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lundi 4 juin 2018

LA GOULOTTE AUDOISE (2).

Revenons à ce parcours audois. A partir de Quillan, suivons le cours du fleuve dans sa "moyenne" vallée[1] : la pente, l’altitude ont diminué, le climat a permis une installation humaine plus facile, plus nombreuse. Jusqu’à Carcassonne, avant ce coude à angle droit qui oblige l’Aude à verser vers la Méditerranée, se succèdent des petites villes au sein de bassins rayonnants : Quillan, Espéraza, Couiza, Limoux pratiquant la polyculture, connus aussi pour une tradition industrielle du tannage, de la chaussure, du formica, des chapeaux, des isolants chimiques, des meubles, etc.

Castle of Quillan Author Tournasol7
Attention Quillan… qui fut champion de France Formica de l’élite du rugby et qui joua aussi en deuxième et troisième divisions, même s’il est difficile de taire une époque de violences liées au sport, ayant entraîné une mort… Quillan, son critérium cycliste international. « Quilhan » son jeu de quilles ancestral, près de la Poste, traditionnellement pratiqué par les femmes. Finette la boulangère et madame Argence la charcutière qui jouaient des sous, le pendant des hommes tapant le carton au café !  

Quillan, les filles ! Quillan, la première fille…



« Jamais de la vie on ne l’oubliera,

La première fille qu’on a prise dans ses bras… » Georges Brassens.



La première fille, une Quillanaise, c’était un été, à Saint-Pierre, du temps où tous les soirs un orchestre réputé du grand Sud venait faire danser. Les cafés étaient pris d’assaut ; sur le boulevard flânaient les badauds, en majorité gens du coin, viticulteurs, sortis voir, comme ils disaient, « le mouvement ». La première fille ne laissa que des bleus au cœur… Dommage il n’allait pas encore aux tenilles, ça l’aurait consolé d’un désamour banal à ce stade, loin de la déprime de trois jours que seul un ado attardé peut se fabricoter …   

Couiza, le château des Ducs de Joyeuse et encore, après Quillan et Espéraza, les chapeaux dont on dit que les procédés de fabrication avec, à l’origine, le poil de lapin, seraient venus de Pologne où des villageois de Bugarach étaient prisonniers suite aux revers napoléoniens. Vers 1840, cette activité qui devait détenir un quasi monopole mondial descendit des Corbières, l’eau abondante de l’Aude se prêtant mieux au lavage des laines.   

Jean Bourrel, industriel chapelier, maire, conseiller général de Quillan, 1929 (Président de l'US Quillan) Author Le Cri de Toulouse


Alet-les-Bains, les thermes déjà connus des Romains. L’eau minérale se perd dans la nature depuis quelques années : un conflit d’intérêts entre la commune et l’exploitant… La mairie est prudente avant d’engager la population par un contrat sur trente-cinq ans avec une nouvelle société qui embouteillerait à Massia, aux portes de Limoux. Alet était connue jadis, voilà soixante ans, de mémoire de tenilleur… pour sa limonade… Des bulles comme pour la Blanquette, de Limoux justement, premier vin effervescent au monde !

Sauf que les bulles étaient célèbres avant Alet de la limonade et Limoux de la Blanquette… Déjà appréciées depuis l’antiquité, mises à l’honneur par les Romains, les sources et fontaines au stade de stations thermales, jalonnent le secteur qui nous retient.




[1] Seuls les vignobles couvrant les coteaux préfèrent se situer en « haute » qu’en « moyenne » ou « basse » vallée… et si les départements n’ont plus voulu être en bas des Alpes ou des Pyrénées, ici ce doit être à cause de la mauvaise réputation que traînent les vins de la plaine.  

Source Alet-les-Bains Author --Pinpin
   

samedi 26 mai 2018

QUELLES LIMITES POUR LES CORBIÈRES ? / Aude, Languedoc, Occitanie.

Pardon mais la technique n'acceptant pas de passer l'introduction, j'essaie en coupant l'article en deux...

Un quadrilatère comme mis de côté par la géographie, seulement traversé par une pénétrante NE-SO : ce qui reste d'une nationale historique (RN 613 Montredon-Corbières / Couiza, 75 km). A peine 234 kilomètres de tour qui soulignent l'aspect trapu de ca pays perdu d'environ 2500 km2 de superficie. 
L'autre ligne, presque diagonale, qui irait de Carcassonne à Cucugnan, marque, d'Est en Ouest, la transition entre climats méditerranéen, océanique et montagnard en altitude. D'un côté des croupes pelées, la garrigue, les vignes, les moutons blancs, au-delà, les montagnes vertes, le maquis, les prés, des moutons noirs sinon des vaches ! (voir carte ci-dessous). 


Quillan Aude Author ken poland
Au départ d’Axat, en partant du coin qui voit le fleuve buter sur les Corbières et avant Quillan, l’Aude, coulant vers le Nord, taille de ses gorges remarquables les hauts reliefs de la Forêt des Fanges (700-1000 m.). Le fleuve doit se frayer un passage vers Carcassonne. Avant de creuser dans des terrains de même nature géologique sur ses deux rives (en gros à partir d'Alet-les-Bains), il tranche à droite dans les vieux calcaires et les schistes primaires caractéristiques du Massif de Mouthoumet. Concentrant la population, sa vallée (voir plus loin « La Goulotte audoise »), encore fringante d’un dynamisme industriel ancien, draine et contribue au maintien d’un arrière-pays moins favorisé comptant, rive gauche, le Quercorb et ce qui reste du Razès, jadis un vaste comté allant du Lauragais au Conflent. Rive droite, il ne reste rien de ce comté englobant le Peyrepertusès sinon Rennes-le-Château son ex-capitale. 

De Quillan à la confluence avec la Sals (Couiza), pour simplifier, le plateau de Rennes-le-Château, justement (entre 400 et 600 d’altitude), appuyé sur les Crêtes d’al Pouil (1037 m.), le secteur reste marqué par des histoires moyenâgeuses de fausse-monnaie, de Templiers, et, plus proche de nous, d’argent, avec le cas sulfureux de l’abbé Saunière. 

Aude Lauquet Author Tybo2

Ensuite, et cela concerne, grosso modo, le cours du Lauquet qui arrive à tracer vers le nord sans verser à droite vers l’Orbieu et sans encore rejoindre l’Aude à gauche, en amont de Limoux,  cet autre château d’eau des Corbières présente pour le moins une masse à plus de quatre cents mètres d’altitude culminant vers l'intérieur (Bouisse) au-delà des neuf-cents : un rude pays pourtant peuplé au fil de l’Histoire.
Au Nord, si les reliefs plus modestes et tassés semblent avoir assoupli les rigueurs du pays de Bouisse, paradoxalement, le dépeuplement a fait rayer de la carte une commune : le village de Molières-sur-Alberte, abandonné dans les années 60.   

Aude Ruines-_Prieuré_Saint-Pierre_d'Alaric Author Anthospace


Photos autorisées Wikimedia commons. 

mardi 13 décembre 2016

DE LIMOUX à PARAHOU-le-PETIT (André Galaup) / Terres d'Aude

Voilà un an que j'attendais de parler, de remémorer cette histoire de Panfilo et de sa jument Magloire. Le vent pénétrant des Hautes Corbières sous les tourbillons de neige, l'ambiance des gros bourgs se préparant aux réjouissances de Noël me font toujours tant frissonner de bonheur que j'imagine sans peine, après la nuit et le froid, les images rassurantes de l'homme tapant des pieds sur son seuil puis se frottant les mains devant la cheminée aux flammes plus vives qu'à l'habitude.    
Nous devons cette jolie histoire de Noël à André Galaup de Limoux, devenu écrivain à la retraite, inspiré, enchanté par son pays, en remontant l'Aude vers les Pyrénées. 

Il faut dire que le voyageur qui ne fait que passer est déjà charmé par les paysages, tant naturels qu'humains. S'il s'attarde un peu, pour la Blanquette, les carnavals, le château de Joyeuse, les bains (et la limonade !) d'Alet, la fête du cochon à Laval (1), les chapeaux ou le formica, le charme agit, les bonnes raisons d'y revenir ne peuvent que se multiplier. Notre voyageur (ne le confondons pas avec un touriste ordinaire...) peut penser aussi que ces contrées si riches et diverses doivent assurément transcender une proportion certaine d'êtres, natifs ou adoptés, qui, nourris à ces sources, poursuivent l'écriture d'un livre dont les chapitres racontent une histoire vieille d'au moins deux mille ans.


Les générations n'y suffisent pas : il y aura toujours quelque chose à découvrir, quelque énigme à déchiffrer concernant une région aux paysages si divers, remplie d'Histoire, de richesses, de mystères propres à nourrir les fantasmes les plus fous (2). La vallée, en remontant, continue de drainer des pays jadis aussi enclavés que fermés (le Trou du Curé, le défilé de Pierre-Lys, ne permirent le passage vers les Pyrénées, le Fenouillèdes et le Roussillon qu'à la veille de la Révolution !) mais au renom dépassant les frontières (3).    

Tel le bavard de service prenant trop de temps pour présenter une œuvre qui n'est pas de lui, je vous ai assez ennuyés avec mes raisonnements. Sans attendre davantage, suivons la jardinière de Panfilo et de la jument Magloire entre Limoux et Parahou-le-Petit.  

http://rennes-le-chateau-en-quete-de-verite.e-monsite.com/accueil/page-46.html

(1) Nous demanderons à monsieur Reverdy de bien vouloir l'évoquer... 
(2) Autour du trésor des Wisigoths, des Templiers, des Cathares, des seigneurs frappant fausse monnaie, de l'abbé Saunière, de la quête des nazis, de la visite du futur Jean XXIII, sans parler des fèdos ou des lutins Bug et Arach, plus familiers...   
(3) du Razès et du Kercorb bien sûr ! 

Pour ceux qui rechignent à multiplier les clics et les ouvertures de pages : 

DE LIMOUX A PARAHOU-PETIT
                                                         AVEC PANFILO ET SA JUMENT « MAGLORIA»

 
     La veille de Noël tombait cette année là un vendredi. Jamais on n'avait vu autant de monde au marché de Limoux. Les auberges avaient fait le plein. De tous les villages, de toutes les fermes, les gens étaient venus faire leurs emplettes.

   Dans cette foule, il y avait un nommé Panfilo, demeurant une  ferme située dans les parages de Saint Louis de Parahou. Fidèle à la mode des bouviers de son petit pays, il avait revêtu une belle blouse et portait un mouchoir autour de son cou.
1-7.jpg   Avec sa jardinière et sa jument, il avait descendu deux sacs de maïs, quelques chapons, des canards gras et une dizaine de foies gras. Avec le produit de la vente, il acheta quantité de provisions, de bonnes choses, des tourons et quelques bonnes bouteilles de blanquette et de vin  Anne de Joyeuse. Assez de vivres pour passer un bon Noël et rester bien au chaud si la neige venait à assiéger pendant plusieurs jours.
Ayant beaucoup de chemin à faire, de bonne heure, c'est à dire, en début d'après midi, Panfilo attela « magloria » (sa jument) qu'il avait laissée dans une étable du côté de la place au bois et quitta aussitôt Limoux.
 Dans l'étroit d'Alet de lourds nuages gris écrasaient les montagnes. Quelques flocons de neige venaient choir sur son capuchon, sur les oreilles et la croupe de « magloria ». Deux ou trois petits coups de fouet, la bête prit le petit trot. Ainsi on gagna Couiza.
 Panfilo et son attelage auraient bien pris la grande route directe : la voie romaine de grande communication Carcassonne Roussillon par Rennes-le-Château, le Carla, le Bézu. Ils se seraient arrêtes à l'auberge de la Jacotte où en cette veille de Noël, il devait y avoir bonne compagnie. Puis, par les Tricoires et le col du Moulin à Vent il aurait pu regagner sa ferme près de Parahou Petit. Mais il fallait que Panfilo passe par Rennes-les-Bains pour charger des choses à remonter.
 Tombée de bonne heure, la nuit enveloppait la station thermale et la neige en flocons plus gros recouvrait le sol de quelques centimètres déjà, lorsque Panfilo arriva aux Bains de Rennes. A la lueur de la lanterne, il attacha sa jument à un arbre sur la place et alla rapidement manger un morceau dans la salle du café-auberge ou régnait une atmosphère de rires sonores.
  Demi-heure après :hi !hi ! « magloria ». L'attelage repartait. Par un froid aussi vif, on ne pouvait rester longtemps assis sur une voiture. D'autre part, la neige tombant plus drue et à gros flocons, la marche devenait de plus en plus pénible. La lanterne n'éclairait qu'à une paire de mètres . Là haut, sur le plateau du mas, le vent secouait les buissons. Les arbres s'agitaient prenant les apparences de grands fantômes de la nuit. Au pont du Caïram, la jument s'arrêta net.
  Rien à faire, « magloria » ne voulait plus avancer. Levant le fanal, Panfilo éclairait au-devant de la jument. Brrr ! Un cercueil, en plein travers, barrait la route. Panfilo fut saisi de frayeur. Ses dents claquaient. Il fallait aviser. S'armant de courage, il déplaça le cercueil. Jument et jardinière passèrent. Après quoi, il remit à nouveau le cercueil en  travers de la route. De l'intérieur une voix se fit entendre:
 «  As pla faït de me tornar en plaça, sinon éres mort » (tu as bien fait de me remettre en place, sinon tu aurais été mort).
  Il paraît que beaucoup de voyageurs attardés vivaient la même scène en passant au pont de Caïram.
2-1.jpg Un peu plus loin, avant d'arriver à Bugarach, au ponceau du Rec-des-Fangots, Panfilo entendit des chaînes ? Du fouet, il hâta le pas de la jument.
  A nouveau, après Bugarach, en  passant sous le Pic et les parages du Lauzadel, au pont de Rouffet, Panfilo entendit à nouveau des bruits de chaînes. Cela se produisait souvent dans ces parages hantés. Ces bruits de chaînes dans le silence ouaté de la neige lui remirent en mémoire des choses qui s'étaient passées l y a fort longtemps sur le plateau du « Trauc de la Reilha ».
 Ce pays se situe entre 750 et 800 mètres d'altitude où se joignent les lmimites territoriales de quatre communes. Là, se souvint Panfilo, un homme avait perdu son épouse. Il l'avait portée au cimetière. Or, animé par l'esprit de malfaisance, un voisin revêtu d'une longue chemise blanche flottante venait en agitant et en traînant des chaînes, par les pâturages de nuit, faire peur au veuf . Ce dernier pensait que sa femme revenait lui rendre visite. Lassé et ulcéré par ce manège, il s'écria un soir :
« Mafisa té qui si té torni portar al cimentéri, tornaras pas ». (méfie-toi que si je te ramène au cimetière, tu n'en reviendras pas).
  Le fantôme continua sa pantomime. Le veuf s 'arma d'une fourche, se rua sur le revenant, l'embrocha et le transperça. Panfilo se souvint aussi d'une autre histoire arrivée durant la guerre de 1914-1918. Le propriétaire d'une ferme des parages du Trauc-de-la-Reilha mourut. Hélas, le menuisier de Bugarach était mobilisé. Personne pour faire le cercueil. On monta de la ferme de Linas, une caisse servant à mettre les jambons, les caisses de conservation des jambons ont généralement une forme de cercueil avec toutefois un peu plus de profondeur. Dans cette caisse à jambons ; on enferma la défunte . Avec des vaches et la charrette du domaine du Capitaine, on descendit jusqu'à l'église. Mais le curé était également mobilisé. A défaut de prêtre, un jeune séminariste de Bugarach qui portait déjà la soutane revêtit les ornements du prêtre mobilisé et officia dans les limites de ses compétences sacerdotales avec des enfants de chœur de Bugarach.
  Chemin faisant, tout en ruminant ces veilles histoires, Panfilo arriva à sa maison près de Parahou le Petit, où sa femme et un grand feu de bois l'attendaient. Le temps de mettre « magloria » à l'étable, il s'abandonna dans la douceur du foyer.

Copyright André Galaup

"Rennes-le-Château, en quête de vérité", paru en 2012, où il démythifiait l'affaire du trésor de l'abbé Saunière, démontrant les affabulations étalées depuis cinquante ans, voici qu'il offre à ses lecteurs un nouvel opus inédit intitulé :"Les abbayes du Razès" celles de Saint-Hilaire, Rieunette et Saint-Polycarpe (2015).
André Galaup ≈ Les mystères de la Vraie langue celtique et du Cromleck de Rennes-les-Bains. Le secret d’une noble Dame (2015).
André Galaup (1938-2021) 
photos autorisées : 
1. Limoux Pont-Neuf auteur Tournasol7. 
2. Couiza, château des ducs de Joyeuse, auteur Kojac1. 
3. Rennes-les-Bains, pont sur la Sals, auteur Corlin.