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lundi 4 septembre 2023

Ariège, Montagagne, les diapos de septembre 1977, juste avant la rentrée.

Avec l'opportunité de disposer des diapositives pour les scanner, je reprends des extraits des articles de mars 2023 sur le Sérou, cette fois, avec les photos de 1977.  

L’école abandonnée avec encore une carte Paul Vidal de La Blache au tableau, les tombes du cimetière sans fleurs sinon celles en perles-de-verre des couronnes, dans les gris et les mauves, du cimetière, fanées qui plus est par le temps et les intempéries. Un autre couple de l’endroit, encore en forme, ouvert et hospitalier, les a menés dans le pré jadis de la famille... une verdure offrant un joli point de vue avec, en prime, la féerie de plusieurs centaines de papillons bleus. Dire que la moitié des papillons des prairies a disparu en 20 ans et que nous ne voyons rien, ni du mal, ni de la réaction susceptible d’y remédier... Au-dessus de toutes ces ailes bleues, le sentier vers le col des Marrous, la montagne de l’Arize. 




Nous sommes revenus à Montagagne, justement cette fois de 1977. Les paysans de 1968, ceux du pré aux papillons, nous ont accueillis presque comme la famille, ils nous ont même gardé à manger... Ah qu’est-ce qu’on a pu bavarder et rire ! Et dire qu’il ne me reste plus que le souvenir de cette belle rencontre, comme avec les vieux de Nescus à la vache si coquette. On n’apprécie pas ces choses-là à leur juste valeur, au moment où elles passent. 

 

Le fils de Toulouse qui passait lui aussi, m’avait bien laissé son adresse mais je n’ai pas écrit. Et lui, de son côté aurait-il pu le faire ? Je n’en sais plus rien. Que voulez-vous, il y a un âge pour tout et jeune, avec deux enfants rapprochés, la vie file à cent à l’heure. Ce n’est qu’après que nous réalisons qu’ils ont trop vite grandi. Ils partent sur leurs propres chemins, la vie nous coule comme du sable entre les doigts, les années se confondent, il ne nous en reste que des bribes, des débris difficiles à recoller... Ce n’est qu’avec l’âge que nous estimons à sa juste valeur ce que nous avions. Oh non, je ne suis pas en train d’abonder dans la rengaine du « c’était mieux avant » mais ce n’est pas pour autant que nous n’avons pas le droit de regretter une façon de vivre ouverte à l’autre, qui a été perdue depuis. Je peux quand même dire leur nom, à ces gens merveilleux, c’est la moindre des choses, Galy, la famille Galy, la dernière maison sur le chemin du col des Marrous, avant l’abreuvoir où un filet d’eau coulait jour et nuit... vous ne pouvez pas vous tromper. 




lundi 13 mars 2023

PAYS de SÉROU ou PAYS SÉRONAIS ? (fin)

Le fils de Toulouse qui passait lui aussi, m’avait bien laissé son adresse mais je n’ai pas écrit. Et lui, de son côté aurait-il pu le faire ? Je n’en sais plus rien. Que voulez-vous, il y a un âge pour tout et jeune, avec deux enfants rapprochés, la vie file à cent à l’heure. Ce n’est qu’après que nous réalisons qu’ils ont trop vite grandi. Ils partent sur leurs propres chemins, la vie nous coule comme du sable entre les doigts, les années se confondent, il ne nous en reste que des bribes, des débris difficiles à recoller... Ce n’est qu’avec l’âge que nous estimons à sa juste valeur ce que nous avions. Oh non, je ne suis pas en train d’abonder dans la rengaine du « c’était mieux avant » mais ce n’est pas pour autant que nous n’avons pas le droit de regretter une façon de vivre ouverte à l’autre, qui a été perdue depuis. Je peux quand même dire leur nom, à ces gens merveilleux, c’est la moindre des choses, Galy, la famille Galy, la dernière maison sur le chemin du col des Marrous, avant l’abreuvoir où un filet d’eau coulait jour et nuit... vous ne pouvez pas vous tromper.

Cette fois-là, nous avions passé quelques jours à La Bastide, chez Ferré (merci pour l'info, J.L. Lafont), un hôtel restaurant réputé, seulement en demi-pension, mais là encore, la patronne, certainement touchée par notre petite famille, nos fils avaient alors cinq et quatre ans, nous avait proposé le sanglier pourtant réservé au menu plus cher. Nous étions montés à la Tour Laffont, il y avait des myrtilles... C’était donc en fin d’été, certainement avant la rentrée. Les problèmes de sécheresse, de changement climatique ne nous minaient pas alors. Dans la descente vers Massat, nous avions acheté de la vaisselle artisanale à un jeune couple, comment dire, un peu baba, comme en rupture d’une vie moderne trop aliénante, de la ville...

Toujours dans ces années-là, lors d’un printemps encore frisquet, nous avions profité d’un gîte de l’autre côté, à Serres-sur-Arget. Il y avait la neige au col de Péguère avec, en prime, une large empreinte d’ours... de quoi impressionner les enfants et les femmes alors que le calme des hommes nous faisait passer pour des courageux !  

Une autre fois, après Nescus, les lacets du versant boisé et sauvage nous ont à nouveau menés à Montagagne mais juste pour faire un saut au cimetière, sans s’engager dans le village étroit, à cause du camping-car : la peur de déranger, celle de passer pour des importuns aussi. Et puis la nuit allait tomber. Dans ce pays avec plus d’avions dans le ciel que de voitures sur la route, on a dormi sur la montée du col des Marrous. 



Dans les années 2010, c’est à Esplas-de-Sérou par Castelnau-Durban que la quête des racines nous a menés, au cimetière... Une fête de retrouvailles était prévue puisque ceux qui y tiennent et le peuvent, reviennent au pays pour les congés d’été.  

Retour sur La Bastide-de-Sérou et la nationale 117. Avec mon adolescence sous un climat sec, voir du vert relevait déjà du dépaysement, aussi, au retour de Lourdes, les champs de maïs longeant la route de Saint-Girons me sont-ils restés vivants en mémoire.  

Rimont, juste pour évoquer le cousin Léon Maury, encore d’un lignage descendu en Languedoc mais qui, à l’âge de la retraite, remontait séjourner assez souvent en Ariège.  

dimanche 12 mars 2023

PAYS de SÉROU ou PAYS SÉRONAIS ? (1)

 VERS LE PAYS SÉRONAIS.

Entre Foix et Saint-Girons, sur 44 kilomètres, la transversale Perpignan-Bayonne, ancienne nationale 117, longe les Pyrénées ariégeoises avec le Massif de l’Arize, déjà le Couserans comprenant au moins trois chaînons supplémentaires jusqu’à la ligne de partage des eaux avec l’Espagne, des crêtes au-dessus de 2500 mètres d’altitude et des cols à plus de 2000 m., le moins haut étant le Port de Salau à 2087 m..

A l’entrée de La Bastide-de-Sérou, il faut prendre à gauche, suivre et remonter la vallée de l’Arize. 

PAYS DE SÉROU ?

On lit « Sérou » pour La Bastide-de-Sérou, Esplas-de-Sérou, Sentenac-de-Sérou pour indiquer que nous sommes dans le Séronais, peut-être l’ancien pays des Sérones, des Celtes, des Gaulois. Par la lignée paternelle, ma famille directe descend de Montagagne, canton de La Bastide-de-Sérou.

Nescus :  A Nescus, en 1976 ou 1977, un vieux paysan labourait encore avec une vache au port de corne fringant, joliment voilée sur les yeux d’un « pare-mouches » aux couleurs vives d’un rideau de coton espagnol, de ceux qui fleurissaient l’été, chez nous, manière de laisser la porte ouverte et de favoriser le courant d’air. Une vache pleine de curiosité pour l’intrus à l’appareil photo, de bon accueil et comme complice de ses compagnons humains, des petits vieux restés alertes, si vivants. Oh ! comme ils le dirent avec gourmandise et non sans un brin de solennité, que chaque année ils engraissaient encore le cochon... Oh ! j’ai déjà raconté ça, pardon. C’est la moyenne montagne mais Montagagne est déjà à près de 800 m, deux fois plus haut presque que Nescus en bas dans la vallée. Nous y étions déjà passés, à l’occasion d’un périple à Lourdes, pour compenser auprès de ma grand-mère devenue veuve, manière de remonter aux sources de papé, de donner corps aux terres que les aïeux, du côté des hommes, avaient dû quitter à la fin du XIXe siècle. L’école abandonnée avec encore une carte Paul Vidal de La Blache au tableau, les tombes du cimetière sans fleurs sinon celles en perles-de-verre des couronnes, dans les gris et les mauves, du cimetière, fanées qui plus est par le temps et les intempéries. Un autre couple de l’endroit, encore en forme, ouvert et hospitalier, les a menés dans le pré jadis de la famille... une verdure offrant un joli point de vue avec, en prime, la féerie de plusieurs centaines de papillons bleus. Dire que la moitié des papillons des prairies a disparu en 20 ans et que nous ne voyons rien, ni du mal, ni de la réaction susceptible d’y remédier... Au-dessus de toutes ces ailes bleues, le sentier vers le col des Marrous, la montagne de l’Arize.  




Nous sommes revenus à Montagagne, justement cette fois de 1976 ou 77. Les paysans de 1968, ceux du pré aux papillons, nous ont accueillis presque comme la famille, ils nous ont même gardé à manger... Ah qu’est-ce qu’on a pu bavarder et rire ! Et dire qu’il ne me reste plus que le souvenir de cette belle rencontre, comme avec les vieux de Nescus à la vache si coquette. On n’apprécie pas ces choses-là à leur juste valeur, au moment où elles passent. (à suivre)

lundi 8 août 2022

Ariège de mes racines (suite & fin).

Le Salat à Saint-Girons en 2020 / wikimedia commons / Auteur Olybrius. 
 

Pour rentrer de l'argent, on travaille parallèlement dans la petite industrie encore épargnée par la concurrence : drap à Lavelanet, papier à Saint-Girons, verre au Mas-d'Azil, clous de la vallée de l'Arget dans des forges catalanes actionnées par les torrents et dévoreuses de charbon de bois. Dans un même but, les Ariégeois rayonnent, depuis leurs montagnes, tant en France qu'en Andorre et en Espagne une première fois pour la fenaison, une deuxième pour la moisson, le décalage climatique leur permettant ensuite d'assurer ces mêmes travaux chez eux. En hiver aussi on descend se louer pour l'entretien des grands domaines, pour les olives... Des hommes travaillent dans les ports, des équipes œuvrent aussi comme forgerons... 

Vers 1850, les montagnes vont connaître un mouvement inverse et commencer à se vider. En plus d'une évolution humaine avec plus d'interdépendances, la fin des petites industries, des printemps pluvieux et des étés pourris provoquent de mauvaises récoltes céréalières et le mildiou détruit la quasi-totalité de celle de pommes de terre. La vie chère, le dénuement, le chômage, la disette provoquent encore des révoltes et les autorités doivent faire donner la troupe. 

La misère et le désespoir amènent l'exode et une baisse de la natalité. En 1854, la situation empire à cause des dégâts du choléra dans une population vivant à l'étroit au fond des vallées. Par la suite, alors qu'une normalisation des conditions rééquilibre les tensions, les Ariégeois continuent de se louer pour les moissons dans les plaines, les Mountagnols offrent leurs bras pour la vendange puis, le reste de l'année, pour les autres travaux nécessaires à la vigne. Dans le bas-pays, le développement du chemin de fer et le bâtiment emploient aussi de nombreux travailleurs. 

C'est aussi l'époque des montreurs d'ours jusqu'en Amérique et des colporteurs jusqu'en Bretagne : pierres à faux, objets de piété, eau de Lourdes, vanille ! 
Esplas-de-Sérou 2011

Esplas-de-Sérou 2011


Après 1886, c'est une véritable hémorragie, l'exode sans retour pour fuir la misère. Les jeunes sont les plus portés à franchir le pas. Mes arrière-grands-parents en étaient, partis de Montagagne, d'Esplas et Sentenac-de-Sérou (canton de La Bastide-de-Sérou), et peut-être même la génération précédente dont les parents d'un arrière-grand-oncle Pierre, né en 1872 (mobilisé à 42 ans en Alsace, blessé en 1915 par un éclat d'obus)... Les articles "Chemin d'école" les ont, ici même, déjà évoqués. 

Montagagne / avril 1968. L'école au second plan ; au fond à gauche, l'église et le cimetière.  



Alors, avec un respect aussi profond que viscéral pour la diversité de mes semblables, qu'on ne vienne pas me stigmatiser pour des pages sombres de l'Histoire, surtout de la part de ceux qui se présentent en tant qu'indigènes et qui, niant une évolution positive bien qu'imparfaite et inachevée, retournent un même racialisme contre des descendants qui n'ont rien à voir avec ce qui s'est passé. Quant à ces familles de Bordeaux, Nantes, la Rochelle, Saint-Malo etc, si des héritages les lient à la traite d'esclaves, dans quelle mesure peut-on demander réparation ? La question reste entière...     

mercredi 13 décembre 2017

DU COCHON A LA VACHE



C’est le coup de gueule d’Arnaud Daguin sur l’élevage à la chaîne et pour rien de bon des cochons qui m’a lancé sur ce rituel de l’abattage, cette fête du cochon des tartufes que nous sommes. Depuis Laval, près de Quillan, avec Monsieur Reverdy, nous avons rayonné à Lavelanet avec Madame Tricoire, à Sorgeat avec des chroniqueurs qui ont bien du mérite à honorer la vie d’antan. 

J’ai gardé aussi en mémoire le sourire ravi d’un pépé de Nescus près La-Bastide-de-Sérou, encore en Ariège. Fin août, 1977 peut-être. Avec sa femme : ils arrachent des pommes de terre, à la charrue. Je me suis arrêté pour tirer le portrait de la vache, si coquette avec son cache-yeux rouge-blanc-jaune comme ces rideaux de cotons noués, frangés, montés sur les seuils de nos maisons vigneronnes, contre les mouches aussi, avec la chaleur. 


Sur les bords de l’Arize, en bas des reliefs (500 – 750 mètres), c’est déjà une lumière de fin d’été, estompée même, en cette fin d’après-midi. Calme, immobile, prenant la pose, la vache me fixe, pauvre touriste qui prend la photo. Nous échangeons quelques mots. Il est cordial, enjoué, si content de rentrer ses pommes de terre : « C’est qu’on élève le cochon ! Pas vrai mémé qu’on fait toujours le cochon ! ». Il veut partager ce bonheur avec sa vieille plus loin, il veut qu’elle confirme ! Courbée, toute à son travail, à décoller la terre sur les patates, elle se tourne à peine mais hoche un visage tout rayonnant, en réponse à l’allégresse du vieux. Ils sourient aux anges, ces deux, tels des enfants parce que le père Noël est passé ! Ils sourient aux jambons, aux saucissons pendus, au lard qui viendra si bien assabourer (1) la bonne soupe aux choux de l’hiver ! 

Ce souvenir m’habite depuis ce temps. J’ai d’abord ri  parce que leur malice m’a fait penser à ce conte de la vieille accrochée au petit vieux lui-même arcbouté sur une betterave géante difficile à arracher. Avec les années, le sentiment s’est fait plus profond. C’est beau, c’est grand, en effet, cela nous dépasse, cet hymne à la vie, ce défi à la mort de deux êtres unis depuis si longtemps, pleins d’allant tant qu’un nouveau jour voudra bien succéder à celui qui s’efface. 

Et je les vois toujours, ces deux, sortis d’une toile de Jean-François Millet avec, dans le moment crépusculaire, Victor Hugo pour réciter combien « ils doivent croire à la fuite utile des jours… », à la ronde des saisons. En musique de fond une joie qui demeure… 


En partant du cochon, j'en arrive à me demander comment s’appelle cette coquetterie si utile sur les doux yeux de vache. Il y a des années que je cherche, malgré l’Internet. Et ce matin, même si je ne sais toujours pas, sur l’écran, des cache-yeux sur des attelages de bœufs. Devinez où ? à NESCUS, petit pays perdu d’où viennent mes aïeux, de Montagagne pour être exact !


Celui qui travaille avec des chevaux, des mules, des bœufs s’appelle Olivier Courthiade. Poète, paysan, il doit jouer Franz von Suppé comme il pratique l’autre piano pour une cuisine vraie. Et, vous avez entendu sur la video ? Parlo occita ! Il parle occitan !

Travaillait-il déjà à la ferme vers 1977 ? Qui sait s’il les a connus mes petits vieux de Nescus ? Je lui porterai les diapos et du rouge du Bas-Pays !
      
(1) Assaboura = donner du goût, assaisonner

Crédit diapos de mon pauvre papa, François Dedieu : Montagagne, printemps 1968.