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mercredi 3 juin 2020

CHEMIN FAISANT / Jacques Lacarrière

"Chemin faisant", encore un de ces livres qui font en vous leur petit bonhomme de chemin et vous marquent pour longtemps.

" Rien ne me paraît plus nécessaire aujourd'hui que de découvrir ou redécouvrir nos paysages et nos villages en prenant le temps de le faire. Savoir retrouver les saisons, les aubes et les crépuscules, l'amitié des animaux et même des insectes, le regard d'un inconnu qui vous reconnaît sur le seuil de son rêve. La marche seule permet cela. Cheminer, musarder, s'arrêter où l'on veut, écouter, attendre, observer. Alors, chaque jour est différent du précédent, comme l'est chaque visage, chaque chemin.

" Ce livre n'est pas un guide pédestre de la France, mais une invitation au vrai voyage, le journal d'un errant heureux, des Vosges jusqu'aux Corbières, au cœur d'un temps retrouvé. Car marcher, c'est aussi rencontrer d'autres personnes et réapprendre une autre façon de vivre. C'est découvrir notre histoire sur le grand portulan des chemins. Je ne souhaite rien d'autre, par ce livre, que de redonner le goût des herbes et des sentiers, le besoin de musarder dans l'imprévu, pour retrouver nos racines perdues dans le grand message des horizons. "
Jacques Lacarrière. 

Il y a des livres qui vous font signe : ceux qui, vendus au poids, affranchis de la condamnation au pilon, celui de Vincenot sur le rail évoqué hier, d'autres, qui échouent dans des magasins d'occasion, abandonnés pour diverses raisons. Ceux-là pour moi sont comme ces petits chiens des refuges qui viennent spontanément à vous. Celui-ci s'appelle "Chemin Faisant", le genre de nom à me faire craquer. Je l'ai adopté. Un vrai petit bonheur qui, depuis les Vosges, m'a entraîné vers le Midi et son protecteur. L'auteur, sensible au feu chaleureux des Sud, relève parmi ses sensations celle qui fait passer des terres du Nord à l'Occitanie. Du petit lait pour moi, même sur une île au lait de coco... Quel dépaysement ! Et ce grand saut dans la plaine à partir du Causse du Larzac ! Les villages sous les eaux du Salagou... les hippies, les chasseurs, le Minervois, les viticulteurs contre le vin d'Algérie... Et oui, les années 70... 

Mais celui qui finit en sa compagnie avec les bleus de la mer, du ciel, les falaises de Leucate à la blancheur grecque (Lacarrière était particulièrement attaché à cet éclat hellène sur toute la Méditerranée), ne peut que ressentir un vent d'éternité aussi intemporel qu'universel... être porté par un sentiment de destinée commune à travers l'Histoire. Ceux qui marchent vers la nature et les autres, pas seulement pour Compostelle, comme nos aïeux le faisaient par force il y a encore un siècle, le ressentent mieux encore sous la plante des pieds.  

     

mardi 21 août 2018

VOYAGE EN TCHÉCOSLOVAQUIE (4) / Le Massif-Central.

Sur le Causse, la magistralado (lou magistral est l’autre nom du mistral en languedocien) a lavé le ciel, chassant cumulus et nimbus tels ceux qui menaçaient, hier, en fin d’après-midi, vers Montpellier. 
Millau au bord du Tarn / Diapo de papa 1965.
Millau 2014.
 Millau au bord du Tarn a-t-elle changé ? La ganterie de grand luxe s’y maintient un peu. Papa s’en était payé une paire, pour conduire, moins fins que pour les dames, sauf que les grands rabats sur les bras semblaient plus adaptés à une moto qu’à une auto voyageant jadis vers les lentilles du Puy ou le couteau de Thiers… 
Depuis la vallée du Tarn, connue pour ses cerises, un naturaliste observe les falaises aux jumelles : les vautours au repos sans doute.
L’A75 passe le Causse Rouge, puis de Séverac avant celui de Sauveterre. Avec l’altitude et le crépuscule, il fait bon. A partir de Marvejols, la fraîcheur ferait presque oublier la canicule de la journée. 

Le viaduc de Garabit sur la Truyère. Diapo de papa 1965.
Viaduc de Garabit 2014.
 Toujours plus haut, sur près de 100 kilomètres, entre les monts d’Aubrac et la Margeride, le trajet ondoie entre 800 et 1100 mètres, et il fait relativement froid. Vue sur le viaduc de Garabit illuminé. Mais pour la pause, nous attendrons de redescendre un peu la Planèze de Saint-Flour, ce sera plus un réveillon qu’un souper ! Et dire que quand il fait chaud c’est la fraîcheur qu’on souhaite de même que la chaleur quand il fait froid. Jamais content le sapiens plus bête que savant car cupide avant tout… et carrément méchant ajoutait le chanteur aux cheveux en pétard.
Repos repas sur l’aire de La Fayette, à moins de 600 mètres d’altitude. 240 kilomètres parcourus en 3 heures. Super pour un camion en vacances ! Départ à 23h 45.
Clermont-Ferrand, Vichy, il faut profiter de la fraîcheur pour avancer. 

Château Lapalisse (Puy-de-Dôme) Wikimedia Commons Author Rensi / Illuminé la nuit qui plus est ! bravo pour Lapalisse, modeste localité de l'Allier. 
Nous rapprochant et étant de ce fait toujours moins loin de Lapalisse ce bourg lié à ce monsieur de la Palice moins connu en tant que valeureux maréchal de France mort à la guerre à plus de cinquante ans que pour des lapalissades dans lesquelles il n’est pour rien !
Quelques kilomètres de N 7 « On est heureux nationale 7 » chantait un Trénet plus parisien que méditerranéen, le temps de prendre, à gauche, la route de Beaune. Le Donjon, un château mais sans tour maîtresse… à moins... Digoin, sa faïence… Circulation fluide, pas de gêne due aux phares en face mais la fatigue se fait sentir depuis que Flo, jusque là copilote dévoué dans la lecture des panneaux et du choix des échappatoires aux ronds-points, s’est endormi avec tous nos sujets de discussion.
Trois heures du matin : Paray-le-Monial. Arrêt sur le parking de la même grande enseigne qu’à Lodève. 633 kilomètres parcourus depuis Saint-Pierre. Flo part sur le lit derrière. Après avoir posé les volets, je descends celui de devant. Difficile de trouver le sommeil malgré la fatigue, sans doute cette boisson énergétique : mon corps reste nerveusement palpitant. L’agacement  me fait un instant penser aux trépidations de la machine à BB ! Pour s'endormir comme pour le reste "Cado couilloun a sa reuzo !" ... chacun a sa combine !    

jeudi 22 février 2018

LA MER ENTRE PARENTHÈSES / St-Pierre-la-Mer, Les-Cabanes-de-Fleury.


Nous avons laissé Paulou, viticulteur en villégiature dans sa baraque de toile et de tôle, sur sa dune, les jumelles pointées sur un cargo au large, entre Sète et La-Nouvelle.
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2018/01/mistral-fernandel-pagnol-arene-beart.html (30 janvier 2018).



La mer. Le symbole du bateau s’en trouvait joliment inversé car il n’était donné d’entendre, sobrement encore, que le désir de revenir pour ceux, ces émigrés de l’intérieur, qui avaient dû partir. Sauf que, loin de cesser, l’hémorragie a continué, plus fort encore à cause des crises du vin. Le pays saigné s’est rebiffé. Le Larzac qu’il fallait défendre a réveillé aussi la braise sous la cendre bonhomme des Languedociens. La colère, l’éveil des consciences a été instinctivement porté par la langue d’Oc avec le slogan « VIURE AL PAÏS », chanté par un instituteur de Couffoulens dans l’Aude :

« … Vos vau parlar d'un país
Que vòl viure.
Vos vau parlar d'un país.
Que morís[1]… » Claudi Marti (1940).

Le tenilleur aussi dut partir pour la ville. Lyon, de bons souvenirs quand même (normal à vingt-cinq ans) mais les barres d’HLM vingt-et-un jours une fois sans voir le soleil, ça ne s’oublie pas. Et vingt-et-un jours de décalage pour voir les bourgeons des platanes débourrer, un crève-cœur…
Bien sûr, à vingt-cinq ans, une tendre et douce, mignonne, cordon bleu, deux bambins adorables, le désir d’avancer sans « si » instillant le doute, l’envie de garder le cap sans chavirer ni sancir, sans même se douter que ça puisse tanguer… La vie emporte comme les flots vigoureux du Rhône. Mais quand le fleuve impétueux s’avoue impuissant à vous ramener au pays dans le Sud, le syndrome du bateau qui passe peut soulager. Romantisme ordinaire, aventure par procuration, baume au cœur néanmoins, en chanson encore…

« … Quand je vois passer un bateau
Je rêve de me foutre à l'eau
Et n'ai besoin d'autre Sésame
Que d'être là, à mon piano,
A rêver sur la gamme. » Guy Bontempelli (1940-2014).    

La mer. Le soir, une flottille de voiles latines part des Cabanes : les barques catalanes pour la pêche de nuit, au lamparo, pour des filets renflés de poissons bleus d’argent...
En été, le clair crépuscule et le Golfe faussement « tendre » vu du bord (avec le Cers, les vagues ne se forment qu’au large) ne peuvent évoquer les Travailleurs de la mer de Victor Hugo (1802-1885)


« … Lui, seul, battu des flots qui toujours se reforment,
 Il s'en va dans l'abîme et s'en va dans la nuit.
 Dur labeur ! tout est noir, tout est froid ; rien ne luit.
 Dans les brisants, parmi les lames en démence… » Les Pauvres gens.

Misère mise à part, même pauvre, notre Méditerranée sourit encore. Mais début septembre, pour la rentrée, les pieds à nouveau contraints, entre Rhône et Sâone, le sourire est crispé…  


[1] d = h × ( 12742 + h ) {\displaystyle d={\sqrt {h\times (12742+h)}}} « … Je vais vous parler d’un pays qui veut vivre. Je vais vous parler d’un pays qui meurt… »  

Photos autorisées : 
1. Une idée des baraques sur le sable à saint-Pierre-la-Mer 1952. 
2. pxhere cargo grossi. 
3. wikimedia commons barques catalanes Author Ville de Canet-en-Roussillon. 

vendredi 20 mai 2016

LOU PASTRE (le pâtre) / Languedoc

LOU PASTRE.

Per causse, en plen ivèrn, quand la magistralada (1)
Balota dins lo cel la neu e lo conglaç,
Dins sa capa amagat, se ris de la gelada
E lou vèspre, am l’aver (2), content s’embarra au jas.

Quand reven lou printens et que la soulelhada
Fa reverdir la terra et florir lo bartas,
Mena sos anhelos dins la prima abaucada (3)
E lo pastre es urós quand sont assadolats.

Desmamat dau païs e luènh de sa familha
Sus lo causse auturòs qu’es coumo sa patrio,
Mestrejo son tropèl que s’augmenta dau creis...

Plantat sus son baston lo vei que s’apastura
E pompant l’air tebés de la bèla natura,
Tot solet, luènh dau monde, amont se crei lo rei.

Antoni Roux. Pescalunetas (3)

(1) magistrau, vent maître, mistral... et surtout pas une "tramontane" trop générique !
(2) chez Mistral, "embarra l’avé ou tout court embarra, enfermer les brebis dans le bercail"
(3) bauco, brachypode rameux, pelouse steppique, baouque chez Harant et Jarry (Guide du Naturaliste dans le Midi de la France). Plante herbacée méditerranéenne (Wikipedia).
(4) le nom du recueil vient peut-être de Pesco-luno, sobriquet des habitants de Lunel, qui eurent l’idée d’aller pêcher, dans un panier percé, le reflet de la lune. L’auteur ne verrait-il que des femmes en train de pêcher ?

LE PÂTRE.   

Par le causse, en plein hiver, quand la magistralado
Balotte dans le ciel la neige et la glace,
Dans sa cape caché, il se rit de la gelée
Et le soir, avec les brebis, content il s’enferme au gîte (bercail, bergerie).

Quand revient le printemps et que le soleil
Fait reverdir la terre et fleurir le buisson,
Il mène ses agnelets dans la prairie nouvelle
Et le pâtre est heureux quand ils sont rassasiés.

Privé de son pays et loin de sa famille
Sur le causse altier qui est comme sa patrie
Il mène son troupeau qui s’augmente des naissances.

Planté sur son bâton, il le voit qui pâture
Et pompant l’air tiède de la belle nature,
Tout seulet, loin du monde, en haut il se croit roi.       
   
Photos autorisées 1, 2, 3, 4, 5 Commons wikimedia

1. La vieille jasse / auteur Jean-Claude Charrié. 
2. Lavogne du Larzac / auteur Toutaitanous. 
3. Larzac près de la Couvertoirade / auteur présumé Sylvagnac. 
4. Brebis en pâture / auteur Jean-Claude Charrié. 
5. Berger sur le Larzac / auteur Mathieu Caunes. 



jeudi 19 mai 2016

LES CAUSSES EN OVALIE... OCCITANE (1) (2e partie) / Fleury d'Aude en Languedoc


A chaque excursion ses impressions, un ressenti particulier qu’on croit évanoui mais qui hiberne seulement. Un seul élément perturbateur suffit, en effet, à le faire refleurir. Mon attrait pour des différences en harmonie, mon attirance pour le Causse si proche mais que tout sépare de la plaine voisine, s’est réveillé d’un coup, lors d’un cours, tard le soir, quand Monsieur Couderc nous présenta « Lou pastre », un poème en occitan d’Antoni Roux. La langue de mes grands-parents, le Languedoc palpitant, la rusticité d’alors, le bonheur d’une géographie du cœur... tout participait à l’enchantement !
    Le temps ensuite a défait son œuvre, détricotant avec une même application ce qu’il avait patiemment tissé. Puis la vie, comme elle le fait avec tous nos morceaux, est revenue me tricoter un pull neuf de cette laine pourtant feutrée et entortillée. J’arrivais bien à recoller les vers mais l’auteur m’échappait jusqu’à ce que l’Internet vienne raviver le charme : c’est bien Antoine Roux de Lunel-Vieil !
    Les écrits restent dit-on quand on oublie, du moins quand la mémoire dort, telle l’ours, l’hiver, dans sa tanière, jusqu’au réveil. Depuis, je ne voyage plus sans mon berger du Larzac !
    Ce dimanche, la relève, les cadets du canton sont allés porter haut nos couleurs pour le championnat de France et si mon propos n’était pas d’écrire ce que le rugby a de chaud et de rassembleur, mes encouragements, certes sportifs,  trimbalaient aussi un merveilleux professeur malgré lui, un petit poème sans prétention, la modeste fleur d’un buisson du causse, le Sud, nos racines, la langue des aïeux, emportés à la sortie du lycée alors que les rouges du couchant viraient au violet au-dessus d’un stade Cassayet encore vibrant des bravos pour Walter Spanghero ! 


(1) L'OVALIE, le pays du rugby dans sa déclinaison occitane à partir du moment où le nord aussi lui fait honneur (la ville bretonne de Vannes vient d'accéder à la proD2).  

  
photo autorisée commons wikimedia : 
1 Larzac près de la Couvertoirade auteur présumé Sylvagnac.
photos personnelles :
2 Les copains du rugby... moins nombreux aujourd’hui.
3 L'A75 au bord du causse (651 m), en bas, Millau au bord du Tarn et le viaduc au fond...

mercredi 18 mai 2016

SIX MOIS D’HIVER ! / Fleury d'Aude en Languedoc

     A quoi pensez-vous quand on vous dit Languedoc ? A la Méditerranée, au soleil, au sable, aux vignes, à la garrigue, aux vacances, à une douceur de vivre ? Ce n’est que dans un deuxième temps que les montagnes, derrière, viennent à l’esprit avec des paysages et la vie qui diffèrent du tout au tout. Avec les Pyrénées, les pays de Sault viennent à l’esprit. Avec le Massif Central, la Montagne Noire, le Caroux, l’Espinouse et un peu de ces hauteurs suspendues que sont les causses, c’est un horizon, une ligne bleue vers le nord. 



    Les Causses, des pays rudes, isolés et peu connus si on excepte l’éminent Larzac (912m au Puech de Cougouille / Ste-Eulalie-de-Cernon) dont les croupes pelées s’offrent aux itinérants de l’A75. Ils viennent ajouter à la géographie affective de ceux qui n’ont pas lâché la main du gamin qui contribua à les forger.
    Ce gamin devenu jeune homme a continué de s’émerveiller du lien entre les paysages et les hommes, un envoûtement que les voyages ne pouvaient qu’entretenir. Certes, après nos grands-pères qui faisaient le voyage de leur vie grâce au service militaire, on ne bougeait pas tant qu’aujourd’hui. A une exception près, notable bien qu’aléatoire et que nous devons au sport-roi du Sud, le rugby. En effet, lorsque la providence poussait nos bleus et noirs en phase finale du championnat de France, c’était l’occasion, en voiture ou en bus, de voir du pays, vers les rives du Rhône, l’Ariège, l’Armagnac ou l’Aveyron. 



    Ainsi, au fil de la grimpette au Pas de l’Escalette, lorsque la Nationale 9 en direction de Millau débouchait sur le plateau, un esprit curieux avait tôt fait de voir que le printemps commençait à peine, avec la première fleur, la prime verdure aux buissons, malgré un mois de mai bien entamé. On se dit alors que le climat est rude, qu’on doit vite passer des beaux jours aux mauvais, que les bergeries trapues jusqu’aux lauzes des toits n’ont que l’épaisseur des murs pour se garder des congères et du vent déchaîné. Ici, l’hiver installe ses rigueurs d’un coup, pendant six mois, sept mois même pour le Méjean, plus loin, plus haut, plus enclavé (à suivre)... 




 
photos autorisées commons wikimedia :
1 Larzac depuis le puech de Cougouille  2007 auteur Musaraigne.
2 A75 aire du Caylar (735 m alt / Hérault)
photo personnelle :
3 La Dourbie a séparé les causses Noir (au nord) et du Larzac (au sud) (vue prise vers l'amont, vers l'est).