pas, il est tombé de vélo, se blessant profondément avec les débris de la bouteille du vin quotidien qu'il emportait. Mais n'était-ce pas le malaise qui lui avait été fatal ?   

En cascade, d'une pensée à l'autre, les gens de la Pierre avaient-ils un puits à disposition ? Devaient-ils aller chercher l'eau à la source dite de Fontenille (1), en amont de la combe dans ce pays si sec, si loin de la verte Ariège, des eaux vives de l'Arize, des nombreux ruisseaux et des papillons bleus dans les prés apparemment généreux. Sur leur chemin d'école, les enfants des Karantes la suivaient, cette combe, avant de remonter l'échancrure de la barre rocheuse, pour traverser non pas un désert de garrigues mais une nature et quelques arpents cultivés des métairies et bergeries bien vivantes. En haut, sur le plateau du Cascabel si bien chanté par l'ami Pierre (Bilbe), la Caune, une grotte, du bas-latin cauna, pouvant abriter un troupeau entier et dont l'exploration reste dangereuse. En poursuivant, merci aux chroniqueurs Pérignanais pour les noms de famille cités (2) et dont il devait rester des descendants, les Cros, Vivorer, Thiers, Coural, Peyre, Sigala, Trémoulet, Rouger, Bloye, Fabre, Marcelin, Blayac, Granier... le long de ce chemin d'école, à l'entrée des années 1900, entre les Bugadelles, le Courtal-Naout, le Courtal-Cremat, la Broute, sans compter Tarailhan sur la commune de Vinassan, et enfin, au-dessus de notre village le moulin de Montredon.   

A mon tour de tirer le fil de cette perruque familiale inextricable. Sur les traces de Jean, le père de mon père, je me retrouve avec une petite dizaine de personnes, au bout des sept ou huit kilomètres qui le séparent du village, sur son chemin d'école. Et si j'ai enfin vu le gîte familial de la Pierre, entre la garrigue, la mer et les vignes, en espérant que le paragraphe sur mon grand-père me reviendrait, en me replongeant dans l'atmosphère des années 1900, des mots pour le dire rien ne m'est revenu... 

Depuis Fleury puis la mer, j'ai du mal à l'imaginer gamin, mon arrêt sur images le montre tel qu'il est vers 1960, lors des vendanges, à sa vigne du Courtal-Crémat, sous son "chapeau bob". On ne voit pas son visage mais il est halé par le soleil et les bourrasques du Cers. Le nez est busqué, comme d'un bourbon des montagnes, la moustache pérenne, de neige comme les cheveux... 

Ce qui l'incarne, tant lui que son époque, c'est le pantalon magnifique de ce qu'il dit de l'intelligence de l'espèce (une qualité apparemment perdue avec ces ridicules tailles basses d'aujourd'hui... pour les moutons qui se croient beaux en suivant la mode (3)... trop peu pour moi, est-il nécessaire d'insister sur ma ringardise ?!). Le pantalon fait mon grand-père, le coutil, de cette toile forte gris-bleu adaptée à la saison, laine l'hiver, lin aux beaux jours, écolo car fait pour durer, d'autant plus attachant qu'il est rapiécé par les ans comme un texte bien retravaillé, une protection remontant aussi haut sur les reins que les pans de la chemise descendent bas, c'est qu'il ne faut pas prendre froid, un mal potentiellement mortel alors. 
Proche de la nature, attentif aux nuages qui courent, aux saisons, le côté pratique reste allié à un haut niveau de vie intérieure, de pensée, de connaissance, de respect pour la culture. Ah le niveau en orthographe du certificat d'Etudes ! Est-ce toujours aussi ringard d'en éprouver remords et regrets ? Et l'esthétique, faut-il que j'en rajoute ? cette martingale pour moduler autour de la taille ! ces pattes pour les boutons dévolus aux bretelles "Hercule" : soutenir joliment sans comprimer ! Bref tout sauf la superficialité liée à ce que nous sommes devenus ! 

"Je suis venu ici cultiver l'authentique" affirme Jean de Florette à un Ugolin tout désappointé, en bon paysan qu'il est, pour cette "culture" inconnue de lui ! 

Je tourne autour mais je n'en suis qu'à l'enveloppe. Pourtant elle représente tout ce que j'ai pu prendre, voler de ce grand-père qui jamais ne laissa le moindre trait d'affection transparaître à mon égard. Vide le regard. Quant à la parole... aussi rare que sans-cœur... lui arrivait-il d'exprimer un sentiment ? 
Qu'à cela ne tienne, sans demander la permission, j'ai plongé, j'ai greffé ma racine à travers lui, pour grandir, me développer, l'obliger à faire maillon tant vers les aïeux que vers les descendants, forçant la voie vers qui je devais être. S'il se trompait en m'affublant du prénom du cousin, plutôt que de faire mal, cela m'aidait à prendre du recul. S'il ne m'emmena qu'une fois et miraculeusement à la chasse, je ne me souviens que de l'échine de garrigue parcourue. S'il prit de haut et vite fait, sans un mot, sans chaleur, l'examen de mon succès au brevet alors que mon père m'avait poussé à lui soumettre ma performance, à lui faire allégeance, cela m'émoussa à peine. D'ailleurs, en me louant chez des étrangers pour les vendanges, je ne fis que rendre la monnaie de la pièce, riposter, sans état d'âme, à cette indifférence, à ce désamour. 

Que dire de plus, on croit trop mécaniquement à l'amour, aux gens qui aiment, à la réciprocité. Mon grand-père Jean, je l'ai en blason, en photo. Je vous l'ai dépeint avec même la lubie de le peindre, de passer du temps à le représenter, à coups de brosse, de pinceau, de griffures. Tant pis si je n'en ai que l'apparence, lui non plus n'a rien eu de mon cœur, de mon âme. Il n'a rien partagé, j'ai pris. Cela m'a endurci peut-être, mais après le grand-père, le père aussi, qui excusait ce trait de caractère familial en disant "bourru". Tant bien que mal, cela n'empêche pas le sentiment... 
Janvier 2023. Neuf mois plus tard, quelque chose m'a dit de revenir sur ce constat d'ailleurs incomplet. C'est que Jean, mon grand-père, a connu deux guerres, dont la première, terrible, au paroxysme de Verdun ! Mon père la deuxième... Impossible d'être le même, ensuite... Alors, le papy-boomer que je suis, qui a eu la chance de ne pas voir sa personnalité complètement broyée par des années de survie dans la barbarie, la négation de ce qui se veut humanité, se doit de ne pas jauger, ne pas juger hâtivement... La faute aux autres pour se se donner bonne conscience ? Aimer est au-dessus de tout ça.   
Regardez-le l'arbre qui s'accroche sur un bout d'endroit impossible...   

(1)"De l'occitan fontanilha qui signifie petite source" http://www.maclape.com/rubriques/sources/filtering.html#0 Ce site ami (remarquable soit dit entre nous) en entretient le mystère quand, dans l'inventaire poétique des "sources, puits & norias"  il ne classe pas Fontenille en résurgence, pas plus qu'en exsurgence, mais simplement en émergence parce que son origine ne nous est pas connue.  

(2) CHRONIQUES PERIGNANAISES (free.fr) 

(3)  ... et cette imbécillité de la "mincitude corsetée" qui leur fait remettre la veste de leurs 14 ans... 



dimanche 6 décembre 2020

Marrons, châtaignes et châtaignons...


Castanea sativa wikimedia commons Author Wildfeuer 2006
 

"Les châtaignes, appelées marrons quand leur bogue épineuse ne contient qu’une graine au lieu de deux ou trois, se font assez rares sur les marchés. Je viens d’en voir quelques-unes à la supérette Spar de la rue de la Poste, au prix inattendu  de sept euros cinquante le kg. C’est le prix que j’ai payé la semaine dernière pour un kilo de tendron de veau (en promotion il est vrai). C’est dire que la rareté se paye. Pourtant, ce fruit du châtaignier entrait tellement « pour une large part dans l’alimentation publique, notamment chez les montagnards de l’Auvergne, des Cévennes, de la Corse et de plusieurs autres contrées » (dict.) que l’arbre qui le porte, le châtaignier commun (castanea vulgaris) fut souvent appelé « arbre à pain ».

Quant aux « châtaignons », voilà bien un nom qui a disparu de nos dictionnaires sans y laisser d’autre trace que ces deux lignes maigrichonnes de mon LAROUSSE DU XXe SIÈCLE :

Châtaignon  [tê-gnon, gn mll.] n. m. Nom donné, dans le midi de la France, aux châtaignes desséchées.

Louis Alibert, dans son dict. occitan-français, le mentionne : « castanhon, châtaigne sèche ». 

Entrée du lycée Henri IV à Pézenas avec la plaque en hommage à Paul Vidal de la Blache.

 
En septembre 1959, après une année d’enseignement à Saint-Germain-en-Laye et deux années au Lycée Henri IV (de Béziers !), j’étais nommé, muni de mon CAPES, au Lycée mixte de Pézenas, et je logeais provisoirement, en attendant d’avoir un appartement pour les miens, chez tante Adeline, veuve de mon parrain et grand-oncle François Peyre. J’étais là avec elle, sa fille Marie-Louise, qui fut une couturière fort appréciée dans la ville, et sa petite-fille Marie-Françoise, dite Zizette, dont elle s’était occupée depuis sa plus tendre enfance, à Tassin La Demi-Lune près de Lyon où le père Etienne, cousin germain du mien, était adjudant de gendarmerie.

Etienne, alors retraité, s’était retiré dans sa petite propriété au nom si curieux : Villa Salsadella-Chichiry, tout près de Pézenas, et il venait presque tous les jours partager notre repas du soir. Avant de se servir de soupe, il prenait soin de poivrer le fond blanc de son assiette creuse, pour être ainsi bien sûr d’avaler un breuvage bien épicé. Nous avions de temps à autre des châtaignes bouillies au dessert, et tante Adeline se moquait gentiment de Marie-Louise quand celle-ci pelait longuement au couteau une châtaigne qu’elle retrouvait … noire et immangeable. « Il faut d’abord les partager en deux. Là tu vois si elle est bonne et tu peux alors continuer. » Dans son enfance et sa jeunesse, avant d’être mariée à mon oncle François, alors garde-chasse aux Karantes où devaient naître mon père en 1897, puis son fils Etienne, et d’être employée à l’un des « grands hôtels » de Saint-Pierre (hôtel Sud ? hôtel Nord ?), tante avait habité près de Bédarieux. Son père était contremaître et peut-être même ingénieur dans une équipe chargée de réaliser les grands travaux nécessaires à la construction des voies ferrées secondaires du Midi. Familière de ce pays de forêts, où certaine route bordée de cerisiers ne saurait faire oublier les grandes châtaigneraies d’alors, elle y avait connu ces cabanons spécialement destinés à sécher les châtaignes, qui seraient alors vendues plus tard dans toutes les épiceries de village sous le nom de « châtaignons ».

Un soir, elle me fit la description d’un de ces « séchoirs », avec force détails sur  le bois utilisé, la disposition des claies disposées contre les murs sur des étagères, la durée des  opérations…

Et voici qu’un enfant de Bédarieux me ramène sur ce sujet. Un jour, monsieur Aimé Teisseire, mon cher instituteur qui m’a conduit au Certificat d’Etudes Primaires, m’appelle à la sortie de la classe. Il avait dû ce matin-là nous donner le résultat des compositions mensuelles où nous alternions assez régulièrement à la première place. Quand ce n’était pas Roca Honoré, Pédrola François ou Molveau André, c’était Dedieu François. Nous prenions alors nos affaires (« tes cliques et tes claques », disait monsieur Teisseire) et les deux premiers s’installaient pour un mois à la table ou pupitre de devant, les autres suivaient dans l’ordre. 


 
Ce jour-là, j’étais premier. M. Teisseire avait pris l’habitude – pour s’en débarrasser sans les mettre à la poubelle, mais à notre âge nous ignorions cette astuce – d’offrir un livre usagé mais encore convenable au premier. Cela faisait un livre de plus dans une maison où ils se comptaient souvent sur les doigts d’une seule main. Il prit donc un livre vert de la librairie Hachette qui avait été le livre de lecture de nos prédécesseurs, élèves de MM. Camille Barbaza, Auriol, voire Courty : LE  FRANÇAIS  PAR  LES  TEXTES – Cours moyen – Certificat d’études, par V. Bouillot, Professeur au Lycée Montaigne. Il barra sur la couverture le nom écrit tout petit d’un ancien élève et le remplaça par le mien, bien gros, à l’encre rouge, dans le coin supérieur droit. Parfois, dans mes « voyages autour de ma chambre », comme dirait l’autre, je jette un coup d’œil sur ces textes d’un autre temps, et justement…"

Correspondance / François Dedieu, novembre 2012. 

lundi 2 mars 2020

LES VIOLETTES Explications de textes / Fleury-d'Aude en Languedoc.

Pas question, comme pour le bac, d'expliquer, de dégager un quelconque intérêt philosophique. Il ne s'agit pas de critiquer. Quant à notre opinion, elle ne peut qu'abonder, s'agissant de textes choisis. Dans un tableau fleuri de coucous, jonquilles et violettes (mettez moi aussi une giroflée parfum d'enfance s'il vous plaît) nous nous ferons narcisses mais pour prouver que tous les individualismes issus d'un même terreau donnent quand même un bouquet de vivre ensemble... 
 
Des frères Rosny, je ne connaissais que l'aîné, auteur du célèbre "La Guerre du Feu". L'ai-je seulement lu tant l'adaptation de Jean-Jacques Annaud se superpose, imprimant dans nos esprits à la fois l'animalité sexuelle suivie d'une humanité amoureuse et sous une magnifique pleine lune, la beauté et le mystère de la planète Terre, plus prégnant encore quand les menaces présentes se précisent...  


A gauche en regardant la mairie, l'ancienne école de garçons.
Mais restons-en à cet amour infini qui monte dans l'âme, si bien porté par la poésie, si bien traduit par le jeune Rimbaud qui, à seize ans à peine, écrit "Sensation". Pour les écoliers, le ferment poétique est particulièrement marquant. Mars rime avec floraison et printemps et Théophile Gautier reste un passeur d'émotions. Pour un enfant aussi déphasé que rebelle, la matière "Récitation", en apparence stricte, martiale, donnait, de gré ou de force, l'ouverture pour le renouveau, la nature, les élans de vie ravivés.    
"Regardez les branches comme elles sont blanches..." : un vers, un rythme, une rime suffisent à ouvrir la porte. 
Devenue le siège de la police municipale, ma vieille école est aussi un des bureaux de vote du village. Plus que le bulletin et le contrôle administratif du votant, s'ils savaient qu'en secret, à la vue des verres dépolis du bas censés interdire la rêverie, mon âme sort toujours une clé buissonnière.  

"Tandis qu'à leurs œuvres perverses,  
Les hommes courent, haletants, 
Mars qui rit, malgré les averses, 
Prépare en secret le printemps..." Le printemps, encore Théophile !

Des extraits, un texte très coupé encore, comme pour Gaston Bonheur jouer avec la légalité (70 ans de droits protégés après le décès de l'auteur) même si l'ebook est libre et gratuit,

 https://www.ebooksgratuits.com/html/colette_vrilles_de_la_vigne.html#_Toc131670736

même si mes écrits n'ont rien de lucratif. Faites l'effort de retrouver ce texte. Colette (1873-1954) y relate une conversation, une complicité avec son aimé... sinon son aimée, Colette ayant eu une vie si libre de mœurs (bisexuelle, détournement de mineur, pratiques intimes révélées...). Quoi qu'il en soit même si ce fut confirmé pas plus tard qu'hier, à la télé dans "Sous les jupons de l'Histoire" (et oui rien de plus racoleur que des allusions et incitations au sexe...), pour Colette, pour nous et pour toi, avec les violettes, c'est un retour en arrière sur "les printemps de ton enfance". 

Grands pins à Pézenas, quartier de la gare du Nord.
Pour les avoir aimées, si petites et cachées au pied des grands pins si voyants (voir plus tôt sur mes pages), j'ai redécouvert et encore vibré (bien sûr qu'il faut relire et relire toujours un livre, des lettres aimées : les écrits ne livrent chaque fois que des parcelles de leur trésor). 
Oh que ces quelques lignes de mon père m'ont touché. 
Avec la 504, la balade au pays de Pierrou fait défiler notre Languedoc si divers. De la plaine qui forma le plus grand vignoble au monde (aujourd'hui c'est la Mancha, le pays de Don Quijote, en Castille), on passe en 50 kilomètres à peine à vol d'oiseau de la mer au Massif Central, du Golfe du Lion aux Monts-de-l'Espinouse et plus haut encore aux Monts-de-Lacaune, le pays de Pierrou. je ne suis plus sûr mais je crois que c'est autour de la commune de Gijounet (José si tu nous lis, serais-tu très occupé en ce moment...). Pierrou et les siens, comme les nôtres descendus de l'Ariège pour le bas-pays, a fait un jour et pour toujours le trajet inverse. Pierrou c'est la maison d'en face, dans cette rue qui alignait ses portails de remises et de caves dont une avec une poutre cintrée, toujours gaillarde, en guise de linteau. Pierrou avait les bras plus longs que sa femme pour ouvrir les volets le matin ; la bonne occasion pour se dire bonjour et échanger quelques mots au hasard de l'inspiration. A nous les violettes, les fraises des bois puis les châtaignes et les champignons, l'en-cas ou le pique-nique sous les tons chauds de l'automne. Aux Mountagnols, les fermes isolées et presque en autarcie, les pentes difficiles, les sols pauvres, le long hiver de froid et de neige sur plus de cinq mois !.. Pourtant, que la montagne est belle... 
Et ces deux lignes seulement sur les violettes du grand parc délabré de la comtesse à Saint-André-de-Sangonis ! Mais si fortes ! Par quelle intuition inconsciente ai-je pu parler il y a un mois à peine, de ces mêmes petites fleurs, courbées sur leurs tiges frêles comme pour une révérence timide, dans le grand parc de Saint-Christol, à Pézenas, toujours dans cette même plaine de l'Hérault ? 


Mon père, précepteur logé du petit comte (1953) puis professeur locataire d'un autre parc (1960) avec, entre les deux, un séjour de trois ans au Brésil pour trouver de quoi nourrir les siens. 
Et pour finir à Saint-André où, malgré les plans détaillés (geoportail), les banques de photos, il m'a été impossible de retrouver le château et le grand parc délabré... Rien non plus sur le passé de cette branche Worms de Rumilly, les châtelains dont le village n'a rien voulu garder on dirait... 

Sa rue, sa maison.

à regarder si l'incendie continue dans la garrigue. (2013)

Quant à la rue où est sa maison, à présent, en face, des stores sans cachet, électriques et qui ne s'ouvrent plus tels ces volets d'hier, sur un bonjour partagé au soleil du matin.        

lundi 3 février 2020

LE GRAND PIN ET LA FRÊLE VIOLETTE / Pézenas, Languedoc.

La ville de Toulouse fête ses violettes, me dit Régine. Et une petite flamme toujours en veille, dans l'attente d'une étincelle, vient aussitôt rallumer un tableau qui souvent m'effleure et se propose avant de retourner, en attendant mieux, dans la pile aux souvenirs. 

Mieux ce ne sera pas, mais au moins serons nous quelques uns à la savoir vivante, la petite flamme.

Pins de Trémolières, garrigue de Fleury.

En bas de Moyau, sur l'ancienne route dite "des campagnes".

Un parc de propriétaire récoltant, symbole du boum de la vigne, un siècle plus tôt. Des grands pins plus hauts encore que ceux de la garrigue, plus gros car venus dans la riche plaine de l'Hérault, domestiqués, qui peuvent devenir plus vieux, atteindre les deux-cents ans. Plus hauts, plus gros parce que l'espace et les volumes sont encore en expansion pour un gamin de dix ans, en prime. 

Un parc, un grand rectangle pris sur les cultures, enclos d'un mur respectable mais échancré, de place en place, par des longueurs de grilles, ouvertures sur les vignes du domaine. Des allées larges et bien tracées, encore graveleuses, classiques, à angles droits, à parcourir en casanier, au rythme lent des pas crissant parfois sur le gravier inégal. Couvertes d'aiguilles brunies, bordées de buis avec des manques de ci de là, elles ne restent pas associées à des rires, à des jeux partagés. 

Un parc à rêveries pour promeneur solitaire, à introspection même si, à cet âge, il n'y a pas matière à analyser. Un âge qui néanmoins emmagasine en secret sensations et impressions, tel une éponge et qui un jour vous les jette à la figure sans demander la permission ! L'exploration met des années à se décider, à se mettre en branle, des dizaines d'années sans s'annoncer davantage mais toujours positive, valorisante. Une surprise qui parfois saisit et vous laisse le souffle court.    
 
Un parc bien languedocien, avec de grands pins sûrement centenaires, malencontreusement dits "d'Alep" mais plutôt caractéristiques du bassin occidental méditerranéen, d'Espagne aussi, d'Afrique du Nord. Des pins d'ici, parce qu'il faut les entendre faire front et taillader de leurs aiguilles dans le vent de terre, le Terral (Tarral ?), un peu comme le Cers mais en moins fort ! Une impression de hachures sonores qui couperaient ces bulles oblongues qu'on croit voir à forcer de regarder l'azur. De houppiers en houppiers, les hachures, sur fond de ciel comme seuls le Midi et la Grande Bleue savent les peindre.

A présent, pour tout dire, ce qui suit ne fait pas partie du tableau originel. Juste une autre petite flamme, bien que d'origine aussi, mais rallumée des dizaines d'années après, encore sans permission. 

Sous le buis et surtout dans une exposition nord, à l'ombre du mur, un tapis de petits pétales de soie parme, qui semblent profiter d'un couvert encore clair. Quelle envie de printemps au cœur de l'hiver ! Des violettes ! Une image pour les yeux, un parfum aussi, comme dans ces cartes postales d'alors à passer sous le nez. 

Les petites violettes, discrètes, terre à terre, les grands pins qui bruissent en haut, entre ciel et sol. Entre les deux, un maelström qui n'en finit pas de m'emporter. 

Je suis toujours en 1961, début mars ou peut-être encore en février. J'ai toujours dix ans. Nous louons à Saint-Christol, la campagne du docteur Rolland à Pézenas. L'intérieur m'échappe complètement ; dehors par contre, comme si c'était hier. Un jour un ami à papa est passé avec un petit avion de la compagnie pour laquelle il travaille, avec des ramequins bleus comme pour l'eau de fleur d'oranger, des calepins au nom de Royal Air Maroc. Pas pour moi ! Et puis le petit avion je l'aurais écaillé ou cassé... Plutôt le laisser présider ces retrouvailles entre grandes personnes... Non, le petit avion ne m'a pas fait rêver, de voyages, d'exotisme, d'horizons lointains... D'instinct je suis sorti m'immerger entre, en haut les grands pins dans le vent, et en bas, au calme, les violettes... 

Viola odorata wikimedia commons Author Strobilomyces

"J'ai longtemps habité sous de vastes portiques..."
La Vie Antérieure. Charles Baudelaire.

samedi 25 mai 2019

LES COMPAGNONS DE VALÉRY / Pézenas printemps 1961.

Printemps 1961. Pézenas. Une cour d'école en mai, ses platanes, son vieux préau aux airs de hangar agricole. 

l'école en 2015.

1961 en France.
Le 15 février nous avons passé du verre au noir de fumée afin de regarder l'éclipse totale de soleil.

En avril De Gaulle a réagi contre les généraux putschistes en Algérie.

Fin mai, visite officielle du président JFKennedy.

Mai et juin. Les paysans, beaucoup moins nombreux, deviennent des exploitants agricoles. Ils empruntent à la banque, hypothèquent leurs biens... Plus tentés et avides que Perrette et son pot au lait, ils voient en grand et quand la surproduction fait chuter les cours, il ne leur reste plus qu'à vider des bennes d'artichauts, de choux-fleurs, de patates. Contrairement à un certain Macron outrepassant son premier ministre mais bien autiste concernant la crise profonde en France que les Gilets Jaunes ont eu le mérite de traduire, le gouvernement d'alors (Michel Debré) prend en compte l'exaspération et la justice se veut clémente afin d'apaiser quelque peu le climat social.

En octobre la police tire sur les Algériens qui manifestent à Paris.
80 morts ! 500 blessés ! Peut-on rapprocher avec les manifestants des samedis depuis novembre, éborgnés ou dont la main a été arrachée par l'usage disproportionné d'armes par les "forces de l'ordre" ? 


 Printemps 1961. Pézenas. Une cour d'école en mai, ses platanes, son vieux préau aux airs de hangar agricole.
36 élèves pour la photo de classe. Le maître monsieur Carrière ne pose pas avec nous.

1961. CM2. classe de monsieur Carrière.
Oh ! bien des noms m'échappent mais les visages sont plus nombreux à dire qui ils étaient.
Et pour avoir évoqué dernièrement les Compagnons de l'Aubépin, ceux du Coquelicot, les derniers de l'Agasse, pour être un inconditionnel du philosophe plus que du poète même si "l'obscurité" de son Cimetière marin le "mit en lumière", j'ai bien aimé voir, sur la photo de classe, au moins trois Compagnons de Valéry, modestie oblige !

Est-ce la modestie qui fait participer les ou la main à l'expression d'un portrait ? Ou le contraire ?
Paul Valéry, obnubilé par les mains, leur symbolique, qui savait et aimait les dessiner, sujet le plus représenté dans ses cahiers... Et ne disait-il pas "L'esprit commence et finit au bout des doigts." ? 

Paul Valéry par Pierre Choumoff, Wikimedia Commons.

Au bout du doigt, le poussoir où le photographe appuie en disant "ne bougez plus !" 
Et sous les yeux et le doigt qui s'arrêtent sur la ligne, ces pensées de Valéry sur l'apprentissage, l'éducation, l'instruction. 

Nous ne sommes que le fruit de ce qui a été... Dans quelle mesure peut-on apporter une contribution, un plus à cet héritage à transmettre ? Valéry a dit : 

"C'est en copiant qu'on invente."
"Rien de plus original, de plus "soi" que de se nourrir des autres. Mais il faut les digérer. Le lion est fait de mouton assimilé."
"Le désir d'originalité est le père de tous les emprunts, de toutes les limitations. Rien de plus original, rien de plus "soi" que de se nourrir des autres."

Et sur l'ordre sociétal établi qui jamais, entretenant le flou entre instruction et éducation, ne donnera ses vraies raisons qui sont de dominer, Valéry est d'une modernité révolutionnaire ! 
 
"Le baccalauréat est le certificat que donne l’État et qui atteste à tous que le jeune Untel ne sait absolument rien faire."
"Un enseignement qui n'enseigne pas à se poser des questions, est mauvais."
"Faire de l'orthographe le signe de la culture, signe des temps et de sottise."
"Le diplôme est l'ennemi mortel de la culture." 
"L'éducation ne se borne pas à l'enfance et à l'adolescence. L'enseignement ne se limite pas à l'école. Toute la vie, notre milieu est notre éducation, et un éducateur à la fois sévère et dangereux."

Et sur l'éducation, près d'un siècle plus tard, il est plus qu'utile de se repencher sur les appréciations de Valéry : 
 
"Il est impossible de comprendre et de punir à la fois."
"Toute critique, tout blâme revient à dire : je ne suis pas toi."
"Le châtiment déprime la moralité car il donne au crime une compensation finie."



lundi 13 août 2018

VOYAGE EN TCHÉCOSLOVAQUIE (2) / encore le Languedoc...

Chaleur. Samedi 28 juillet 16 h. La canicule retient au bord de la mer. 


17h 10. Béziers. Une bouteille de propane pour le frigo, la cuisine… Le gas-oil à 1,45€… dont combien de taxes ? 58,62 % TVA comprise en 2017 et ce n’est rien comparé aux tarifs des autoroutes où les compagnies privées qui rackettent vont amortir en trois ans le prix payé à l’Etat tout en laissant les réparations à la charge des régions donc des éleccicons (acronyme d’électeur-citoyen-contribuable). Ne parlons pas de l’hypocrite 80 à l’heure toujours pour que la vache à lait crache plus abondamment au bassinet des riches qui abusent…


Ce ne sont que des pensées parce que mon dernier dirait que ça coupe l’envie d’évasion. Après ça, l’appel de la route. Alors, si pression il y a, que ce ne soit que celle des pneus !  

Nous ferons quelques courses à Pézenas… On clignote vers le parking : mince, des barrières, le magasin est fermé pour travaux et ce serait contre-productif d’en informer sur le panneau publicitaire à l’entrée de la ville ! Tout est calculé sur la planète fric ! 


Pézenas depuis le sud-est Wikimedia Commons Author Christian Ferrer
Pézenas. Retour aux sources. J’ai déjà évoqué mes années ici, de dix à douze ans, du CM2 à la classe de cinquième. 
La route vers Castelnau d’où venait un camarade aussi sérieux que brillant, dont les parents ne parlaient qu’espagnol. 
Cette niche à la vierge, difficile à remarquer sur une placette, qui me reste à cause du brassard sur mon bras droit de communiant, perturbé par une élévation mystique retenue par des tentations plus terre à terre. 
En face de la rue Conti, plus qu’un local indéterminé à la place de la petite épicerie où j’achetais en cachette des tubes de crème de marron. 
Le bar et le jeu de longue, une variante à la lyonnaise et à la pétanque, de l’autre côté de la rue des Calquières Basses du temps du tannage des peaux. Le fronton de pelote en contrebas de la promenade aux platanes, formidable protection contre les colères de la Peyne. 

Pézenas Monument à Molière Wikimedia Commons Author Christian Ferrer

La grande place où se jouaient jadis les parties de tambourin n’est plus qu’un parking. Enfin, tout me parle dans cette ville qui n’est plus la même mais que j’aime toujours. Là le petit jardin public avec le buste mortuaire d'un Molière accompagné d’une soubrette de comédie trop vivante. A côté l’ancienne école des filles avec ses airs Napoléon III resté à la République. En face, toujours le marchand de cycles… Quel grand jour celui du vélo en cadeau, un Peugeot, routier et lourd, bleu roi… 
Après le pont, la maison de monsieur Cros, le professeur de français qui nous offrit le gîte un moment. En vis-à-vis la station d’essence qui servit de QG lors de ma fugue pour deux zéros en allemand. 
Plus bas, au niveau du raccourci vers le pont sur l’Hérault, le grand jardin d’Alain qui nous invitait à des parties de Monopoly. Le pauvre devait mourir avec son père dans un accident de la route : ils allaient à un enterrement…   
Le stade des violets qui venaient de perdre la finale de troisième division quand nous sommes arrivés. La route qui y mène continue jusqu’à la campagne du docteur Rolland où nous avons loué un temps.
Après le passage à niveau, la Grange des Prés. Une plantation de mûriers, certainement du temps des vers à soie, descendait jadis jusqu’au fleuve (aujourd’hui coupée par l’autoroute). Sur l’accès à ce domaine, presque un château cette Grange des Prés, le parrain de papa, parti de nos garrigues parce qu’une trop grande consommation de gibier mettait sa vie en danger, se tua en tombant de bicyclette sur la bouteille cassée qu’il transportait, du vin de la buvette à laquelle il avait droit.


40 kilomètres à peine sur la route de la Tchéco. A ce rythme, on n’est pas encore arrivés !