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samedi 1 octobre 2016

ITINÉRAIRE D’UN ENFANT GÅTÉ (V) Vers les trépidations d’un monde moderne

Quelque part à gauche, Sacy, le village de cet écrivain qui se crut longtemps sans racines, sentiment révélateur du manque d’humilité des hommes avant qu’un ferment de sagesse ne vienne, avec les ans, les faire douter. Avec lui et sans évoquer pour autant et pour changer, des souvenirs de géographie avec la Champagne Pouilleuse, nous ressentons la réputation inhospitalière, marneuse, insalubre du bourg, en bas, comparée à la saine atmosphère du plateau que les voisins d’en haut se plaisent à exagérer. Ce que je garde, néanmoins, de cet homme de lettres savoureux et chaleureux, est le lien qu’il a su rétablir avec sa terre, ses racines «... je sens que ce village et ce terroir, ce minuscule finage entre quatre vallées, entre la Cure et le Serein, instillent peu à peu en moi leurs vignes, leurs forêts, leurs pierres jaunes et tendres, comme un sang séculaire revenant dans des membres longtemps ankylosés...» Jacques Lacarrière, Chemin faisant, 1977. (1) 


Des éoliennes ; on croirait les toucher tant elles sont proches. Est-ce leur stature ou la solennité des grandes pales tournant lentement qui me font songer à une croix de Lorraine monumentale, plus vers l’est, celle de De Gaulle, LE grand homme politique des soixante-seize dernières années...
Le paysage a changé, ce sont désormais de grands champs. La moisson est derrière nous ; un gros tracteur passe dans les chaumes peut-être pour casser la croûte qui étouffe la terre ; un nuage de poussière l’escorte ; ce mois d’août est très chaud, marqué par le manque d’eau et à présent la canicule. Dans l’air conditionné d’un train à 300 à l’heure, on l’oublierait presque. Plus que dans cette Bourgogne de pays enclavés, couverts de forêts, seulement traversée par les autoroutes et le rail à grande vitesse, ici les hommes sont plus à leur affaire : la rivière se double d’un canal, les voies ferrées deviennent multiples, au loin des nuées de condensation couronnent les tours d’une centrale (2). La voie longe l’autoroute (A5 après vérification) où même les voitures semblent faire du sur-place.  

     
Voici un autre village, original avec son petit clocher noir, grillon des foyers ! Comment se nomme-t-il ? Il y a bien une église marie-Madeleine dont le clocher vrille paraît-il mais ce n’est pas celui de Fouju. Rien à Crisenoy non plus pas plus que pour la collégiale Saint-Martin de Champeaux. C’est foutu ! Pour Yèbles, un site parle d’une maire noire et musulmane. Chou blanc encore ! A moins que ce ne soit celui de Courquetaine, sombre sur ses murs de pierre blanche.
L’arrêt à Marne-la-Vallée-Chessy est annoncé ainsi que la correspondance surréaliste pour Quimper ! « Disneyland station » est devenue une destination y compris pour ceux qui viennent de sortir de l’avion à Roissy. 


Roissy Charles-de-Gaulle. J’aurais voulu saluer Thomas, l’aîné si dévoué et si gentil pour ses petits frères mais n’était-ce pas aussi mettre l’accent sur le handicap de son cadet ? Nous sommes partis comme des voleurs... Les premiers en bas attendent de voir le quai se présenter à droite ou à gauche. Une jeune femme appuie à plusieurs reprises pour l’ouverture de la porte. Une autre a du mal, avec les marches, à engager les roues de la poussette. Sinon, pas d’énervement entre les sortants et ceux qui ne seront tranquilles qu’une fois à l’intérieur. 
La gare est fonctionnelle, l’ascenseur pas trop surchargé. Le temps de se retourner, si le point info est fermé, un panneau géant indique bien "Terminal C".
Flo remarque un A380... d’Emirates. File d’attente pour le vol vers La Réunion. Dommage d’avoir raté l’enregistrement en ligne. Dans la salle d’embarquement deux ou trois enfants impossibles braillent et courent partout. Quoi de plus normal pour des parents impassibles.
L’avion est plein de gosses d’ailleurs... mais ceux de ma génération qui en ont fait trois doivent aussi se poser les questions. En 1950 nous étions 2,5 milliards, multipliez par trois pour chiffrer, en gros, la population mondiale actuelle. Le vin commandé pour la dînette vient stopper net mes projections sur la planète : c’est un Côtes de Bourg 2012, un Château Lorette... buvable coupé d’eau... Ne valant pas tripette, quoi ! Mais que vaut le palais d’un languedocien culotté, à en croire les indécrottables, par les piquettes ?               

(1) Sa terre, celle des aïeux, entre Auxerrois et Terreplaine, le pénètre le jour même où il revient voir la maison léguée par la grand-tante à ses parents. Un vieux assis au soleil le regarde avancer, et à son grand étonnement :
« "C’est bien toi, Jacques ?... /... Tu ne te rappelles pas. Tu étais trop jeune. je suis le père Delphin. Tu venais en vacances ici, tout petit et je t’ai souvent pris sur les genoux. Je t’ai reconnu depuis l’église. Celui-là, c’est Jacques je me suis dit. Tu marches exactement comme ton père et ton grand-père." De ce jour, j’ai aimé Sacy pour l’accueil et le sourire de cet homme. »  
(2) L’Armançon et le Canal de Bourgogne, ensuite la centrale de Nogent s/Seine visible depuis Montereau-fault-Yonne Ladite ville tient son nom de sa position géographique au confluent de l'Yonne et de la Seine "à la fourche de l’Yonne". Mais « fault »  a été surtout compris par "faillir", "se perdre"... est-ce vraiment l’Yonne qui se perd dans la Seine ou l’inverse ? 

Photos autorisées commons wikimedia : 
1. village de Sacy chez Lacarrière auteur Roland Godefroy 
2. Nogent sur Seine La centrale vue de la D951 author AntonyB
3. MLV–Chessy auteur Clem from Paris, France

samedi 24 septembre 2016

ITINÉRAIRE D’UN ENFANT GÂTÉ (IV) La Bourgogne profonde

Préalable : ce carnet de voyage est rempli d’erreurs assumées. Les corrections, grâce à l’Internet, ne viennent qu’après coup, en notes de bas de page. Merci.

Après le Café du Loup, une autoroute en direction du nord-est se remarque... Vers Dijon ou déjà vers la Lorraine (1) ? Toujours douter, principe aussi sage qu’universel. Réfléchir, quel qu’en soit le prétexte, par plaisir, pour contrebalancer les impressions trompeuses. 

Des grognements venus d’ailleurs se font entendre et comme quand elle lui a fait baisser le son de son jeu, la mère arrive à faire taire son second en répétant fermement « Non ! Non ! Non ! » tout en le pointant du doigt.
Qu’il faut être courageux pour élever un enfant trisomique ! Et pour en désirer un troisième ensuite ! Sinon, ce courage là ne s’appelle-t-il pas simplement et seulement "amour" ? L’acception d’un mot si banal s’oppose aux significations diverses qu’il revêt, complexes, déclinées comme autant d’exceptions sur-mesure. 


Sur un coteau, un village et ses pivots jumeaux, le château et l’église (2). Jusque là, les localités (le doit-on à ces vallons multiples et reclus de Bourgogne avec en bas les veaux au pré et les bois sur les croupes ?) vouées, on dirait depuis toujours, à l’élevage des charolais à viande, ne sont pas enlaidies par ces lotissements si communs partout, certes fonctionnels, adaptés au présent, mais se fondant difficilement avec l’architecture et l’histoire du pays. Quelque part à droite, Henri Vincenot (3) a enlevé les ronces pour rebâtir un hameau perdu... Quelque part dans la forêt, j’imagine le chêne vénérable qu’il étreignait de ses deux bras pour fortifier tant le corps que l’esprit... 


Sur ce rebord où naissent tant de cours d‘eau partis sillonner le Bassin Parisien, la maison typique présente des dimensions modestes : un parallélépipède plus haut que large coiffé d’un simple toit à double pente où l’ardoise a remplacé la tuile des bords de Saône. Qui a connu, au dos des boîtes de cacao (mais je peux me tromper), ces petites maisons des pays de France à découper puis à monter ? La magie d'un volume qui prend forme grâce à d'insignifiants onglets ! Qu’est-ce que j’ai pu aimer la cave du vigneron, l’étable attenante, la treille sur l’entrée bien exposée, le pigeonnier, ces noms de provinces, toute une géographie historique faisant autrement rêver que le blouguiboulga imbuvable des régions aujourd’hui empilées, jumelées, conglomérées, triturées par nos politicards dévoyés ! 


Petite rivière qui t’attarde sur le sable de tes contours concaves, qui es-tu ? Ce sont encore les vacances et je crois voir des gamins qui font tourner des moulins, d’autres qui cherchent des écrevisses sous les racines tandis que, plus sérieux, un grand surveille son bouchon. C’est seulement un des effets de l’anachronie passéiste qui m’affecte : la petite rivière (4) serpente, solitaire, sans même la vache regardant passer le train... 

(1) le Café du Loup (Saint-Martin d’Auxy / Saône & Loire). Sur le site http://www.cafeduloup.com/indexPC.htm, une photo de l’établissement avant 1903 ! De nombreux voyageurs l’ont découvert et le scrutent depuis le TGV : de nombreux messages en témoignent.  Pour les menus, il faut attendre le 26 septembre, date de la réouverture. Et si quelqu’un peut nous dire si les loups y étaient jadis plus nombreux qu’ailleurs...
L’autoroute, elle, se trouve plus loin : il s’agit de l’A6, à hauteur d’Avallon.
(2) Quel village ? Sur la carte, un nom se présente : Sully... Sauf que, si la mention du nom d’un vieil ami perdu m’a aussitôt frappé (je lui ai écrit aussitôt), le château, lui, est plus "Moyen-Age" que "Renaissance". Voyons, après l’autoroute... bon sang mais c’est bien sûr ! Ce ne peut être qu’Époisses ! Cela valait bien la peine d’en faire un fromage !  
(3) « L’alezane encensait au mitan de la sommière » Ma préférée ! Dire que son professeur de lettres, oublieux de l’histoire des mots, osa prétendre que ce n’était pas du français ! Tout un symbole !
Et en remontant sa trace, je tombe visiblement sur "La Billebaude" offerte (magie du Net) et que je vais illico relire plutôt que de débiter mes sornettes !
(4) Un ru juste après Époisses ou le Cléon ?.. de quoi en entretenir le charme... 

photos autorisées commons wikimedia
1. Château d’Époisses / auteur Cjulien21. 
2. Le pays d'Henri Vincenot / auteur Samrong01. 
3. Ce style de maison, pas le château et ses vignes author Havang(nl).