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jeudi 21 mars 2024

Les farinettes (le MILLAS).

Dans la revue FOLKLORE, numéros 147-148, Automne-Hiver 1972, Myriam Marfaing a recueilli les témoignages de ses mère et grand-mère sur ce qu'on mangeait à Sainte-Colombe-sur-l'Hers. Elle y évoque le milhas (ou millas).  

C'est terrible, parmi les photos autorisées, il faut qu'elle vienne du Cameroun pour avoir une marmite sur un feu de bois ! Je veux bien penser que je cherche mal (Pixabay en dispose mais impossibles à éditer)... Il y a bien dans un livre scolaire l'illustration en noir et blanc enrichie de vert d'une de mes poésies préférées, « La Marmite » de Maurice Fombeure mais là encore les droits d'auteur empêchent de faire figurer et le dessin et la poésie... Bref, chez nous, dans la cheminée, la pairolo cuisait sur un trépied. 

Ou alors du milhas, à la base, une bouillie de farine d'orge ou de millet. puis de maïs, tournée avec de l'eau ou du lait mis à cuire avec du saindoux ou de la graisse d'oie (milhas noir dans l'eau de boudin lors de la “ fête ” du cochon... étalée sur un linge à même la table ; la bouillie solidifiée se découpe, elle se mange salée ou sucrée, peut être frite.  

La cuisinière étalait cette bouillie sur un linge posé sur la table Ce milhas était fait, au moment du repas, versé sur un linge directement sur la table et servait de pain : quelquefois grillé. 

Et si on essayait le millasson ou millas 
etsionessayait.blogspot.com
 

Suite à ce que nous précise Myriam Marfaing, un extrait de Caboujolette ; mon père y parle des “ farinettes ” une vie d'avant, pas si loin, mais que la marche inexorable du temps voudrait enfouir comme elle le fait des fossiles à déterrer : 

« Les farinettes. 
Nous appelions « farinettes » cette bouillie de maïs que d’autres appellent « millas ».
La recette en est facile et pas chère. Il faut 30 minutes pour la préparer et autant pour la cuire.  

Pour six personnes.
Ingrédients : 500 g de farine de mais ; 30 g de beurre frais ; 50 g de parmesan ou de gruyère râpé ; sel.

1°) Faire chauffer  1 litre ½ d’eau salée dans une grande casserole ; à ébullition, verser la farine en pluie, en tournant avec une cuillère de bois pour éviter les grumeaux.

2°) Tourner la bouillie pendant toute la durée de la cuisson.

3°) Quand la bouillie est cuite, ajouter hors du feu le beurre et le fromage choisi ; verser dans un légumier et tenir bien au chaud. 

N.B. Il va sans dire que nous n’ajoutions, nous, ni beurre, ni parmesan, ni gruyère. La casserole était remplacée par un grand chaudron et la cuillère en bois, c’était la moitié d’un manche à balai en bois, bien nettoyé, réservé à cet unique emploi : à une extrémité, un trou avait été pratiqué, par où passait une corde afin de suspendre l’ustensile qui allait à nouveau servir la prochaine fois… ou l’année suivante.
J’avais à peu près quatre ans quand, un jour, mamé Isabelle, maman de papé Jean, sœur de l’oncle Pierre, et déjà veuve depuis onze années, se mit à faire ces « farinettes », que l’on versait au fur et à mesure directement dans des assiettes creuses ; au repas, un trou était creusé au milieu avec la cuillère, pour recevoir un peu de confiture bien claire, bien rouge, afin d’agrémenter le goût. Je jouais sous la table, avec un rien sans doute. Plusieurs assiettes se trouvaient déjà garnies. Mamé se retourne avec l’assiette suivante, je sors soudain de sous la table comme le petit train de son tunnel ou le diablotin de sa boîte. L’aïeule perd l’équilibre, me heurte, laisse échapper l’assiette pleine, dont le contenu bouillant m’inonde le visage. Grand émoi chez tout le monde, au milieu de mes cris déchirants. Papa, qui était là, me fait tenir les mains derrière le dos par ma mère et, avec une serviette, enlève peu à peu ma peau brûlée qui s’en va en lambeaux. Grosse frayeur pour mes yeux. J’ai dû, dès le début, toucher mon cou de mes petits doigts, et j’ai encore les lointaines cicatrices. Mes cris stridents : « Je ne veux pas mourir !! Je ne veux pas mourir !! » ont sans doute rassemblé quelques voisins, et je ne sais plus combien de temps a duré ma convalescence. Cet accident malheureux, joint à la terrible maladie que couvait sans doute mon père (1), a-t-il hâté la fin de mamé Isabelle, décédée en 1927 à soixante-et-un ans seulement ? Peut-être pas, heureusement, mais tel est le destin. Voilà où m’ont conduit les farinettes. Dans les souvenirs dorment aussi certains drames. »
" Caboujolette " 2008, François Dedieu.  

(1) mon père évoque une “ terrible maladie ” qui aurait couvé une quarantaine d'années ? d'où tenait-il cette conviction ? ce serait possible concernant certains cancers ceux de la prostate, du sein ou liés au tabagisme.   

mercredi 20 mars 2024

Pas un CASSOULET de MOUNJETOS ! Paul SIBRA (fin).

Fervent catholique, traumatisé par la Grande Guerre, plus encore en faveur de l'ordre “ rétabli ”, donc, en plein accord avec les valeurs prônées “ travail, famille, patrie ”, le voilà favorable à Vichy... ce que l'on résume parfois en disant “ vieille France ”... Pire, il adhère à la Milice... Plus encore que pour son portrait de Pétain (1) de 1941, ce peut être à cet engagement qu'à la Libération, il doit sa condamnation à l'indignité nationale, un bannissement significatif puisque la démocratie s'interdit par principe de discriminer.

Compensant cette adversité malheureuse avec son attachement au pays, à l'occitan languedocien toujours parlé tant à la campagne qu'en ville, par une élite, le petit peuple, les artisans, il envisage d'autant mieux de poursuivre avec ses « études de folklore » que la loi d'amnistie de janvier 1951 vient vite effacer la dégradation subie. 


Paul Sibra. Attelage de bœufs et détail. 1932. Musée des Beaux-Arts de Carcassonne. 


Il travaillait à mettre au point ses cahiers sur le Lauragais dont : le Canal, les joutes nautiques, les clochers et carillons, les moulins à vent, les travaux agricoles et métiers, les tuileries et potiers, les types et coutumes, les costumes, les ustensiles de ménage, la cuisine. 
Sur la cuisine par exemple, intitulé « On tue le cochon dans une famille bourgeoise à Castelnaudary en 1895 ». il écrit que même à six ans, si la tradition veut qu'il tînt le cochon par la queue, il en est dispensé « ...mes six ans sans turbulence n’apprécient guère ce hourvari et cette confusion. Je ne reparais que quand les hurlements se sont tus ». Plus loin, il précise : « Plutôt que de donner une série de “ recettes ”, je voudrais montrer le déroulement des diverses opérations ménagères concourant à la transformation du porc en provisions comestibles. Je les présenterai dans le cadre d’une famille bourgeoise vers la fin du siècle dernier. Alors dans la bourgeoisie, les anciennes traditions étaient encore rigoureusement respectées et les vieux usages suivis. J’essaierai de restituer les différentes phases de ces opérations en utilisant les livres de raison de ma grand-mère et de ma mère, ainsi que mes souvenirs personnels échelonnés sur plusieurs années ». Source Garae ethnôpole, Dessiner la tradition : Paul Sibra (1889-1951) et le Lauragais - Garae, auteur Florence Galli-Dupis. 

Paul Sibra. Don Quichotte et le moulin, 1924.  Plaisante, depuis le moulin du Cugarel, sur fond de campagne lauragaise, cette évocation du Chevalier de la Triste Figure, ce qui montre combien le thème de Cervantès reste attaché à la sphère européenne ; vu par Sibra, non sans une pointe d'humour, Sancho Pança, auteur de ce surnom, lève les bras pour se faire remarquer, comme si le peintre ne prenait qu'une photo. 

Le destin en décidera autrement, deux cahiers (les joutes, les moulins) sont achevés, quatre autres presque aboutis ; après deux attaques sévères en 1943 et 1946, Paul Sibra décède le 24 mars 1951, à 62 ans, d'un infarctus du myocarde ; sa petite Martine (17 ans d'écart avec Monique l'aînée) n'a que cinq ans. 

Paul Sibra La jeune fille bien élevée, 1927 (Madeleine dite Mimi Dupuy, cousine qui deviendra son épouse en 1928). 

Il laisse une œuvre considérable de 1500 toiles, de milliers de dessins à la mine de plomb et à la sanguine (dont Lagrasse, Gruissan), des grands cahiers A3 qu'il accompagne de textes, des illustrations de livres dont « Ceux du Languedoc » du poète de la Montagne d'Alaric, Jean Lebrau (1891-1983, mainteneur, en 1942, de l'Académie des Jeux Floraux de Toulouse, Grand Prix de poésie de l'Académie Française en 1968). 

Paul Sibra. Le petit pâtre de Montgeard 1938 Domaine public, photo Tylwyth Eldar 
«...garde tes dindons, moi mes porcs Thérèse, 
ne r'pousse pas du pied mes p'tits cochons... » 
Comme Hier, Paul Fort, Georges Brassens? 

Certaines de ses réalisations sont visibles dans des musées locaux :
* Musée du Pays de Cocagne (Lavaur).
* Galerie Paul Sibra (Castelnaudary).
* Musée des Beaux-Arts (Carcassonne).
* Musée-trésor de Notre-Dame-de l'abbaye (Carcassonne).
* Palais-Musée des Archevêques (Narbonne).
* Musée d'Art et d'Histoire (Narbonne).

(1) Son ami, l'abbé Gabriel Sarraute écrira : « Il était courageux, il l'avait montré à la guerre. Il l'a montré devant les coups les plus durs. On sera ahuri plus tard [...] qu'à un tel homme, un jour, on ait dit qu'il était « frappé d'indignité nationale ». Un léger sourire de mépris est la seule réponse possible. C'était la sienne ». (Lo Gai Saber Revisto de l'Escolo Occitana n° 250 mars-avril 1953 pages 36-37) Source Garae ethnôpole ”, Dessiner la tradition : Paul Sibra (1889-1951) et le Lauragais - Garae Florence Galli-Dupis
L'abbé élude-t-il une appartenance à la Milice ? cette appartenance serait-elle avérée ?  
Encore de ce point de vue là, rien par contre concernant la maison Draeger à qui l'on doit le portrait officiel de Pétain ; rien à propos d'une épuration potentielle mais sur leur site, une présentation pour le moins troublante de l'entreprise si nous considérons le temps non moins troublant de l'épuration : « DES COLLABORATIONS INOUBLIABLES. Des grandes maisons de luxe aux artistes, les collaborations de Draeger ont marqué les esprits... » 

Sources principales : Wikipedia ainsi que Garae, en charge de la diffusion de la revue Folklore-Aude. 
Sur le site “ Garae ethnôpole ”, sous la plume de Florence Galli-Dupis, ingénieur CNRS, une biographie essentielle, illustrée (dont un portrait avenant du peintre) Dessiner la tradition : Paul Sibra (1889-1951) et le Lauragais - Garae. Il y est précisé que Paul Sibra figure dans le numéro 1 de la revue au départ mensuelle, au titre de vice-président de « Folklore », représentant de l'arrondissement de Castelnaudary. Si ses « études de Folklore » auraient pu figurer dans bien des articles, on ne le retrouve qu'une seule fois, pour ses dessins très détaillés du costume narbonnais dans un article d'Anne-Marie Ponrouch-Petit, écrit depuis “ le moulin de Saint-Nazaire-d'Aude ” : « Quelques notes sur le costume traditionnel féminin au pays Narbonnais » (Folklore n°6, août 1938, p. 89-92) (inclus dans la publication, de Clovis Roques, notre voisin sallois « La derastoulhado » un article dans un occitan si recherché en vocabulaire qu'il me fait instantanément éprouver la distance entre  la richesse de la langue et le pauvre amour qui me reste pour le languedocien usuel de mes grands-parents paternels...).

PS : si pour son pétainisme, j'ai rechigné à mettre le portrait du peintre, comme pour Giono prônant « Plutôt allemand que mort », les terribles conditions vécues de 14-18 pèsent, telles autant de circonstances atténuantes. ( « Lieber rot als tot », c'est le mot, plus actuel, prêté à Olaf Scholz, le chancelier allemand, “ plutôt rouge que mort ”... manière d'inverser les termes mêmes du propagandiste nazi Goebbels...).

PS2 : Pétain, faisant “ don de sa personne ” pour “ sauver ” la France ” (trop de guillemets à propos d'une situation, encore une fois, troublante) “ maréchal nous voilà ” accusant Daladier et Blum d'impréparation alors qu'Hitler se renforçait... Sauf que, lors du procès de Riom, un Blum imparable, bien préparé malgré de sévères conditions de détention, répliqua que si les dépenses militaires ont augmenté avec le Front Populaire, en 1934, c'est à un ministre de la Guerre nommé Pétain (entre nous, déjà chef des armées jusqu'en 1931 !) que le pays doit une baisse des crédits militaires de 20 % ! Bien mal en prit au “ sauveur de la France ” ; le procès se termina en eau de boudin lorsque les Allemands, ulcérés d'offrir ainsi une tribune “ au juif Blum ”, stoppèrent tout !

PS3 : aimable et honorable correspondante “ facebouquin(e) ”, Bettina, un grand merci pour la « Porteuse de Cassoulet » !

mardi 19 mars 2024

Pas un CASSOULET de MOUNJETOS ! Paul SIBRA (1).

Merci à mes aimables et non moins honorables correspondants “ facebouquins ” qui tournent nos pages et inspirent plus souvent qu'ils ne croient. Voyez Alain, Bob, Max et Henry, toujours en quête de petits plus internet, mais aux lignes de force, à la conscience marquées. Sinon Bettina, éclectique, passant sans transition des nourritures célestes aux terrestres, nous présenta un jour le plat emblématique du Lauragais vu par Paul Sibra, à savoir « La Porteuse de Cassoulet » (voir sur escapetdecouv.com)...

Surnommé “ le peintre du Lauragais ”, Paul Sibra (1889-1951) est un artiste classé régionaliste, auteur de scènes religieuses, campagnardes, de portraits aussi, de gens, de métiers, de villages... 

D'une famille aisée (ses parents sont propriétaires des « Dames de France »), grâce à son professeur Pierre Thalabas, il prend goût au dessin « Étant enfant, j'aimais crayonner des dessins... ». 
Suite à des études de Droit et à un séjour à Paris en tant qu'avocat-stagiaire, de 1912 à la guerre, il entre dans la réputée Académie Julian ; il y suit le cours de Jean-Paul Laurens (1), peintre d'Histoire et du Lauragais comme lui. 

Paul Sibra, Mémorial_aux_anciens_élèves_et_instituteurs_de l'école Prosper Estieu morts pour la France,1921, détail Author Widlauragais

Après sa période militaire (deux ans à partir de 1905), mobilisé, il est marqué par la Grande Guerre : les tranchées, les blessés, les morts, la campagne dévastée, les villes, les cathédrales bombardées. À Castelnaudary, dès septembre 1921, sous la direction du directeur de l'école de l'Ouest, Émile Cantier qui déjà en 1915, rassemblait les photos des premiers morts de la guerre, pour le premier Monument aux Morts du pays, avec Pierre Thalabas, ils sont chargés de peindre un mémorial solennel de trois fresques (« Le Front à Reims », « La Bataille des Flandres » de 4,35 x 1,85 m. ainsi qu'une rosace au plafond « La Victoire avec le clairon du 143e Régiment d'Infanterie de Castenaudary » / l'ensemble a été réhabilité en 2011). Ne pas oublier les 126 anciens élèves et les trois instituteurs tombés pour la patrie !  

Vue de Sidi-Bou-Saïd - 1920 - Paul Sibra, Musée des Beaux-Arts de Narbonne

Portrait de l'évêque Jean-Joseph Pays Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Notre-Dame-de-l'abbaye, Carcassonne

Autre facette du personnage : dès 1927 il suit les cours d'occitan de Prosper Estieu (1860-1939) et de l'abbé Joseph Salvat (1889-1972, connu pour ses sermons), au Collège Occitan qu'ils viennent de créer. Sibra a de qui tenir, Auguste Fourès “ le félibre rouge ” étant un cousin de sa mère, et surtout, son grand-père maternel, Joseph Dupuy (1837-1916), poète aussi, médaillé aux Jeux Floraux de 1909, qui lui inspirera « l'amour des choses du Pays d'Oc ». 
Ces années 20 le voient s'adonner à l'orientalisme (il voyage en Tunisie) et aux représentations religieuses (“ La Voix de la France ”1924 : évocation d'une France rurale sur laquelle veille Jeanne-d'Arc [Pin on Art (pinterest.jp)] ou “ Saint-François prêchant aux oiseaux” 1924. Voyage aussi, en Italie, sur les pas de Saint Dominique (“ saint ”pour ceux qui légalisent la dite “ sainte ” inquisition contre le catharisme... ). 

Paul Sibra, Le_Lauragais 1929 Domaine public Photo Tylwyth Eldar

Le Lauragais détail

Le Lauragais détail

Dès la fin des années 20, bien que parisien, un parcours obligé pour qui veut sortir du lot, il va témoigner de son attachement au pays natal, de son respect pour le monde paysan. Avec « Le Lauragais » sa grande toile allégorique (2 x 2 m.) figurant, avec le blé des semailles au dépiquage, la mère donnant le sein, la terre nourricière, nous reconnaissons le cours arboré du Canal du Midi, les fermes, les moulins, un clocher-mur, au fond. Il va faire les portraits des villages, peindre les bouviers, les petits pâtres, les bœufs au travail, par paires, une inspiration de grande valeur ethnographique avant l'avènement du mécanisme agricole. (à suivre) 

(1) auteur des décorations du plafond du Théâtre de l’Odéon en 1888, du Salon Lobau de l’Hôtel de Ville de Paris en 1889, de l'illustration  « Le Lauraguais » de la Salle des Illustres du Capitole de Toulouse en 1892, de « La Fondation des Jeux Floraux » décorant l’escalier d’honneur du Capitole (1912). 

Sources principales : Wikipedia ainsi que Garae, en charge de la diffusion de la revue Folklore-Aude. 
Sur le site “ Garae ethnôpole ”, sous la plume de Florence Galli-Dupis, ingénieur CNRS, une biographie essentielle, illustrée (dont un portrait avenant du peintre) Dessiner la tradition : Paul Sibra (1889-1951) et le Lauragais - Garae. Il y est précisé que Paul Sibra figure dans le numéro 1 de la revue saisonnière, au titre de vice-président de « Folklore », représentant de l'arrondissement de Castelnaudary. Si ses « études de Folklore » auraient pu figurer dans bien des articles, on ne le retrouve qu'une seule fois, pour ses dessins du costume narbonnais dans un article d'Anne-Marie Ponrouch-Petit, depuis le moulin de Saint-Nazaire-d'Aude « Quelques notes sur le costume traditionnel féminin au pays Narbonnais » (Folklore n°6, août 1938, p. 89-92) (inclus, de Clovis Roques, notre voisin sallois « La derastoulhado » un article dans un occitan si recherché en vocabulaire qu'il me fait instantanément éprouver la distance entre  la richesse de la langue et le pauvre amour qui me reste pour le languedocien usuel de mes grands-parents paternels...). 



jeudi 29 février 2024

Mon cher Jo...

 Mon cher Jo, ne dis rien sur le 26 février dernier, pas plus que sur tout qui a pesé ces dernières années, j'aime trop l'été avec toi quand nous partions, dans le matin encore frais, pêcher à Aude, à bicyclette. Et oui, en même temps que Montand sauf que lui préférait taquiner Paulette et nous le poisson, avec la bande en aval du pont ou en amont, seuls tous deux, en toute amitié. De ta main sur mon bras, tu m'arrêtes... mais oui, tu fais bien de rappeler mais je n'ai pas oublié qu'on a eu taquiné les filles à Saint-Pierre... l'été, la plage aux amourettes, le monde, les touristes, les bals avec de sacrés orchestres dont René Coll (1941-2009). 

Que n'a-t-on pas fait ensemble ? Tu me plumais à la belote, tu étais mon champion en course à pied... dire que nous avions notre circuit personnel... Braconniers on a eu caché le canon “ cassé ”de nos Diana dans une manche d'hiver, afin de sortir du village... Ah ! les feuilles de mûrier pour les vers à soie, c'était avec toi aussi ! 

Avant que l'âge ne nous pousse dans la vie, disons, sociale, quand, le dimanche soir vers une heure du matin, tu me confiais la Simca 1000 en fin de perme pour que je t'accompagne au train de nuit vers Laval où tu étais bidasse... Puis il y a eu la douane, Vallorcine, Douvaine... Bien sûr, je me sens prétentieux de revivre ces pages d'avant, nos antécédents amicaux voués à muter, à muer pour cause de prénuptialité lorsque la nature intime à chacun de chercher sa chacune, sa complémentarité. Tu t'es marié à l'automne 73 ; depuis Lyon j'ai pu vous rejoindre à Mâcon, mais seul, venant d'être à nouveau papa de notre second, Olivier, le 27 sept, à Narbonne. 

C'est la vie, comme on dit commodément, pour éluder, ne pas s'étendre sur ces raisons idiotes qui font que cela se distend entre les êtres. Fermez le ban ! Vous avez eu beaucoup d'enfants (que des filles, je crois...), vous vous êtes installés dans la Drôme, tu continuais de courir, tu aimais jardiner et tout ce qui m'aura échappé, par ma faute, sûrement, parce que le temps nous pousse fort et trop vite... 

Depuis mardi, la vie ne tourne plus aussi rond ; pourtant, on dirait que oui concernant les occupations du quotidien sauf que tu fais irruption, tu les bouscules, sans avertir, donnant aux heures qui passent, un goût amer. Dans le film qui repasse, impossible encore de prendre du recul... ce doit être pour cette raison que ma pensée tente de compenser en s'accrochant aux vertes années, aux bons souvenirs... le bruit ambiant, la plaie ouverte de l'autoroute ne gâchaient rien ; dans la descente, le vent de la course nous donnait froid ; dans la plaine, les prés, la petite chapelle de Liesse restait sereine ; juste avant le pont, à gauche, nous remontions la rivière rive droite, vers le jardin de Cadène, l'horte d'Andréa, Maribole ; jusqu'à notre coin, après quelques rangs de vigne, sous les peupliers blancs, dans un taillis de guigniers à l'ombre, qui donnaient encore quelques fruits, malgré l'arrière-saison... les oiseaux, l'eau verte, lancer en visant la proximité du tronc qui dépasse, gage de succès, mouliner en paix sans trop parler, sans élever la voix, pleins de la candeur qu'offre l'amitié... heureux nous étions...  

Et ce matin tu es de retour au village. Les amandiers fleuris annoncent le printemps mais un Cerç établi pénètre : il avertit que l'hiver est encore là. Tu t'en fous sûrement ; tu vas sous nos vieux cyprès si dignes et vénérables... Avec tous ceux déjà partis, tu nous laisses un aigre-doux difficile à déglutir... je ne t'accompagne que de loin... 

Poutous mon Jo, mon vieux copain, toi du pays où l'on laisse ses os... 

José David (1949-2024). 


samedi 20 janvier 2024

Et ENCORE le CERS !

 Manière de remettre encore une pièce dans la machine, alors que plus de 90 occurrences du mot "CERS", soit autant d'articles en dix ans, attestent de mon entêtement à défendre notre maître-vent (que nous n'avons pas toujours bien défendu, ne serait-ce qu'avec la manie que nous avions, peut-être encore à ce jour, à dire, allez savoir pourquoi, "VENT DU NORD" alors que le Cers arrive avant tout de l'Ouest), après avoir relevé (janvier 2024) ce qu'en écrivait Jules Verne à propos de l'Aude, ce qu'en dit le " GUIDE VERT MICHELIN, Causses, Cévennes, Bas-Languedoc " de 1974 apporte encore de l'eau au moulin. 


«... Au printemps et à l'automne, souvent les vents se déchaînent : l'impétueux « cers » (vent d'Ouest ou du Sud-Ouest), très désséchant...» 

Un alignement de pins face au Cers (Domaine de Saint-Louis-de-la-Mer, les Cabanes-de-Fleury, Aude). 

dimanche 7 janvier 2024

L'AUDE vue par Jules Verne...

En 1867-68 Jules Verne publie deux tomes de la « Géographie Illustrée de la France et de ses Colonies (plus de 700 pages sans compter une longue introduction de Théophile Lavallée. une lecture instructive sinon étonnante ! Et aussi, puisque je bataille pour les vrais vents des moulins, l'occasion d'enfoncer le clou contre les partisans aussi partiaux qu'obnubilés par les tramontanes, trompés qu'ils sont par nos merdias et la force de l'habitude... 

L'AUDE département. 



« .../...d'autre part, deux vents semblent lutter de violence dans le pays; l'un est le vent de l'O.-N.-O., connu sous le nom de Cers, et dont la force ne peut être appréciée de ceux qui ne l'ont point éprouvée ; l'autre est le vent d'Autan ou vent marin, qui porte sur les régions voisines de la mer les miasmes trop fréquents que produisent les marécages de la côte ; la force de ce vent augmente, dit-on, à mesure qu'il s'éloigne de la Méditerranée. L'automne est la saison la plus belle de l'année et se prolonge assez longtemps. Les fièvres paludéennes à l'E., les goîtres et les affections cutanées dans la région montagneuse, sont des maladies fréquentes dans le département. ... » " Géographie Illustrée de la France et de ses Colonies ", Jules Verne 1867 tome 1, 1868 tome 2, page 83 des départements. 

" Nos ANCÊTRES, les AUDOIS... " 

«.../...les Arabes et les Aragonais qui ont longtemps occupé ce territoire, y ont laissé une forte empreinte. Au S., domine la race ibérique, impétueuse, turbulente, amie des pérégrinations ; au N. et au N.-E., une population très-mélangée dit assez que cette contrée fut successivement habitée par les Celtes, les Romains, les Goths et les Francs; la région dés Montagnes-Noires est occupée par une race casanière, arriérée, demi-sauvage, que le désir du bien-être touche médiocrement. Le languedocien est parlé à l'O. du département; au S.-E. domine le catalan ; là, comme aux Pyrénées-Orientales, le type espagnol est fortement accusé dans la population. " Géographie Illustrée de la France et de ses Colonies ", Jules Verne 1867 tome 1, 1868 tome 2, page 83 des départements.  

AGRICULTURE... 

« .../... La production agricole est évaluée à près de 58 millions de francs, dont 35 millions pour les céréales : il y a donc surabondance de ce produit, dont le blé, le mais, l'avoine et le seigle forment les essences principales. La vigne fournit plus de 600000 hectolitres de vins assez renommés, dont un tiers environ est converti en esprit ; on cite les vins rouges de Narbonne, la blanquette ou vin blanc de Limoux que le patriotisme local compare au vin de Champagne, les vins de Bages, de la Palme, de Leucate, facilement confondus avec ceux du Roussillon. L'olivier, l'amandier, réussissent dans les terres légères, et l'arrondissement de Narbonne les cultive avec succès. Les prairies, les pâturages sont une ressource précieuse pour les habitants, et leur permettent de donner un grand développement à l'élève du bétail ; on ne compte pas moins de 646000 bêtes à laine, 34 000 bêtes à cornes, 24000 porcs, près de 19 000 chèvres et chevreaux, 16 000 ânes et mulets, 17 000 chevaux; les abeilles forment aussi une des branches de l'exploitation agricole ; plus de 13000 ruches y sont entretenues, et leur rendement fait une des principales richesses de l'arrondissement de Narbonne. Les bois, riches en noyers et en châtaigniers, ont été longtemps sacrifiés aux besoins du moment, mais aujourd'hui un intérêt mieux entendu pousse au reboisement; on évalue à 4500 le nombre d'hectares reboisés dans ces derniers temps. Le drainage et le dessèchement des marais sont poursuivis avec persévérance et ont déjà donné d'importants résultats...


« ...Dans le Minervois, le vent est plus présent (Cers et Marin se relaient) mais le soleil également... » (Wikipedia) (que sur le versant nord de la Montagne Noire)
Bon vent la tramontane !

Carte_de_la_Montagne_Noire under the following licence Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International Author Boldair

Source : Géographie illustrée de la France et de ses colonies (archive.org)

mercredi 25 octobre 2023

ODE AU-DELÀ DU DELTA... / Rhône, Aude, Llobregat, Èbre

 « ... Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, ~ heureux comme avec une femme. »

Sensation, Arthur Rimbaud (1854-1891).

Le Rhône embrasse ses îles et pousse les terres de Camargue vers le sud, et pas seulement dans sa propre limite. La situation climatique, entre hautes pressions au nord et la situation dépressionnaire due à la Méditerranée, mer chaude, une situation à l’origine de violents transports d’air entre les deux états ; le Mistral, les Cers, liés aux couloirs rhodanien, audois, de l’Èbre en Catalogne, en forment les porte-bannières tandis que, plus généralistes, les tramontanes, comme le nom l’indique, descendent des montagnes. Transports d’alluvions aussi, tirées des montagnes, venues combler les avancées de la mer. La géographie, en effet, duplique le schéma camarguais d’engraissement avec ses lagunes et lidos, d’érosion, aussi, de la côte. 

Du Rhône à l'Èbre.  Atlas Classique, Schrader & Gallouédec Hachette 1953


A quatre cents kilomètres, chez nos frères de Catalogne, c’est l’Èbre qui avance ses bras dans cette même Méditerranée Occidentale. Entre les deux, le Llobregat comme épongé par Barcelona (1) mais réservant encore des espaces naturels intéressants. Et, pardon de le mettre en avant « parce que c’était lui, parce que c’était moi », si présent dans ce qu’il a de sanguin, de sudiste, d’occitan, le fleuve qui continue d’échapper aux hommes venus le dompter, l’Aude qui rendit l’île de la Clape au continent, la “ rivière ”, redoutée mais familière des Pérignanais de toujours, l’Atax d’un delta aussi caché que mystérieux... 

(1) si quelqu’un peut préciser pour le Riu Fluvia (Golfe de Roses) ainsi que le Riu Tèr d’une trilogie catalane lexicale : Têt, Tech, Tèr... Sinon on parle du Mistral, du Cers du Rhône à l'Aude, de Mestral, Magistrau, des Cerç ou encore Çerç, de Tarragona à l'Ébre. 

vendredi 20 octobre 2023

EN CAMARGUE / II La Cabane /Alphonse Daudet. (fin)

 «... La nuit, quand le mistral souffle et que la maison craque de partout, avec la mer lointaine et le vent qui la rapproche (1), porte son bruit, le continue en l’enflant, on se croirait couché dans la chambre d’un bateau. 

Gardian Camargue_Cabane début_XXe_s Carte Postale ancienne Domaine Public


Mais c’est l’après-midi surtout que la cabane est charmante. Par nos belles journées d’hiver méridional, j’aime rester tout seul près de la haute cheminée où fument quelques pieds de tamaris. Sous les coups du mistral ou de la tramontane, la porte saute, les roseaux crient, et toutes ces secousses sont un bien petit écho du grand ébranlement de la nature autour de moi. Le soleil d’hiver fouetté par l’énorme courant s’éparpille, joint ses rayons, les disperse. De grandes ombres courent sous un ciel bleu admirable. La lumière arrive par saccades, les bruits aussi ; et les sonnailles des troupeaux entendues tout à coup, puis oubliées, perdues dans le vent, reviennent chanter sous la porte ébranlée avec le charme d’un refrain… L’heure exquise, c’est le crépuscule, un peu avant que les chasseurs n’arrivent. Alors le vent s’est calmé. Je sors un moment. En paix le grand soleil rouge descend, enflammé, sans chaleur. La nuit tombe, vous frôle en passant de son aile noire tout humide. Là-bas, au ras du sol, la lumière d’un coup de feu passe avec l’éclat d’une étoile rouge avivée par l’ombre environnante. Dans ce qui reste de jour, la vie se hâte. Un long triangle de canards vole très bas, comme s’ils voulaient prendre terre ; mais tout à coup la cabane, où le caleil est allumé, les éloigne : celui qui tient la tête de la colonne dresse le cou, remonte, et tous les autres derrière lui s’emportent plus haut avec des cris sauvages.

Bientôt un piétinement immense se rapproche, pareil à un bruit de pluie. Des milliers de moutons, rappelés par les bergers, harcelés par les chiens, dont on entend le galop confus et l’haleine haletante, se pressent vers les parcs, peureux et indisciplinés. Je suis envahi, frôlé, confondu dans ce tourbillon de laines frisées, de bêlements ; une houle véritable où les bergers semblent portés avec leur ombre par des flots bondissants… Derrière les troupeaux, voici des pas connus, des voix joyeuses. La cabane est pleine, animée, bruyante. Les sarments flambent. On rit d’autant plus qu’on est plus las. C’est un étourdissement d’heureuse fatigue, les fusils dans un coin, les grandes bottes jetées pêle-mêle, les carniers vides, et à côté les plumages roux, dorés, verts, argentés, tout tachés de sang. La table est mise ; et dans la fumée d’une bonne soupe d’anguilles, le silence se fait, le grand silence des appétits robustes, interrompu seulement par les grognements féroces des chiens qui lapent leur écuelle à tâtons devant la porte…

La veillée sera courte. Déjà près du feu, clignotant lui aussi, il ne reste plus que le garde et moi. Nous causons, c’est-à-dire nous nous jetons de temps en temps l’un à l’autre des demi-mots à la façon des paysans, de ces interjections presque indiennes, courtes et vite éteintes comme les dernières étincelles des sarments consumés. Enfin le garde se lève, allume sa lanterne, et j’écoute son pas lourd qui se perd dans la nuit… ». 

(1) Daudet confond avec le marin tel celui que nous avons eu, en tempête, cette nuit du 19 au 20 octobre 2023. 

Barraca_tradicional_del_Delta_del_Ebro 2005 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Author Pixel 


jeudi 19 octobre 2023

EN CAMARGUE / II La Cabane / Alphonse Daudet. (1)

C'est un peu le “ qui se ressemble s'assemble ”... à première vue une lapalissade puisque la focale est mise sur un Sud concret, thème transversal, sujet principal, corps incontournable serait-il subjectivement proposé... Une approche certes personnelle mais étayée en premier lieu par le contexte isobarique de la Méditerranée nord-occidentale, présentant souvent des centres dépressionnaires qui attirent de forts flux d'air en provenance de zones plus tranquilles au nord et à l'ouest. Dans ce cas de figure, l'encaissement plus ou moins marqué des couloirs rhodaniens, audois et de l'Èbre chez nos voisins catalans provoque une accélération des vents, Mistral et Cers, attirés par la mer plus chaude (peut-être un effet venturi). Deuxième ressemblance bien marquée à cause du travail des fleuves concernés, Rhône, Aude (1), Èbre, la formation des deltas respectifs, le colmatage de la plaine littorale jusqu'à la Salanque avec les apports de l'Agly, de la Têt, du Tech (Pyrénées-Orientales). Une végétation particulière marque l'arrivée de l'eau douce en amont des étangs, les roselières de sagnes, sénils, suivant les appellations locales du roseau phragmite, utilisé en tant que matériau à portée pour construire les abris humains : la cabane du gardian en Camargue, celle des bords de l'étang de Salses, celle du delta de l'Èbre, pour celles dont nous disposons en photos. 

Le_Barcarès_-_Pinède_et_Chemin_de_l'étang_(CP) début XXe Domaine Public Éditeur inconnu.

Le_Barcarès_Poblado_pescadores 2008 Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported Author Yeza

À laisser l'essentiel du boulot à Daudet, il fallait bien que je participe aussi un peu, quitte à être en accord avec les fleuves travailleurs qui nous concernent.      

Alphonse Daudet (1840-1897) a pris le bateau à Arles pour une partie de chasse en Camargue. Son reportage figure dans les Lettres de mon Moulin ; c’est un véritable tableau de la cabane dans le delta, toute une atmosphère autour des chasseurs si petits au sein de la nature (ci-dessous, une reprise presque intégrale du texte).

EN CAMARGUE / II La Cabane (Alphonse Daudet).

« Un toit de roseaux, des murs de roseaux desséchés et jaunes, c’est la cabane.../...Type de la maison camarguaise, la cabane se compose d’une unique pièce, haute, vaste, sans fenêtre, et prenant jour par une porte vitrée qu’on ferme le soir avec des volets pleins. Tout le long des grands murs crépis, blanchis à la chaux, des râteliers attendent les fusils, les carniers, les bottes de marais. Au fond.../...un vrai mât planté au sol et montant jusqu’au toit auquel il sert d’appui. (à suivre) 

(1) Il semble prétentieux d'accoler l'Aude aux noms aussi prestigieux de l'Èbre et du Rhône, pourtant notre “ rivière ”, simple fleuve côtier, reste un des cours d'eau des plus travailleurs, apportant 4 millions de tonnes de sédiments par an (Rhône 10 millions, plus que la moitié depuis la multiplication des barrages / Pas de données sur l'Èbre sinon que le delta risque de disparaître à cause de 70 barrages / à titre indicatif le Gange-Brahmapoutre porte 660 millions de sédiments, ce qui a comblé la fosse du Bengale, à l'origine plus profonde que celle des Mariannes ).  


mardi 8 novembre 2022

PERDU LE NORD ou carrément à l'OUEST ? (2)

PETITE EXPLICATION DE CARTE 


De quand date la norme de regarder l'Aquillon en haut d'une carte quand certains faisaient le contraire ? Ce qui n'empêche rien ; c'est rare non de ne pas être latéralisé ? Tout ça pour vous parler de François de la Blottière (1673-1739) pour sa "Carte de partie de Languedoc frontières de Roussillon qui conprend la coste de la mer depuis le fort de Salces jusquà la hauteur de Narbonne..." et dessinée en regardant le Midy (1722). 

Carte de partie de Languedoc, frontières de Reussillon qui comprend la coste de la Mer depuis le fort de Salces jusqu'à la hauteur de Narbenne, où se trouve le cours des rivières d'Aude, d'Orbieu, de la Berre et de la Gly, le cours de la Robine d'Aude et partie du Canal Reyal de communication de deux Mers | Gallica (bnf.fr)

* A remarquer que pour la carte qui a dû demander tant d'heures d'efforts, l'auteur n'a pas pris le soin élémentaire de partager l'espace disponible pour les lettres qui se resserrent pour "Languedo..." exposant "c" faute de mieux ! 

** Ce même cartouche indique les cours d'eau dont, à titre de curiosité, la Gly ainsi que la Robine d'Aude. 

*** D'après "l'eschelle", les distances peuvent s'évaluer en grande lieue de France de 3000 toises ou en lieue commune de France de 2500 toises. 

NOTE : l'orthographe des noms de lieux est celle de la carte sauf pour les prolongements et analyses. 




Concernant l'Aude, le dessin représente bien le cours tortueux du fleuve, exhaussé de par l'importance des sédiments transportés (deuxième en volume après le Rhône). Son tracé permet de comprendre pourquoi les limites du département sont ce qu'elles sont. 
Entre Sallèles et Coursan, au nord figure la Plaine de Coursan, réputée sous l'Ancien Régime, pour ses bons rendements en blé, avant que la vigne ne s'imposât. Entre Coursan et Narbonne, une chaussée et nombre de fossés de drainage laissent penser que c'est ce qui restait de l'étang salin où, un siècle avant Narbonne affermait pour des poissons ! 


L'ancien bras sud du delta, devenu aujourd'hui "Canal de la Robine", se nomme alors "Robine d'Aude". A Narbonne, elle délimite les quartiers de Cité au Nord et de Bourg au Sud. 
Après être passée entre l'Étang des Capitouls à l'Est et celui de Bages à l'Ouest, la Robine atteint la pointe de "L'Isle de Ste Luçie où elle se jette entre les Étangs de "Peiriac" (plus mentionné de nos jours) et celui de Sigean. Figure alors un chenal jusqu'au Port-de-La-Nouvelle, dit "Canal des Romains". 



A partir de Coursan, l'Aude n'en finit pas de divaguer jusqu'au pied de l'Esquino de Camel. C'est à cet endroit, au Pas-du-Loup, qu'en 1632, Anne d'Autriche a failli se noyer comme 200 de ses soldats ! (collines de Nissan). Passant à portée de l'Étang de Lespignan, le fleuve finit dans l'Étang de Vendre (aussi appelé " Étang de Fleury "). 

A portée de Coursan, en direction de Narbonne figure le château de Granselve (à l'origine une grange cistercienne, "... dont on dit que " Fontfroide est la fille" / Livre du Canton de Coursan, Francis Poudou) inclus aujourd'hui dans la localité (en face de la zone d'activité). 

Entre Coursan et Salles, les châteaux de Céleyran et du Pech de Céleyran, si remarquables depuis la route, n'existent pas. Seuls, figurent la métairie de Seudre sur le côteau ainsi que le moulin "du phare" au-dessus de la coopérative. Dans la plaine de Salles, on remarque nombre de fossés drainants. 


On trouve ces fossés à Pérignan aussi, mais dans une cuvette fermée du bord de La Clape : les drains de l'Étang de Fleury d'où part le ruisseau du Bouquet créé par les hommes ! Le ruisseau est dessiné de même que son cours souterrain qui, depuis l'étang, contourne bien la colline du moulin de Montredon (voir à ce sujet les articles sur le dernier affluent). 


Pour ce qui est des routes, si on reconnaît celles de Salles, de Saint-Pierre, de la partie vers les Cabanes mais qui s'en va suivre celle des campagnes au pied de La Clape (la localisation et le nom des fermes nous interrogent / à St-Pierre aussi, des noms nous laissent perplexes). En direction de Vinassan, ce n'est pas celle d'aujourd'hui, par le château de Marmorières, c'est le chemin qui passe par le phare des aviateurs, le Pech de la Pistole avant de redescendre vers St-Félix (autoroute A9 actuelle) en bas du Four à chaux et de Mader, le trajet pour Narbonne suivi par mon arrière-grand-mère, embêtée, une fois, par les loups !). Rien vers Lespignan, Béziers et l'Hérault sinon vers " N. D. de Lie  sans nul doute possible, Liesse dont la chapelle a malheureusement été vandalisée il y a peu. En 1622 les Dominicains de Liesse furent autorisés par Louis XIII de passage à Béziers, à établir un passage de l'Aude par barque (la construction du premier pont suspendu ne fu décidée qu'en 1800). 

En conclusion, considérons le respect du détail concernant le plan de notre localité : le château, la tour ronde de l'hôpital d'alors sont précisément situés. 

Finalement, même si cette concomitance de cartes m'a entraîné dans les tumultes du Palais Bourbon et des enfantillages détestables en période de crise, je préfère, et de loin, cette petite explication de carte au dégoût de la politique, en espérant aussi que de Salses à Carcassonne, en passant par les Corbières, cette publication Gallica de la BnF (2021) a de quoi attiser la curiosité de bien des amateurs de patrimoine.    
  

mardi 6 septembre 2022

LESPIGNAN (7) rien de clos tant qu'on veut tourner ses pages sous son pouce gauche...

"Viens avec moi, petit... Viens, donne-moi la main
Nous allons parcourir le caillouteux chemin
Qui mène en serpentant aux Pins de la Mairie.
Là, tu découvriras la superbe prairie
Qui met son tapis vert aux pieds de Lespignan..."

Pierre Bilbe. "Viens avec moi petit..." 

Diapositive François Dedieu / années 60. 

Des villages s'offrant à la vue depuis la petite centaine de mètres de la Clape dominant directement le village, Lespignan semble le bout de l'agrafe fermant la plaine de l'Aude avant que le fleuve, tel un ailier ne prenne le couloir pour aller à la mer comme on file à l'essai. Les rimes de Pierre le disent bien, la vue de la plaine et de Lespignan dans ses collines blanches nous rapprochent. Autant celui qui le dit que ceux qui le lisent doivent revenir sur ce rien à dire supposé quand, par facilité, on ne voudrait que survoler. Pourtant, si l'esprit se pose, le questionnement ressemble à un carottage à travers toute la sédimentation que les années ont accumulée, apparemment riche mais toujours à explorer... 

Ainsi, l'Aude, le pont, les mentalités "village" promptes à s'échauffer agrémentaient notre premier volet ; un vernis seulement tant le liant de notre Languedoc méditerranéen demeure fort.     


Dans un deuxième temps, la nature d'alors nous rappelle que ce qu'il en reste doit nous préoccuper : la plaine, le fleuve en imposent au point de porter jusqu'au surnaturel de la dame blanche. Un concert de grenouilles, est-ce que ça existe encore ? 


Des vestiges de villas, un port romain du temps de la transgression marine puis les divagations du fleuve sur ses limons : son vieux lit a laissé bien des terres côté audois et bien des jalousies en regard, dans l'Hérault. Une réalité rappelant de loin le Couesnon qui, "dans sa folie, mit le Mont en Normandie". 


Après une forte pluie dans le bas du village, l'huile de pépins de raisins, le moulin de Mauriçou, les gitans... 


Conter fleurette tant la plaine et ses abords bucoliques, comparés aux étiques garrigues, inspirent des amours cachées. Sinon, des vignes qu'on dirait orphelines depuis que sa cave coopérative, comme celle de Vinassan, a été livrée aux démolisseurs... Et je voudrais croire que les Lespignanots savent encore faire la fête, en été et surtout pour Carnaval, une tradition si ancrée dans les mémoires dans l'espoir du renouveau et la consolation de peines pourtant ineffaçables. 


L'horloger d'antan, l'oléiculteur d'aujourd'hui... 

Alors pour effacer cette impression d'en garder sous le coude, en complément, un dernier jet... du jus de raisin plutôt puisque les Amis de Lespignan fêtent les vendanges à l'ancienne le 17 septembre (j'attends leur permission pour ajouter leurs affiches). Amis ils sont et en tant que tels ils savent se retrouver l'hiver pour un loto occitan à l'ancienne (formidable initiative !) et, aux beaux jours, autour d'une bonne table au meilleur endroit, devant le moulin de Mauriçou (sa restauration leur doit beaucoup) ! 

Insolite : sur cette hauteur ouverte aux vents marin et d'Espagne, une plate-forme de lancement pour parapente a été réalisée. Une activité récréative mais nécessitant beaucoup de sérieux... On en est plus que convaincu quand le journal fait état de l'accident du 18 avril 2022 : deux jambes cassées non loin, qui plus est de l'autoroute très fréquentée... 

Pour ajouter à cette reprise des six précédents articles, les détails donnés par le DICTIONNAIRE TOPOGRAPHIQUE. 

Des moulins existaient sur l'Aude, ce qui paraît étonnant quand on sait que le cours du fleuve a longtemps divagué dans la plaine avant d'être canalisé de Coursan jusqu'à l'embouchure.   

Brousse écart
Cazimbaud 2 moulins sur l'Aude 1809
Clotinières ferme 
La Comboulette, la Coumoulette
Déjean moulin sur l'Aude 1809
Font de Lisse écart
St-Aubin-Causse f., St-Aubin le bas ou St. Aubin rivière (recens 1840) f. , St Aubin le Haut f., 
St. Paul f., 1184 
Lespignan ecclesia sant Petri de Laspiniano 1156 / Laspignanum jusqu'en 1173 / Lespignanum 1222 / Lespinha 1370 - 1504 / De Lespignaguo 1518 / Lespignan seigneurie de la viguerie de Béziers 1529 / L'Espignan 1635 - 1721 / Lespinhan 1649 / lespignan 1625 - 1688 / Prieuré-cure 1760 appartenant à l'archip. de Cazouls et ayant pour patron S. Petrus ad Vincula 



 Les affiches promises même si elles arrivent en octobre... quoique on peut encore grappiller quelques raisins... Quant au loto de mars, avouez que la langue occitane a plus que des accents rabelaisiens ! 

Et de la part de nos voisins et amis il ne reste plus qu'à espérer las castanhos e lou vi nouvel, les châtaignes et le vin nouveau, en octobre, qui sait ?!