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jeudi 21 octobre 2021

Soir de VENDANGES / 10. G.Gaudin, L. Bréchard, F. & J.F. Dedieu.

La plaine de Vinassan commune aussi avec Coursan et Narbonne. Parcourue de canaux (de Ste-Marie, de Lastours, ici de Grand Vignes) partis de l'Aude et débouchant dans les marais en amont de l’Étang de Campignol, ils permettaient la submersion des vignes (avec la contrainte de drains devant être creusés et régulièrement renouvelés). Aujourd'hui des friches ont en partie remplacé ce vignoble à trop haut rendement. A droite, une vigne pourtant... (Photo de fin juin 2020).    

 "... Vous savez les Ariégeois qui descendaient de la montagne n'avaient pas l'habitude de boire du vin. Et là, ils l'avaient à volonté. Ça chauffait surtout après souper quand il faisait bien chaud. Le Parisien avait acheté une maison en bas du village. Le soir il y avait grand bal et on dansait avec les sabots... [...] Moi Clémentine, j'ai dansé plus que mon compte [...] J'ai appris avec les vieux la mazurka et la scottish avant de me lancer dans la valse et surtout le tango... " 

Témoignage de Clémentine Roques (Vinassan), Le Puits de Mémoire, Gilbert Gaudin, 2001. 

 

Caboujolette, quatrième de couverture.

Fin de journée : "... A l’époque des vendanges, un petit bal avait lieu tous les soirs au café. L’animation du village était alors fort grande, les familles de vendangeurs venus d’abord de l’Ariège, puis d’Espagne, non seulement de Catalogne ou d’Aragon, mais aussi de la lointaine Andalousie, mettant une note exotique où résonnaient différentes langues ou divers dialectes et pidgins savoureux. Dès l’arrivée de la vigne, une toilette s’imposait à la fontaine du coin de la rue, et on allait se promener, puis danser un peu. Vers 22 heures, tout redevenait calme : la journée du lendemain allait être encore rude à la vigne, et on serait heureux si les nuées de moustiques voulaient bien se dissiper sous l’effet d’un petit cers (1) salutaire ou d’un vent marin bienvenu sous un soleil accablant..." 

François Dedieu, Caboujolette Pages de vie à Fleury-d'Aude II, 2008, auto-édition. 

Vignobles du Beaujolais vers Avenas 2008 Wikimedia Commons Author Alainauzas
 

 "... La fête se prolongeait souvent tard [...] Il y avait d'abord le repas, puis souvent les chants, la danse. Les jeunes prolongeaient la soirée [...] jusqu'à 2 heures du matin parfois. 

Quand on avait vingt ans [...] on avait la force de vendanger la journée, souvent de travailler au cuvage le soir, et même de bonne heure le matin [...] On avait vingt ans... Ça ne nous empêchait pas de participer aux chants et aux danses. De ce côté-là, les vendanges avaient une certaine attirance auprès des jeunes. [...] nous chantions des chansons [...] du folklore du moment [...] "J'ai deux grands bœufs dans mon étable..." [...] aussi des chansons patriotiques dans le genre Déroulède [...] Et puis l'on proférait des malédictions envers les Prussiens [...] C'était avant 1914 [...]

Il y avait toujours, au moins, un battement de deux heures au minimum avant d'aller dormir. Et l'on dansait, et l'on chantait [...]

Nous dansions les danses de l'époque, bien entendu, les polkas, même les mazurkas [...] Il n'y avait déjà plus, déjà, de danses paysannes [...] Mais nous avions les quadrilles [...] La valse faisait figure de nouveauté,quoiqu'elle eût sans doute non pas un siècle, mais peu s'en fallait..."

"Papa Bréchard Vigneron du Beaujolais", Jean-Pierre Richardot, La France Retrouvée, Rombaldi Éditeur, 1980.  

Quatrième de couverture.

"... Les vendangeurs, parfois logés à la rude, dans la paille, se lavent au puits ou à la fontaine. Ensuite, le village sort de sa léthargie, les rues s'animent, les épiceries, les boucheries, les boulangeries retrouvent l'affluence. les femmes font les commissions pour le repas du soir ; elles prévoient aussi la saquette du lendemain. Les groupes d'espagnols parcourent et remontent les avenues sur toute la largeur de la voie, filles et garçons séparés, recréant l'ambiance ibérique des paseos et ramblas, laissant dans le sillage, avec la bonne odeur du savon, des parfums de patchouli, d'eau de Cologne et de brillantine qui se croisent. Au crépuscule, pour éventuellement favoriser les échanges, las guapas dépassent la limite du dernier néon, ce qui permet aux muchachos de les rattraper pour un madrigal ou quelque flatterie intéressée qui fait rire le chœur des demoiselles sur la défensive..."

Reprise d'un extrait du chapitre Les Vendanges, Le Carignan, Pages de vie à Fleury-d'Aude I, Jean-François Dedieu, auto-édition, 2008. 

(1) le Cers, fort vent de terre local, apparenté au Mistral, soufflant entre Agde et La Franqui, malheureusement trop souvent assimilé à la tramontane...   

dimanche 13 décembre 2020

RAISINS de la PLAINE, CHÂTAIGNES des VERSANTS.... les filles du Poumaïrol...


Châtaignes sur le marché d'Apt 2010 wikimedia commons Author Véronique Pagnier

La finalité du manuel scolaire parle d'autant plus d'elle même qu'elle précise "orthographe, grammaire, conjugaison..." etc, alors que nous nous proposons de continuer notre page sur un produit à part, un fruit de saison qui, après les raisins des vendanges, les coings en pâte ou en gelée, participait à la livrée de l'automne. 

Au village, seulement en montant la rue de la porte Saint-Martin, il y avait au moins quatre ou cinq épiceries proposant des cageots de châtaignes, succédant, en produits d'appel, aux caissettes rondes, en bois tendre, des alencades salées bien rangées en éventail. Ces harengs, marquant la présence des vendangeurs espagnols, exprimaient un exotisme ravigotant dans une mentalité villageoise pour le moins retranchée. Les châtaignes, elles, outre de corriger la perception qu'on avait alors de l'étendue de la plaine, accentuée par le moutonnement toujours recommencé des vignes en monoculture, alors qu'au Nord-Ouest, la vue distincte de la bordure méridionale du Massif-Central confirmant l'aspect d'amphithéâtre depuis l'Espinouse et, en descendant vers la côte, les garrigues, le Minervois, marquaient aussi la présence d'une main-d’œuvre de Mountagnols, décrochant d'un millier de mètres, plus avant dans le temps, pour la récolte des raisins, quand ce n'était pas pour d'autres travaux.   

Les filles du Poumaïrol, descendues pour les vendanges, ne remontaient dans la Montagne Noire qu'avant Noël, après les pommes, les châtaignes de l'Argent-Double, et en bas, les olives et parfois les premiers sarments à ramasser !  

Châtaigne Cévennes wikimedia commons Author historicair 29 décember 2006 UTC 15 h18
 

P. Andrieu-Barthe parle d'elles dans le numéro 156 de la revue Folklore (hiver 1974) : 

"... Les Châtaignaisons duraient une grande partie du mois d'octobre et parfois de novembre 

Portant un grand tablier de sac relevé en sacoche, des mitaines aux mains, elles ramassaient les châtaignes tombées à terre, armées d'un petit marteau de bois, "le massot", pour ouvrir les bogues piquantes.../... Le soir à la veillée, elles rangeaient la récolte du jour à l'aide d'un grand tamis "la clais" suspendu au plafond, dont le fond grillagé calibrait les fruits. Les jours de pluie, elles triaient les haricots secs, les petits "moungils" réputés ou "enfourchaient" les oignons, c'est à dire les liaient par douze sur des tresses de paille de seigle. C'était, avec les pommes-de-terre et les navets noirs, la principale nourriture du pays. 

La récolte des olives était redoutée à cause du froid et celle des sarments aussi car le vent glacé de Cers balayait la plaine. Elles attachaient solidement "la caline" sur leur tête et glissaient sur leurs vêtements des blouses de grosse toile. Les voyageurs étrangers qui passaient, remarquaient avec étonnement ces femmes qui paraissaient en chemise, en plein hiver, dans les vignes.../

... Ces filles du Poumaïrol étaient réputées pour leur vaillance à l'ouvrage ; robustes et fraîches, leur gaieté résonnait en chansons et plaisanteries, parfois d'une rustique verdeur. Les gars des villages, émoustillés par leur venue, se livraient à des farces d'usage, faisant enrager les employeurs, qui se croyaient, à cette époque, responsables de la vertu de leurs employées. 

Mais, depuis la guerre de 14, le plateau du Poumaïrol s'est lentement dépeuplé, les belles haies de hêtres sont retournées au taillis, les prairies se plantent de sapins et les filles sont descendues vers les usines du Tarn où leur gaieté n'est plus si sonore. On ne mange plus de châtaignes et de haricots, la diététique moderne les ayant rendus suspects, à leur place croissent les genêts et la broussaille, et qui se souvient encore des chansons des châtaigneuses ? 

"... Barraquet eit mort
Eit mort en Espagno
E l'en enterrat amé de castagnos 
Ah ! qui pouyen trouba
Per la Barraquetto
Ah ! qui pouyen trouba 
Per la marida
Las castagnos et le bi noubel 
Fan dansa las fillos, 
Fan dansa las fillos. 
Las castagnos et le bi noubel 
Fan dansa las fillos et lou pandourel."

 

lundi 2 septembre 2019

LES FEUILLES VERTES DU DERNIER VOYAGE / les vendanges à Fleury.


Mardi 2 septembre 1997. « … Les vendanges ont à peine commencé, et je crois que cette année-ci ne comptera pas parmi les meilleures, le raisin n’ayant guère profité des chaleurs pourtant relativement modérées du mois d’août… » 

Samedi 20 septembre 1997. « … Il devait repasser mais n’est plus revenu dans les parages. Il a dû participer à « la sardo », le repas de fin des vendanges qui s’est vraisemblablement déroulé dans la maison de « l’oncle Maurice » […] Les vendanges se terminent petit à petit sans que nous nous en apercevions : les bennes métalliques se font rares sur les chemins, de même que les machines à vendanger… » 

Vendanges  en_Corbières_(1975) Fonds André Cros Archives municipales de Toulouse.

Dimanche 19 septembre 1999. « … Les vendanges battent sans doute leur plein, mais à part quelques grosses machines aperçues de temps à autre, rien ne le laisserait supposer. Où sont les vendanges d’autrefois, avec leur flux de « mountagnols » et d’Espagnols occupant les maisons fermées le reste du temps, la vie vespérale du village revigorée pour un petit mois, en attendant le cliquetis des vieux pressoirs ?.. »

Dimanche 23 septembre 2001. « … nous allons nous mettre au rythme « demi-saison » d’après les vendanges. Ces dernières se terminent dans une indifférence absolue de notre part : aucune fièvre perceptible, aucun mouvement de foule, pas de bal le soir, pas de chariot orné dans chaque comporte des petits sarments aux feuilles vertes indiquant « le dernier voyage », pas de vendangeurs étrangers se lavant à grande eau aux bornes-fontaines des coins de rue, pas de « colles » bruyantes dans les vignes, tout cela a bien disparu… »   

mercredi 31 octobre 2018

VENDEMIOS… VENDIMIAS, vendimiadores / Les vendangeurs espagnols.



Alors qu'une vague de froid nous surprend après un mois d'octobre jusque là si chaud et que même lou razimage, le grappillage est compromis, revenons vite sur cette période bénie des vendanges et "l'exotisme espagnol" s'y attachant, dans ce Languedoc qui fut jadis le plus grand vignoble au monde ! 

LES ESPAGNOLS. 
Longtemps frontaliers et clandestins s’ils ne décidaient, à terme, de s’installer, forcés et si mal accueillis lors de la Retirada (début 1939), la fuite des Républicains devant les troupes franquistes, ensuite au gré des crises économiques, du chômage, du niveau de vie même si l’Espagne s’est épanouie et modernisée au sein de l’Europe, dans notre Midi viticole, les travailleurs espagnols ont apporté à la population permanente et forment un contingent de vendangeurs longtemps indispensables et toujours présents d’ailleurs à présent que la récolte manuelle garantit un produit final de qualité.  
   



COMMENT VIENNENT-ILS ? 
Ce flux de travailleurs s’est mis en place avec le temps. Dans le Biterrois, des propriétaires ont envoyé un recruteur juste après la frontière, dans l’Empurda. Par la suite c’est officiellement que ce flux de travailleurs s’organise. L’employeur qui connait ses employés leur communique la date des vendanges, l’Office d’Immigration espagnol à Figueras vérifie leur santé et remet un bon de voyage (14 F pour l’Aude en 1961). Au niveau du département d’accueil, les vendangeurs étaient enregistrés pour un mois mais pouvaient prolonger même pour la cueillette d’autres fruits. S’ils changeaient de département, un deuxième contrat était nécessaire.

C’est aussi à Figueras que les trains spéciaux de vendangeurs sont formés. Les travailleurs vont descendre tout au long du parcours, surtout dans les Pyrénées Orientales, l'Aude, l'Hérault, le Gard, attendus à la gare par le patron qui les amène à la propriété.

Il existe aussi des impresarii chargés de former des colles, des équipes de vendangeurs, des cuadrillas souvent issues d’un même village. Ils peuvent organiser le transport par car.

Comme pour tout, certains opèrent honnêtement d’autres abusent et appliquent des frais abusifs de dossiers ou sur le transport.     

En 2018, certains forment des groupes qui commencent dans les zones les plus précoces et terminent là où les vendanges sont tardives et les vendangeurs espagnols se font embaucher dans la France entière. 


Nous devons les superbes photos à André Cros, photo-reporter au journal Sud-Ouest agence de Toulouse, jusqu'en 1988. Le journaliste a confié des milliers de photographies dont celles de ces vendangeurs dans les Corbières (si quelqu'un peut préciser à proximité de quel village sont ces moulins qu'on voit sur l'une d'elles) aux Archives Municipales de Toulouse qui les met gracieusement à la portée du grand public... Un grand merci à cet Internet du partage ! 

samedi 20 octobre 2018

VENDEMIOS… VENDIMIAS, vendimiadores / L’Europe des vendanges aux accents de l’Espagne.

Les mots tant occitans qu’ibériques voisinent et se ressemblent. Latins, voisins, cousins, les Européens du Sud ont entretenu et perpétué les échanges, souvent la force de travail contre une rémunération, un différentiel de niveau de vie jouant, aggravé parfois par les crises économiques et les intransigeances politiques. Ainsi notre arc méditerranéen, surtout pour ce qui ressort de l’agriculture, a vu arriver, de Menton à Banyuls, sur un gros siècle d’Histoire, des Italiens et des Espagnols. L’injuste inégalité sociétale et la prise de pouvoir par des régimes autoritaires et fascistes de Mussolini et de Franco, ont poussé les plus exploités, les plus pauvres, à migrer. Parmi ces migrants d’abord saisonniers, certains se sont installés à terme ; un mouvement toujours d’actualité, bien que plus modeste.

A Fleury, on les remarquait surtout pour l’animation aussi entraînante qu’exotique qu’ils apportaient aux vendanges. Le reste de l’année, au contraire, la colonie espagnole restait des plus discrètes, solidaire pour résister aux jalousies, aux pulsions xénophobes confortées par une minorité d’imbéciles malheureusement plus voyants et audibles qu’une majorité ouverte mais silencieuse, elle.
« Espagnol de merde ! », « travailler comme un Espagnol » ! J’avais moins de quinze ans… pas besoin de demander, de me référer à qui, à quoi que ce soit pour être vraiment choqué par ces invectives à l’emporte-pièce et sans fondement ! Comparaison n’est pas raison dit-on mais force est de faire un parallèle entre ces mouvements européens et les migrations actuelles, extérieures à l’Europe, sous-tendues par une religion d’essence aussi hégémonique qu’agressive. Le roi Hassan II ne disait-il pas que contrairement à un Européen un Marocain ne deviendrait jamais français ?
A Béziers la place d’Espagne ne l’est plus que de nom et c’est plus flagrant encore si on évoque l’historique de la colonie espagnole de la ville, celle qui fait la meilleure paella de la feria.  


            
  Luis Iglesias Zoldan, son président, rappelle que tout fut loin d’être rose :
 « Les Espagnols venus pour travailler dans les vignes fin XIXème ont mis 31 ans avant d’avoir le droit d’être soignés dans les hôpitaux publics : au départ la colonie espagnole leur servait de mutuelle…/… les vendangeurs qui arrivaient par wagons dans les années 60 étaient exploités dans des conditions indécentes… » mais que finalement en restant espagnols de cœur, sans renier leur origine, leur sensibilité identitaire, ils sont toujours allés vers un multiculturalisme d’intégration solidaire et fraternel…


 Comment ne pas évoquer encore, complètement antagoniste, la menace de dhimmitude que fait peser l'intégrisme inhérent aux métastases islamiques !

dimanche 14 octobre 2018

VENDEMIOS VENDEMIAIRES, TOUMASSOU E POULETTE ! (1) / Vendanges et vendangeurs

 
Pied de carignan au Mourre (route des Cabanes).

Il faut savoir parfois se laisser aller à rêver, à revoir des scènes qui restent lorsque l'on a vécu l'importance au moins annuelle de la récolte des raisins, cette fièvre vitale alors pour tous nos villages viticoles... Car elle était la vie même... Habituées à l'agriculture spéculative, à une réalité de l'agro-business, aux investissements devant rapporter du profit, les générations du XXIème siècle réalisent-elles que la croissance pour la croissance ne peut que mener au désastre ? Jusque dans les années 70, las vendemios et les vendemiaires respiraient la vie sans puer le pognon...  

Calqué sur le mot latin, "vindemia" signifiant "récolter le vin", vendemia (ou bendemia) veut dire "vendanger" en occitan, las vendemios sont les vendanges, les vendemiaires les vendangeurs... 

Pau Vezian (1869 - 1952) nascut a Galargues (Gard) foguèt felibre del Vidourle. Escrivet de poesios. Aqui un estrach, la fin de "Per Vendemia" :

"... Dei Cevenos d'azur fin qu'à la Mar latina
Rajo à desbord lou vin - gloria dau bèu Miejour -
Que coungrelho la gau, lou rire, amai l'Amour !"

L'ivresse, la joie, l'amour, la jeunesse et la petite larme des vieux si proches de leurs vingt ans tant qu'ils peuvent rentrer dans les vignes et mener la rangée...  Le vin exaltant en tant que produit noble et naturel, devant être perçu à présent d'abord comme nocif et dangereux, le commandement n° 1 de la société moralisatrice si ça l'arrange étant de "consommer avec modération". Toujours diriger, régenter, penser pour les autres plutôt que de les laisser à leurs responsabilités, c'est une des caractéristiques des dictatures pour l'instant molles mises en place par une oligarchie imposant une mondialisation prétendument heureuse !
Oh comme tout se télescope ! Pour ne pas enrager à cause de cette "modération" prônée avec un zèle aussi nul qu'automatique, je préfère celle du jeune homme de sortie avec les copains et qui assure "Papa, ce sera avec parcimonie et à bon escient". Encore inquiet, le père y va encore d'un dernier conseil "... Avec l'Arménien, soit, mais méfie-toi du Corse quand même !" 

Les vignes de mon grand-père Jean, propriétaire, petit certes mais qui le mentionnait, en particulier sur la plaque bleue apposée sur le chariot ou la jardinière, rapport au danger bolchévique, le couteau entre les dents !


Cette histoire de parcimonie, était un des classiques de papa ! Se laisser aller pourrait amener à divaguer pourtant ces digressions éclairent néanmoins notre propos. D'un côté, le vin plutôt du Sud et en tant que tel critiqué, décrié, en bon français, par une élite nordiste autoproclamée. De l'autre, la transformation d'un produit de la Terre, due à l'homme parlant d'égal à égal avec Dyonisos ou Bacchus... Une magie, un prestige qu'il est inutile, dans une modernité accaparatrice de récupérer en tant qu'"alicament", une noblesse aussi altière que naturelle, portée par une langue occitane digne, elle, de n'avoir jamais conquis ou soumis des voisins par la force...

Une langue magnifique au même titre, dans sa variante languedocienne, que le ciel, le vent, la lumière du Golfe du Lion jamais loin, qu'Estieine Barraillé a su aussi faire chanter dans son poème VENDEMIOS :

"... Pes camins boun matin las colhos adraiados
Arriboun al traval avant soulel levat ; 
Dins lou felhum roussenc vite soun alignados
E lou bruch des ferrats semblo un tambour que bat..." 

Une langue vivante et plus simple aussi, de la vie de tous les jours, parfois mâtinée de français et de savoureux pidgins hispaniques (les passages sont extraits du livre "Caboujolette / Pages de vie à Fleury d'Aude 2 / 2008 / François Dedieu)  :

"... En vendange : Toumassou, dans la vigne du Prat où on trouvait près de vingt escargots par souche :
« S’en pas aïci per lous cagaraous ! (« On n'est pas là pour les escargots ! » Préméditait-il qu'il viendrait eles ramasser en premier ?)
Il lui arrivait d’en manger un, cru, à l’occasion, pour impressionner un auditoire dégoûté..." 



"... La « bana » c’est la corne (de bœuf ou d’un autre animal) et aussi la poignée (d’une comporte par exemple). Dans l’histoire, c’étaient les cornes du mari trompé. Cela me rappelle une histoire de Toumassou, pendant les vendanges, un jour où, dans l’après-midi, Paulette Sanchon était venue. 
Il lui dit : 
« Tu sais, Poulette (1), la différence entre une tartugue et un cagarot ? » Nous traduisons (tortue  et escargot). 
Non. 
Eh bé : tous les deux portent soun oustal sur l’esquino ; mais le cagarot, il a des banes. Tu as compris ?  (ils ont la maison sur le dos mais l'escargot il a des cornes)
– Ah ! ça, non, alors. 
Eh bé, serco bo, et coupo dé rasins (cherche-le et coupe des raisins). » 
Paulette 1938.

On rigolait souvent ainsi pour les vendanges…

Passi per moun prat, moun counté es acabat. Bons baisers..." 


Toumassou, un de ces personnages formant la trame d'une chronique villageoise aussi bonhomme que microcosmique :

"... A Joie (un tènement au bord de la rivière, Toumassou rentre dans le cabanon, décroche la poêle couverte de poussière et de tatiragnes (araignées), et sans plus de cérémonie, casse ses œufs :
« Bèèh ! et tu ne la frottes pas, avec tous les rats qui passent dessus !
– I jamaï qué dé rats ! (Ce ne sont jamais que des rats !) »

Toumassou prétendait, en parlant de sa femme qui en faisait quatre comme lui :
« Oh ! si se vol pas leva, tiri lou matelas et tout aco dins l’escalièr ! (si elle ne veut pas se lever je tire le matelas et tout ça dans l'escalier !)»

A tante Céline qui lui disait :
« Pas la péno de te pressa, manjaras pas aban nous autris ! (pas la peine de te presser, tu ne mangeras pas avant nous autres !)
– Oh ! savi bé qué per la maïsso ! (je sais que pour la bouffe = ce qui vous passe entre les mâchoires !) »

Toumassou (le petit Thomas) Alban Biau de Salles avec qui nous avons vendangé plusieurs années. Il travaillait parfois pour l’oncle Noé, a été également ramonet pour Henri Carrière, après Bantoure, et estropiait le français de façon plaisante :
« Je te l’avais pas fa bu ? C’est ma nebeude ! (je ne te l'avais pas montrée ? C'est ma nièce !) » (rapporté par Pujolet le peintre).
« Je l’ai compris au remènement des pots (au remuement des lèvres) »,
« Le cagarot, il a des banes »,
« Dans un obus, quand ça pète, es pas tant lou machin que fa mal, ès mai que mai lou dacòs (plus que tout, c'est le truc) (2) ! »,
« Quand eri sus la Côte d’Usure (Toumassou faisait son numéro !), vejeri qu’abion uno guerro d’azur (j'ai vu qu'ils avaient une guerre d'azur )» etc. c’était le frère de « Thomas de les huîtres ». 

Carnaval : lors des préparatifs pour carnaval, Toumassou prend place dans un cercueil (allez savoir pour quelle mascarade encore ? Nous sommes au premier étage et ses camarades qui viennent de fermer le couvercle plaisantent et parlent de le jeter par la fenêtre :
« Eh ! fasetz pas lous couillouns ! (Ne faites pas les couillons !) » se défend une voix étouffée…  

(1) En 1968, la chanson de Montand "A bicyclette" semblait avoir été écrite pour elle : 
"... On était tous amoureux d'elle
On se sentait pousser des ailes
A bicyclette..."

(2) “Dacòs” désigne un objet ou une personne dont on a oublié le nom : presta-me lo dacòs, prête-moi l’objet ; dacòs es pas vengut, un tel n’est pas venu’.