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jeudi 23 novembre 2023

L’ESTAQUE, la NERTHE, le ROVE, la CÔTE BLEUE...

Les chaînes de l’Estaque ou de la Nerthe, celle de l’Étoile me sont chères à plus d’un titre. 

Le sens, en gros de cet "effondrement", peut-être une submersion moins brutale (?), en limite des canyons et du Grand Bleu... Ceux qui en furent les témoins sauront me corriger... 
Golfe_du_Lion  the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported license Source maps for free.com Author Hans Braxmeier

En premier lieu, elles sont d’un Sud qui partage ses entrailles terrestres... Il y a des millions d’années, peut-être cinq sinon vingt, entre les deux, en tout cas bien avant l’émergence des prémices d’humanité, un effondrement titanesque ouvre le Golfe du Lion (des Lygiens, des étangs). La mer, comblant la ria du Rhône jusqu’à Givors (sur 250 km vers le nord en partant de l’embouchure actuelle du Grand Rhône), a tout couvert hormis l’ourlet sud et oriental du Massif-Central. Dans un mouvement inverse combiné à une baisse du niveau marin, au-dessus du comblement par les fleuves, aux plis modestes des garrigues languedociennes orientés SO-NE (Clape, Montpellier, Costières), répondent ceux de Provence (Estaque, Étoile), de même nature, avec des pins, des kermès, une végétation comparable.  

" Je suis né dans la ville d’Aubagne, sous le Garlaban couronné de chèvres, au temps des derniers chevriers... " Sans évoquer son pauvre frère Paul, disparu si tôt, nous sommes déjà chez Pagnol... 
Village du Rove chèvres du troupeau Gouiran 2004 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Auteur Roland Darré

La chaîne de l’Estaque ou de la Nerthe, ou encore du Rove, plus longue de nom que haute de relief, culmine vers 278 mètres seulement, tout à l’Est, entre les autoroutes qui descendent à Marseille. Victime d’incendies, elle a le mérite de sauvegarder la race des chèvres du Rove, du nom du village de la chaîne, plus remarquables par leurs grandes cornes torsadées en forme de lyre que par le manque de pampilles, ces pendeloques de peau au cou. La race a été sauvegardée, localement, son lait permet de fabriquer la brousse du Rove.

Rove, le nom reste lié à un canal étonnant sinon extraordinaire depuis 1926, en tant que plus grand canal souterrain au monde. 7,1 km de long, 15 mètres de haut, 22 de large, un tirant d’eau de 4,50 mètres à l’origine, des “ mensurations ” notables pour relier Marseille au Rhône, le port à l’étang de Berre. Hélas, suite à un éboulement monumental en 1963 (170 m. comblés, un cratère en surface d’une quinzaine de mètres de profondeur), le grand canal est fermé. Depuis, on se renvoie la patate chaude, on se réunit sur une réhabilitation a minima, à savoir l’adduction d’eau de mer vers l’étang afin d’en renouveler la vitalité.

Mais comme nous languissions, par un bel après-midi d’été, de laisser le village ensuqué de chaleur pour être le premier, depuis la garrigue, à montrer le bleu de la mer, en mieux, retrouvons ici la côte rocheuse, la Côte Bleue, telle la parenthèse de fin qui, ouverte avec celle de la Côte Vermeille ferme, de sa rocaille le doré du Golfe du Lion. 

Côte_Bleue_-_Méjean 2009 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Auteur Florian Pépellin

L'Estaque_aux_toits_rouges,_par_Paul_Cézanne peint entre 1883 et 1885 Domaine public. Changeant de main aux enchères en 2021
C'est celle-là ! un choc, un jour de divagation curieuse, quand ces teintes, en un éclair, me refirent voir d'un coup, derrière la vigne avec le puits de Villebrun où attendait une eau douteuse, le village de Pissevaches, sur son coteau au-dessus de la mer...  

Dire “ la Côte Bleue ” c’est évoquer une beauté naturelle : en attestent les peintres, nombreux, qui ont tenu à en témoigner, à en capturer la lumière, les couleurs suivant le moment, toujours à jouer entre l’instant fugace et l’effort patient nécessaire pour en fixer l’impression sur la toile. Passons, puisque, n’y entendant rien, je me contente d’apprécier les accords orangés et verts de Cézanne, retrouvés même sur les contreforts de la Clape donnant sur notre plage familiale à Saint-Pierre-la-Mer, ses bleus qui toujours nous font fondre, à hauteur de Pissevaches. 

Côte_Bleue le train entre Niolon et la Redonne 2023 Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International, 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license Author Benjamin Smith

Dire “ la Côte Bleue ”, c’est évoquer une ligne de chemin de fer particulière, seule, à moins d’avancer pedibus, à offrir des points de vue uniques sur la portion finale qui aboutit à L’Estaque, déjà au port de Marseille. À pied ou du train, des viaducs et ouvrages d’art, des forts militaires, des petits ports cachés, des sites de plongée du plus haut ou jusqu’à un plus profond rappelant Jacques Mayol, héros du Grand Bleu... À ce que la nature propose de caps, calanques, anses, madragues, sentiers des douaniers, grotte préhistorique, à la beauté renouvelée du paysage s’allie le plaisir de découvrir. Pour les plus passifs, les stations balnéaires de Sausset-les-Pins, Carry-le-Rouet connues pour leurs oursinades de janvier-février (Fernandel, à lui seul, en mangeait une cagette entière... toujours à Carry ; dernièrement, un reportage télé a montré une bande d’amis amateurs de palourdes pêchées à un mètre de fond dans une crique... ). 

dimanche 21 mai 2023

La BULLE de Fleury enfin dégonflée...

Les éléments de réflexion reposent sur le site " Argus des Communes " (chiffres de 2021). Sont pris en compte les villages voisins ainsi que les stations balnéaires du Golfe du Lion, du Grau-du-Roi à Cerbère (sauf Sète, Le Barcarès, St-Cyprien par manque de données). 

Il faut tourner bien des pages d'archives (2014) pour avoir un comparatif de la santé de notre commune particulièrement mise à mal par une mégalomanie propagandiste des socialistes au pouvoir voulant faire communiquer le président Mitterand sous l'eau de l'observatoire sous-marin avec je crois, Jean-Loup Chrétien alors dans l'espace à l'origine (à lier peut-être au duplex réalisé  le 14 décembre 1988 avec le Club Dorothée...). Sinon n'étaient prévus que les vœux du président pour la nouvelle année. Enfin, pour le dire crûment, un entêtement aussi borné que catastrophique des courtisans décideurs vu que le premier couillon venu du coin savait qu'il y avait une arrivée d'eau douce, ex ou résurgence sur le site, rendant le projet impossible pour cause de turbidité de l'eau. 

Moralité : un groupe politique sans opposition audible a tendance à se faire plus gros que le bœuf. À toujours promouvoir l'image du chef, il donne dans le culte de la personnalité. Pour Fleury-d'Aude changeant, et pour cause, de majorité, il a fallu non seulement assumer les pertes mais en plus se défendre de cette élite rose à la tête du département qui bien que coupable au premier chef, nous aurait enfoncés davantage... une version locale du "responsable mais pas coupable"...  

Bref un pouf de 9 millions d'euros dont la moitié pour le contribuable local... plus les intérêts... plus le million pour démolir... peut-être deux à trois mille euros par habitant, qui sait ? (peut-on compter 3000 habitants en moyenne de 1989 à 2019 ?).   

Tous les tableaux  vus en 2014 (chiffres de 2012 ?) restaient accablants pour Fleury et le premier des réconforts, concernant de cette tendance 2021, est de constater que la situation s'est bien assainie grâce aux équipes successives de Guy Sié et André-Luc Montagnier ; le "pour vivre heureux vivons cachés", s'il veut parer un tant soit peu la déferlante touristique, n'est plus aussi catégorique. 

Tour_Balayard_Fleury_d'Aude the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Lefoo


DÉPENSES. La quine de tête des moins dépensiers : Fleury-d'Aude, Le-Grau-du-Roi 1ers,  Leucate 3e, Agde 4e, Valras, Villeneuve-lès-Maguelone 5es. 
Les cinq derniers : Armissan 30e, La Palme, 31e, Sérignan 32e, Cerbère 33e, Palavas-les-Flots 34e. 

Ville-architecturale-de-la-Grande-Motte  the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic Author Jjoulie


SANTÉ FINANCIÈRE. La tête : La-Gde-Motte 1er, Mauguio 2e, Collioure 3e, Port-Vendres 4e, Argelès-s-Mer 5e. 
La queue : 34 e ex aequo Fleury, Coursan, Lespignan, Vendres, Marseillan, Villeneuve-lès-Maguelone. 

Lespignan the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur JYB Devot

COMMUNES en IMPÔTS PERÇUS. Les moins chères : Lespignan 1er, Torreilles 2e, Vinassan 3e, Nissan-lez-Ensérune 4e, 
Les plus chères : Le-Grau-du-Roi 30e, Argelès-sur-Mer 31e, Agde 32e, La-Gde-Motte 33e, Palavas-les-Flots 34e. 
NOTE : à Gruissan, Port-la-Nouvelle, Leucate et Narbonne, les impôts sont plus élevés qu'à Fleury. 

Aude_-_Eglise_Saint-Martin_de_Vinassan the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author EmDee



FRAIS de FONCTIONNEMENT : les plus économes : Vinassan 1er, Lespignan 2e, Armissan 3e, Salles-d'Aude 4e, Portiragnes 5e. 
Les plus dispendieuses : Mauguio 30e, Sérignan 31e, Port-la-Nouvelle 32e, Frontignan 33e, Palavs-les-Flots 34e. 

FRAIS de PERSONNEL (déterminants dans le fonctionnement) : les plus économes : Lespignan 1er, Le-Grau-du-Roi 2e, Vinassan 3e, Armissan 4e, Salles-d'Aude 5e. 
Les plus dispendieuses :  Mauguio 30e, Sérignan 31e, Frontignan 32e, Port-la-Nouvelle 33e, Palavas-les-Flots 34e. 

COMMUNES qui INVESTISSENT (ce qui peut expliquer les dépenses) : les plus actives : Lespignan 1er, Agde 2e, Valras 3e, Vendres 4e, Port-la-Nouvelle 5e. 
les plus inactives : Vinassan 30e, Salles-d'Aude 31e, Ste-Marie 32e, Armissan 33e, Cerbère 34e. 

ENDETTEMENT. Les moins endettées : Cuxac-d'Aude 1er, Gruissan 2e, Port-Vendres 3e, Vinassan 4e, Armissan 5e. 
Les plus endettées : Lespignan 30e, Agde 31e, Marseillan 32e, Vendres 33e, Vias 34e.
 
Église_Cuxac_d'Aude the Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Auteur Meria Geoian

NOTE : si 15 communes (Sérignan, Narbonne, Portiragnes, Cerbère, Le-Grau-du-Roi, Nissan, Port-la-Nouvelle, Valras, Palavas) sont plus endettés par habitant, 18 le sont moins que Fleury. 

REMBOURSEMENT de la DETTE. Les moins impactées : Cuxac-d'Aude 1er, Salles-d'Aude 2e, Port-Vendres 3e, Armissan 4e, La Palme 5e. 
Les plus impactées : Villeneuve-lès-Maguelone 30e, Palavas 31e, Port-la-Nouvelle 32e, Leucate 33e, Agde 34e. 

NOTE si 9 communes ont à rembourser davantage, 24 ont moins à rembourser que Fleury (voir l'intitulé "Santé financière").    
 

 

 

  

   

mercredi 15 février 2023

LA NOURRITURE, avant, dans nos contrées... (1)

Un résumé d'un très bon article " L'alimentation en Languedoc et dans le Comté de Foix de 1850 à nos jours " de la revue Folklore n° 61, hiver 1950, par René Nelli (1906-1982), poète occitan, philosophe, historien du catharisme. 
L'âge me le permettant désormais, je joins, dans le troisième volet, ce qu'on mangeait à la maison et au collège en demi-pension, dans les années 60... et là il faudra m'aider pour tout ce qui m'a échappé... 

Sorgeat licence wikimedia commons 3.0 Unported Author jack ma

Vers 1828, dans la montagne d'Ax-les-Thermes, entre la farine de sarrasin, le lait, les patates et jamais de pain, l'ordinaire était plus que limité. L'auteur confirme les disettes récurrentes de 1845, de 1853. En 1846, le préfet écrivait au ministre " On ne vient pas à bout du désespoir avec des bayonnettes. ". En temps normal, la situation des paysans est aussi misérable qu'insuffisante. Avec 10,20 francs par semaine, un journalier peut à peine nourrir sa famille de 5 enfants sans acheter de viande, seulement 2 douzaines d'œufs. la situation ne connaîtra une amélioration qu'à la fin du XIXe siècle. 

Cassagnoles Montagne Noire Hérault Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Tybo2

Dans la Montagne Noire, c'est un peu mieux si on peut faire venir le cochon, avoir une chèvre et cultiver un potager (légumes verts, graisse, lait). Dans la montagne on cuit du pain de seigle, en moyenne altitude, on mange du millas. Ils ne boivent du vin que pour les grandes fêtes et lors des grands travaux (fenaison, moisson) c'est le propriétaire qui fournit. Du vin ils en auront quand ils pourront se payer une vigne dans la plaine... ce sera toute une expédition pour l'entretenir et vendanger (voir les derniers épisodes des filles du Poumaïrol). 

Pour remplacer la viande, au moins en avoir l'odeur et un peu le goût, il est d'usage d'utiliser le " sabourial ", un morceau de lard plus que rance enfermé dans un tissu cousu, trempé un moment grâce à une ficelle dans la soupe aux choux avant puis mis à sécher à nouveau sous le manteau de la cheminée. 

Ferme caussenarde Causse Méjean Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author HPB48150

Sur les Causses, les gens mangent aussi la soupe aux choux, du lait caillé ou du fromage, des pommes-de-terre, du potage au riz. le pain est toujours d'orge ou de seigle. 

En Lozère, la disparition des grandes fougères fut préjudiciable aux troupeaux qui en disposaient malgré la neige et surtout aux abeilles.

 


Dans les Cévennes, sous forme de bouillies, de galettes, de soupe, de castagnous au lait, les châtaignes permettent de tenir la moitié de l'année. partout, le mildiou a causé une grave crise dans la production de pommes-de-terre. 

Plaine de l'Aude depuis l'Alaric au niveau de Barbaira creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Tylwyth Eldar

En plaine, on mange mieux (80g/j de viande en moyenne (boucherie, volaille, gibier)sinon du poisson, des oeufs et 1/2 l de vin. pourtant, à Carcassonne le pain est la nourriture principale (le Baron Trouvé en donna un détail trop optimiste). Les tisserands ne disposaient souvent que d'un œuf unique écrasé dans une sauce très allongée (farine, ail, persil) pour y tremper le bout de pain. Parfois il y a des harengs mais pas de viande. Les salaires ne permettent pas une nourriture suffisante. Les ouvriers agricoles et valets de ferme sont mieux lotis que les artisans et ouvriers Jusqu'en 1914, la différence de situation était grande entre les favorisés et les pauvres. 

Vue vers Lespignan de la plaine de l'Aude depuis la route entre Fleury et Les Cabanes.

 
Agde le Port début XXe siècle Domaine public Auteur Spedona

Dans la plaine littorale, au début du XXe siècle, on mange de la morue, des harengs saurs, des échalotes, tomates, piments et ail, une nourriture méditerranéenne aussi chez les Italiens et Espagnols qui économisent pour acheter une vigne.  Au bord de la mer, le poisson a nourri la population côtière durant trois siècles (bourrides). L'huile d'olive et le miel ont de toujours augmenté la valeur nutritive de la nourriture.           

dimanche 21 août 2022

La GEOGRAPHIE modèle les HOMMES.

Juste une poignée (18 août 2022)

Vision depuis l'embouchure de l'Aude ; fin de ce panorama en partant des Pyrénées plongeant dans la mer, avec le Lauragais et le Tarn, avant le demi-tour vers le sud pour cette pêche aux tenilles... alors les pensées et l'imaginaire se tournent vers le nord du Golfe, la Provence, son haut-pays et au-delà...  

Saint-Felix-Lauragais wikimedia commons Auteur Asabengurtza

Le Lauragais de la polyculture, des volailles de grain, d’une humanité paysanne des années (50-60) si bien retracée par Sébastien Saffon (roman "Ceux de la borde perdue"). Loraguès aussi d’un cassoulet historique à Castelnaudary. Seuil de Naurouze, pays de cocagne pour le pastel où les moulins tournaient au vent marin devenu d’autan à l’intérieur des terres... Les rigoles de la Montagne Noire qui alimentent le Canal du Midi.

Ce tour d’horizon se termine avec le Tarn « en haut », la vallée du Thoré pour ses laines et le cuir, Mazamet connue internationalement pour sa renommée industrielle et Laurent Jalabert, champion cycliste... Castres pour son rugby et Jaurès, Lautrec, un patronyme que nous retrouverons, plus proche de notre village et là-bas pour un ail rose si doux en bouche.

Libre de plonger dans un panorama sans fond, dans de l’eau pourtant peu profonde, c’est inouï d’être ainsi emporté dans une exploration à côté, plus pittoresque et enrichissante qu’une vacuité de plage à cocotiers... non, je suis partial : à Mayotte aussi une culture ancienne est plus que respectable... " Chaque homme est une histoire universelle " disait Jules Michelet !

Comme le cheval dans la vigne, à un moment donné, au bout de la rangée, il faut tourner dans l’autre sens, surtout si l’instinct dit de revenir sur un possible banc de coquilles, reprendre le piétinement, s’aider de lents zigs et zags pour soulager les reins attelés à la lame qui fait geindre le sable. Tourner le dos aux Pyrénées bleues, au voyage en Espagne. 

Vers un nord toujours du Midi, quelque part à tribord, ce sont les collines de Pagnol, si cousines, par la géologie, par nature, de notre Clape. Avec la Provence, l’occitan vient, de son accent, de ses consonances, confluer avec la langue française même si le mariage entre la Durance et le Rhône n’a pas tenu, à cause des humains, pour l’économie mettant à mal la géographie (détournement des eaux), pour l’ethnocentrisme du français, langue du Jacobin dominant (qu’en est-il, chez nous encore, du romand dit francoprovençal ?). Et pourtant, ce n’est pas une ligne de crête des Alpes, montagne si présente pour l’Europe jusqu’aux Carpates de même nature, qui couperait l’entité occitane puisque la langue est officielle sur l'autre versant, dans les vallées italiennes !

Comme en pendant à l’Espagne, le cousinage avec l’Italie, le brassage avec l’immigration aussi, jusque chez nous bien que plus marqué de l’autre côté du Rhône, au point de figurer dans la littérature, la filmographie, je pense à Manon et aux charbonniers de Jean de Florette ; à Nice, les réseaux sociaux n’ayant pas que du mauvais, Bébert de Garibaldi, par ses dialogues avec sa mémé fait beaucoup pour garder un parler niçard qui nous reste familier !

Et ce cinéma italien, aussi proche des méridionaux qu’il est distant avec l’Europe nordiste ! Le Voleur de bicyclette ou la Strada d’un néoréalisme touché par la vie difficile des pauvres, à la télé, parce qu’au cinéma la programmation préférait  divertir avec les peplums et les westerns-spaghettis. 

La Durance vers Oraison wikimedia commons Auteur Wikicecilia

Pour passer en Italie, sur la route, Manosque de Jean Giono, Sisteron de Paul Arène... Le barrage de Serre-Ponçon (1), Briançon... Il est intéressant de constater que le Sud qui nous anime ne se limite pas à la façade méditerranéenne, Après les Pyrénées, les Alpes, pour Emilie Carles, Marcel Scipion et toujours la Durance descendant de là-haut.  05 Hautes-Alpes, 04, Alpes-de-Haute-Provence, oh la jolie appellation qu’on dit devoir à Jean Giono de Manosque. «L’eau vive», le film, on lui doit aussi. Comment ne pas se surprendre à fredonner «Ma petite est comme l’eau...» mise en musique et en chanson par Guy Béart. Comme la Durance « domptée » est emblématique des hommes triturant la nature à leur profit. En rejoignant Nyons par l’ancienne nationale venant de Gap, serait-ce en passant par la Drôme provençale, l’eau vive de l’Eygues fredonne de même en moi... 

(1) après une longue sécheresse, le lac a enfin vu son niveau au plus bas remonter de 20 centimètres (août 2022). 

samedi 13 août 2022

"La Terre est bleue comme une orange" Paul Eluard.

 Alors, les pieds tanqués dans ce Golfe du Lion en partage, à tirer en arrière ce tenillier des temps nouveaux, ridicule au point de ressembler à une épuisette de gosse, du genre pousseux, contraint qui plus est par un règlement draconien interdisant de se harnacher, parce qu’à force de ne pas aller contre le pillage des professionnels, les autorités l’ont plus facile (comme pour les impôts) de frustrer le vulgum pecus. Oublions. Si labourer le sable est presque un crime aujourd’hui, la lente progression n’évoque pas que la dure condition des travailleurs de la mer si bien nommés par Victor Hugo, dont Yves le pêcheur. 


En effet, pour le plaisir d’une poêle de haricots de mer, libre à nous de voir, jusqu’à l’horizon, celui à poursuivre dans une quête pas si vaine que cela puisque le regard porte au large vers les profondeurs de nos pensées. La beauté de la planète de vie, la présence éphémère des Hommes, l’éternité de la mer. Le ciel offrant son bleu lumineux à la Méditerranée, ces ronds de chaleur qui tournent dans nos yeux tels ces cieux de Van Gogh et, dans le Golfe, ces éclats, ces reflets, bordés de boucles claires d’écume, où dansent des voiles, de plaisir certes, mais toujours aussi blanches.

La Terre ? la terre ?  majuscule ou non ? Bien sûr que si... c'est un élève qui me l'a appris, il y a près de trente ans... leçon inoubliable... un prof se doit de rester modeste... Quant à Eluard, trêve de surréalisme, à propos de notre planète il faut la majuscule ! 

Et tout au bout là-bas, toujours dans un bleu mais qu’un temps de mer idéal estompe et teinte de gris, la pointe des Pyrénées au cap Béar sinon Cerbère et peut-être, déjà en Catalogne, le cap de Creus. L’Espagne voisine, cousine, qui nous est chère pour le dépaysement qu’elle procure, l’authenticité due à un régime politique sévère, asservie qu’elle est par la dictature franquiste (jusqu’en 1975), comme elle le fut, de longs siècles durant, par la noblesse alliée à l’Eglise. Avant de profiter, plus loin, de la Costa Brava, de Barcelone et d’incursions plus lointaines, le rapprochement initié par la forte présence espagnole dans nos départements du sud vaut une prise de contact pour tâcher de savoir qui est l’autre plutôt que de le côtoyer sans se soucier de son altérité. Les premiers pas se font du côté de Port-Bou, Rosas, Figueras, et bien sûr La Jonquera, le Perthus.  

Par dessus la ligne de crête, le peintre Dali, le sculpteur Maillol et les fauves à Banyuls (Matisse, Derain, Braque...), le passeur, berger des abeilles d’Armand Lanoux, Antonio Machado venu finir de tristes jours d’hiver à Collioure, pourtant un si beau site, inspirant, entre autres, les cubistes... Toujours, sous le « clocher d’or » mais aux beaux jours, Charles Trénet, pour la sardane. Toute cette Côte est Vermeille avec Port-Vendres, Banyuls, Cerbère.

Au pied des Albères, Le Boulou, Amélie pour les bains, Céret pour les cerises, le sillon du Tech, les artistes Manolo et Picasso, à Thuir, la plus grosse cuve du monde, Pablo Casals à Prades, la vallée de la Têt, les pêches de l’été qui se vendaient jusque chez nous, sur la plage du camping sauvage, par cageots (on ne disait pas « plateau »).

Pyrène, Cerbère, une mythologie sur laquelle règne le mont Canigou qui s’éclaire chaque année des feux de la Saint-Jean. Il ne domine pas que le Roussillon, l’Empurdan : on le voit depuis la Costa Brava, depuis nos rivages méditerranéens, du haut du Mont Aigoual et, par temps clair, depuis Notre-Dame-de-la-Garde à Marseille ! Bonne Mère !   

Le Conflent : à deux pas de Villefranche, la vieille ferme des parents d’une amitié aux heures comptées... Que reste-t-il des pages qui se tournent ? Les mots sur le papier sont moins volatiles que les électrons octets, bits et pixels... pardon de tout mélanger mais de simples hectares me donnent déjà à réfléchir... 

"... Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté." Paul Eluard. 

Alors, sans la Terre majuscule, où serait la terre minuscule, marron, de la planète Bleue ? Orange il a dit le poète ? sûrement pour le fruit venu d'ailleurs, rare, précieux, unique cadeau que le Père Noël portait...   

samedi 1 janvier 2022

CHEMIN D'ÉCOLE (5) Le soleil roi, les facettes de la mer et des éclats de révolte...

Quel cépage ? Mourvèdre ? Syrah ?

Le chemin des "quaquatre", pas des charrettes non !

Pour quelle raison devrait-on se sentir inquiet, déjà délinquant, hors-la-loi peut-être, seulement pour vouloir prendre des chemins et fouler des espaces naturels ? Ainsi tout doit être possédé par quelqu'un ? A se retourner à peine sur un demi-siècle en arrière, le fait de voir que la propriété privée a pris le pas sur le domaine public semble flagrant tout comme un enrichissement indécent à milliards accompagne l'endettement, lié au covid, d'une communauté nationale si mal servie par les traîtres qui gouvernent. Non mais, vous l'entendez ce ministre de l'économie, transfuge LR, vendu à la macronie, qui nous assène qu'il faudra payer la dette rubis sur l'ongle ?!?! Et s'il se prenait un 1789 dans les dents, cet outrecuidant ? Et si le peuple souverain en venait à faire comme le monarque, justement, Philippe IV le Bel, affirmant "la plénitude de la puissance royale" ? Allez donc demander au Capétien s'il s'est gêné pour capter tour à tour la richesse du clergé, des Juifs, des Lombards puis des Templiers ! Que le peuple prenne exemple ! Qu'il réfléchisse aussi à ce principe peut-être indien mais si humaniste par rapport à de prétendues valeurs occidentales d'accaparement sinon de prédation... la terre, la Terre, n'appartiennent à personne ! 

Bien sûr que, bien qu'étant sur leurs traces, je suis loin de ces digressions historico-philosophiques alors que, tel un maraudeur, en papi indigne, j'essaie de me fondre dans la nature pour ne pas être repéré. Si le manoir des Bugadelles, par bien des aspects, exclut, repousse, évince, le domaine de Camplazens, ouvert, au contraire, ne campe pas sur ses prérogatives de possédant. Et si, dans le sens de ce qui précède, il y aurait à redire sur l'évolution peu positive de la chasse, touché seulement par le désir de découvrir un paysage qui compte pour notre famille, je monte vers ce qui s'annonce déjà comme une fusion entre le ciel, la mer et la fragile emprise des hommes sous un soleil roi. 

Montée vers la barre de Vires.

 

Vue vers le nord.

Vue vers Agde et plus loin, Sète.

Oh mais c'est donc là que la quête aboutit ? D'abord l'impression magnifique de ce paysage sublimé : les éclats de l'astre sur les facettes taillées d'une Méditerranée sertie dans la courbe du Golfe et la griffe, tout au fond, des Pyrénées. Car cette lumière magique reste liée à la courbure, à l'inflexion grandiose du Golfe du Lion, perceptible seulement du regard, une féérie que les cartes, ouvrant pourtant sur les rêves, ne savent pas montrer... 

Font écho, suite à "... l'enfant amoureux de cartes et d'estampes...", toujours de Charles Baudelaire, dans "Le Voyage", ces vers pour dire un peu l'esprit de cette randonnée : 

"... Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme, 
Le cœur gros de rancune et de désirs amers, 
Et nous allons, suivant le rythme de la lame, 
Berçant notre infini sur le fini des mers..." 
 
Et là haut c'est un autre poète qui prend le relais, plus intimiste, familier, déjà rencontré au cours de cette balade : 
 
"... Tout à coup son regard s’emplissait de merveilles :
Depuis le Mont Saint-Clair jusqu’aux Côtes Vermeilles,
Tel un vaste arc-en-ciel sur le sol allongé,
Le sable, de la mer semble prendre congé ;
Le Golfe du Lion secouant ses crinières
Brillait de mille feux et d’autant de lumières
Et, brassant dans l’air pur le bienfait de ses flots,
Enseignait aux humains la richesse des mots...
Plus loin, elle voyait un bras des Pyrénées
Caresser en rêvant la Méditerranée,
Tel un amant distrait : l’œil pourpre du Levant
Tomber, à l’horizon, une larme de sang..."
Pierre Bilbe "La légende du Cascabel". (1) 
 
Les garrigues de Vires.

 

Avec Pierre qui, rappelons-le, a parcouru ce coin en tant que garde, observateur attentif et amoureux d'une nature qu'il aimait tant partager, le cascavèu est le grelot accroché au cou de la brebis, permettant au berger de retrouver ses bêtes et utile aussi pour protéger le troupeau contre les forces maléfiques... 
 
Pas la peine de chercher la chaumière des aïeux, ce n'est pas ici ! Avec, sur la droite, le radar de l'armée, j'étais préparé à ce demi-échec, il est vrai, poussé vers le sud que j'étais, par les panneaux et grillages comme les palombes le sont, lors de la migration, par les rafales d'un cers puissant. Néanmoins, avec la contemplation de ce panorama hors du commun à venir, la déconvenue sera vite oubliée. Et puis, cette barre rocheuse, le vallon abrité derrière, les vignes, les configurations sont comparables. Je suis au-dessus du domaine de Vires, non loin du point de vue, de la belle inspiration de Pierre, à peine plus au nord avec les campagnes des Karantes et Saint-Pierre-la-garrigue à ses pieds.   
 
Au fond la ligne bleue de la Montagne Noire.
 
 
Pour apprécier l'inflexion du Golfe du Lion, il faut choisir un autre moment de la journée.

Ce chemin d'école, dans son trajet retour, qui procure l'apaisement d'avoir, au nom de tous les miens, cherché à réparer un trou de mémoire, laisse pourtant un petit sentiment d'inachevé. Je n'ai toujours pas vu La Pierre, ce refuge lové dans une combe en pleine garrigue, un milieu complètement étrange, sûrement, pour mes aïeux, réfugiés économiques descendus des forêts et monts de l'Arize, passant d'un coup du frais au sec, du froid au chaud, des sapins et myrtilles aux pins et asperges sauvages. Nous ne verrons donc pas encore le débouché de ce chemin d'école qu'il serait peut-être judicieux et moins difficile de retrouver par l'autre côté, en partant de la côte, dos à la mer. De plus, le mot "FIN" a quelque chose de brutal ; dans bien des situations, même positives, il laisse souvent  son goût sucré-salé, aigre-doux, sa pointe d'insatisfaction, comme si on se retrouvait soudain abandonné, orphelin de quelque chose. Alors, pour que ça dure encore, accolons lui un "5", ce n'est qu'un cinquième volet, une balade du cœur à poursuivre...  

(1) Le Cascabel, l'IGN nous le mentionne deux fois. La carte au 25000ème indique deux ruisseaux à ce nom, de ces cours d'eau qui ne savent que rouler la colère des cieux, quelques jours par an. Quand l'un s'en va vers l’Étang de Fleury pour former celui du Bouquet après son cours souterrain, l'autre contribue avec, notamment, le ruisseau de la Combe Figuière (le ravin que seul le chemin des "quaquatre" sait franchir), à former celui de Combe Levrière finissant, hors aigats, en toute discrétion, dans l’Étang de Pissevaches. 

dimanche 21 novembre 2021

LES AUZILS, cimetière marin, fin et recommencement...

 Tous ne sont pas revenus. Comment ne pas s'émouvoir en pensant que nombre de ces marins perdus ont auparavant parcouru cette allée avec aux mains, les fleurs du souvenir, aux lèvres, la protection qu'un croyant demande avant de repartir ? Et pour finir, tout en haut, dans la chapelle, comment ne pas s'élever à l'idée des ex-voto, ces œuvres de longue patience, en signe de reconnaissance, pour remercier le Ciel d'en avoir réchappé. Une sincérité d'âme à laquelle il faut s'accrocher quand un monde pourri, trop facilement admis, s'immisce puisque ces ex-voto furent volés pour alimenter l'amoralité abjecte d'une minorité arrogante gavée de fric, des collectionneurs ne respectant rien. 

Cet ermitage devenu cimetière marin, nous l'avons abordé, à l'occasion de la sardo, le repas de fin de vendanges par Jean Camp avec le personnage de l'ermite et pour décor le chemin montant à la chapelle. Ensuite, tout au long des inscriptions du souvenir, comme une musique de fond, Oceano Nox, le poème de Victor Hugo, " Oh ! combien de marins, combien de capitaines...", nous a accompagnés.

L'heure n'était pas à relever l'exotisme des ports, des mers, des destinations lointaines quand, sortant de sa fatalité pourtant si ordinaire, la mort et ses jeux trop cruels pèse, telle un couvercle, sur le for intérieur. 
Une fois que le silence seul des consciences sied à la solennité du lieu, les mots immortels des grands poètes sont à même de cristalliser un liant permettant aux êtres que nous sommes, confrontés à la marche du temps, de s'épauler, de communier. C'est dans ce cadre que la Pensée des Morts de Lamartine a rejoint notre méditation. 

Ensuite, loin d'émaner d'un hasard, les coïncidences, ces particules d'énergie mentale, récoltées ou fabriquées, savent se rappeler au souvenir, se percuter, se conjuguer. Alors entre en scène Georges Brassens, toujours marqué par la mort trop présente et par le "grave danger" que portent les religions. Il nous chante la partie objective du long poème de Lamartine. 
 
Pour finir et peut-être parce que cette suite de coïncidences encourage à poursuivre dans cette voie, puisque, depuis la chapelle, le regard embrasse le Golfe depuis la Côte Vermeille jusqu'à Sète, après Brassens qui repose dans le cimetière des pauvres, côté étang, Paul Valéry qui, par la grâce de son poème (du moins le début et quelques passages moins hermétiques pour le commun des mortels), a fait renommer "Cimetière marin" celui des riches. Depuis ses allées en pente, le regard plonge vers les flots, "la mer fidèle", "toujours recommencée"...  
  
Sète tombe Valéry (cimetiere_marin)  Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Fagairolles 34
        
"Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée !
Ô récompense après une pensée
Qu’un long regard sur le calme des dieux !..." 

... Et quelle paix semble se concevoir !
Quand sur l’abîme un soleil se repose...
 
... Fermé, sacré, plein d’un feu sans matière,
Fragment terrestre offert à la lumière,
Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux,
Composé d’or, de pierre et d’arbres sombres,
Où tant de marbre est tremblant sur tant d’ombres;
La mer fidèle y dort sur mes tombeaux ! ...

... Le vent se lève!. . . Il faut tenter de vivre!
L’air immense ouvre et referme mon livre,
La vague en poudre ose jaillir des rocs!
Envolez-vous, pages tout éblouies!
Rompez, vagues ! Rompez d’eaux réjouies
Ce toit tranquille où picoraient des focs ! "

Le Cimetière Marin, Paul Valéry (1920). 

Et qu'est-ce que cela peut bien nous faire si l'expression "cimetière marin" est inappropriée ? Au contraire c'est parce qu'elle s'est libérée des chaînes du rationnel, du systématique, du cartésien, qu'elle peut nous emporter dans une fantasmagorie poétique propre à chaque être prédéterminé mais partagée dans sa dimension " D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?"

Sète Hérault Quartier de la Corniche Photo Christian Ferrer Wikimedia Commons  CC BY-SA 3.0

 

"... Trempe, dans l'encre bleue du golfe du Lion,
Trempe, trempe ta plume, ô mon vieux tabellion,
Et, de ta plus belle écriture,
Note ce qu'il faudrait qu'il advînt de mon corps,
Lorsque mon âme et lui ne seront plus d'accord
Que sur un seul point : la rupture [...] 

[...]  Juste au bord de la mer, à deux pas des flots bleus,
Creusez, si c'est possible, un petit trou moelleux,
Une bonne petite niche, [...] 

[...] Déférence gardée envers Paul Valéry,
Moi, l'humble troubadour, sur lui je renchéris,
Le bon maître me le pardonne,
Et qu'au moins, si ses vers valent mieux que les miens,
Mon cimetière soit plus marin que le sien  [...]"

"Supplique pour être enterré sur la plage de Sète", Georges Brassens, juillet 1966. 

Le Krusenstern (quatre-mâts barque russe, 1926) passe devant le Théatre de la Mer (anciennement Fort Saint Pierre, 1743) et le Cimetière Marin. Sète, Hérault, France. Author Christian Ferrer wikimedia commons CC BY-SA 3.0

Les noyés de la tempête de 1797, m'a précisé une fidèle lectrice, ont été enterrés sur place, dans le sable, en deçà et au-delà des caps des Frères et de Leucate...

Paul Valéry, Georges Brassens, Sète, après le gris et le glauque des corps dans les tempêtes, les mêmes bleus de la mer et du ciel, le vert sombre, les pierres blanches de l'Allée des Naufragés aux Auzils, au bord de la Clape pour s'élever plus haut que la mort, toujours plus haut dans l'éclat sans égal d'une Méditerranée sublimée. 

Notre_Dame_des_Auzils wikimedia commons Auteur ville-gruissan.fr


 

jeudi 4 novembre 2021

Gruissan, ses pêcheurs et l'étang de l'Ayrolle (fin).

La longue piste sur la laisse d'hiver rendue à la plage d'été, avec ses passages de sable sec à bien négocier ; la mer, toujours belle, tôt le matin, sous un soleil montant de début juillet, nue sous les écailles miroitantes d'eau soumises au faisceau encore limité de l'astre, vierge de voiles et bateaux avant que le Golfe ne les éparpille ; la plage vide quoique ensuite si peu occupée par de rares parasols. (1)

Quatre kilomètres plus loin, le grau de la Vieille Nouvelle, qui joint l'étang à la mer, au tracé et au flux  changeants. Pour bien s'en rendre compte, le site ami mais remarquable :
      

L'étang ! Perle précieuse dans les bleus ou les verts, suivant l'atmosphère, dans un écrin de sable doré ou, plus à l'intérieur, la verdure mordorée de la végétation des dunes. Puis, à droite de la vieille redoute, la réfraction de l'air réchauffé brouille la forme des pêcheurs de palourdes en un mirage digne d'un tableau de maître, imprimant à jamais la mémoire d'une émotion toujours à vif. Au fond, les pins de l'Île Sainte-Lucie et les caténaires de la voie ferrée qui loin de gâcher le panorama, amènent à se questionner sur les agissements de notre espèce. Sinon, seulement des senteurs de sel et d'iode, loin des pestilences qu'on associe trop mécaniquement aux lagunes surchauffées par les températures excessives. L'eau reste fraîche malgré une faible profondeur relative (0,75 m. en moyenne, 1,5 m au maximum). D'ailleurs,  tout à l'observation des faux cils des siphons d'un couteau, on peut se retrouver carrément au bain dans le courant d'un fossé immergé, artère qui fait respirer et nourrit, fragile garantie pour la vie de  l'étang, appelé ""cannelisse", ce dont je ne suis pas certain du tout...  
 
Photo aérienne. Source Geoportail.  
 
L'Ayrolle, j'en ai eu un aperçu l'hiver, quand le Cers donne libre cours à sa hargne et lève déjà des vagues sur l'étang. Il y avait un pêcheur à Fleury, ouvert, aimant et aimé. Nous le connaissions pour la pêche au globe, à Aude, celle, à la traîne entre Saint-Pierre et Les Cabanes. Je veux parler de Robert Vié. Il m'avait invité à le suivre sur l'étang. Un jour je retrouverai bien quelques diapos sur cette sortie : elles existent. Je n'en ai pas rêvé, lui, sur son betou, dans son ciré jaune, les pommettes rougies par le froid, les doigts gercés. Avions-nous pris des anguilles ? je ne saurais dire. Dans ces années 70, comme aujourd'hui, un camion-vivier faisait régulièrement la tournée. A l'époque Robert me disait que c'était surtout pour l'Italie où l'anguille, fumée ou non, est un poisson de luxe. 


Robert Vié

C'est sûr, j'ai beaucoup à demander aux pêcheurs de l'Ayrolle. Après l'émission, j'oserai, mieux que la dernière fois pour l'escapade à vélo sur l'Île Saint-Martin :    

"... Photos de l'Ayrolle sans la bonne odeur iodée des posidonies que les locaux appréciaient jusque pour les matelas des petits... L'étang est-il, après les calanques de Marseille notamment, envahi par ces autres algues brunes, trop vivantes elles, arrivées du Japon avec les naissains d'huîtres du bassin de Thau ?

Photos des cabanes de pêcheurs et de la cale avec les barques, les pieux et partègues ; les ganguis, trabacous et autres filets des petits métiers de l'étang. Justement un pêcheur, son placide korthal aux basques (il doit se faire vieux le pauvre), charge sa barque . 

"Pardon monsieur, est-ce que, par derrière, on peut rejoindre la route de l'Evêque ? 
- Et non il vous faut revenir jusqu'à l'embranchement... Oh ! mais vous êtes à vélo, alors suivez le canal, la route est au bout !" 
Oh qu'elles ont du chien, ces vieilles baraques, plus ou moins délabrées et pétassées ! Photos !..." 
 
https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2021/09/lile-saint-martin-velo-3-viree-en-terre.html

Il faudrait vous raconter aussi comme la prud'homie les unit et comment les pêcheurs fêtent Saint-Pierre. Cette cérémonie garde un lien certain avec le cimetière marin des Auzils, il faudrait l'évoquer aussi... Quant aux photos, sûr que d'y revenir sera une des priorités : les pêcheurs, heureusement, sont toujours là mais quelques "maisons rouillées", comme le chantait Trénet, menacent ruine. Elles comptent pourtant, elles aussi, pour la mémoire. 

(1) est-ce que les voitures sont autorisées sur ces presque 5 kilomètres de sable ? On comprendrait que la réponse soit NON ! La beauté, la nature se méritent... sous peine d'être vite dénaturées...