dimanche 14 mai 2017

CHRONIQUE D’UN DÉPLACEMENT PRESQUE ORDINAIRE / Mayotte, La Réunion, Métropole


Bonjour mon fils,
j’espère que tu vas bien et que ta semaine de classe s’est bien terminée. A propos d’école, si ça ne t’embête pas, tu prendras ta rédaction en espagnol sur le marché de "San-Pedro-de-la-Mar" que papi aimerait te l’entendre lire.
 
Sinon, deux jours déjà sont passés et pour ne pas te dire que tu me manques, je vais te raconter ce voyage.
 
Oh, je sais, depuis plus de vingt ans que je fais des allers-retours, moi-même j’ai tendance à penser que ce n’est qu’un trajet de plus. Pourtant, chacun a sa particularité, sa part d’imprévu.
 



D’abord, puisque c’est si compliqué de rejoindre l’aéroport depuis la brousse, il faut bien que je revienne sur mes habitudes. C’est vrai qu’il ne fallait que trente minutes pour rejoindre la capitale avant... et vingt ans avant, on parlait en temps de route et non en kilomètres à parcourir. Aujourd’hui, pour faire ces mêmes trente bornes, il vaut mieux compter quarante cinq minutes et carrément une heure quand on a un avion à prendre. Alors, avant-hier, nos quarante minutes étaient plus que justes, me mettant, qui plus est, à la merci du moindre incident comme une crevaison (vous avez pensé à contrôler la pression des pneus ?). 



Là, cette Renault qui se traînait à trente à l’heure et qu’on a dû se coltiner sur une bonne moitié du parcours. Heureusement que la barge aussi était en retard et que malgré mon chargement, j’ai pensé à ne pas rester en arrière au cas où ils auraient à limiter le nombre de passagers ! 





Pour le taxi encore tout s’est d’autant bien goupillé que je ne me suis pas laissé impressionner par ce poids terrible dans mes mains.
En chemin, nous avons laissé le fils Bamana, l’intellectuel, aux studios de Mayotte Première. Nous nous sommes salués... il n’y aurait la surpopulation due à l’immigration, tout le monde se connaît... je parle des anciens, de ceux qui restent et entretiennent l’idée du microcosme. 

A l’aéroport, nous n’étions qu’une dizaine dans la file mais pour un seul comptoir... 35 minutes de patience donc... j’ai rassuré un monsieur qui craignait de ne pouvoir enregistrer alors que nous n’y étions pour rien. Souriante, la dame demande si j’ai bien le droit d’emporter deux bagages. Accommodant mais non sans confiance je précise que j’ai pris soin de lire, de relire les détails du billet et qu’en cas d’erreur je lui offre mes avocats en trop. Elle les aime, dit-elle en poursuivant l’enregistrement. Avec les cartes d’embarquement et le passeport, elle confirme que je n’ai pas fait erreur, que je n’ai rien à lui céder des 49 kilos d’avocats, de citrons, de courges... Nous sommes bien de la campagne et attachés à la terre. Et moi qui me sentais faiblard pour une quarantaine de kilos ! 


Puis j’ai bien pris soin de sortir l’harmonica qu’ils prennent toujours pour un chargeur de je ne sais quelle arme ! Je range l’ordi, je remets la ceinture, la montre, la banane, les papiers (cette fois pas les chaussures) quand le haut-parleur se met à grasseyer « Les voyageurs ....ova et Dedieu sont priés de s’adresser au personnel de l’aéroport...» La dame du contrôle me renseigne, montrant dans mon dos : « Il vient vous chercher...»
 
Et c’est bien un policier qui me demande de le suivre
« Vous savez ce que vous avez dans vos bagages ? ».
- Oui, je sais...je n’ai rien de spécial... Je pense à  ce que j’ai sur moi, je reste calme, confiant et je ne comprends pas...
A chaque porte bloquée, il présente son badge et nous descendons dans les entrailles de l’aéroport... deux policiers aux frontières, deux gendarmes et ma valise rouge apparaît... c’est donc un contrôle du chargement en soute... 
- Ouvrez, monsieur s’il vous plaît.
Les deux cartons remplis de courges, d’avocats, de citrons apparaissent, les papiers, les slips et les chaussettes pour caler et amortir, le petit emballage avec le démarreur en échange standard aussi.
- Monsieur, peu de personnes savent que les pièces usagées ne peuvent être transportées qu’exemptes de graisse et d’essence... Avec un cutter, le policier défait le carton si soigneusement ajusté pour que le lourd démarreur ne se balade pas comme une cargaison mal arrimée à fond de cale. Finalement il déclare que la pièce est propre...
Nous repassons les portes bloquées alors que tout le monde embarque déjà... 

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