vendredi 21 octobre 2016

TOUR DE L’ÉTANG DE VENDRES VIII / les pampres de Bacchus nous protègent !


Voilà vingt-cinq ans, pourtant, le spectacle de deux grues m’a été offert ici ; aussi surprises que moi, elles s’étaient envolées... quelques secondes inoubliables même si je ne sais plus trop bien si elles avaient un plumet à la queue ou sur la tête, l’influence de la télé sûrement. J’ai dû le dire à Florian mais l’envie, le ton n’y étaient pas. Dommage, ces beaux oiseaux méritaient des souvenirs plus radieux, ainsi que l’endroit, d’ailleurs, en haut du pont des pâtres, connu paraît-il, pour ses fossiles. Un joli coin surtout pour ses petites vignes, en gradins avec, à l’abri des tables de calcaire, des figuiers épanouis et jadis des ruches. Laissons la vision bucolique : les patins frottent sur la jante, il faut encore régler. 

Un tracteur approche. Salutations. Il propose ses outils.
« Tout va bien, merci ! » Chapeau la solidarité, comme avant ! Sa tête me dit quelque chose ; je le connais au moins de vue ; il me semble qu’il était porte-parole d’un syndicat, peut-être des jeunes viticulteurs... 

Le pont des pâtres et « son dos bossu » qui me rappelle monsieur Puel, mon vieux prof revenu à la poésie (1). Allons, plus question de lambiner ! Faut y aller maintenant, à quinze à l’heure, nous y serons pour le souper, avant qu’à la maison on ne s’inquiète ! 

« Papa ! J’ai perdu ma pédale ! »
Une seconde, j’ai envie de m’exclamer que c’est une blague, que ce n’est pas possible ! Mais si, mais si ! En plein élan ! Pas de bobo ? Au moins ça. C’est la pédale gauche, celle qui se visse à l’envers. Revissons, on ne sait jamais... Quatre tours et par terre à nouveau et pas la bonne clé. Rien ne saurait nous arrêter, même avec une seule patte, même si je dois le pousser ! 

«... Comme il disait ces mots, Du bout de l’horizon accourt avec furie... »
Non ! pas de tempête...merci ! la journée a déjà eu son lot de péripéties et là c’est tout proche, juste derrière le fossé que le tracteur de tout à l'heure ronronne tant l’épamprage auquel il se livre le fatigue peu.
Une clé plate de quinze ? Il a. Tandis que je serre, j’avance qu’il est resté « jeune viticulteur », que je le connais. Lui, se contente de sourire, solidaire, généreux aussi de ses conseils (il pratique le VTT) mais discret. Je lui raconte nos déboires, ce qui ne l’étonne pas : des procès actuels ou récents auraient mis aux prises  la municipalité de Lespignan et le manadier envahissant sauf que la tauromachie qui est derrière a ses avocats... Nous parlons de la triste récolte qui s’annonce. Ici, grâce à la rivière, il a pu arroser et ainsi ne pas tout perdre.Trêve de curiosité. Rendons le à son tracteur et aux feuilles de vigne ! Merci l’ami pour le dépannage et pour ce moment ! Merci pour tout, providence des pampres !


Un chemin de terre permet de rejoindre les bords d’Aude. Une pensée pour les copains Claude et Jean-Pierre qui avaient des vignes ici, à l’Arénas. A présent il y aurait des arènes quelque part...
Nous rejoignons un itinéraire connu. Un rythme soutenu me laisse quand même mettre dans la balance l’oppression brutale d’un nouveau monde latifondiaire auquel nous fumes exposés, d’une part, et le coup de main solidaire du vieux monde, rebelle, de la vigne, qui nous a bien tirés d’affaire, de l’autre... 

En regrettant de n’avoir pu apprécier avec la sérénité nécessaire, depuis les collines cuites, épuisées, la vue sur l’étang tant nous étions nous-mêmes cuits et éprouvés, le jeune viticulteur me revient... Il était de ceux qui ont pris le relais des vieux « dynamiteros » des commandos d’action viticole (CAV), ceux qui, entre autres faits, avaient pris d’assaut, à Sète, un cargo qui livrait du vin chimique à la demande sans que les pouvoirs publics s’en soient pour autant inquiétés. Clandestinité et discrétion obligent... salut résistant ! 


Quelques jours plus tard, nous entendons à la télé la fameuse réplique de petit Gibus dans « La Guerre des Boutons », "Si j'aurais su, j'aurais pas venu"... J’ai aussitôt évoqué notre tour de l’étang de Vendres, sans insister : Florian est si content d’avoir battu son record, 45 kilomètres désormais, et d'être passé de deux à quatre pour le nombre de lapins vus cette fois ! 
  
(1) https://dedieujeanfrancois.blogspot.com/2016/07/nos-plages-avant-hommage-maurice-puel.html 

photos autorisées commons wikimedia : 
1. Grus grus, grue cendrée auteur Ibex73. 
2. Carignan Feuilles auteur Véronique Pagnier.

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