Affichage des articles dont le libellé est Lavelanet. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Lavelanet. Afficher tous les articles

mercredi 4 juillet 2018

UN MIREPOIX DE PETITS PAYS / Pays d’Olmes, Mirepoix, Razès, Piège.

Le Pays d’Olmes, 300 km2 seulement, mais multiple, avec la Montagne de Tabe (Pic de Saint-Barthélemy 2348 m., Pic de Soularac 2368 m.), la station de ski des Monts-d’Olmes[1]… le château de Montségur sur son pog où deux-cent-vingt Cathares et faydits choisirent le bûcher plutôt que de renier leur foi… 

Pic de Saint-Barthélemy Wikimedia Commons Author Pierre Benard
Le guide qui faisait visiter plutôt bien, genre beau-gosse-randonneur-alpiniste aux muscles fins et bronzés, suivi par l’admiration toute féminine de sa conquête, gâcha cette fois-là l’engouement respectueux de l’assistance, enfin, de ceux qui y furent sensibles, lorsqu’il eut la mauvaise inspiration d’appeler la montagne derrière, seule voie, très dure l’hiver, de ravitaillement des assiégés, « Saint-Bart ». L’irruption incongrue de l’île tropicale haut-de-gamme, la présence béate de sa compagne tout acquise, en auraient été presque risibles sans le respect dû à cette triste, austère et terrible page d’Histoire… Plutôt admirer les cycles étonnants, suivant que le siphon se remplisse ou se vide, de la fontaine intermittente et à fort débit de Fontestorbes alimentant l’Hers sorti des gorges de la Frau.  

Lavelanet Wikimedia Commons Author LucasD
Et le Doctouyré et le Touyré, ces eaux pures de montagne sans lesquelles le travail de la laine, hélas aujourd’hui presque oublié, n’aurait pas fait la renommée de Lavelanet du pays des noisettes... Ici aussi, le travail des peignes en corne, le polissage du jais. A propos de Lavelanet, une caméra nous a montré Fabien Barthès dernièrement, gardien de but champion du monde en 1998, désormais supporter des Bleus en Russie, se pliant, dans une tribune, à une séance de selfies. Il n’a donc pas piloté, cette année, aux dernières 24 heures du Mans… L’industrie n’est plus qu’un souvenir dans ce Pays d’Olmes. Point positif,  les truites sont revenues dans ces sous-sous-affluents de la Garonne depuis que les pollutions ont cessé.  
Cathédrale Mirepoix Wikimedia Commons Author Andy HM at Esperanto wikipedia
 
Alors, à Mirepoix peut-on à nouveau mirar lous peisses, mirer les poissons[2] ? Plus sûrement, les maisons moyenâgeuses à colombages, la cathédrale Saint Maurice. Son édification prit des siècles à cause des guerres, de la peste, de la nomination de Pierre Poisson, auteur des plans, comme cardinal, ce qui laissa l’édifice en plan. Elle reste remarquable pour son clocher (le plus haut d’Ariège), son impressionnant bourdon de deux tonnes, deux fois moins lourd toutefois que « François », celui de Montpellier ! Sa nef de 21,40 m. est la plus large du gothique languedocien. 

Achille Laugé / Route bordée de genêts voir source sur Wikimedia Commons
Le Razès, plus vers le levant, vers Carcassonne d’une part, avec les collines de la Malepeyre, Limoux de l’autre que nous avons liée à la vallée de l’Aude et qui aurait pu être considérée en tant que capitale de cet ancien Bas-Razès. Sous les collines boisées, cette zone de transition agricole voit les céréales remplacer peu à peu les dernières vignes. Achille Laugé a admirablement rendu sur ces toiles, ces paysages avec les amandiers ou les genêts en fleur. Des impressions justement, sur ce qui reste du Razès, des touches seulement par exemple sur la présence des loups jusque dans le Fenouillèdes ou encore, dans les collines, la silhouette de Philippe Noiret en promenade sur son cheval… 
Couronnée par le Lauragais, le Razès, le Mirepoix et l’Aganaguès[3], la Piège telle un œil-de-chat, jaune de son soja d’août. Collines maigres, combes seulement en culture, maigre productivité malgré le remembrement avec quelques « gros » cultivateurs seulement et pris en otage par une aberrante agriculture mondialisée. Le Garnaguès semble associé à la Piège[4], inclusion aussi mystérieuse que le pastel en cocagnes qui, entre Albi, Toulouse et Carcassonne, enrichissait les nantis en laissant à ceux qui pourtant avaient fait tous les efforts, seulement de quoi survivre… 



[1] Perrine Laffont, championne de la station, médaille d’or à Pyeongchang !
[2] Des érudits de l’étymologie disent néanmoins que Mirepoix signifie « qui regarde la montagne »… il y a pourtant une truite d’argent sur le blason de la ville ! 
[3] Le Lauragais s’appelait Auragès, en occitan Lauraguès, pays de l’aura (vent d’autan). L’Aganaguès fermé à l’est par les collines du Pédaguès anciennement Podaguès.
[4] La Piège est incluse dans la Garnaguès, quadrilatère irrégulier avec pour axes Cintegabelle-Fanjeaux et Mirepoix -Villefranche-de-Lauraguais. 

Photos autorisées Wikimedia Commons. 

vendredi 8 décembre 2017

" PAURO BESTIO", pauvre bête dit la Margadido / le cochon en Languedoc.



A lire dans http://garae.fr/Folklore/R52_025_12_1941.pdf, une chronique de Madame Tricoire, institutrice à Lavelanet dans les années 30. 

Pour les paysans c’est la plus belle fête de l’année. On fait bouillir l’eau dans la « païrolo beuralhèro », la grosse marmite où se cuisait la pâtée du cochon, celui-là même que le « mangounhè » va saigner de son grand coutelas. Le réveil de la bête qu’il faut sortir de force de la soue n’est pas sans rappeler celui du condamné à la guillotine… Pour lui, c’est la maie qu’on a renversée…

« « Pauro bestio » dit la Margadido et c’est toute l’oraison funèbre du supplicié. »

Elle passe sur le sang recueilli. Le porc est ensuite couché dans la maie retournée sur deux chaînes qui permettront de le tourner sans se brûler en enlevant les soies. L’un arrose, les autres raclent et rasent.

« Le porc […] est bientôt blanc et lisse comme une joue d’enfant. »

On lui passe le « cambalhot », la pièce de bois qui va le suspendre, dans les jarrets.
La tête est coupée. On ouvre la bête ; on enlève tous les viscères. Les boyaux fumants sont gardés au chaud dans un linge. Les femmes lisent les tripes (enlèvent le gras accroché) et vont les laver au ruisseau.
Les hommes rangent les outils. La carcasse reste pendue là. Les femmes ont dû revenir : l’institutrice parle de se mettre à table.
 

Au menu : une grande soupière du bouillon d’un gros morceau de bœuf et d’une poule farcie. 
Un civet de lapin bien parfumé de thym et de laurier. 
   

Un chapon rôti vite flambé ; sous la table, les chiens ont droit aux os. 
Une salade d’endives. 
En dessert, une crème épaisse aux œufs (un flan ?), 
le feuilleté d’une croustade aux pommes, 
la corbeille d’ « aurelhous roux comme des oranges et saupoudrés de sucre » accompagnés de muscat. 
 

On parle du porc :

« Le que n’a pos un porc, un oustal et un ort, dit Polyte, tant bal que sio mort. » 
 (Celui qui n'a ni porc ni maison ni jardin, autant qu'il soit mort)

On critique le gouvernement et la discussion échauffe les esprits. Tant vaut-il inviter Fantilh à chanter en premier sa chanson.
Si l’institutrice a oublié de parler des vins à table (et surtout de ce que devient la carcasse dans la remise), ne manquaient  ni le café arrosé de marc, la liqueur de « génibre », les cerises à l’eau-de-vie ! 

Les oreillettes qui nous donnent une idée de la date, autour de carnaval, en février. Cette fête, la plus belle de l’année pour ces paysans, compterait plus que celles de Noël ou de Pâques même si les convives se quittent avec un « A l’an que bé, si Diu at bol. » comme pour la nouvelle année !

Notes : Lavelanet du Pays d’Olmes, riche d’un passé textile ancien, tient son nom des noisettes, « avellana » en latin… une pensée pour Momon Abelanet, le professeur de français à Victor Hugo (Narbonne) qui a mal tourné (principal à Coursan) ! 
Un salut cordial à Jean-Patrick Moras qui fut proviseur du lycée professionnel de Lavelanet et qui fut mon patron (bon, vous l'aurez compris !) entre 2002 et 2006 au collège de Bandrélé ! 

Photos autorisées commons wikimedia : 
1. Civet_de_lapin_de_garenne_des_Baronnies Author Varaine.
2. Chapon de Saint-Christol rôti sur ses pommes de terre sautées.  
3. Oreillettes à Fleury.